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“Éleveur est un métier extrêmement important, qu’il est facile de prendre pour acquis”, Wilma Hellström (3/3)

Cicci BJN
vendredi 22 novembre 2024 Mélina Massias

Il y a quatre ans, Wilma Hellström n’aurait probablement pas osé rêver de faire partie de la très sélective équipe suédoise de saut d’obstacles. Cette année, la jeune femme, sacrée championne d’Europe avec son collectif à l’été 2023 et passée par quelques grandes écuries, a touché du doigt une sélection olympique. Finalement réserviste avec sa reine Cicci BJN, qu’elle prend le plus grand soin à préserver, la Scandinave garde le sourire et poursuit son chemin, entourée de jeunes montures très prometteuses, à l’image de sa nouvelle star : Eleven. Rencontrée à Equita Lyon, début novembre, la jeune trentenaire s’est confiée sur son année, son piquet de chevaux, son déménagement à venir, l’évolution de ses anciens partenaires Checker 47 et Hello Valentino et bien d’autres sujets. Entretien.

Les première et deuxième parties de cet entretien sont à (re)lire ici et ici.

Quel intérêt portez-vous à l’élevage ? Vous avez déjà confié vouloir des poulains de votre reine Cicci BJN…

Evidemment, je veux toujours avoir des poulains de Cicci un jour ! J’ai eu un poulain cette année, via une de mes juments de sept ans. J’ai acheté de la semence congelée de Coltaire, qui est malheureusement décédé il y a quelques années, auprès des éleveurs d’Eleven. J’ai donc un demi-frère d’Eleven ! C’est mon deuxième poulain. Le premier s’appelle Captain Hopper (en référence à la série Stranger Things, ndlr). C’est un fils de Chaccoon Blue et mon ancienne jument, Nikita van het Geinsteinde (Elvis Ter Putte x Heartbreaker). Je fonde de grands espoirs en lui ! Il est sublime et est aussi gris, sans surprise ! Nos nouvelles écuries sont très spacieuses et nous devrions avoir de la place pour faire un peu d’élevage. 

Wilma Hellström et Nikita van het Geinsteinde, la mère de son premier poulain, baptisé Captain Hopper. © Sportfot

Envisagez-vous de développer davantage cet aspect de votre métier ?

À petite échelle seulement ! Si on a un poulain par an, le nombre se multiplie vite ! (rires) Mais c’est quelque chose que j’apprécie. L’année dernière, nous avons fait un transfert d’embryon avec ma jument lorsque nous étions à Omaha. Elle a eu une petite pause et tout s’est bien déroulé.



Pensez-vous que les cavaliers de haut niveau sont suffisamment conscients de ce qu’implique le fait d’élever des chevaux ?

Non, la route est tellement longue et demande de nombreux investissements, notamment financiers. Je pense que l’on se dit que tout cela n’est pas si difficile, alors que ça l’est. Je comprends que tout ne soit pas toujours rose pour les éleveurs. Ils vivent pratiquement sur des rêves et des espoirs pendant trois ans, jusqu’à ce que leurs produits commencent à révéler leurs qualités. Après cela, il faut encore donner leur chance aux chevaux. Et puis il est toujours difficile de prédire le futur d’un cheval. Si on prend l’exemple de Cicci, je ne pense pas qu’elle était une très bonne sauteuse en liberté lorsqu’elle était jeune. Sous la selle, certains chevaux se révèlent un peu plus tard. En les jugeant trop rapidement, on passe à côté de beaucoup de chevaux. Je comprends totalement qu’éleveur n’est pas un métier facile.

Selon vous, que serait-il possible de faire ou de mettre en place pour apporter plus de reconnaissance aux éleveurs ?

C’est difficile… Ne serait-ce que les mentionner lorsqu’on le peut me semble être un bon début. J’essaye d’envoyer des photos aux éleveurs avec lesquels je suis encore en contact. J’ai par exemple l’éleveur d’un cinq ans qui me demande régulièrement des vidéos et des nouvelles ! Je pense qu’encourager les éleveurs, même par de petites actions, est toujours une bonne chose. Je trouve que les choses avancent d’ailleurs à ce sujet et qu’ils ont plus de reconnaissance dans les médias, qu’il y a davantage d’articles qui parlent d’eux. C’est positif ! Nous n’élevons qu’à une petite échelle, mais nous essayons de garder les choses les plus naturelles possibles. Je collabore avec Jennifer Goddard, de Stateside Farm. Elle m’aide à faire tout ça, parce que je ne fais pas les transferts d’embryons et tout cela moi-même ! (rires) Éleveur est un métier extrêmement important, qu’il est facile de prendre pour acquis, alors que l’éducation des jeunes chevaux est primordiale.

La Suédoise tente de garder le contact avec les éleveurs de ses chevaux lorsqu'elle le peut. © Sportfot

À quoi ressemble votre système, ou plutôt à quoi va-t-il ressembler dans vos nouvelles écuries ? Comment trouvez-vous le bon équilibre entre la formation de jeunes chevaux, le commerce et le sport de haut niveau ?

Globalement, j’ai toujours fait un peu de tout. Je confie mes plus jeunes montures à Jennifer. Elle a un cavalier chez elle, Beau Vandousselaere, qui les fait sauter. Comme je suis très souvent en concours, cela ne me laisse pas assez de temps pour bien former des chevaux de cinq ans par exemple. Je pense que cela sera plus simple dans nos nouvelles écuries, lorsque nous serons deux et que nous aurons un cavalier maison. Bien sûr, nous devons aussi vendre des chevaux : c’est notre métier, mais aussi ce qui nous permet de conserver les autres pour le sport ! Nous en formons certains que nous vendons en cours de route. J’aspire à continuer en appliquant le même système à l’avenir.

Au fil des années et des expériences, Wilma Hellström a développé un système qui fonctionne et qu'elle espère bien continuer à faire grandir à l'avenir. © Mélina Massias

Avez-vous un entraîneur en ce moment ?

Non, Eoin et moi faisons plus ou moins déjà tout ensemble. À part cela, s’il y a le moindre problème, je peux toujours parler à Angelica (Augustsson-Zanotelli, ndlr, son amie de longue date, ndlr) et Marlon (Modolo Zanotelli, ndlr). Ils sont toujours dans les environs ! 



Les sports équestres et les mentalités évoluent. Le haut niveau est plus observé que jamais. Que faire pour que l’équitation soit encore viable dans dix ou vingt ans ?

Il me semble important que la Fédération équestre internationale (FEI) ait un porte-parole pour ces sujets, qui fasse le lien entre les cavaliers et le public novice. Cette personne pourrait par exemple expliquer ce qu’est un mors et comment il fonctionne. Je pense que beaucoup d’inquiétudes sont suscitées par les mors et les filets. Certains pensent parfois que même un mors doux est mauvais. Je pense que la communication et la pédagogie seront une façon d’avancer sur ces sujets. Évidemment, en tant que cavaliers nous devons être conscients de tout cela. Nous devons penser à l’image que nous renvoyions au monde extérieur. À ce niveau-là, nous n’avons rien à cacher, mais il serait bien d’avoir un porte-parole pour expliquer vraiment les choses. Nos chevaux ne sont pas élevés pour ne rien faire. Ils ne seraient pas heureux d’être délaissés ! Ils sont élevés pour travailler. C’est un peu pareil avec les chiens de travail, par exemple. Cela peut paraître bizarre, mais l’élevage n’est plus le même qu’il y a cent ans. Je trouverais cela formidable d'apporter des connaissances au public. Je pense que le plus grand problème vient d’un manque de compréhension. C’est important que des gens compétents en parlent, communiquent auprès des gens. Je pense que c’est possible : il faut simplement accorder de l’importance à cela.

L'amazone estime qu'une meilleure communication est l'une des clefs pour faire perdurer les sports équestres sur le long terme. © Mélina Massias

Le bien-être des chevaux est également primordial. Quels sont les points clefs auxquels vous veillez pour vous assurez que vos chevaux soient bien dans leurs vies ?

Je suis très heureuse de déménager, puisque nous aurons plein de prés dans notre nouvelle écurie ! Et elle est située juste à côté de la forêt, donc j’ai vraiment hâte. Au-delà de cela, il faut vraiment bien connaître ses chevaux, savoir s’ils se sentent bien, s’ils sont heureux et en forme. Au bout du compte, lorsqu’on se regarde dans le miroir, on doit pouvoir soutenir tout ce que l’on fait, sept jours sur sept, trois-cent-soixante-cinq jours par an. Je pense que c’est le plus important : se questionner, se demander si on peut faire mieux, ce que l’on peut optimiser dans les conditions de vie de nos chevaux.



À Lyon, la première épreuve du CSI 5* a débuté à 21h30 et regroupait près de cent partants. Qu’en avez-vous pensé, notamment pour les grooms ?

Ce n’était pas génial, d’autant que les grooms sont arrivés le matin même et avaient la visite vétérinaire à 11 heures. Avant cela, les chevaux devaient s’être dégourdi les jambes, etc. Ensuite, je suis venue montée, puis il y avait cette épreuve tardive, et j’ai de nouveau monté ce matin (vendredi 1er novembre, ndlr) à 6 heures. Je pense que ma groom a eu peut-être quatre ou cinq heures de sommeil. Ce n’est pas idéal… Cette épreuve en elle-même est une bonne idée, mais je pense que le programme devrait être revu, tant pour les grooms que pour les chevaux. Je ne pensais qu’une épreuve pouvait commencer si tard. J’étais un peu surprise. Même si j’ai eu la chance de ne pas passer en fin d’épreuve, ce n’est pas très juste pour les grooms.

L'excellente Eleven à Lyon, dans l'épreuve d'ouverture du CSI 5*, organisée, à la demande des cavaliers, jeudi au lieu de vendredi. © Mélina Massias

Quelles solutions vous semblent envisageables pour améliorer les conditions de travail des grooms en concours de manière générale ?

Je pense qu’il faut surtout éviter les soirées à rallonge. Bien sûr, on a tous envie d’avoir du public et d’attirer du monde, mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’avoir des épreuves qui commencent à 21 heures ou plus pour cela. Je trouve cela trop tard. Les chevaux ont besoin de se relâcher et de se reposer après les épreuves. Mais je pense également que cela s’arrange. Les derniers concours auxquels j’ai participé n’ont pas posé de problèmes. Les organisateurs essayent d’optimiser leur calendrier, avec peu de jours et beaucoup d’épreuves, mais il faut que cela soit viable pour tout le monde : les grooms, les équipes de l’organisation, tout le monde. De plus, on ne peut pas être aussi efficace si tout le monde est fatigué et qu’il est tard. 

Wilma Hellström estime que les conditions de travail des grooms en concours s'améliorent. © Mélina Massias

En dehors des chevaux, vous êtes également une grande passionnée de pâtisserie et de boulangerie ! D’où vous vient cet intérêt ?

Je ne sais pas, c’est très étrange ! Je n’ai aucune idée de comment je suis tombée là-dedans ! Je croyais que j’étais une plutôt bonne cuisinière jusqu’à ce que je rencontre mon petit-ami, qui est assurément meilleur que moi dans ce domaine ! (rires) Mais je suis une meilleure pâtissière ! Je trouve cela relaxant. Cela permet de débrancher son cerveau. Les moments que je préfère sont les dimanches, lorsque je ne suis pas en concours, que je lance le Grand Prix du jour et que je cuis des petits pains en même temps. C’est très agréable.

Avez-vous d’autres passions ?

Avec la vie que nous menons, pas vraiment. J’aime juste être entourée des chevaux, faire des petites choses aux écuries. J’ai vraiment hâte de déménager. Ma maison sera à un kilomètre des écuries ! 

Photo à la Une : Wilma Hellström et sa reine à un œil, Cicci BJN. © Mélina Massias