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“Je m’efforce d’être d’abord un homme de cheval avant d’être un compétiteur de premier plan”, Omar Al Marzooqi (1/2)

Avec Enjoy de la Mûre, Omar Abdul Aziz Al Marzooqi brille.
mercredi 23 avril 2025 Mélina Massias

Depuis plusieurs mois, Omar Abdul Aziz Al Marzooqi fait sensation sur la scène internationale. Grâce, notamment, au somptueux Enjoy de la Mûre, le discret jeune homme se fraie une place parmi l’élite de sa discipline. Porte drapeau des Emirats arabes unis lors des Jeux olympiques de Paris, auteur de parcours de très bonne facture devant le château de Versailles et qualifié pour sa première finale de la Coupe du monde à Bâle à vingt-deux ans ans, le cent septième mondial grimpe l’échelle vers les sommets à la vitesse de l’éclair. Les yeux brillants d’étoiles lorsqu’il évoque son sport et sa carrière, Omar a tous les ingrédients pour atteindre ses objectifs. La tête sur les épaules, un diplôme en philosophie obtenu à l’Université de la Sorbonne d’Abou Dabi en poche et une équipe de haut vol à ses côtés, il incarne la relève du jumping. Rencontré en Suisse, début avril, l’Emirati évoque son parcours, ses influences, son système, sa vision, mais aussi ses chevaux, auxquels il semble vouer une admiration sans faille et sans fin. Épisode 1. 

Quelle est votre histoire avec les chevaux ? Comment avez-vous découvert les joies de l’équitation ?

J’ai découvert ce sport grâce à mon père. Il est lui-même cavalier et entraîneur et a défendu les couleurs des Emirats arabes unis il y a plusieurs années. Il a ensuite fait beaucoup de coaching, y compris pour l’équipe nationale, ainsi que pour des cavaliers individuels jusqu’au plus haut niveau. Nous sommes une fratrie de cinq. Tous mes frères et sœurs montent à cheval, en dressage pour l’un d’entre eux, tandis que les autres évoluent dans les catégories Junior et Enfant ou à poney. Nous sommes donc tous dans les chevaux. De mon côté, j’ai toujours voulu pratiquer l’équitation et eu l’amour des chevaux. J’ai commencé à me promener sur le dos de poneys à l’âge de trois ou quatre ans. J’étais tenu en main, au pas. Puis mon père a fondé un centre équestre à Abou Dabi, en 2009, et j’ai pris des cours là-bas. Mon père m’a toujours laissé le choix de monter à cheval ou non, selon mon envie. Et je le faisais quotidiennement ! En 2011, j’ai participé à mon premier concours national. J’avais neuf ans et depuis, je n’ai jamais lâché ce sport. J’ai ensuite pris part à mon premier CSI en 2015, en Grande-Bretagne, durant le Scope Festival de Stafford. Depuis 2015, je bénéficie du soutien des écuries Al Shiraa, qui sont mes sponsors et sont notamment les propriétaires d’Enjoy de la Mûre et Chacco Bay, mes deux chevaux de tête. Cela fait donc dix ans que je fais partie de l’équipe de Sheikha Fatima bint Hazza bin Zayed Al Nahyan. Elle a complètement transformé le sport aux UAE. Avant, il n’y avait pas tant de compétition de bon niveau. En tant qu’équipe, nous avons terminé deuxième de la Ligue des nations Longines d’Abou Dabi, ce qui prouve notre motivation et récompense notre travail. Avec Sheika Mansour bint Zayed Al Nahyan, Sheikha Fatima bint Hazza bin Zayed Al Nahyan est la principale ouvrière du développement des sports équestres aux UAE et je suis ravi de pouvoir compter sur son soutien. Le président des UAE, Sheikh Mohamed bin Zayed Al Nahyan, œuvre aussi beaucoup pour le sport en général au sein du pays. 

À seulement vingt-deux ans, Omar Al Marzooqi a la tête sur les épaules et ne manque pas d'ambition. © Sportfot

Quand avez-vous su que vous vouliez faire de votre passion votre métier ?

Lorsque je n’étais encore qu’un Junior, mon père m’a posé la question suivante : veux-tu pratiquer ce sport au plus haut niveau ou préfères-tu te faire plaisir lorsque tu as du temps libre ? J’ai évidemment répondu que je voulais m’investir de façon professionnelle ! Alors, nous avons établi un plan pour moi, qui a plutôt bien fonctionné puisque j’ai obtenu une médaille d’argent aux Jeux olympiques de la jeunesse en 2018. Aujourd’hui, je ne peux qu’être heureux d’avoir fait ce choix ! J’ai toujours voulu évoluer au plus haut niveau. Il y a deux ans, je regardais les meilleurs mondiaux à la télévision. L’année dernière encore, je suivais la finale de la Coupe du monde à distance ! Être ici (entretien réalisé à Bâle, ndlr) et participer à cette finale à leurs côtés est un pur plaisir. J’ai toujours l’ambition de gagner lorsque je vais en concours. Mais si je ne gagne pas sur le papier, je gagne toujours en expérience. C’est mon état d’esprit. Je suis ravi d’être ici à Bâle. 

Qu’aimez-vous le plus dans ce sport et chez les chevaux ?

Le saut d’obstacles est un très beau sport et est très agréable. La difficulté et la technicité qu’il impose le rende très élégant. On ne peut jamais dire que l’on est le meilleur du monde. C’est impossible. On ne cesse jamais d’apprendre, ce qui est aussi très plaisant. J’aime que l’on puisse apprendre énormément dans ce sport, en voyageant, en rencontrant de nouvelles personnes, avec des philosophies différentes. On peut aller se coucher en étant très triste, mais l’envie de rebondir et de repartir de plus belle est là au réveil le lendemain matin ! On essaye toujours de faire mieux, de trouver de nouvelles choses à apprendre. Les chevaux nous apprennent la patience, la concentration et la détermination. Si on veut construire quelque chose, ces qualités sont indispensables. C’est incroyable. Nous travaillons avec des êtres vivants, qui ont aussi une âme. On ne sait jamais ce que les chevaux pensent, mais il y a toujours une connexion avec eux. Je ne pense pas que l’on puisse comprendre ce sentiment sans monter à cheval. Les chevaux perçoivent l’environnement d’une manière différente de la nôtre et peuvent avoir peur d’éléments que l’on ne remarque même pas. Il faut leur donner confiance, les prendre pour ce qu’ils sont - des chevaux - et les aimer. Chez nous, la santé de nos chevaux est notre priorité. Je m’efforce d’être d’abord un homme de cheval avant d’être un compétiteur de premier plan.

Enjoy de la Mûre, fils du regretté Vigo Cécé, permet à son cavalier de concrétiser ses rêves. © Mélina Massias

Comment vous assurez-vous que vos chevaux soient heureux et que leurs besoins fondamentaux soient respectés ?

J’ai une super équipe autour de moi. Je ne suis pas le seul à faire partie du paysage. J’ai un vétérinaire, un maréchal-ferrant, un groom ; toute une équipe qui travaille dur. Mes entraîneurs, William Funnel, le chef d’équipe des UAE, Duncan Inglis, son assistant, mais aussi mon père, sont aussi très importants. Mon père et William sont sur la même longueur d’onde, ce qui est une très bonne chose : je ne suis jamais perdu entre leurs conseils. Ils me font presque toujours les mêmes retours ! L’esprit d’équipe est fondamental pour que le cavalier puisse performer en piste. Nous devons rester concentré et déterminé à faire de notre mieux. Et lorsque nos chevaux se sentent bien, qu’ils sont en pleine forme et qu’ils nous aiment, ils nous donnent encore plus.



Comment fonctionne votre système ?

Je suis titulaire d’un bachelor en philosophie depuis l’an dernier et je poursuis mes études par un Master à l’Université de la Sorbonne à Abou Dabi, en parallèle de ma carrière sportive. Pour être franc, mon emploi du temps est un peu chargé ! J’essaye de trouver le bon équilibre entre les deux. Je suis heureux que mes parents m’encouragent à finir mes études, qui me plaisent beaucoup. Côté équitation, j’ai beaucoup de chevaux, dont Chacco Bay et Enjoy de la Mûre, mais aussi de plus jeunes montures de cinq, six, sept et huit ans. Je pense que d’ici trois ou quatre ans, j’aurais un piquet extrêmement fourni. Sheikh Fatima et les écuries Al Shiraa ont une vision à long terme pour continuer à grandir dans le sport et à faire émerger notre drapeau sur les plus beaux événements du monde. Les Jeux olympiques de Los Angeles, qui auront lieu dans trois ans et demi, sont notre objectif principal. J’espère pouvoir participer à nouveau aux Jeux. Je suis très heureux de mon expérience et de mes résultats lors de ceux de Paris, où j’ai terminé dans le Top 20 en individuel. Nous essayons de progresser d’année en année. Les UAE ont déjà beaucoup évolué ces dix dernières années, et je pense qu’il y a encore de belles choses à venir. 

Le jeune Emirati loue l'importance de son équipe. © Sportfot

Êtes-vous installé à temps plein aux UAE ou passez-vous aussi du temps en Angleterre ?

En général, je passe chaque année six mois aux UAE, et les six autres en Europe. Aux UAE, la saison débute autour d’octobre, et les compétitions estivales en Europe s’achèvent en général début septembre pour moi. Ainsi, j’accorde un mois de repos à mes chevaux, afin qu’ils puissent relâcher la pression après l’été. Mes chevaux de tête reprennent progressivement l’entraînement en décembre. De décembre à mars, je n’enchaîne pas les compétitions les unes à la suite des autres. Mes chevaux ne participent qu’à deux concours par mois, parfois trois dans de rares cas, et j’ai toujours un objectif à atteindre avec chacun d’eux. Durant ma saison aux UAE, je dispute deux ou trois CSI 5*. Par exemple, l’étape de la Ligue des nations était notre temps fort cette année, celui pour lequel j’ai préparé Enjoy. Il a fait trois ou quatre concours en début d’année, pas plus. Je suis très satisfait de la façon dont nous établissons mon planning. Et, encore une fois, le bien-être de mes chevaux reste la priorité. 

À quoi ressemble une journée type dans la vie de vos chevaux ?

Cela varie au jour le jour. J’essaye de diversifier leurs activités autant que possible. Ils vont parfois se promener, travaillent d’autres fois sur une piste de galop, etc. Globalement, ils sautent très peu, à moins que nous ayons un exercice spécifique à travailler, comme une ligne qui nous a posé un problème par exemple. Nous essayons de ne pas être dans l’exagération. En ayant un piquet de chevaux étoffé, on peut plus facilement travailler sur ses propres points faibles, sur les choses perfectibles. Je suis en concours toutes les semaines, avec différents chevaux, des chauds, des grands, des petits, des jeunes, des expérimentés, etc, ce qui est bénéfique pour moi. Cette diversité me donne l’expérience dont j’ai besoin. Je n’ai que vingt-deux ans et je dois encore m’aguerrir.

Omar monte et forme plusieurs jeunes chevaux, à l'image de King Leon, six ans. © Sportfot

Il y a cinq ans, auriez-vous imaginé être à ce niveau, avoir participé aux Jeux olympiques ?

On ne peut jamais prédire l’avenir, mais nous avons toujours eu cet objectif en tête. Je suis content et satisfait d’avoir vécu les Jeux olympiques en étant encore un Jeune cavalier. Nous avons terminé sur une bonne note et tout cela a été rendu possible par le soutien des écuries Al Shiraa et de mes parents. J’espère que plein d’autres belles choses m’attendent dans les vingt prochaines années ou plus ! 



Selon vous, quelles sont vos plus grandes qualités en tant que cavalier et quels points devez-vous encore perfectionner ?

C’est une question difficile ! Je sais que je suis très calme. Je suis toujours concentré lors des journées importantes. Je parviens à rester dans ma bulle et je pense que c’est une bonne chose. J’essaye d’appréhender au mieux la pression, notamment en observant le comportement de mes pairs. Pour moi, chaque jour est une nouvelle journée de travail, peu importe où je me trouve dans le monde. Que ce soit la finale de la Coupe du monde ou les Jeux olympiques : c’est une nouvelle journée de travail, lors de laquelle je fais de mon mieux. On ne peut pas influencer le futur : il se passe ce qui doit se passer. Je suis heureux dès lors que mon cheval et moi quittons la piste en pleine forme. Si nous sommes tous les deux en bonne santé, nous pouvons ensuite nous pencher sur ce qu’il y a à améliorer. Je suis très chanceux d’avoir William et Duncan à mes côtés, de même que mon père. Lorsque je rencontre un problème, ils en trouvent toujours la cause et la solution. Lorsque je finis mes parcours, nous regardons les vidéos et nous analysons ce que j’aurais pu mieux faire. Je ne sors jamais de piste sans savoir exactement ce qui s’est passé et pourquoi telle ou telle chose est arrivée. Leur expérience est précieuse pour moi.

Mature et déterminé, Omar semble avoir un avenir tout tracé. © Sportfot

Quels cavaliers admirez-vous le plus ?

Citer un nom est trop difficile. Tous les meilleurs cavaliers du monde m’inspirent : ils ne sont pas les meilleurs pour rien ! Je pourrais citer Henrik von Eckermann, Christian Ahlmann, Julien Epaillard ou Marcus Ehning, parmi d’autres. Chacun d’entre eux a sa propre façon de faire et les observer est très intéressant. On peut prendre des choses chez les uns et chez les autres et essayer de les répliquer soi-même. Chacun a ses points forts. Je regarde davantage tous ces grands cavaliers au paddock qu’en piste. De cette façon, on peut mieux voir comment ils traitent leurs chevaux et comment ils travaillent. Je suis très souvent en train de regarder les grands noms de notre sport !

Dans plusieurs interviewes, vous avez mentionné l’importance des chevaux dans votre culture. Qu’en est-il exactement ?

Dans notre culture et notre religion, les chevaux ont toujours été présents. Notre culture tourne autour des chameaux et des chevaux arabes. À l’époque, il y a plus de deux mille ans, les chevaux permettaient de se déplacer. Mon père a commencé à s’intéresser aux chevaux à douze ans. J’ai donc été élevé par un homme de cheval et je suis très heureux d’être entouré de chevaux. 

La seconde partie de cet entretien sera publiée jeudi sur Studforlife.com…

Photo à la Une : Avec Enjoy de la Mûre, pépite de l'élevage de Béatrice Drigeard Desgarniers, Omar Al Marzooqi brille au plus haut niveau. © Mélina Massias