Troisième du Grand Prix Coupe du monde d’Amsterdam, Helwell du Chabus a entamé 2025 de la meilleure des manières. Depuis l’été dernier, cette puissante baie, qui avait fait sensation dès ses jeunes années, notamment sous la selle de Virginie Thonon, a trouvé en Jur Vrieling le parfait partenaire pour exprimer pleinement son talent. Dans l’ombre, Françoise Legros savoure avec modestie les exploits de sa perle. Au Sud de la Belgique, l’éleveuse à l’origine de l’affixe du Chabus continue de faire naître quelques poulains par an, profitant avant tout du bonheur de les côtoyer au quotidien. Pour Studforlife, elle revient sur son histoire et celle de sa crack par Elvis Ter Putte.
La première partie de cet article est à (re)lire ici.
Pour Françoise Legros, l’histoire qui la lie à Helwell du Chabus démarre il y a plus de vingt ans, au début des années 2000. L’éleveuse se met en quête d’une jument issue du croisement entre Clinton et Heartbreaker. Entre ces deux courants de sang, la magie opèrera pour Consul dl Vie, Ebolensky, Ensor et Utrillo vd Heffinck, Flinton, mais surtout Windows vh Costersveld, alias Cornet Obolensky, quelques années plus tard. Dans ses recherches, l’ancienne infirmière tombe sur une certaine Wietje, une fille de Clinton et petite-fille d’Indoctro, alors gestante d’Orlando, un fils de Heartbreaker. “Nous sommes allés chercher cette jument chez Jan Aegten, dans le Limbourg”, raconte Françoise. Propre sœur d’Amigo, et sœur utérine de Ferenzo (Amant M, alias Arezzo VDL), qui ont tous deux évolués jusqu’à 1,45m, la BWP donne naissance, quelques mois plus tard, en 2002, à une pouliche, baptisée Campbell. Dotée de la robe crise de sa mère, léguée par Clinton, la jeune jument grandit paisiblement, engendre son premier poulain en 2006, Ginkgo du Chabus, un fils de Cicero van Paemel, avant d’attaquer le travail. “Campbell était une grande jument, très souple et puissante. Elle montrait vraiment énormément de moyens”, pointe sa naisseuse.
Sous la selle du Brésilien Erik Kalevi-Jordan, Campbell participe à quelques épreuves du Cycle belge de saut d’obstacles, entre 2007 et 2009. Son cavalier partageant son temps entre la Belgique et son pays natal, la belle sort de manière plus ou moins régulière, jusqu’à ses premiers parcours à 1,30 et 1,35m. Finalement, Françoise décide de la vouer à l’élevage, où elle engendrera huit produits. Elle la marie une nouvelle fois à Cicero van Paemel en 2009, puis à Bamako de Muze en 2010, avant de se tourner une première fois vers Elvis Ter Putte en 2011. Reproduit une deuxième fois l’année suivante, ce croisement donnera Helwell du Chabus, un jour de mai 2013. “Campbell m’a particulièrement marquée. J’avais un rapport très particulier avec cette jument. Lorsqu’elle me voyait dans son pré, elle venait toujours vers moi et se plaçait pour que je lui fasse des gratouilles”, se souvient Françoise.
Helwell du Chabus pouliche. © Françoise Legros
Un tempérament affirmé et du talent à revendre
Pouliche, Helwell se montre “plaisante et correcte”, mais son éleveuse reste réaliste. “Je ne suis pas une rêveuse”, lance-t-elle. “Dès lors que les poulains n’ont pas encore sauté, il est très difficile de juger de leurs qualités. Elle se déplaçait très bien, mais je mentirais si je disais que je lui prédisais la carrière qui est la sienne aujourd’hui.”
Comme sa mère, ses oncles, tantes, frères et sœurs, Helwell ne tarde pas à révéler un caractère affirmé. “Cette lignée a donné des chevaux dotés d’un certain tempérament. Tous sont grands, pleins de force, avec du sang et savent ce qu’ils veulent ou ne veulent pas ! Ils ne sont pas les plus faciles au travail, ni destinés à des profils amateurs. Ce sont des chevaux très réactifs, très vifs”, expose Françoise. “Helwell était très spéciale. Jean-Philippe Cas a effectué son débourrage. Elle n’a posé aucun problème, mais ne voulait pas le laisser mettre pied à terre ! Il n’y avait pas de méchanceté chez elle, mais elle avait une extrême réactivité.”
Grâce aux bons formateurs, Helwell du Chabus, ici à trois ans, peut désormais briller au plus haut niveau. © Collection privée
Après avoir élevé Lou Hell du Chabus, une fille de Fantomas de Muze, Helwell découvre officiellement la compétition à cinq ans, pour quelques parcours aux côtés de son premier cavalier, Jean-Philippe Cas. En fin d’année, la puissante baie séduit une certaine Virginie Thonon, excellente formatrice de jeunes chevaux qui a vu passé quelques cracks sous sa selle. “Au fur et à mesure du travail, Helwell a commencé à vraiment montrer son potentiel”, reprend Françoise. “Certains chevaux de Virginie Thonon passaient quelques temps au pré à la maison. À l’automne, lorsqu’elle venait les récupérer, il était de tradition qu’elle essaye certains produits de l’élevage. En 2018, elle a donc monté Helwell. Après à peine dix minutes sur son dos, elle en était complètement fan et l’a prise avec elle ! Je pense que Helwell dégageait quelque chose de vraiment particulier.”
Le sentiment des deux expertes se confirme rapidement. Du côté de Gorla Minore, où Virginie Thonon présente sa nouvelle sa nouvelle pépite pour la première fois sur la scène internationale en mars 2019, la foule se masse autour du paddock pour observer le duo en action. “Helwell et Virginie attiraient du monde autour de la piste pour leurs parcours”, sourit l’éleveuse de la SBS. Les exploits de la baie brune, qui fait étalage de ses moyens à chaque saut, ne tardent pas à susciter les convoitises et Katharina Peter, la mère de Nadja Peter-Steiner, s’offre la jeune star en devenir et la confie à sa fille.
Avec Jur Vrieling, Helwell atteint l’élite
“Bien que Nadja soit une très bonne cavalière, très fine, elle a mis du temps à faire couple avec Helwell. Cette dernière avait tellement d’énergie et d’entrain qu’elle s’enfermait et avait du mal à venir se tendre”, décrypte Françoise. Malgré tout, la paire féminine parvient à signer plusieurs sans-faute sur les épreuves jeunes chevaux avant d’aborder avec réussite leurs premières épreuves à 1,45m en 2021. Très régulière à ce niveau, Helwell quitte les rênes de son amazone suisse en 2022 et pose les sabots en Allemagne. La fille d’Elvis Ter Putte intègre alors le piquet de Holger Hetzel qui l’accompagne sur ses premières 1,50m. À l’exception d’une virée espagnole à Oliva sous la selle du triple champion olympique Ben Maher, Helwell poursuit sa route avec l’Allemand jusqu’à fin 2023. En décembre de cette même année, la belle rejoint Sophie Hinners, valeur montante de la Mannschaft. À l’aube de ses onze, la jument n’a encore jamais sauté plus d’1,50m sur la scène internationale. Après avoir montré ses talents dans une épreuve de Six Barres, elle dispute trois parcours à 1,55m avec Sophie Hinners, sans clear round à la clef, et file chez Jur Vrieling durant l’été 2024. Là, la SBS explose et laisse parler son potentiel.
La fille d'Elvis Ter Putte a passé quelques années aux côtés de Nadja Peter-Steiner. © Sportfot
D’entrée, Jur Vrieling engage sa nouvelle complice dans sa première épreuve à 1,60m, à Rome, et se classe neuvième. Et le duo enchaîne. Troisièmes des Grands Prix 3* de Wiener Neustadt et Leeuwarden, gagnants de celui de Herning, sans-faute lors de la demi-finale de la Global Champions Ligue de Riyad, cinquièmes de l’épreuve reine du CSI 4*-W de Poznan, lauréats du temps fort du CSI 4* de Francfort, puis troisièmes du Grand Prix Coupe du monde d’Amsterdam début janvier 2025, pour leur toute première apparition à ce niveau, les deux complices ne ratent rien. La consécration est enfin là pour la si talentueuse Helwell du Chabus.
“Helwell était si particulière qu’il lui fallait trouver le binôme parfait”
Bien qu’elle ait quelque peu perdu sa trace lors de ses années sous pavillon allemand, Françoise savait la meilleure représentante de son affixe capable d’accéder au plus haut niveau. “Je n’ai jamais, jamais douté de la qualité de Helwell, ni de son talent”, martèle-t-elle. “À six ans, elle sautait naturellement en haut des chandeliers, sans jamais qu’elle n’ait été effrayée par les barres. L’équitation est une histoire de couple. Helwell était si particulière qu’il lui fallait trouver le binôme parfait. Jur Vrieling et elle se sont trouvés. C’est un peu l’histoire de tous les chevaux.”
Avant d'atteindre les sommets aux côtés de Jur Vrieling ces derniers mois, Helwell du Chabus a fait un passage en Allemagne, notamment sous la selle de Holger Hetzel. © Sportfot
D’ailleurs, l’éleveuse accorde beaucoup d’importance au fait de former des couples et d’offrir le meilleur à chaque poulain qui croise sa route. “Je cherche à produire des chevaux de la meilleure qualité possible. Une fois qu’ils sont nés, je m’efforce de trouver le meilleur chemin pour chacun d’eux, en fonction de qui ils sont. Personne ne fait naître que des cracks. D’ailleurs, on ne sait pas quel sera l’avenir des poulains à la naissance, ni même après. Mais j’essaye de trouver la bonne personne pour chacun de mes chevaux. Certains sont faits pour des amateurs, d’autres pour des professionnels. Mon défi est de faire en sorte que les propriétaires et cavaliers soient heureux et que tout se passe bien. Je ne fais pas la course à la compétition ou à l’argent ; je fais plutôt celle au plaisir et au bonheur. Évidemment, au plus haut niveau l’argent est fondamental, mais ce n’est pas ce qui me fait me lever tous les jours pour aller aux écuries”, confie Françoise.
Et si les performances de Helwell la réjouissent indéniablement, un autre point lui procure tout autant de satisfaction. “Helwell est une bonne jument, mais a une histoire assez simple en termes de génétique. Son croisement était réfléchi, évidemment, mais cela s’arrête là. Lorsque je vois certaines juments avoir des dizaines et des dizaines de poulains, je trouve que l’on dévalorise un peu ce que l’on a… Je ne suis pas très partisane de toutes ces choses-là, de tous les moyens qui sont mis en avant pour produire de plus en plus de chevaux”, glisse-t-elle.
Le bonheur est dans le pré
En attendant d’avoir l’opportunité d’assister à une performance de sa chère Helwell en vrai, sur un terrain de concours, voire, dans ses rêves les plus fous, la récupérer pour sa retraite sportive, Françoise continue son œuvre, patiemment et avec une discrétion et une modestie qui semblent bien la caractériser. Garni par cinq lignées différentes, l’affixe du Chabus compte des jeunes chevaux prometteurs, dont No Touch du Chabus, un fils d’Untouchable 27 issu de la même famille qu’un certain Royal Earl du Chabus. “Il prend six ans cette année et je pense qu’il a vraiment beaucoup, beaucoup de moyens et le dernier respect ! Il est un peu tardif dans son caractère et demande du temps. On répète lentement les choses avec lui, en le désensibilisant et en faisant en sorte qu’il comprenne ce qu’on attend de lui”, précise l’éleveuse, qui dit aussi être séduite par le jeune Philomel du Chabus, un fils d’Elvis Ter Putte et Inabell du Chabus, une sœur utérine de Helwell par Nabab de Rêve. “Il vient d’être débourré et me plaît bien. C’est un grand cheval, qui bouge bien. Nous ne l’avons fait sauter qu’une fois en liberté et je ne veux pas exagérer, mais il a vraiment montré des choses très plaisantes.”
L’avenir s’écrira peut-être aussi à travers les descendants de Ouwell du Chabus, dernière fille de Campbell et propre sœur de Helwell. “Je conserve Ouwell, qui a cinq ans, comme poulinière. Elle n’a pas du tout été valorisée. L’an dernier, elle a eu une pouliche par Comilfo Plus et est à nouveau gestante de cet étalon cette année. Ouwell ne ressemble pas du tout à Helwell, ni dans le modèle, ni dans la robe, puisqu’elle est grise comme sa mère ! Sur plein de points, elle est un peu la copie de Campbell”, sourit Françoise. L’éleveuse peut aussi compter sur d’autres jeunes reproductrices, dont elle préfère, pour l’heure, ne pas trop parler, faute d’un recul suffisant sur leur descendance.
Ouwell du Chabus, propre sœur de Helwell, et sa fille de Comilfo Plus, Clearwell du Chabus. © Françoise Legros
Quant à savoir ce dont elle rêve pour l’avenir, Françoise Legros ne souhaite rien d’autre que profiter de son petit coin de paradis, entourée de ses du Chabus chéris. “Je suis heureuse dans mes prés, avec mes chevaux. Si d’autres chevaux de l’élevage performent, je serai évidemment ravie, mais, mon plaisir au quotidien se trouve au milieu de mes chevaux. J’aime voir que mes croisements donnent des chevaux corrects, qui font plaisir à leurs futures familles. Si cela continue ainsi, c’est très bien”, tranche-t-elle. “Ce n’est peut-être pas trop dans l’air du temps de penser ainsi, mais lorsque je vois les ventes aux enchères se multiplier, j’ai l’impression que les chevaux sont devenus des objets. Je le regrette et je n’adhère pas à cette vision des choses. Le bonheur réside dans les choses simples de la vie, et, pour moi, il est auprès de mes chevaux.”
La très belle Clearwell du Chabus sera peut-être la future star de son affixe, mais, d'ici là, l'alezane aura tout le temps de grandir et mûrir auprès de son éleveuse. © Françoise Legros
Photo à la Une : La brillante Helwell du Chabus révèle tout son potentiel avec Jur Vrieling. © Tiffany Van Halle