Pour Baptiste Eichner, l’année 2024 aura été couronnée de succès, notamment sous la bannière tricolore. À tout juste vingt ans, le cavalier de saut d’obstacles, membre de l’équipe de France Jeunes cavaliers, a pu compter sur son acolyte Black’n Roll pour décrocher la victoire par équipes à l’occasion de la Coupe des nations Jeunes cavaliers de Compiègne, en avril. Trois mois plus tard, la magie a de nouveau opérée et le duo s’est emparé de l’argent, toujours collectivement, aux championnats d’Europe de Kronenberg. Travailleur et passionné, le haut-savoyard, qui a achevé son année sportive par une participation au CSI U25 de Genève mi-décembre, a pour ambition de gravir les marches du haut niveau, avec un piquet de chevaux qu’il construit avec enthousiasme. Entretien avec ce jeune cavalier prometteur.
La première partie de cette interview est à (re)lire ici.
En juillet vous avez décroché la médaille d’argent et le titre de vice-champions d’Europe par équipes à Kronenberg, toujours aux rênes de votre fidèle Black’n Roll. Comment avez-vous vécu cette performance collective ?
Je termine à la quinzième place en individuel et j’aurais vraiment aimé faire mieux lors de la finale. Cependant, vu notre début de saison et la régularité du Black’n Roll, je ne peux que me réjouir du chemin parcouru ! Remporter cette médaille m’a fait ressentir des émotions fortes et rares, d’autant plus qu’il s’agit de ma première médaille européenne. Nous nous sommes battus pour l’avoir et ce jusqu’au bout. Nous avons réalisé une première journée très correcte pour la Chasse. Pour la première manche de la Coupe des nations, nous aurions pu mieux faire et nous nous en sommes un peu voulu. J’ai été un peu déçu de ma prestation, mais, heureusement, nous avons pu compter sur la performance de Jules. Nous nous sommes tous recentrés sur l’objectif du lendemain. Nous avons su répondre présent en seconde manche et notre détermination sans faille nous a permis de décrocher cette médaille. Cela s’est joué sur le deuxième parcours de Jules (Orsoloni, aux rênes de Charlotte 198, également médaillé de bronze en individuel, ndlr), et, à ce moment précis, la pression était à son paroxysme. Nous étions tous tendus : personne ne tenait en place à l’entrée de piste. Dès qu’il a franchi la ligne d’arrivée, nous avons tous exulté ! Notre médaille est le reflet de la saison que nous avons passée tous ensemble. L’équipe était presque identique à celle de la Coupe des nations de Compiègne. Il y a vraiment eu une continuité toute la saison, nous étions tous soudés du début à la fin. C’était un moment exceptionnel, que nous avons partagé avec nos coaches et notre entourage. Cette expérience a été une vraie épreuve d’équipe et le résultat ne la rend que plus belle.
“Pour l’équitation française, 2024 a été une très belle année”
Dans le même temps, l’équipe de France de saut d’obstacles s’est offert la médaille de bronze par équipes à l’occasion des Jeux olympiques de Paris. Comment avez-vous vécu cet évènement sportif planétaire ?
Je pense pouvoir dire que c’était une très belle année pour les Français ! Chez les jeunes, les Juniors ont décroché la médaille d’or par équipes et une médaille de bronze en individuel (par l’intermédiaire d’Ewan China et Bacchus d’Ecames, ndlr) aux championnats d’Europe. De notre côté, en Jeunes cavaliers, nous revenons avec une médaille d’argent par équipe et une médaille de bronze en individuel. S’ajoutent les deux médailles des Jeux olympiques (le bronze par équipe pour le jumping et l’argent collectif pour le concours complet, ndlr). Pour l’équitation française, 2024 a été une très belle année. Voir les cavaliers de l’équipe de France Senior s’inscrire dans la continuité des équipes Juniors et Jeunes était vraiment chouette. Les Jeux ont été très intenses à regarder, c’était magnifique. Nous ne reverrons peut-être jamais quelque chose de cette grandeur-là. Le cadre était exceptionnel, les pistes magnifiques et les cavaliers ont assuré comme il le fallait. J’ai suivi les Jeux olympiques pendant que j’étais en vacances avec des amis et c’est un moment que je n’oublierai pas.
À Lyon, en novembre, vous participiez avec “Blacky” à votre premier CSI 5*, terminant huitième de l’épreuve d’ouverture à 1,45m. Quel effet cela fait-il de jouer dans la cour des grands ?
C’était très inattendu comme sélection, et dans le bon sens du terme ! Sylvie Robert m’a laissé ma chance pour participer à cette belle échéance. J’ai dit et répété à mes amis ainsi qu’à mon entourage que je n’aurais pas pu rêver meilleur événement pour ma première sélection et mes débuts en CSI 5*. Equita Lyon est l’échéance que j’attends avec impatience chaque année. Je pense que ce sentiment est partagé par de nombreux cavaliers. Alors, avoir l’opportunité d’y participer est une chance exceptionnelle. Côtoyer les plus grands noms de notre sport est une expérience formidable. Le plus marquant a été la différence des tracés par rapport aux parcours que j’affronte d’ordinaire. C’était plus ou moins la hauteur que j’ai l’habitude de sauter le reste de l’année, mais la technicité des tracés et la subtilité de chaque obstacle, des abords proposés par le chef de piste, n'ont rien à voir ! Le fait que le concours prenne place dans ma région amène une saveur particulière et pouvoir y participer, avec ce cheval si spécial, qui a presque tout fait, était vraiment incroyable.
“J’adore enseigner et je prends plaisir à transmettre ma passion”
Qui sont vos modèles et pourquoi ?
J’essaie de tirer le maximum d’enseignements de chaque grand cavalier, car ils sont nombreux à être doués et certains sortent du lot. Je prends exemple sur ce qui m’inspire le plus chez eux. Par exemple, j’aime beaucoup l’équitation de Marcus Ehning, notamment sa stabilité et son contact. Je travaille tous les jours pour espérer un jour tendre à sa finesse. C’est une légende que j’admire et j’apprécie nourrir mon équitation de la sienne. Regarder les parcours de Julien Epaillard est aussi très intéressant. Il est toujours dans le mouvement en avant. Nous sommes beaucoup à être en quête de son aisance pour prétendre pouvoir monter dans ce mouvement-là. Victor Bettendorf, qui a gagné le Super Grand Prix (de Riyad, en novembre, dans le cadre des Play Offs du Longines Global Champions Tour, ndlr) avec sa jument (Foxy de la Roque, ndlr) est aussi quelqu’un qui m’inspire beaucoup dans son équitation et sa simplicité à cheval.
Cette année vous avez également obtenu votre DEJEPS. Comment envisagez-vous votre avenir professionnel ?
Pour être honnête, je n’ai jamais été très scolaire. J’ai rapidement compris que ma vocation était dans le milieu équestre et c’est ce sur quoi j’ai concentré toute mon attention. J’ai très tôt compris qu’enseigner était ce que je voulais faire. J’ai obtenu mon DEJEPS au sein d’Equivallée, à Cluny. C’était une super formation au sein de laquelle j’ai pris plaisir à apprendre et dont je remercie les membres pour leurs enseignements. Avec mon diplôme en poche, je suis encore plus engagé dans la structure, puisque j’y enseigne. Je donne des cours toute la semaine à mes élèves en montant à cheval en parallèle. J’adore enseigner et je prends plaisir à transmettre ma passion. J’essaie de mettre mon expérience au profit de mes cavaliers tout en continuant de gagner de l’expérience en observant d’autres enseignants et cavaliers pour compléter mon savoir. Toutefois, mon objectif étant d’être cavalier professionnel, j’aimerais arriver à lier les deux. Ce ne sera pas facile mais je suis prêt à travailler dur pour y arriver. Ce sont vraiment mes deux leitmotivs pour le futur et cela me passionne énormément.
Je suis très chanceux d’avoir ce que j’ai aujourd’hui, à savoir mes supers chevaux et une maman très engagée qui m’aide au quotidien. J’aimerais beaucoup pouvoir accueillir des jeunes chevaux et pérenniser un système axé autour de la commercialisation. Une semaine idéale ressemblerait à un début de semaine avec mes élèves et le reste de la semaine en concours avec mes chevaux ou à pied, en compétition avec mes élèves. Parvenir à trouver cet équilibre me permettrait de gérer la structure avec ma maman, tout en continuant à aller en concours, la compétition et le sport étant ce qui me passionne et m’anime.
L’élevage est un pan qui m’intéresse, j’en discute beaucoup avec mon père qui est installé à Contamine-sur-Arve. Il me tient au courant des chevaux qu’il va faire naître et de l’évolution de ses jeunes. Il a eu une dizaine de naissances cette année. C’est ma dernière année en Jeunes cavaliers, alors, pour l’instant je me concentre pleinement dessus. Ensuite, je sais que j’aurais plus de temps pour élargir ma vision et m’ouvrir à d’autres aspects de l’équitation comme ce qui a trait à l’élevage, car cela m’intéresse.
Quels sont vos objectifs pour 2025 ? Vous êtes-vous déjà fixé des échéances ?
Plusieurs même ! J’aimerais être de nouveau sélectionné en équipe de France pour participer aux championnats d’Europe. Je vais continuer de travailler dur pour atteindre cet objectif car rien n’est acquis. C’est ma dernière année en Jeunes cavaliers alors je ferai tout pour ne pas rater cette opportunité. Ensuite, il y a d’autres échéances comme les championnats de France Jeunes cavaliers et les championnats de France Pro. Cette année, ils avaient lieu en même temps et je n’avais qu’un seul cheval. Y participer était donc compliqué. J’aimerais aussi beaucoup participer au Saut Hermès, dans les épreuves réservées aux cavaliers de moins de vingt-cinq ans. C’est l’une des échéances qui me motive à travailler d’arrache-pied et donner le meilleur de moi-même à chaque fois. J’aimerais également participer à des Coupes des nations de seconde ligue, pour courir davantage de CSIO 3*.
Photo à la Une : Baptiste Eichner et son fidèle Black'n Roll ont remporté une médaille collective aux Européens Jeunes cavaliers de 2024. © Sportfot