“Je suis grandement en faveur de l’ancien format olympique”, Marlon Módolo Zanotelli (2/3)
Comme chaque année ou presque, Marlon Módolo Zanotelli n’a pas manqué de réussite. Travailleur acharné, déterminé et passionné, le Brésilien a enregistré de sacrés résultats en cette année 2022. De Paris, à Doha, en passant par Hickstead, Madrid, Rome ou plus récemment Oslo, le sympathique père de famille a souvent trusté les places d’honneurs dans les plus belles épreuves du monde, que ce soit aux rênes de Like A Diamond van het Schaeck, VDL Edgar M ou Harwich VDL. La première citée l’a d’ailleurs accompagné jusqu’aux championnats du monde de Herning, où le Brésil a joué de malchance et laissé échapper sa qualification olympique. Qu’importe, le pilier des Auriverde reste motivé et les yeux rivés sur Paris 2024. Fort des valeurs transmises par sa famille, avec laquelle il a parcouru le Brésil en camion, de concours en concours, au milieu des années 90, Marlon s’est forgé une sérieuse carrière. Passé par les écuries Philippaerts, Stephex, puis la structure Ashford Farm, pilotée par son ami et collaborateur Enda Caroll, le trentenaire vole désormais de ses propres ailes, en Belgique, où ses parents, son frère, son épouse, Angelica Augustsson Zanotelli, et une équipe fidèle et soudée œuvrent autour de lui. Rencontré à l’occasion du CSIO 5* de Barcelone, en préambule de l’épreuve majeure de vendredi, l’actuel septième meilleur cavalier du monde, s’est livré avec générosité. Au menu de cette deuxième et avant-dernière partie : la retraite de la généreuse Sirène de la Motte, l’élevage, et une rétrospective sur les enseignements de ces dernières années passées en Europe.
La première partie de cet entretien est à (re)lire ici.
Votre fidèle Sirène de la Motte (Apache d’Adriers x Uriel d’Orval), qui vous avait offert l’or individuel aux Jeux panaméricains de Lima en 2019, n’a plus concouru depuis 2020. Est-elle désormais une jeune retraitée ?
Oui, Sirène est à la retraite. Son propriétaire, Christophe Legue, a été formidable. Il l’a laissée à mes côtés, ce qui est incroyable. Elle vit dans un grand pré, situé juste derrière la carrière de nos écuries. Elle a deux autres juments avec elle : Violetta (D, Quinar x Candillo, classée jusqu’en Grand Prix 4* avec Geir Gulliksen puis monté avec succès par Ingrid Gjelsten, ndlr), dont la famille Gjelsten est propriétaire, et une autre poulinière, qui nous appartient et est à nos côtés depuis de nombreuses années. Elles coulent toutes trois des jours heureux et profitent de leur pâture. Mes enfants apprécient beaucoup Sirène. Elle est adorable, alors nous allons lui rendre visite tous ensemble. Ils lui donnent des carottes et demandent parfois à grimper sur son dos. Elle est tellement gentille. Elle a toujours été comme ça : une jument très proche de l’homme. Elle a toujours aimé l’attention et être proche des gens. C’est vraiment chouette de l’avoir si près de nous, de pouvoir continuer à la voir chaque jour et profiter d’elle.
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Tout comme Like A Diamond van het Schaeck, Sirène de la Motte se révèle être une très bonne mère, comme le prouve notamment l’une de ses filles, Dune du Ru (Vagabond de la Pomme), montée par Emeric George. Avec de telles juments, et les divers étalons que vous montez, quel intérêt portez-vous à l’élevage ?
Nous faisons pas mal d’élevage maintenant, surtout depuis que nous nous sommes installés dans notre propre écurie, avec du terrain. Nous essayons donc de faire naître quelques chevaux et de choisir des juments. Mon frère, Marco, qui est aussi présent ici à Barcelone, est en grande partie en charge de cette activité. Il s’occupe des poulinières, dans le sens où il choisit les étalons, étudie les croisements et est celui qui a le plus de connaissances sur tout cela. Bien sûr, nous discutons ensemble. Avec Sirène, par exemple, nous échangeons également avec son propriétaire, mais nous avons quelques autres juments pour l’élevage. Il nous arrive aussi de prélever des embryons de nos jeunes juments, lorsqu’elles ont cinq ou six ans. Je dirais qu’il s’agit surtout d’une passion (rires). Si cela nous permet de faire émerger de bons produits, ce serait formidable, mais nous le faisons en premier lieu pour l’amour des chevaux.
“Une chose formidable avec notre sport est que nous ne cessons jamais de nous instruire”
En 2013, vous honoriez votre première grande sélection sous les couleurs brésiliennes, ici même, à l’occasion de la finale des Coupes des nations. À l’époque, Jean-Maurice Bonneau était à la tête des Auriverde. Quelle influence a-t-il eu sur votre carrière ?
Une grande influence. J’ai pris part à ma première Coupe des nations, en 3*, à Lisbonne, avec Ode des Roches (First de Launay x Tu Viens Dorval). C’est Jean-Maurice qui m’a donné cette chance. Encore aujourd’hui, Jean-Maurice essaye d’aider tous les jeunes talents qu’il voit, de les soutenir, de quelque manière que ce soit, comme il le fait, par exemple, avec la Young Riders Academy. Il a été une sacrée marche dans la carrière de nombreux Brésiliens, dont je fais partie. Il nous a donné l’occasion d’évoluer sur le sol européen, à une époque où il nous était difficile d’accéder aux Coupes des nations. Il a commencé à travailler là-dessus, et à nous faire évoluer. Cela a été fantastique pour tout le monde et beaucoup de cavaliers viennent de la période où Jean-Maurice était aux manettes. Il a fait un super boulot avec la fédération brésilienne, organisé beaucoup de choses et structuré notre système. Pour moi, pouvoir participer à toutes ces Coupes des nations a été une expérience fantastique. Nous avons gagné à Arezzo, juste avant de venir ici. J’avais quelques contacts avec Rodrigo (Pessoa, ndlr) et Doda (de Miranda, ndlr), mais je n’avais jamais été aussi proche d’eux avant cela. Avoir l’opportunité de faire partie d’une équipe avec eux, de prendre de l’expérience et d’apprendre, en les regardant monter, faire leurs reconnaissances, etc, est une expérience inestimable. Ensuite, pour Barcelone, nous nous sommes entraînés tous ensemble et j’ai encore énormément appris. Nous avons vécu un excellent week-end ici, où Eduardo (Perreira de Menezes, ndlr) honorait également sa première grande sélection, en prenant la deuxième place. J’ai énormément appris de tout cela. Jean-Maurice m’a également permis de disputer mon premier championnat. Son apport a été très bénéfique pour de nombreux Brésiliens. Je dois dire que nous avons été très chanceux avec nos chefs d’équipe. Philippe Guerdat, qui nous encadre actuellement, est quelqu’un d’incroyable. Bénéficier de l’aide de gentlemen comme lui, qui disposent d’immenses connaissances et ont l’expérience des bons comme des mauvais moments est exceptionnel. On apprend énormément d’eux, et je crois qu’une chose formidable avec notre sport est que nous ne cessons jamais de nous instruire.
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Vous avez souvent dit que les Jeux olympiques étaient votre rêve. Celui-ci est devenu réalité, en 2021, à Tokyo. Pour autant, cette édition a été particulière à bien des égards et a fait couler beaucoup d’encre. Qu’en avez-vous pensé ?
Je suis grandement en faveur de l’ancien format, comme beaucoup de cavaliers je pense. Je trouve le nouveau format très dur. J’espère qu’il sera modifié à l’avenir, mais on ne sait pas. En tout cas, pour Paris, il n’y aura pas de modification (à l’exception du retour de l’épreuve par équipe avant la finale individuelle, ndlr). À Tokyo, nous avons rencontré quelques difficultés, notamment avec le parcours de Rodrigo. Nous avons eu de la chance qu’il puisse aller au bout, et que nous soyons parvenus à nous qualifier. Le jour suivant, celui de la finale, je n’ai pas spécialement réalisé mon meilleur parcours. Edgar était super bien à ce moment-là, et il a très bien sauté dans l’épreuve qualificative. J’ai eu le sentiment d’être assez malchanceux pour la qualificative de la finale individuelle, mais mon cheval était en forme. Je pense que j’aurais pu mieux le monter, mais ne pas être en finale individuelle a vraiment joué un rôle sur mon mental. D’un autre côté, Edgar était frais pour l’équipe et a fait du bon travail. C’était sans aucun doute une expérience particulièrement étrange de ne pas avoir de public pour un tel championnat. Malgré tout, l’organisation a été formidable, nous avons évolué dans un stade incroyable, avions toutes les installations nécessaires pour rendre cela fantastique. Le huis-clos reste le point négatif, surtout pour moi. Je me prends toujours un peu plus au jeu quand il y a de l’ambiance. Tout était un peu particulier à Tokyo, mais il s’agissait de mes premiers Jeux olympiques. C’est quelque chose dont je me souviendrais et dont j’ai appris. Désormais, et si le Brésil se qualifie, je me concentre sur Paris.
“Enda Caroll a toujours été en avance dans sa façon de penser”
Vous avez travaillé de longues années pour Ashford Farm, avec qui vous continuez à collaborer. Que vous a apporté cette expérience aux côtés d’Enda Caroll, et comment en êtes-vous venu à prendre votre indépendance, il y a six ans ?
J’ai énormément appris. Et cela est vrai pour tous les endroits par lesquels je suis passé. J’ai vécu une super expérience chez Ludo (Philippaerts, ndlr), alors que je venais pour la première fois en Europe depuis le Brésil, puis j’ai engrangé de nombreuses connaissances chez Stephex, bien que je ne sois resté là-bas qu’une courte période. Tous sont des systèmes différents, et j’ai pris un peu de chacun. Avec Ashford Farm, Enda a toujours été en avance dans sa façon de penser, et je crois qu’il doit sa réussite à cela. Lorsque j’ai commencé, il pensait déjà “petite quantité, grande qualité”. À ce moment-là, toutes les écuries de commerce étaient gigantesques, avec cinquante ou soixante chevaux. Au départ, nous sommes restés en comité, avec dix à quinze chevaux. Avec le temps, un nouveau cavalier est arrivé, mais, malgré tout, cette mentalité d’avoir des petits groupes de chevaux afin de permettre au cavalier d’effectuer un travail de qualité, est restée, tout comme le sens du détail. Enda pense à tout et essaye de faire en sorte que tout soit parfait. Si on visite ses écuries, on peut constater cela : de son jardin, aux boxes, en passant par les selleries, son bureau et tout le reste. À mon sens, cela apporte aux chevaux. C’est quelque chose que j’ai gardé et que j’essaye de développer. Je pense à ces petites choses et je tente de les améliorer. Enda m’a toujours donné tout le soutien dont j’avais besoin, avec des vétérinaires, des ostéopathes, et tout ce qu’il était possible d’avoir pour les chevaux. J’ai beaucoup appris de cela, tout comme de nos séances de dressage, etc. Cela a été une expérience fantastique. J’estime avoir eu de la chance, parce qu’en arrivant à Ashford Farm, Enda lançait tout juste son business. Je commençais vraiment ma carrière, et je crois que notre faim de réussite à tous les deux nous a fait grandir. Le timing était parfait pour nous et nous nous correspondions bien. Nous sommes toujours très proches aujourd’hui ; nous avons des chevaux ensemble, étions les témoins de l’un et de l’autre à nos mariages respectifs, sommes les parrains de nos enfants, etc. Il me conseille toujours sur beaucoup de choses dans le commerce, parce qu’il a beaucoup plus d’expérience que nous. Lorsque nous avons décidé de nous lancer à notre compte, il a été la première personne que nous avons contactée. Et il s’est tout de suite montré très positif à ce sujet, ce qui m’a vraiment surpris.
Je pense que cette décision s’est faite en raison de l’évolution de nos vies familiales. Nous venions d'accueillir notre première fille, Mélissa. Angelica et moi travaillions pour lui et la vie change lorsqu’on a un enfant. Mentalement, on commence à vraiment penser à autre chose. On songe à se forger une carrière, et à fonder quelque chose pour les enfants. Cela a complètement changé ma vision des choses. Avant, je n’avais jamais pensé à autre chose qu’au sport et aux chevaux. C’est possiblement l’une des raisons qui nous a poussé à investir dans notre propre structure. Franchir le pas a été très effrayant, puisque de mon point de vue, je passais d’une situation confortable où j’avais tout, les chevaux et le soutien nécessaire, à quelque chose de complètement nouveau. Mais nous avons pu compter sur nos familles, qui ont été là pour nous. Mon père a beaucoup d’expérience dans la gestion d’écurie. Il avait établi tout un plan, notamment sur l’aspect financier, sur le fonctionnement de notre entreprise. Nous étions au moins sûr de ce à quoi allait ressembler la suite de notre aventure pour les six premiers mois (rires). C'était un moment très excitant.
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Harwich, comme d’autres de vos chevaux, appartient à la famille van de Lageweg, à la tête du haras VDL. Comment se passe votre collaboration ?
J’ai une très bonne relation avec la famille van de Lageweg et VDL, avec qui nous formons beaucoup de chevaux. Nous travaillons ensemble depuis de nombreuses années, depuis que je me suis lancé à mon compte, fin 2016. Ils ont été l’un de mes premiers propriétaires et m’ont confié des chevaux. Depuis, nous avons toujours eu de bons chevaux ensemble. L’étalon Grand Slam VDL leur appartient. C’était aussi le cas de VDL Edgar M, avant qu’il ne soit racheté pour les Jeux olympiques par la famille Gjelsten (dont la fille, Ingrid, bénéficie notamment des conseils de Marlon pour sa carrière, ndlr). Nous vendons certains de leurs chevaux, et nous continuons à le faire. En résumé nous procédons ainsi : ils me confient des montures, nous les formons, les amenons à haut niveau, puis les vendons. Pour les étalons, en revanche, ils tendent à en rester propriétaire, eu égard à leur activité d’étalonnage. Mais, si la bonne occasion, les bonnes personnes et une offre suffisante se présentent, ils seraient potentiellement à vendre également. Ce sont des gens fantastiques et je suis vraiment heureux d’être proche d’eux et de pouvoir travailler à leurs côtés depuis toutes ces années.
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La troisième et dernière partie de cet entretien est à retrouver ici.
Photo à la Une : Marlon Mòdolo Zanotelli et VDL Edgar M lors des derniers Jeux olympiques d'été, à Tokyo. © Sportfot