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L’hégémonie suédoise se confirme à Riyad, où King Edward et Henrik von Eckermann marchent sur l’eau

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jeudi 18 avril 2024 Mélina Massias

Les voilà plus que lancés pour conquérir un deuxième titre en finale de la Coupe du monde Longines. Après une Chasse parfaite, King Edward Ress et Henrik von Eckermann se sont offert le Grand Prix du jour, support de la deuxième étape de ce championnat, à Riyad. Le Suédois et son roi ont pris tous les risques au barrage pour conserver leur leadership provisoire. Mission accomplie pour les deux complices, qui semblent intouchables. Deuxièmes, Peder Fredricson et Catch Me Not S sont plus en phase que jamais et seront les premiers rivaux des tenants du titre, samedi, lors de la grande finale. De nouveau à leur avantage aujourd’hui, Julien Epaillard et Dubaï du Cèdre n’ont pas dit leur dernier mot non plus et espèrent bien faire au moins aussi bien que l’été dernier à Milan. 

Une première manche parfaite, puis un barrage à couper le souffle, avec une prise de risque monumentale pour aborder l’ultime obstacle de cette deuxième journée de compétition à Riyad. Henrik von Eckermann et King Edward Ress sont au-dessus du lot dans cette finale de la Coupe du monde Longines, et ils le savent bien. Le Suédois, numéro un mondial, et son petit alezan à l'incommensurable talent se sont accrochés à leur première place, remportant, jeudi 18 avril, le Grand Prix support de la deuxième étape de ce championnat indoor. 

Le duo suédois ne pouvait rêver meilleure entame et une deuxième Coupe leur tend les bras. © Martin Dokoupil / FEI

Perfectionniste et toujours en quête d’améliorations dans son ressenti et sa connexion avec son hongre né chez Wim Impens, Henrik von Eckermann avait le sourire. Et pour cause. Après une Chasse qui l’avait déjà ravi dans la manière, le double champion du monde en titre et vainqueur sortant de cette finale de la Coupe du monde Longines a continué sur sa lancée. “C’était incroyable ! Nous avons réalisé deux très bons parcours. Mon cheval n’aurait pas pu mieux sauter du premier au dernier obstacle. J’ai eu un sentiment fantastique. Bien sûr, il y avait un peu de nervosité mais, malgré tout, j’ai pris du plaisir à monter aujourd’hui. La qualité de saut de King Edward était juste waouh, incroyable ! Peder continue de me mettre la pression, et je tenais à avoir la pole position pour samedi, même si beaucoup de choses peuvent encore arriver. C’est un bon sentiment pour moi. Peder me talonne, mais j’ai réussi à le laisser derrière moi”, a-t-il souri. Malgré deux ou trois sursis, où les postérieurs de King Edward ont presque effleuré les barres en première manche, ainsi qu’un abord moyen sur l’avant-dernier saut du barrage, la paire a survolé cette nouvelle épreuve, arrêtant le chronomètre en 43’’38, soit avec plus de deux secondes d’avance sur ses premiers concurrents. De fait, ses deux victoires lui assurent de débuter la finale en deux manches de samedi en tête des opérations, avec deux points d’avance au classement général. 

King Edward et Henrik von Eckermann semblent, une fois de plus, inatteignables. © Martin Dokoupil / FEI

King Edward peut toujours compter sur son ange gardienne, la franco suédoise Louise Barraud, qui l'accompagne à travers tous ses succès. © Dirk Caremans / Hippo Foto



Dans un style totalement différent mais tout aussi efficace, Peder Fredricson et Catch Me Not S ont également conservé leur deuxième place au classement général, après avoir terminé… deuxièmes du Grand Prix. Le gris et le Scandinave ont livré deux parcours d’école aux tribunes plus ou moins garnies de la piste intérieure choisie par la Fédération équestre internationale pour accueillir ces finales, malgré les nombreux droits humains bafoués en Arabie Saoudite. En osmose parfaite avec son atypique fils de Cardento désormais âgé de dix-huit ans, l’indissociable cavalier du génialissime et retraité H&M*All In de Vinck, Peder Fredricson a une nouvelle fois confirmé son statut de légende vivante de l’équitation, grâce à une légèreté indécente. Ne contraignant jamais son hongre malgré son attitude parfois légèrement horizontale, et le laissant sauter à sa façon, le Suédois a rendu deux copies de très, très haut niveau et surtout laissé une impression de facilité déconcertante. “Mon cheval a sauté de façon incroyable. Désormais, je n’ai plus qu’à échanger ma position avec celle d’Henrik”, s’est amusé Peder Fredricson. S’il y a bien quelqu’un à la hauteur d’une telle mission, c’est lui.

L'osmose qui se dégage de Peder Fredricson et Catch Me Not S est un pur régal. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Deux Américains, deux Belges, un Allemand et un Britannique en embuscade

Elle aussi a parfaitement respecté l’attitude de sa monture et signé une belle remontada. Invitée surprise du Top 3 du Grand Prix, Jill Humphrey, cinq-cent-soixante-quinzième mondiale et absente des pistes internationales de septembre 2018 à septembre 2023, a réussi deux excellents parcours avec Chromatic BF, son fils de Conor. Ensemble, le couple a confirmé sa bonne entame de la veille et réalisé l’un des quatre seuls doubles zéro de la journée. “Je suis tellement fière de lui ! Il a tout donné. Je suis honorée d’être en si bonne compagnie”, s’est émue la cavalière, accompagnée par deux légendes sur le podium du Grand Prix. “Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre, mais Chromatic continue de me surprendre et m’impressionner.” Grâce à sa performance, l’Américaine pointe en cinquième position, juste derrière Kent Farrington, leader du Stars and Stripes. L’Etats-unien, qui avait aujourd’hui sellé la brillante Greya, née Contina 47, a concédé une faute, se privant de barrage, mais conserve son quatrième rang, qu’il est désormais seul à occuper, grâce au parcours à quatre points le plus rapide de la partie. 

Performance impressionnante pour Jill Humphrey et Chromatic BF. © Martin Dokoupil / FEI

En effet, Julien Epaillard et Dubaï du Cèdre sont troisièmes à la veille de la journée de repos. La paire tricolore s’est montrée totalement souveraine sur les barres en première manche, avant de pousser une barre à terre au barrage. Cinquièmes de cette épreuve, le Normand et sa Selle Français Originel sont plus en course que jamais. En embuscade, les médaillés de bronze des derniers championnats d’Europe pourraient bien réitérer l’exploit, voire faire encore mieux.

À chaque sortie, Dubaï du Cèdre semble être de plus en plus souveraine. Et si c'était elle, la grande rivale de King Edward, à Riyad mais aussi à Paris ? © Dirk Caremans / Hippo Foto

Après un malheureux quatre points dans la Chasse, Pieter Devos et sa crack maison Casual DV ont parfaitement rectifié le tir, alignant deux prestations sans fausse note dans le Grand Prix. À neuf ans, la fille de Cornet Obolensky, né Windows van het Costersveld, et Just Me D, une descendante de Cicero van Paemel, a fait étalage de ses innombrables qualités. Très raisonnable au barrage, compte tenu de la faible expérience de sa surdouée et de l’avenir qui s’offre à eux, le Belge a grapillé de précieuses places au classement général pour pointer en huitième position. Le Diable Rouge est désormais à égalité avec Grégory Wathelet, dont le complice Ace of Hearts a sauté d’excellente manière. Pénalisés d’une faute au barrage, tous deux ont rectifié le tir après une première étape à huit points. Devant les deux Belges, Hans-Dieter Dreher et Elysium, né Ziroquado T, ont perdu deux rangs et sont cinquièmes, ex aequo avec Jill Humphrey. Le champion olympique Ben Maher, aux rênes de Dallas Vegas Batilly, a lui aussi fait les frais d’un premier parcours délicat et très bien construit par Frank Rothenberger, qui n’a laissé filer vers le barrage que sept couples. Toutefois, tout est encore possible pour le duo, septième, à neuf points de la tête. 

Casual DV est définitivement taillée pour le très, très grand sport et en a fait la démonstration, à tout juste neuf ans. © Dirk Caremans / Hippo Foto



Fortunes diverses

Premier à avoir trouvé les clefs du sans-faute après un début d’épreuve quelque peu chaotique pour certains couples peu habitués aux grandes confrontations internationales, Marcus Ehning a également opéré une intéressante remontée au classement provisoire avec Coolio 42. Malgré deux fautes au barrage, l’Allemand est désormais onzième. Si les chances de le voir entrer un peu plus dans l'histoire avec une quatrième victoire sur le circuit sont faibles, voire inexistantes, un bon accessit n’est pas à exclure. Surtout, le duo a engrangé une expérience bénéfique pour la suite. À égalité au onzième rang, Scott Brash et Hello*Valentino n’ont pas réitéré leur clear round de la veille mais ont toutefois confirmé leur très belle progression des derniers mois, concédant une faute dans l’acte initial du Grand Prix. 

Malgré une très bonne première manche avec Coolio 42, les chances de voir Marcus Ehning devenir le premier quadruple lauréat de la finale de la Coupe du monde en 2024 sont maigres. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Juste devant les deux champions, Jessica Mendoza réalise un début de championnat plus qu’encourageant avec I-Clap CL, plutôt très à son affaire aujourd’hui. La Britannique, installée aux Etats-Unis depuis plusieurs saisons, semble avoir retrouvé un partenaire pour briller à haut niveau. 

Jolie prestation pour Jessica Mendoza et son I-Clap CL. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Du côté des bonnes surprises, à noter le parcours à un point du local de l’étape Ramzy Al Duhami et sa surpuissante Untouchable 32, qui, bien que semblant parfois à l’effort, ont bouclé leur parcours avec seulement un point de temps dépassé. Devin Ryan et Martin Fuchs ont aussi fait mieux que la veille, réalisant tous deux un bon parcours à quatre points avec Eddie Blue et Commissar Pezi, tout comme Richard Howley et son Equine America*Consulent de Prelet. L’Irlandais regrettait d’en avoir trop demandé à son complice dans la Chasse, mais avait de quoi se réjouir de son parcours du jour. 

Sans qu’il y ait eu de catastrophe, Jeanne Sadran, Steve Guerdat et Christian Ahlmann n’ont pas réalisé une très bonne opération en sortant de piste avec huit points sur Dexter de Kerglenn, encore très plaisant en piste, Is-Minka et Mandato van de Neerheide. Enfin, les choses se sont vraiment corsées pour Max Kühner et la toute jeune Skylar Wireman, pourtant vus tous deux à leur avantage dans la première étape de ce championnat. L’Autrichien avait choisi de changer de monture et misait cette fois sur EIC*Juluis Caesar. Le hongre de dix ans par Couleur Rubin semblait ému de l’environnement et n’a pu éviter seize points, score identique à celui accumulé par Tornado, complice de l’amazone américaine si déterminée dans la Chasse. S’ils n’ont, sur le papier, pas tout perdu, tous deux figurent désormais à plus de quatre fautes de King Edward Ress et Henrik von Eckermann. Difficile d’imaginer ces deux-là concéder plus d’une ou deux fautes sur les deux parcours restants. De fait, le podium et la victoire devraient en toute logique se dessiner parmi les sept premiers du classement provisoire. Mais en championnat plus que dans n’importe quelle compétition, tout peut toujours arriver.

Les résultats complets.
Le classement provisoire complet.



Vendredi, les athlètes humains et équins profiteront d’une journée de récupération, sans obstacle au programme, avant d’affronter l’ultime morceau de cette finale, une épreuve en deux manches, programmée samedi à partir de 14h45, heure française. 

Photo à la Une : Le doigt levé, Henrik von Eckermann sait qu’il a fait un grand pas vers un nouveau sacre avec son intouchable King Edward. Dirk Caremans / Hippo Foto

Les épreuves de la finale de la Coupe du monde Longines sont à (re)voir sur Clipmyhorse.tv.


Aux lectrices et lecteurs de Studforlife

Ces derniers jours, des médias équestres de référence, tels que nos confrères allemands de St-Georg et nos consœurs scandinaves de WorldOfShowjumping, ont annoncé leur intention de boycotter ou de limiter leur traitement éditorial des finales des Coupes du monde de dressage et/ou de saut d’obstacles, qui se tiennent cette semaine à Riyad. L’attribution de ce sommet de la saison indoor à la capitale du royaume d’Arabie saoudite résulte d’une décision de la Fédération équestre internationale (FEI), annoncée fin 2019. Dans ce pays, un très grand nombre de droits humains sont bafoués, dont ceux des femmes et des personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+. Pour ne citer que quelques exemples, Salma al-Shehab, doctorante à l’université de Leeds, a récemment été condamnée à trente-quatre ans de prison, suivie d’une interdiction de voyager de trente-quatre ans pour ses écrits et son activité pacifique sur le réseau social Twitter ; “aucun des conjoints mariés ne peut renoncer à des relations sexuelles ou à la cohabitation avec l’autre conjoint sans le consentement de ce dernier, ce qui implique un droit conjugal aux relations sexuelles”, comme l’écrit l’organisation Human Rights Watch ; les opposants au régime risquent des peines de prison ou la flagellation en place publique, parmi d’autres sanctions ; et l’homosexualité est pénalisée de mort…

Dans le même temps, la FEI ne cesse de promouvoir l’égalité des genres, l’inclusivité au sens large du terme, et ses actions en la matière… Questionnés à plusieurs reprises au sujet de l’incohérence entre leur parole et leurs actes, les dirigeants de la FEI ont déclaré que cette attribution était en quelque sorte un encouragement envers le royaume du Golfe à poursuivre sa politique d’ouverture et ses réformes ayant trait aux droits humains. Certes, l’Arabie saoudite progresse, mais à tout petits pas. Depuis quelques années, par exemple, les femmes ont le droit d’assister ou de participer aux événements sportifs… sous certaines conditions. Cependant, il ne faut pas s’y tromper : cela ne fait toujours pas de ce pays une terre de libertés – très loin s’en faut – mais simplement un théâtre sportif et/ou culturel un peu plus présentable. Pour le régime autocratique saoudien, par ailleurs régulièrement mis en cause pour son soutien à des groupes terroristes islamistes, il s’agit surtout d’obtenir en termes d’image le retour sur ses investissements colossaux en communication, nourris par la manne pétrolière dont il bénéficie.

Respectant pleinement les choix et la diversité des sensibilités de ses consœurs et confrères, Studforlife a choisi de rendre compte des aspects sportifs de ces finales, comme la rédaction l’a toujours fait, où que se tiennent les épreuves. Il faut rappeler que des concours se déroulent de longue date en Arabie saoudite, mais aussi au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Chine, au Maroc, en Hongrie et en Pologne, parmi bien d’autres pays où les violations des droits humains sont plus ou moins graves et fréquentes. Le choix de Studforlife ne vaut nullement soutien à l’attribution de cet événement à l’Arabie saoudite par la FEI, qui tirera, à n’en pas douter, le bilan de ce choix controversé.