Il y a quatre ans, Wilma Hellström n’aurait probablement pas osé rêver de faire partie de la très sélective équipe suédoise de saut d’obstacles. Cette année, la jeune femme, sacrée championne d’Europe avec son collectif à l’été 2023 et passé par quelques grandes écuries, a touché du doigt une sélection olympique. Finalement réserviste avec sa reine Cicci BJN, qu’elle prend le plus grand soin à préserver, la Scandinave garde le sourire et poursuit son chemin, entourée de jeunes montures très prometteuses, à l’image de sa nouvelle star : Eleven. Rencontrée à Equita Lyon, début novembre, la jeune trentenaire s’est confiée sur son année, son piquet de chevaux, son déménagement à venir, l’évolution de ses anciens partenaires Checker 47 et Hello Valentino et bien d’autres sujets. Entretien.
Comment vous sentez-vous, ici à Lyon ?
Bien ! J’adore être ici. C’est l’un de mes concours indoor préférés. C’est fantastique !
Quel bilan tirez-vous de votre année 2024, bien qu’elle ne soit pas encore totalement terminée ?
J’espère qu’il reste quelques bonnes semaines à cette année ! (rires) J’ai été proche d’intégrer l’équipe olympique (Wilma Hellström était cinquième du clan suédois avec Cicci BJN, Ci Ci Senjor x Tornesch, ndlr). Je voulais vraiment en faire partie, mais cela fait partie du sport. C’est un processus d’apprentissage. Cicci était très en forme toute la saison. Nous nous sommes vraiment concentrées sur cet objectif, donc nous n’avons fait que deux Grands Prix (au CSIO 3* de Mannheim puis au CSI 5* de Stockholm, ndlr) cette année et Cicci les a achevés au trois et deuxième. Elle a été excellente.
Beaucoup s’attendaient pourtant à vous voir faire partie du quatuor sélectionné pour les Jeux olympiques. Comment avez-vous vécu cela ?
C’est le sport et ce n’est pas ma décision. Nous avons fait tout ce que nous pouvions, mais les autres cavaliers ont tellement d’expérience ! Par rapport à eux et à leur vécu, je suis encore relativement jeune. C’est ainsi.
En qualité de réserviste, vous avez tout de même participé au stage de préparation organisé juste avant les Jeux olympiques par l’équipe suédoise. Qu’avez-vous appris lors de ce rassemblement ?
Oui, c’était génial. Être autour des autres athlètes était très cool. C’était très bien organisé et Cicci et moi avons passé quelques jours à Paris.
Avez-vous profité de ce séjour pour suivre d’autres épreuves des Jeux olympiques ? Qu’avez-vous pensé de l’ambiance sur place ?
J’ai assisté à l’hippique des épreuves de concours complet. C’était plaisant. Le public était super, en particulier lorsque les Français étaient en piste ! (rires) Pour leurs parcours, l’ambiance était vraiment incroyable.
“Il faut toujours garder les pieds sur terre”
Malgré le fait de ne pas avoir pris part aux épreuves des Jeux olympiques, votre progression ces dernières années est assez impressionnante…
C’est ça ! Il faut toujours garder les pieds sur terre par rapport à cela. D’une façon, il y a une forme de déception, et on se dit qu’on aurait vraiment aimé faire partie de l’équipe, et puis en prenant du recul, on voit les choses d’une autre manière. Si on m’avait dit, il y a quelques années, que je serais réserviste aux Jeux olympiques, je n’aurais jamais cru que ce serait possible ! Il faut avoir une vision d’ensemble.
Quel regard portez-vous sur cette progression et votre ascension au plus haut niveau ?
Avoir un bon piquet de chevaux aide. J’ai eu beaucoup de chance sur ce point. Cicci n’a jamais été arrêtée et j’espère que cela continuera ainsi, qu’elle ne contractera aucune blessure. C’est très chouette. Actuellement, j’ai de bons jeunes chevaux qui arrivent à maturité et cela rend l’avenir très excitant.
Qu’avez-vous pensé de la prestation de la Suède à Versailles ? Après ses médailles d’or obtenues aux Jeux de Tokyo, aux Mondiaux de Herning et aux Européens de Milan, sa sixième place apparaît presque comme une anomalie…
Avec tout ce que l’équipe a réalisé, il est presque impossible de rester au même niveau tant les marges d’erreurs sont faibles ! Il ne faut pas oublier que les chevaux sont des animaux. Il faut être reconnaissant pour chaque bonne journée et pour chaque barre qui reste sur les taquets. Je ne pense pas que mes coéquipiers aient fait du mauvais travail, loin de là. Je pense que ce n’était simplement pas le week-end de la Suède.
Si la Suède n’a pas remporté de médaille, un cheval cher à vos yeux a décroché le Graal : Checker 47. Comment avez-vous vécu le sacre de ce cheval, que vous avez guidé sur ses premiers concours à quatre ans ?
Evidemment, c’est un super sentiment ! Je le suis assez attentivement puisque mon petit-ami, Eoin McMahon, travaille au sein des écuries de Ludger Beerbaum. Si on m’avait demandé si je pensais qu’il gagnerait les Jeux olympiques après son premier concours sur un parcours à 1m, j’aurais dit qu’il n’y avait aucun risque ! Ce qu’il a fait est incroyable. Il avait un très grand galop, difficile, lorsqu’il était plus jeune. Il était également assez regardant en piste, mais a toujours bien sauté. Il a toujours bien quitté le sol, eu beaucoup de puissance, mais le guider n’était pas une mince affaire pour moi. Il était déjà assez grand et imposant lorsqu’il était jeune. Il avait encore besoin de s’étoffer pour prendre la pleine mesure de son corps.
Vous avez passé plus ou moins un an au sein des écuries d’Otto Becker, il y a une dizaine d'année. Que retenez-vous de cette expérience ?
C’était très enrichissant de voir un autre système, une autre façon de faire. Je pense que c’est toujours intéressant, même lorsqu’on a une idée de la méthode que l’on veut employer soi-même. Chez Otto, j’avais en charge tous les jeunes chevaux, mais aussi des montures d’âge. C’était un très bon apprentissage. J’ai eu l’occasion de travailler en dressage avec Manni Kötter (Mannfred Kötter était l’un des entraîneurs les plus prisés et reconnus en Allemagne et a officié dans plusieurs grandes maisons, ndlr), qui est malheureusement décédé (en février 2023, ndlr). Cette année en Allemagne a été une très bonne expérience.
“Je fais beaucoup moins de CSI 5* que d’autres, mais j’ai la chance que Cicci soit toujours en bonne santé”
Lyon est votre huitième CSI 5* de l’année seulement. Est-ce un choix de votre part de participer à considérablement moins d’événements de ce niveau par rapport à vos homologues ?
Pour l’heure, seule Cicci est véritablement compétitive et en mesure d’affronter les Grands Prix les plus importants. Cette année, nous nous sommes en plus concentrées pleinement sur les Jeux olympiques. Cicci a débuté son année assez tôt, à Oliva, mais elle n’était pas vraiment elle-même. Alors, nous lui avons accordé une pause. Il n’y avait aucun stress à ce sujet. C’est pourquoi nous avons finalement attaqué les choses sérieuses assez tardivement (la paire a repris le chemin des CSI en avril et disputé son premier CSI 5* en mai, ndlr). Ensuite, elle était en pleine forme ! Mais avec les Jeux en ligne de mire, je ne pouvais pas faire trop de concours. Lorsqu’on ambitionne un objectif comme celui-ci, il faut faire tout ce qui est possible pour optimiser ce rendez-vous précis. Cela ne s’est pas concrétisé et j’ai donc fait un peu moins de concours. Aux CSIO 5* de Rome et Falsterbo, Cicci n’a participé qu’à la Coupe des nations. J’ai toujours un peu fait cela avec elle. Je fais beaucoup moins de concours que d’autres, mais je touche du bois, j’ai eu la chance qu’elle soit toujours en bonne santé. J’ai envie de la conserver aussi longtemps que possible et de pouvoir continuer à évoluer à ce niveau avec elle. Pour y parvenir, je dois sélectionner les concours dans lesquels je l’engage et m’assurer qu’elle reste heureuse. J’essaye vraiment de me fier à mon ressenti par rapport à mes chevaux, à leur état d’esprit. S’ils se sentent bien, on peut envisager quelques compétitions supplémentaires, sinon, on ralentit le rythme. Cicci a, en plus, l’avantage d’exprimer très clairement ce qu’elle veut ou ne veut pas ! (rires) J’ai une très, très bonne jument (Eleven, née Let’s Cream, ndlr) et d’autres montures plus jeunes qui progressent, donc le plan est de participer à quelques événements supplémentaires l’an prochain.
À l’exception du CSI 5* de Stockholm, toutes vos apparitions à ce niveau cette année se sont faites à l’occasion de CSIO, CSI 5*-W ou d’événements n’entrant dans aucun circuit. Avez-vous déjà songé à suivre les étapes du Longines Global Champions Tour ou préférez-vous vous concentrer sur les concours plus traditionnels ?
Ce serait évidemment sympa de participer au Global pendant une saison. Je ne l’ai pas fait jusqu’à présent car je me suis vraiment concentrée sur les Coupes des nations ces deux dernières années. Mais ce serait éventuellement une bonne expérience !
La finale de la Coupe du monde Longines, que vous avez découvert à Omaha en 2023 et qui se déroulera à Bâle en 2025, sera-t-elle un objectif pour vous cet hiver ?
Je vais essayer de me qualifier, oui ! Cela dépendra de comment se sent Cicci (la grise a signé deux bons parcours à cinq et quatre points à Lyon puis à Stuttgart, où elle s’est classée sixième et a marqué ses premiers points pour une éventuelle qualification, ndlr), mais ce serait génial de pouvoir participer à nouveau à cette finale. J’avais beaucoup apprécié l’édition d’Omaha, même si c’était un peu loin ! Cette fois, la logistique devrait être plus simple.
La deuxième partie de cette interview sera disponible demain sur Studforlife.com…
Photo à la Une : Cicci BJN, la reine de Wilma Hellström. © Sportfot