Pour Baptiste Eichner, l’année 2024 aura été couronnée de succès, notamment sous la bannière tricolore. À tout juste vingt ans, le cavalier de saut d’obstacles, membre de l’équipe de France Jeunes cavaliers, a pu compter sur son acolyte Black’n Roll pour décrocher la victoire par équipes à l’occasion de la Coupe des nations Jeunes cavaliers de Compiègne, en avril. Trois mois plus tard, la magie a de nouveau opérée et le duo s’est emparé de l’argent, toujours collectivement, aux championnats d’Europe de Kronenberg. Travailleur et passionné, le Haut-savoyard, qui a achevé son année sportive par une participation au CSI U25 de Genève mi-décembre, a pour ambition de gravir les marches du haut niveau, avec un piquet de chevaux qu’il construit avec enthousiasme. Entretien avec ce jeune cavalier prometteur.
L’année 2024, synonyme de performances pour vous, tirera sa révérence dans quelques jours. Quel bilan dressez-vous des douze derniers mois écoulés ?
Actuellement, 2024 est la meilleure saison que j’ai vécue. Nous avons commencé l’année tranquillement à Aix-Meyreuil, avant d’entamer la saison plus sérieusement à Gassin. Nous avons finalement pris part à très peu de concours avant l’échéance majeure que représentait la Coupe des nations de Compiègne, avec l’équipe de France Jeunes cavaliers. Je suis très fier de notre victoire et de notre double sans-faute avec Black’n Roll (Rock'n Roll Semilly x Burggraaf). Nous avions une super équipe, composée de Jules Orsolini, Ilona Mezzadri et William Ligier de la Prade, et ce fut une première étape dans la saison. Les championnats de France se sont enchaînés tout de suite après, toujours avec Black’n Roll. À seulement cinq jours d’intervalle, il a une nouvelle fois répondu présent. Nous terminons vice-champion de France à Fontainebleau au Printemps des sports équestres, un concours organisé par GL Events que j’ai beaucoup apprécié. Nous avons ensuite poursuivi le travail selon le calendrier de concours que nous nous étions fixés, en retournant notamment à Gassin. Par la suite, j’ai obtenu ma première sélection pour participer au CSIO 3* de Kronenberg. Ce concours a permis à mon cheval de découvrir la piste des championnats d’Europe, qui se déroulaient deux mois plus tard. À cette occasion, nous avons décroché l’argent par équipes. Après une belle pause de deux mois cet été, nous avons repris la saison mi-septembre à Gassin, avec un début assez mitigé. C’est une période durant laquelle il a fallu se remettre dans le bain. Quelques semaines plus tard, j’ai décroché ma première sélection en CSI 5*, à l’occasion d’Equita Lyon. Je remercie GL Events et Sylvie Robert pour cette chance incroyable. Ce fut une opportunité exceptionnelle de pouvoir monter au milieu des plus grands cavaliers du monde, de faire les reconnaissances de belles épreuves et de partager le paddock avec eux. En plus, cela s’est plutôt bien passé (avec une huitième place dans le Prix Toubin & Clément à 1,45, puis deux parcours à quatre et huit points à 1,50m, ndlr). C’était un bon weekend ! Après Lyon nous avons accordé beaucoup de repos à Black’n Roll, qui m’a offert une très belle saison. Aujourd’hui, je suis à cinq jours de la dernière échéance de l’année (entretien réalisé fin novembre, ndlr) avec le CHI de Genève dans la catégorie U25 où j’ai la chance de pouvoir concourir. Je sais que c’est un évènement que beaucoup de jeunes cavaliers convoitent, alors je mesure la chance qui est la mienne de pouvoir y participer et j’ai hâte d’y être (le Tricolore et son fidèle complice ont conclu le Grand Prix U25 avec dix points au compteur, ndlr).
“Avec le temps et du travail, j’aimerais pérenniser un système visant à former et valoriser des jeunes chevaux ”
Quel a été votre parcours ? Comment avez-vous mis le pied à l’étrier ?
Mes parents ont ouvert une structure à Évian-les-Bains en 1996, six ans avant que je vienne au monde. Je peux alors presque dire que je suis né sur un cheval ! J’ai toujours baigné dans ce milieu, même si j’ai commencé à monter tardivement, vers l’âge de dix ans. J’ai commencé à poney, sur des petites épreuves, avant d’évoluer petit à petit vers des épreuves plus importantes. Je suis passé à cheval à seize ans et c’est à cette période que j’ai fait l’acquisition de Black’n Roll. Cela a été rendu possible grâce à des propriétaires que je ne remercierai jamais assez. Avant de me consacrer à l’équitation, j’ai essayé beaucoup de sports. Je suis quelqu’un d’assez actif et il m’arrive rarement de ne rien faire. Petit, j’aimais passer du temps aux écuries, mais ce n’était pas ce qui me passionnait le plus. J’ai mis le pied à l’étrier en parallèle de ma pratique du handball, et j’ai dû finir par faire un choix. L’équitation est un sport qui demande beaucoup d’investissement en termes de temps, alors j’ai souhaité m’y adonner pleinement.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre partenaire de tête, Black’n Roll, et nous présenter le reste de votre piquet de chevaux ?
Black’n Roll va avoir treize ans. J’ai commencé à le monter en août 2020. Je l’ai essayé sur les conseils de Romain Bourdon. Au moment de l’essai, et c’est assez fou quand j’y repense, je n’ai pas flashé sur lui. Je l’ai évidemment beaucoup aimé, mais je ne me sentais pas capable de le monter. J’ai finalement écouté ma maman et Romain, qui ont cru en nous et m’ont conseillé de le prendre. C’est ainsi, et avec l’aide précieuse de ses propriétaires, que l’aventure avec lui a commencé. Nous nous sommes tout de suite très bien entendus et notre entente n’a fait qu’évoluer dans le bon sens. J’espère que cette belle histoire continuera le plus longtemps possible ! Nous avons débuté sur des épreuves à 1,30m et tout s’est enchaîné assez rapidement. Dès notre première saison nous avons connu nos premières sélections en Coupe des nations Juniors, puis notre première sélection aux championnats d’Europe Juniors à Vilamoura, où nous avons terminé quatrièmes par équipes. Tout cela s’est produit très vite, en une saison. Je dois l’avouer : je suis très surpris, mais aussi très satisfait de nos débuts. Notre deuxième année ensemble s’est ouverte sur un début de saison plus compliqué. Le retour post championnats d’Europe a été un peu dur, mais cela n’a pas entaché notre complicité.
Le reste de mon piquet de chevaux est composé de trois autres chevaux en qui je crois beaucoup. J’ai récemment fait l’acquisition d’une jument de sept ans, Hickory Ask (Hickstead White x Landos I), chez Nicolas Tayol. Je peux également compter sur un hongre de cinq ans, Jackpot Lutterbach (Untouchable 27 x Emilion), qui va démarrer les CSI Jeunes chevaux avec moi. J’ai aussi un cheval qui m’est confié, Flappy de Villevert (Cardento x Galion de Laume). C’est un hongre gris appartenant à la famille Badin, que je remercie pour sa confiance et pour ce partenariat. J’ai pour ambition de faire grandir mon piquet. Je suis en constante recherche de jeunes recrues pour pouvoir épauler mon fidèle Black’n Roll, qui ne pourra pas éternellement faire tout ce qu’il fait seul. Avec le temps et du travail, j’aimerais pérenniser un système visant à former et valoriser des jeunes chevaux dans un but commercial. C’est notamment l’objectif affiché avec Hickory et Jackpot.
“Réaliser une belle performance collective permet de resserrer les liens”
Dans la Coupe des nations Jeunes cavaliers de Compiègne, en avril, vous avez réalisé un double sans-faute et permis à l’équipe de France de s’imposer. Comment gérez-vous la pression ? Avez-vous recours à la préparation mentale ?
Pour être tout à fait honnête, je ne ressens pas tellement la pression, en tout cas, pas dans le mauvais sens du terme. Je dis toujours que l’adrénaline est mon véritable moteur. Je ne suis pas quelqu’un de stressé, et avec un minimum de pression, j’arrive à me mettre dans les meilleures conditions pour réussir. J’essaie au maximum de rester comme je suis d’habitude : assez cool et détendu. Je pense que parvenir à garder le cap sur mes objectifs, peu importe les échéances et sans me dire me dire que je dois être plus performant que d’ordinaire, est ce qui fait ma force. Dans mon esprit, les Coupes des nations restent une épreuve comme les autres, même si l’objectif est différent. Je sais que je dois faire la même chose que le reste de l’année, à savoir être sans-faute.
Je n’ai pas de coach mental qui me suit régulièrement, mais je côtoie quatre ou cinq fois par ans Julia, qui intervient durant des stages organisés par ma mère au sein de ses écuries. Compte tenu du peu de fois que nous nous voyons, je trouve ses interventions assez bénéfiques. Nous discutons et nous entendons bien. Ce n’est pas quelque chose que j’utilise régulièrement tout au long de l’année, mais j’y ai déjà songé pour le futur. Non pas pour gérer le stress, mais pour d’autres aspects de la compétition, ayant plus attrait à la concentration par exemple.
Comment avez-vous réagi à l’annonce de votre deuxième grande sélection en équipe de France, à l'occasion des championnats d'Europe Jeunes cavaliers, et comment avez-vous vécu vos premiers pas aux Pays-Bas ?
J’étais très heureux et fier d’être sélectionné et de pouvoir représenter la France à l’occasion d’une telle échéance ! C’est l’aboutissement et le résultat du travail engagé avec mon entraîneur, Jérôme Ringot, que je remercie énormément pour ces quatre années à mes côtés. Nous avons travaillé dur pour parvenir à ce résultat et c’est dans ces moments-là que je me répète que le travail fini toujours par payer. J’avais vraiment hâte d’y être ! Après l’annonce de ma sélection, il restait une semaine de concours à Gassin et à Vichy. Pendant ma préparation, l’objectif était de ne rien changer à notre début de saison, de continuer avec le même système. Nous avons tout mis en place afin de préserver au mieux la santé mentale et physique de mon cheval, en lui proposant beaucoup de travail en extérieur et très peu de travail en carrière. En concours, nous avons réduit le nombre de parcours pour optimiser la disponibilité de Black’n Roll. Les championnats d’Europe représentent une semaine assez chargée pour les chevaux. Nous avons donc réduit la voilure en amont, afin de maintenir la forme physique de Black’n Roll. Sur les six jours sur place, nous demandons aux chevaux de sauter cinq parcours, en comptant la warm up. Nous nous sommes ensuite retrouvés avec l’équipe de France chez notre entraîneur, Edouard Couperie, accompagné de Barnabas Mandi, pour un dernier stage d’équipe. Ce dernier était placé sous le signe de la cohésion et nous sommes partis tous ensemble prêts et motivés pour cette échéance. Le stage a permis, par diverses activités, de créer une équipe et cela s’est ensuite ressenti en piste. Nous nous connaissions déjà avant et cela a sûrement participé à notre bonne entente. Parmi les cinq membres de l’équipe des Européens de cette année, nous étions déjà quatre à avoir participé ensemble aux championnats d’Europe Juniors. L’équipe était donc déjà soudée, d’autant que nous nous retrouvons régulièrement sur les terrains de concours. Et puis, forcément, réaliser une belle performance collective permet de resserrer les liens.
Photo à la Une : Black'n Roll a mené son cavalier jusqu'au CHI de Genève, dans la catégorie U25, cette saison. © Scoopdyga
Retrouvez la seconde partie de cette interview demain sur Studforlife.com…