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“Je devais prendre ma retraite après les Jeux olympiques de Paris”, Di Lampard (2/2)

D'une longévité remarquable, Di Lampard n'a jamais perdu la flamme qui l'anime.
Interviews jeudi 23 octobre 2025 Mélina Massias

D’abord cavalière émérite, Di Lampard fait partie de l’encadrement technique de l’équipe britannique de saut obstacles depuis bientôt trente ans. Si elle a d’abord pris sous son aile les équipes Jeunes, au sein desquelles figuraient déjà des Ben Maher et autres Robert Whitaker, la sympathique Anglaise de soixante-huit ans est devenue sélectionneuse nationale en 2011, aux côtés de Rob Hoekstra, et n’a plus jamais lâché les rênes depuis. Désormais épaulée par le Belge Stanny Van Paeschen, soutien technique, moral et intellectuel précieux, Di Lampard fait partie des très grandes figures du paysage équestre mondial. Au fil des années, cette dynamique et passionnée femme de cheval, dont la longévité, la passion et la détermination forcent le respect, a mené son collectif au Graal olympique par deux fois, à Londres en 2012, puis à Paris, l’été dernier. À force de travail, de patience et de confiance, l’Union Jack est devenu l’un des drapeaux les plus remarquables et redoutables lors des grands rendez-vous et n’a pas manqué de flotter haut ces dix-huit derniers mois. Décryptage.

La première partie de cet article est à (re)lire ici.

Dans sa quête de performance, la Fédération équestre britannique s’appuie aussi sur le précieux World Class Programme. Financé par loterie nationale, cette initiative a pour but de “repérer, former et soutenir les athlètes vers la conquête de médailles aux Jeux olympiques et lors d’autres grands événements”. Pour le jumping, ce programme permet aussi de rémunérer et défrayer des physiothérapeutes, tant humains qu’équins, garantissant un suivi optimal des couples au plus haut niveau, mais aussi de couvrir les frais des cavaliers et leurs montures lors des grands championnats. Cette aide profite aussi aux grooms, petites mains de l’ombre si précieuses, en améliorant considérablement leurs conditions de travail. À ce point, Di Lampard accorde une importance toute particulière. “Je passe beaucoup de temps aux écuries, à échanger avec les grooms et à observer les chevaux. Je les connais tous très bien avec le temps, ce qui peut être très utile”, avance celle qui veille également à ce que les propriétaires de tous ces chevaux vivent la meilleure expérience possible lorsqu’elles et ils se déplacent en compétition. “Tina Goosen s’assure que tout soit optimal pour les propriétaires. Nous nous efforçons de leur fournir tout ce dont ils ont besoin pour leur rendre l’expérience la plus agréable possible. C’est très important. Faire attention aux gens de l’ombre est primordial.” 

Très proche de ses cavaliers, Di Lampard l'est aussi des grooms, des propriétaires et des chevaux, évidemment ! © Sharon Vandeput / Hippo Foto


Esprit d’équipe dans un sport individuel

Entre deux avions et deux traversées de l’Europe ou du monde, Di Lampard trouve toujours le moyen de rester ancrée et connectée à toutes les strates de l’équipe britannique de saut d’obstacles. Entre vidéos envoyées directement par les cavaliers et les appels passés à ses homologues responsables des jeunes, l’éminente femme de cheval a toujours un œil sur les talents de demain. Sans doute une des raisons pour lesquelles elle semble toujours les propulser dans le grand bain au moment opportun. Ce fut le cas pour Georgia Tame et Adrian Whiteway cette année, mais aussi pour Donald Whitaker et Jessica Mendoza. Cette dernière, déjà de la partie à Aix-la-Chapelle lors des Européens de 2015, a retrouvé des montures de premier ordre avec In The Air et Guidam Sohn The Second, alias Summerhouse, deux frère et sœur utérins. “Jess a été absolument fantastique à La Corogne. C’était génial”, s’enthousiasme Di Lampard. En Galice, elle a aussi savouré les performances des autres couples, entre jeunesse et expérience. Quelques jours plus tôt, à Riesenbeck, une autre Britannique, Rachel Proudley, se démarquait elle aussi en s’offrant le titre européen en individuel chez les Jeunes Cavaliers. Talentueuse, l’amazone est déjà dans le viseur de Di Lampard, qui suit avec attention son évolution. Elle a ainsi pu l’observer franchir 2,20m et remporter sa quatrième puissance d’affilée à Birmingham, le Horse of the Year Show (HOYS), un événement attendu qui attire toujours les foules outre-Manche. 

Championne d'Europe Jeunes Cavaliers cet été, Rachel Proudley est une autre preuve de la réussite globale du clan britannique. © Riesenbeck International / FEI

Si le saut d’obstacles britannique connaît une forme d’âge d’or, où l’état de grâce de ses leaders entraîne avec lui une nouvelle génération, en partie composée de pilotes précoces et issus du sérail, son championnat national ne rencontre pas le même succès que d’autres. Dans un récent entretien accordé à Horse & Hound, l’éleveur, cavalier et chef d’équipe des Emirats arabes unis William Funnel regrettait que cet événement ne soit pas aussi populaire que celui qui anime chaque année la Belgique, en parallèle des Mondiaux des Jeunes Chevaux, à Lanaken. “Je jette toujours un œil à Lanaken pour les jeunes chevaux. Ce qu’on leur demande là-bas me parait parfois un peu compliqué… Je suis d’accord avec William. Pour ce qui est du championnat national, je ne sais pas si tous les meilleurs cavaliers belges y participent ou non. Si c’est le cas, c’est remarquable, mais je ne pense pas que nous puissions en faire autant en Grande-Bretagne. Les Pays-Bas ont réussi à faire de leur échéance nationale un événement à lui tout seul, ce qui est brillant. Je ne sais pas comment nous pourrions parvenir à réunir les plus grands noms du circuit en Angleterre, dans un calendrier toujours plus rempli. En revanche, sa formule actuelle permet aussi de donner une chance aux cavaliers qui suivent le circuit national toute l’année et n’ont pas forcément la chance de briller sur des épreuves internationales. En ce sens, ce n’est finalement pas une mauvaise chose”, analyse la cheffe d’équipe. 

Dans le sport individuel qu’est, intrinsèquement, l’équitation, Di Lampard est parvenue avec maestria à instaurer un vrai esprit d’équipe. Sans doute, là encore, l’une des clefs de la forme étincelante du collectif british. De l'extérieur, l’ambiance au sein de celui-ci paraît particulièrement saine. Le seul exemple du prêt de Medoc de Toxandria en est une confirmation. Cette saison, Tim Gredley a, en effet, laissé son excellent bai évoluer sous la selle de Matthew Sampson, et ce jusqu’à une médaille d’argent par équipe aux championnats d’Europe. “Tim est un équipier et un soutien formidable”, salue sa cheffe d’équipe. Plus globalement, les Britanniques ont trouvé le bon équilibre. “Nous sommes très sérieux dans tout ce que nous faisons. Malgré tout, nous ne nous privons pas d’une bonne tranche de rigolade ou de bon temps ensemble. Il y a une vraie entraide entre tous les cavaliers et c’est aussi cela, l’esprit d’équipe”, loue Di avec conviction et satisfaction. 

Cette saison, Matthew Sampson a monté Medoc de Toxandria, habituelle monture de Tim Gredley, jusqu'aux championnats d'Europe. © Dirk Caremans / Hippo Foto



“Je n’oublie jamais, au grand jamais, mon amour pour les chevaux”

Faisant écho à une récente et très juste déclaration d’Harry Charles dans les colonnes de GRANDPRIX.info, l’Anglaise regrette parfois que ses cavaliers ne prennent pas suffisamment le temps de savourer leurs succès et autres réussites. “Il ne le font pas assez, c’est certain. Ils sont sur un tapis de course et enchaînent les concours, semaine après semaine. Cela ne s’arrête jamais. Mais à quoi bon aller en concours chaque week-end lorsqu’on n’est pas à cent pour cent ou qu’un cheval est moins en forme ? C’est contreproductif, alors que profiter d’un week-end à la maison permet de recharger les batteries et repartir de l’avant. Nous l’avons constaté lorsque la pandémie de Covid-19 a interrompu la plupart des compétitions nationales et internationales : tous les cavaliers étaient ravis de pouvoir souffler, couper et se ressourcer. Cela leur a fait un bien fou. Cette année, Harry Charles n’a pas disputé autant de CSI que les années précédentes. Mais à chacune de ses sorties avec l’équipe, il était au rendez-vous”, plaide-t-elle, reconnaissant que lever le pied, dans cette course effrénée, n’est toutefois pas simple. 

Au fil des années et des milliers de kilomètres parcourus autour du globe, Di Lampard n’a jamais perdu la flamme de sa passion ardente. “Les chevaux sont ma vie”, martèle-t-elle. “J’ai toujours été passionnée par les animaux. Et je n’oublie jamais, au grand jamais, mon amour pour les chevaux.” En trois décennies, la Britannique s’est adaptée au changement du sport et a continué d’exercer ses missions avec implication et ferveur. Au-delà des résultats de l’équipe britannique et de ses individualités, la cheffe d’équipe est surtout une source d’inspiration profonde dans un univers encore trop souvent accaparé par les hommes. Si Kathie Prudent a endossé certaines missions au sein de l’équipe américaine, notamment celles de coach, que Fabienne Daigneux-Lange a contribué à faire émerger de jeunes talents belges en prenant les rênes de l’équipe secondaire durant plusieurs années, qu’Angelica May était le visage officiel de la sélectionneuse de l’Autriche lors de son historique médaille de bronze aux Européens 2023 et que l’Italie est actuellement dirigée par Elisa Solerio, aucune de ces femmes n’a - pour l’heure - atteint la même aura, ni la même longévité que Di Lampard. Unique et reconnue par ses pairs, elle a d’ailleurs été gratifiée du rang de Membre de l’Ordre de l’Empire britannique (MBE), une distinction réservée aux ressortissants britanniques et visant à récompenser des personnalités pour leur influence et leur rôle dans un domaine en particulier. 

Di Lampard est la seule femme à avoir connu une telle carrière en tant que cheffe d'équipe. © Sportfot

Après Paris et La Corogne, la Grande-Bretagne sera l’une, si ce n’est la favorite à Aix-la-Chapelle, dans dix mois. Di Lampard ne le cache pas : elle a déjà un plan en tête. Si les détails de celui-ci restent pour l’heure secrets, la Britannique confie surveiller “une dizaine voire une douzaine” de couples pour les prochaines grandes échéances. Pour les Mondiaux, qui auront un double enjeu, celui du prestige de briller dans le temple sacré des sports équestres, mais aussi celui de se qualifier pour les Jeux olympiques de Los Angeles, la concurrence s’annonce rude, et ce dans toutes les équipes. Mais l’Union Jack est prêt, prêt à relever ce nouveau défi après avoir abordé les Jeux de Paris dans la peau d’un outsider. Ni le cadre, ni la pression et encore moins le terrain en herbe n’effraient Di Lampard. “L’herbe n’est pas un problème. Nos chevaux ont de l’expérience et ont l’habitude de ce genre de terrain”, prévient celle qui a déjà les yeux tournés vers Los Angeles. “Pouvoir se qualifier dès l’an prochain serait un vrai plus. Cela permettrait d’économiser nos montures et de tester de nouveaux couples en 2027, tout en abordant 2028 dans les meilleures conditions.” 

Toujours à mille à l’heure, Di Lampard voit pourtant assez clair dans son avenir. “J’arrêterai après Los Angeles”, tranche-t-elle. “Je serai probablement trop vieille après cela de toute manière ! (rires)” Mais qui sait ? D’ici là, un nouveau signe du destin lui parviendra peut-être. “Je devais prendre ma retraite après Paris 2024”, poursuit-elle, avec une sincérité touchante. “J’ai perdu mon mari, Dietmar Ackermann, il y a deux ans. Après les Jeux de Paris, je voulais profiter des choses qu’il aimait. Nous étions tous les deux très professionnels dans nos rôles respectifs. Et alors qu’il m’a toujours soutenue, il n’a jamais imaginé que sa place puisse être à mes côtés dans mes déplacements. Le métier de cheffe d’équipe, comme je l’exerce, nous fait passer beaucoup de temps dans les aéroports. À Paris, Harry Charles a frôlé une barre dans le triple lors de la finale par équipes. J’ai toujours dit que Dietmar l’avait remise dans les taquets. J’en suis convaincue. Cette médaille d’or a vraiment eu une saveur particulière et a été acquise dans une ambiance indescriptible. C’est sans doute le meilleur souvenir de ma carrière. Tout était extraordinaire.” À n’en pas douter, la bonne étoile de Di Lampard continuera de veiller sur elle et ses protégés aussi longtemps qu’il le faudra, avec bienveillance, admiration et fierté. 

Pour de nombreuses raisons, Di Lampard cite l'aventure des Jeux olympiques de Paris 2024 comme le meilleur souvenir de sa vie professionnelle. © Benjamin Clark / FEI

Photo à la Une : D'une longévité remarquable, Di Lampard n'a jamais perdu la flamme qui l'anime. © Mélina Massias