Bluffant. La, ou plutôt les prestations de Richard Vogel et United Touch S ont coupé le souffle du public genevois, venu, une fois de plus, en très, très grand nombre combler les allées et les tribunes de Palexpo. En conclusion de cette soixante-deuxième édition, les deux complices allemands se sont envolés, si haut, si haut, qu’ils auraient presque fallu ouvrir le toit de la piste indoor. Sur une autre planète, la paire était intouchable aujourd’hui. Mark McAuley et GRS Lady Amaro, ainsi que Christian Kukuk, associé à Checker 47 le savaient bien et se sont plus que délectés de leurs respectives deux et troisième positions.
Ce n’était un secret pour personne : United Touch S est d’une autre trempe. L’étalon de douze ans déborde de qualités intrinsèques. Moyens, amplitude, force, respect, sang, il a tout pour lui. Seulement, face aux parcours les plus difficiles de la planète équestre, qui plus est en indoor, où les lignes, les combinaisons et autres enchaînements deviennent encore plus corsés qu’à l’extérieur, le fils d’Untouched pouvait parfois sembler en difficulté. Cela n’en a rien été, dimanche 10 décembre, dans l’antre de Palexpo. Premiers à trouver les clefs du très délicat et passionnant parcours imaginé pour ce Grand Prix Rolex par Gérard Lachat, Louis Konickx et leurs équipes, le Westphalien, né chez Julius-Peter Sinnack, qui en est toujours propriétaire, et son cavalier, Richard Vogel, ont laissé tout le monde bouche-bée. D’ailleurs, ses poursuivants se savaient vaincus d’avance et toutes leurs tentatives sont restées vaines.
“Tout le respect revient à mon cheval et je ne peux pas le remercier assez pour ce qu’il a fait aujourd’hui”, s’est exprimé Richard Vogel en conférence de presse. “Cela fait un an et demi que j’ai United Touch et je le connais assez bien. Tout le monde a pu voir qu’il avait une très, très grande foulée. Pour cette raison, il a parfois besoin de se donner à cent vingt pourcents, notamment au premier tour, pour sortir sans-faute de ces lignes difficiles. C’est ce qu’il a fait aujourd’hui ! En tant que cavalier, j’essaye de lui rendre la tâche la plus facile possible. Il a tout donné. J’ai eu la chance, ou la malchance, de partir en numéro un au barrage. Hier soir, avant d’aller dormir, j’ai regardé le barrage de l’an dernier. Je pense que cela a été ma plus grande force aujourd’hui. Peu importe le scénario, je savais que pour remporter un Grand Prix comme celui-ci, il fallait tout donner. J’ai pris beaucoup de risques. Dans la dernière ligne, le contrat était de sept foulées pour tout le monde. Je mentirais si je disais que j’ai vu les six dès la réception de l’avant dernier, mais j’ai tenté et j’ai réussi. J’ai eu la chance d’être sans-faute et de mettre beaucoup de pression sur les suivants.”
Les suivants, un à un, ont échoué. Le premier à avoir fait les frais de ce couple hors-norme ? Steve Guerdat, pour le plus grand malheur de son public, qui se consolera toutefois de l’avoir vu remporter sa troisième finale du Top Ten Rolex IJRC vendredi soir. Associé à sa championne d’Europe, Dynamix de Bélhème, qui a dû ravir Laure et Frédéric Aimez, présents sur place ce week-end grâce à la belle initiative du CHI de Genève, qui les a mis à l’honneur samedi soir lors d’une cérémonie sur la piste principale, le Suisse a renversé l’avant-dernier obstacle du tracé raccourci, pour terminer quatrième. Pas de quoi, toutefois, entaché son excellent week-end, où ses trois chevaux, Vénard de Cerisy, Double Jeu d’Honvault et Dynamix, donc, se sont montrés brillants. “Je suis très content de notre performance aujourd’hui. Ma jument a sauté de manière incroyable et a signé une démonstration au premier tour. J’ai eu la chance et le malheur de voir le barrage de Richie. La chance, parce que j’aime ce sport et qu’il faut apprécier à sa juste valeur une telle prestation lorsqu’on en voit une. Cela n’arrive pas souvent et il faut savoir le reconnaître. Le malheur, parce que je savais que je n’avais aucune chance ou presque de le battre, compte tenu de l’expérience de ma jument au barrage. Je souhaite apprendre à Dynamix à aller plus vite dans cet exercice et je suis satisfait de sa prestation aujourd’hui. La faute que nous avons commise m’incombe ; je lui ai mis trop de pression en pensant aux sept foulées qui suivaient. Je suis cent fois plus heureux d’être quatrième en ayant essayé, que si j’avais été deux ou troisième sans prendre de risque. La victoire de Richie était la meilleure chose possible et ce que l’on pouvait souhaiter pour notre sport”, a salué le Jurassien en grand champion qu’il est. En arrêtant la montre en 38’’65, Steve Guerdat a été le plus proche des 37’’14 de Richard Vogel. Personne, pas même les plus rapides de la planète, ne l’ont chatouillé.
Wilm Vermeir et Iq van het Steentje n’ont pu éviter deux fautes au barrage, synonyme de septième place finale. Christian Kukuk, qui triomphait à Barcelone avec son bourreau du jour en octobre, lui, a opté pour une tout autre stratégie avec son brillant Checker 47, peut-être dans la forme de sa carrière ces derniers mois. “Le parcours initial était très, très difficile, mais c’est ce à quoi on s’attend en venant à Genève ou pour n’importe quel Grand Prix Rolex. Pour moi, le temps accordé (qui a piégé plus d’un duo, à commencer par l’excellent Elysium, né Ziroquado T, Daniel Coyle et Legacy, née Chaventele, ou encore Yuri Mansur et José Maria Larocca et leurs respectifs Alfons RA et Finn Lente, ndlr) a joué un rôle déterminant. Il était assez court. Les lignes étaient délicates et il fallait vraiment avoir un plan pour soi et son cheval. J’avais un très, très bon sentiment. Checker a une nouvelle fois particulièrement bien sauté. J’ai regardé le barrage de Richie et je me suis dit que c’était plié. Personne sur cette planète ne pouvait le battre aujourd’hui ! Je savais que je n’avais aucune chance. J’ai essayé de trouver le bon équilibre. J’ai eu un bon barrage, pas extraordinaire, mais bien. Si cela avait été encore mieux, je serais peut-être deuxième, mais pas premier. Je suis ravi avec cette troisième place. Checker et moi allons profiter d’une pause bien méritée et nous reviendrons l’an prochain !”, s’est projeté l’Allemand des écuries Beerbaum.
Auteurs d’un premier parcours parfait amplement mérité,Comme Wilm Vermeir, l’Américaine Jessica Springsteen n’a pu éviter deux barres lors de son retour en piste, malgré l’excellente forme affichée par son étalon olympique, Don Juan vd Donkhoeve, qui partage ses origines avec un certain Sherlock, né Novio vd Donkhoeve et lauréat la semaine passée de l’étape de la Coupe du monde de La Corogne.
Ne restaient alors plus que Mark McAuley et Julien Epaillard. Le second avait envie de prendre sa revanche, après sa deuxième manche ratée dans la finale du Top Ten vendredi soir. Toujours sur le dos de la même Dubaï du Cèdre, le Normand a finalement dû se contenter de la cinquième place, son chronomètre étant moins rapide que celui de Steve Guerdat et sa faute l’empêchant de se hisser dans le Top 3. Juste avant lui, son homologue irlandais avait heureusement eu un peu plus de réussite.
Du haut de ses dix ans, la toute bonne GRS Lady Amaro, qui fait partie des meilleurs de sa génération, a signé l’un des trois seuls doubles zéro de l’après-midi. De quoi réjouir son cavalier, qui a enregistré l’une des plus belles performances de sa carrière. “Cette épreuve est toujours difficile, et il faut des parcours de ce type parce que les meilleurs chevaux viennent ici chaque année. Ce Grand Prix est vraiment celui que j’ai envie de remporter. Je me souviens avoir assisté à la victoire de Pedro Veniss en 2016 depuis les tribunes. J’en avais des frissons. Depuis, Genève est mon objectif. Après le premier tour, je me suis dit qu'aujourd'hui était peut-être ma journée, mais après le barrage de Richard, j’ai perdu espoir. J’ai essayé, mais j’étais aussi réaliste ; je n’allais pas battre Richard”, a réagi en toute honnêteté l’Irlandais, installé non loin de la frontière suisse, aux écuries La Tuilière. La saveur de cette deuxième place sera d’autant plus spéciale que sa complice, fille d’Amaretto d’Arco, est le fruit d’une histoire de famille. “GRS Lady Amaro est une jument de dix ans, qui a été élevée en Irlande par mon oncle (Denis Hickey, ndlr). Mon cousin, Patrick Hickey l’a montée toute sa vie, jusqu’à ses huit ans. Cette année-là, Patrick est venu travailler pour moi et a amené Lady Amaro avec lui. Elle a toujours été très compétitive et a gagné beaucoup d’épreuves à 1,30 et 1,35m avec Patrick. Elle était très respectueuse, mais rien ne laissait imaginer qu’elle pourrait prendre part à un Grand Prix comme celui d’aujourd’hui. En fin de compte, je pense que les chevaux qui essayent et font de leur mieux pour sauter sont les meilleurs. Ils n’ont pas besoin d’être les plus démonstration ou de faire le show. Lady Amaro ne veut simplement pas toucher les barres. Elle se bat pour son cavalier et plus j’essaye, plus elle essaye avec moi, ce qui est un sentiment très agréable et rare”, s’est réjoui le sympathique irlandais.
Effectivement, aujourd’hui encore, comme à Stuttgart il y a un peu plus d’un an, Richard Vogel et United Touch S étaient dans une autre galaxie. Après avoir passé presque deux mois au Mexique, et laissé son étalon aux bons soins de son équipe, le jeune homme, promis à une gloire certaine, est encore entré dans une nouvelle dimension. Vainqueur de son premier Grand Prix 5* à Stuttgart en novembre 2022, Richard Vogel a parcouru un sacré chemin depuis. Dans l'un, si ce n'est le plus beau Grand Prix de l'année, il a prouvé à tout le monde qu'il serait un candidat plus que sérieux pour les échéances à venir, et notamment celle de Paris.
Photo à la Une : Richard Vogel et United Touch S ont littéralement survolé tous les obstacles à Genève. © Mélina Massias
Les épreuves du CSI 5* de Genève sont à (re)voir sur GRANDPRIX.tv.