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“J’essaye de me rappeler chaque jour que ce que nous sommes en mesure de faire avec les chevaux est un privilège”, Géraldine Straumann (2/2)

Géraldine Straumann
samedi 15 février 2025 Mélina Massias

Sixième des Grands Prix Coupe du monde d’Oslo et Vérone, onzième du temps fort du CSI 5* de Stockholm et au départ de la Coupe des nations de Calgary, Géraldine Straumann a probablement connu la plus belle année sportive de sa jeune carrière en 2024. À vingt ans, la Suissesse peut compter sur plusieurs partenaires de choix pour poursuivre ses rêves de grands championnats, dont l’excellent Long John Silver 3. Rencontrée lors du CSI 5*-W de Bordeaux, l’amazone s’est confiée sur sa relation avec son puissant gris, ses ambitions, son parcours, son expérience au Danemark au sein des écuries des frères Schou, ses différentes montures, entre autres sujets. Second épisode.

La première partie de cet entretien est à (re)lire ici.

Comment se porte le bien nommé Unbelievable, plus vu en compétition depuis décembre 2023 ?

Il est toujours en convalescence. Il s’est blessé assez sévèrement à Genève il y a deux ans. Le pronostic est plutôt favorable et j’espère l’avoir bientôt de nouveau à mes côtés en concours. Nous avons pris beaucoup de temps avec lui. C’est important pour nous de ne pas précipiter les choses.

Unbelievable continue sa convalescence avant un possible retour à la compétition. © Sportfot

Le mois dernier, Nikey HH (Emerald van’t Ruystershof x Upsilon vd Heffinck), dont vous avez l’acquisition à la fin de l’hiver dernier après qu’elle a excellé sous la selle de Jessica Burke, a fait son retour en compétition à Oliva, neuf mois après sa dernière apparition internationale. Comment va-t-elle et quels sont vos objectifs avec elle ?

Elle s’est blessée très rapidement après que nous l’avons achetée. C’est pour cela qu’elle est restée éloignée des terrains de compétition aussi longtemps. C’est assez spécial, car nous avons appris à la connaître d’une façon totalement différente. Cela fait presque un an qu’elle est à nos côtés et je la connais plutôt bien pour tout ce qui concerne la maison, et sa remise au travail. Cependant, en tant que cheval de concours, nous sommes un tout nouveau couple. Le but est d’apprendre à nous connaître en piste, puis, avec un peu de chance, la ramener au plus haut niveau afin qu’elle soit prête pour quelques belles échéances cette année.

Ancienne complice de Jessica Burke, Nikey HH a repris le chemin de la compétition en janvier avec Géraldine Straumann. © Sportfot

En fin d’année dernière, vous avez également accueilli deux autres juments de Grand Prix 5* : HHS Cornetta (Windows vh Costersveld, alias Cornet Obolensky x Acorado) et Melusina BVL (Mylord Carthago x Air Jordan). Qu’aimez-vous chez elles et quelles sont vos ambitions avec elles ?

Nous avons d’abord acheté Cornetta. C’est vraiment mon type de cheval ! Elle est grande, a beaucoup d’amplitude, de sang et de caractère. Nous sommes toujours en train de nous découvrir. Je la monte depuis octobre seulement, ce qui représente peu de temps. Nous avons participé à quelques CSI en Espagne, que je trouve très intéressants pour faire connaissance avec de nouvelles montures. On est au calme, on peut disputer plein d’épreuves différentes, sans pression ni stress. Nous allons doucement monter en épreuves et nous verrons où cela nous mène. Nous avons ensuite acquis Melusina un peu après, fin octobre. Elle est très différente de Cornetta. Elle est vraiment petite, ce qui est inhabituel pour moi, mais elle a une grande foulée et une super tête. Elle a toujours les oreilles en avant et regarde droit devant elle. Je dois dire que tout est allé très vite avec elle. Nous avons pris part à notre premier Grand Prix 5* à Amsterdam (le Grand Prix de la ville, seconde épreuve majeure du concours après l’étape Coupe du monde, ndlr). Nous avons concédé une faute, mais j’étais ravie de notre parcours. Je suis impatiente de continuer la saison avec elle ! Avec ces deux juments, nous voulions avoir des chevaux d’expérience pour épauler Long John cette année et enrichir mon groupe de montures.

Melusina BVL, ici avec Samuel Hutton, semble s'être parfaitement adaptée à sa nouvelle cavalière. © Sportfot



“Je suis reconnaissante du soutien de ma famille, mais le travail et les efforts que je dois fournir restent les mêmes”

Avez-vous également des jeunes chevaux ? Ou aimeriez-vous en former à l’avenir ?

J’aimerais avoir un mélange entre jeunes chevaux et montures expérimentées, mais ce n’est pas le cas en ce moment. Aucun de mes chevaux n’a moins de neuf ans (l’âge, notamment, du Selle Français Ghost des Brimbelles, Cornet Obolensky x Hickstead, arrivé au sein de son piquet en septembre dernier des écuries de Jana Wargers, ndlr), mais j’espère à l’avenir pouvoir aussi en former de plus jeunes. Cela me plairait énormément. Je pense que l’on peut apprendre beaucoup lorsqu’on commence à les monter dès leurs débuts et grandir avec eux. 
La jeune Suissesse monte aussi le prometteur Ghost des Brimbelles. © Sportfot

Vous avez plusieurs très bonnes juments sous votre selle. Vous intéressez-vous à l’élevage ? 

Nous avons un petit élevage à la maison. Nous utilisons principalement All Star 5 (né All For Love 2, Argentinus x Almé), évidemment ! L’une de mes anciennes juments de concours, Qualoma (Quasimodo x No Limit), est désormais retraitée. Elle a de bonnes origines et j’aimerais bien qu’elle ait une seconde carrière à l’élevage également.

Dans quelle mesure diriez-vous que le soutien financier de votre famille vous a aidé dans votre carrière ?

Être soutenu, par des propriétaires ou, comme dans mon cas, par sa famille, est évidemment important. Mon père (le docteur Thomas Straumann, à la tête de l’institut Straumann, qui a notamment fait fortune grâce aux implants dentaires, et également président du conseil d’administration du CHI de Bâle, ndlr) n’aime vraiment pas vendre ses chevaux. C’est quelque chose que j’apprécie vraiment et dont je suis reconnaissante. Savoir que ses chevaux ne seront pas vendus du jour au lendemain procure un sentiment rassurant et est une forme d’aide. Cela étant dit, le travail et les efforts que je dois fournir restent les mêmes.

Vos chevaux appartiennent-ils tous à votre famille ? Aimeriez-vous aussi avoir des propriétaires extérieurs ?

Nous sommes propriétaires de tous nos chevaux. On ne sait pas quelles opportunités peuvent se présenter à nous dans le futur, mais nous sommes ouverts. Toutefois, j’espère pouvoir continuer à compter sur le soutien de ma famille dans le futur.

Désormais retraitée, Qualoma pourrait se consacrer à la reproduction dans les mois et années à venir. © Sportfot

Bénéficier d’un tel entourage et d’une telle aide vous fait-il ressentir une quelconque pression ?

Avec tout ce soutien, forcément, on a envie de bien faire, de rendre sa famille fière dans mon cas, mais mes proches ne m’ont jamais mis de pression néfaste quant à mes résultats. Je ressens toutefois une forme de pression, qui me semble être une bonne chose : cela prouve que ce qu’on fait nous tient à cœur et que l’on a envie de faire de notre mieux.

Et de la part d’autres cavaliers, en avez-vous ressenti ?

Oui, bien sûr, surtout lors de compétitions majeures et en Coupes des nations. Il y a toujours plus de pression parce qu’on veut être bon pour son équipe, pour son pays. Mais j’aime monter sous pression. Je dois encore m’améliorer sur ce point, mais c’est quelque chose que j’apprécie. Cela rend les choses encore plus spéciales et nous pousse à nous dépasser.

Travaillez-vous sur votre mental, avec un coach par exemple ?

Non, pas pour l’instant, mais je pense qu’il s’agit de quelque chose sur lequel je devrais me pencher. On peut gagner quelques pourcentages en terme de performance grâce à la préparation mentale. Je suis très intéressée par tout l’aspect psychologique qui entoure le sport, ainsi que la neuroscience. Je lis beaucoup à ce sujet, mais je n’ai pas de coach mental. Je suis toutefois ouverte à en avoir un à l’avenir !

Le puissant Long John Silver a disputé les championnats d'Europe Jeunes cavaliers l'été dernier avec Géraldine Straumann. © Sportfot



“Je trouve que le système de la Global Champions League, où une place par équipe est réservée à un cavalier de moins de vingt-cinq ans, est une vraie chance”

Comment vous sentez-vous au sein de l’équipe suisse de saut d’obstacles ? 

Très bien ! Je pense que nous avons une super équipe en suisse, avec plein, plein de cavaliers très intéressants et doté d’une grande expérience. Nous, jeunes, pouvons tant apprendre lorsque nous sommes en concours avec eux ! Ils sont toujours ouverts, prêts à nous aider, à répondre à nos questions ou à nous soutenir. On se sent vraiment supporté, au sein d’un solide système helvétique, ce qui est très important.

Pour Géraldine Straumann, porter la veste de l'équipe suisse est le plus grand honneur qui soit. © Sportfot

Vous faites partie d’une équipe de la Global Champions League. Comment vivez-vous cette expérience ?

L’an dernier était ma première saison. C’était une très bonne expérience, parce que cela m’a donné la possibilité de participer à des concours importants dès le début d’année. Cela m’a permis de prendre de l’expérience, ce qui est nécessaire, mais possible que si on a les chevaux pour. Je trouve que le système du circuit, où une place par équipe est réservée à un cavalier de moins de vingt-cinq ans, est une vraie chance pour nous de faire nos preuves et progresser. Si l’on obtient de bons résultats et que l’on travaille dur, on peut alors avoir la chance, comme ce fut mon cas à Calgary, de représenter son pays en Coupe des nations. C’est très motivant !

Christian Kukuk, sacré champion olympique l’été dernier avec Checker 47, a, lui aussi, émergé grâce à la Global Champions League. Que cela vous inspire-t-il ?

C’est très inspirant de côtoyer des cavaliers comme lui ou comme John Whitaker et tant d’autres. Je crois qu’en concours, qu’il s’agisse d’une étape du Global Champions Tour, d’une étape Coupe du monde ou d’un autre 5*, on peut toujours apprendre énormément, simplement en regardant les autres et en essayant de retenir un maximum de choses. C’est quelque chose dont on doit être conscient et dont on doit profiter. Pour cela, les étapes du Global sont très intéressantes, parce qu’on évolue avec des cavaliers très forts, dont on peut s’inspirer.

Géraldine Straumann saisit toutes les occasions pour s'inspirer et apprendre de ses pairs. © Sportfot

Dans une récente interview accordée à GRANDPRIX.info, vous avez confié admirer particulièrement Peder Fredricson. Pour quelles raisons ?

J’aime simplement voir la façon dont il travaille avec ses chevaux, notamment lorsque j’ai l’occasion de le voir évoluer sur le plat en concours. J’essaye aussi de le suivre sur les réseaux sociaux. Il lui arrive d’expliquer certains exercices, que l’on peut ensuite reproduire. Cela m’intéresse beaucoup. Je viens aussi de commencer son livre, que j’ai hâte de lire ! J’aime aussi sa vision, le fait de mettre ses chevaux au pré, de les emmener se balader, de galoper en extérieur, etc. C’est super inspirant.

Comment décririez-vous votre propre vision ?

Quoi qu’il arrive, je fais toujours passer mes chevaux en premier. J’essaye de me rappeler chaque jour que ce que nous sommes en mesure de faire avec les chevaux est un privilège. Bâtir une vie aux côtés d’un animal qui ne parle pas le même langage que nous et travailler avec lui est l’une des plus belles choses qui soit. Avec chaque cheval, on doit trouver une façon de communiquer, de se comprendre et de s’aider. C’est ce qui m’inspire et me motive à être, je l’espère, un jour, parmi les meilleurs de ce sport.

“Quelles que soient les circonstances, il est primordial de se souvenir que les chevaux sont des chevaux”

Lorsqu’on côtoie le plus haut niveau toutes les semaines ou presque, il peut être facile d’oublier que les chevaux sont avant tout des chevaux. Comment faire pour ne pas tomber dans ce piège ?

C’est important de ne jamais l’oublier. Les chevaux peuvent avoir un mauvais jour, tout comme nous. Ils ont besoin de repos, nous aussi. Je crois qu’il est primordial que, quels que soient les circonstances ou l’environnement dans lequel on est, de se souvenir que les chevaux sont des chevaux et de leur donner la priorité.

"Les chevaux peuvent avoir un mauvais jour, tout comme nous", assure l'amazone de vingt ans. © Sportfot

Quels sont vos rêves, vos objectifs pour le futur ?

Mon rêve est évidemment d’être l’une des meilleures du monde un jour. Je travaille dur pour cela. J’espère également pouvoir représenter la Suisse en Coupes des nations et championnats. Pour moi, monter pour mon équipe nationale est le plus grand honneur qui soit.

En dehors des chevaux, avez-vous d’autres passions, d’autres centres d’intérêts ?

Des centres d’intérêts, oui, énormément. C’est bien de s’instruire sur d’autres aspects de la vie. En termes de passions, je n’ai pas beaucoup de temps. J’aime voyager, jouer du piano, lire et passer du temps avec mes amis et ma famille.

Photo à la Une : Géraldine Straumann a trouvé une belle connexion avec Long John Silver. © Sportfot