Il y a quatre ans, Wilma Hellström n’aurait probablement pas osé rêver de faire partie de la très sélective équipe suédoise de saut d’obstacles. Cette année, la jeune femme, sacrée championne d’Europe avec son collectif à l’été 2023 et passée par quelques grandes écuries, a touché du doigt une sélection olympique. Finalement réserviste avec sa reine Cicci BJN, qu’elle prend le plus grand soin à préserver, la Scandinave garde le sourire et poursuit son chemin, entourée de jeunes montures très prometteuses, à l’image de sa nouvelle star : Eleven. Rencontrée à Equita Lyon, début novembre, la jeune trentenaire s’est confiée sur son année, son piquet de chevaux, son déménagement à venir, l’évolution de ses anciens partenaires Checker 47 et Hello Valentino et bien d’autres sujets. Entretien.
La première partie de cet entretien est à (re)lire ici.
Comment se porte votre fidèle Cicci BJN (Ci Ci Senjor x Tornesch), treize ans, en ce début de saison indoor ?
Cicci est déchaînée ! J’ai dû venir à 5h30 ce matin (interview réalisée vendredi 2 novembre, ndlr) pour la monter seule. Hier, elle a fait le show ! Elle est de plus en plus électrique avec l’âge ! J’ai du mal à y croire ! Elle est parfois tellement impatiente et excitée qu’il est difficile de se mettre en selle : elle galope sur place. Et on ne peut pas l’arrêter. Alors on essaye de l’amadouer avec des friandises. Elle contrôle toute ma vie ! J’espère qu’elle est heureuse d’être en concours.
Cette année, vous avez dit au revoir à Quinti von Hof (Quicklij B x Colombard), avec qui vous vous êtes classée dixième de l’étape de la Coupe du monde Longines de Göteborg en février et deuxième du Grand Prix 4* de Fontainebleau en 2023. Comment avez-vous réagi à son départ ?
Il s’agit toujours de décisions difficiles. Quinti est un cheval très spécial. Il était toujours avec moi et donnait toujours son maximum, même s’il est atypique. Il nous manque beaucoup aux écuries, mais je suis heureuse de recevoir des messages de la part de son nouveau cavalier (le Turc Hasan Senturk, ndlr). Il l’aime énormément et le fait qu’il soit entouré de personnes qui l’apprécient est ce qu’il y a de plus important pour moi. C’est un cheval fantastique et j’espère que son nouveau cavalier et son équipe connaîtront la même joie que moi à ses côtés.
Eleven (née Let’s Cream, Coltaire x Divin du Mûrier), neuf ans, occupe une place particulière dans votre cœur et semble dotée d’un immense potentiel. Quelle est son histoire ?
J’ai vu une vidéo d’Eleven lorsqu’elle avait six ans. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle est assez grande et était encore assez verte dans son corps à ce moment-là. Il y a deux ans, durant l’étape de la Coupe du monde de Madrid, je l’ai vue en vrai pour la première fois. Elle était bouillonnante. Au box, il fallait deux personnes pour s’occuper d’elle et la sortir. Elle est très impétueuse. Elle a sauté lors de ce concours et j’ai demandé à Marina et Antonio (Frutuoso de Melo, ndlr), ses propriétaires, que je connaissais déjà, s’ils souhaitaient la vendre. Ce n’était pas le cas, mais nous nous sommes recontactés un peu plus tard. Eleven a pris part au CSI 1* de Madrid en 2023, en parallèle de l’étape du Global. Elle s’est montrée incroyable ! Je l’ai essayée et je l’ai immédiatement adorée.
L’avez-vous achetée vous-même ou appartient-elle à un propriétaire extérieur ?
Oui, elle appartient officiellement à ma mère ! Même si on ne sait jamais ce que l’avenir réserve, j’espère pouvoir la conserver.
Quelles sont ses principales qualités ?
Son caractère ! Il est extraordinaire. Elle est, de loin, la jument la plus ambitieuse que j’aie jamais eue. Elle est toujours partante pour travailler, même si elle est encore verte. À neuf ans, on se dit qu’elle est prête à disputer des Grands Prix et passer au niveau suivant, mais il faut garder en tête qu’elle n’a sauté qu’un parcours à 1,45m à huit ans. Elle a finalement fait très peu de choses par rapport aux autres chevaux de son âge parce que Marina se concentre vraiment sur les jeunes. Dans ce sens, elle a davantage l’expérience d’un cheval de huit ans. Pour moi, elle a toutes les capacités qui soient. C’est une battante et je pense beaucoup de bien d’elle. Le sentiment qu’elle me procure est incroyable.
Que recherchez-vous lorsque vous êtes en quête de nouveaux jeunes chevaux ? Quelles caractéristiques vous séduisent particulièrement ?
Je dois dire que j’accorde beaucoup d’importance au caractère. Pour moi, ils peuvent avoir toutes les qualités du monde, s’ils n’ont pas le bon état d’esprit, qu’on n’a pas le sentiment qu’ils se battront pour nous, cela ne colle pas. Évidemment, il faut que les chevaux aient des qualités, du sang, qu’ils soient intelligents sur les barres, mais leur mental et leur envie de bien faire sont ce qu’il y a de plus important pour moi. Si l’on compare Quinti et Eleven, par exemple, ce sont deux chevaux différents, mais qui ont une envie de bien faire similaire. Ils donnent toujours le meilleur d’eux même, peu importe les circonstances. Il faut sentir ce petit truc en plus. Au box, Eleven suit attentivement toutes les personnes qui passent devant elle. Ma groom (Madelene Isaksson, ndlr) dit qu’elle est un peu comme quelqu’un au milieu d’une rue, qui note dans son carnet “cette voiture blanche est passée à telle heure, avec tant de passagers à bord” (rires). Et presque tous mes chevaux sont gris en ce moment ! Mais je ne sais pas pourquoi ! (rires)
Votre étalon de onze ans, Mr Vain GJ (Diarado x Lavirco), lui, n’est pas gris ! Comment va-t-il ?
Mr Vain est noir ! Il va très bien. Il était chez lui, en Suède, pour accomplir ses devoirs d’étalon. C’est pour cela qu’il vient juste de revenir. Je suis très contente de l’avoir de nouveau aux écuries. C’est un super cheval.
Vous semble-t-il avoir le potentiel pour affronter des Grands Prix 5* dans le futur ?
Oui, assurément. Il est très détendu pour un étalon. Même après avoir fait la monte tout l’été, il reste sagement à côté des juments, tant à la maison que dans le camion lors des transports. Il est adorable. Il est encore vert, puisqu’avec la reproduction, il n’a pas encore fait beaucoup de choses sportivement parlant. Il a pris part à son premier Grand Prix 3* l’année dernière. On verra ce que l’avenir lui réserve, mais il est très chouette.
Parmi votre piquet actuel, quels autres chevaux vous semblent avoir les moyens pour épauler Cicci BJN au plus haut niveau d’ici quelques mois ou années ?
C’est une bonne question ! Je dois dire que j’ai beaucoup de bons chevaux, mais on ne sait jamais lesquels passeront le cap du plus haut niveau. Cela leur demande tellement d’ingrédients ! Je fonde beaucoup d’espoir dans le fait qu’Eleven soit ma prochaine superstar.
J’aimerais également ajouter que grâce à mes sponsors (la famille Johansson, ndlr), que je représente avec le logo “AJ”, qui ressemble à celui de superman, et qui sont les propriétaires et éleveurs de Mr Vain, nous avons de nouvelles écuries ! Nous allons emménager dans trois semaines (entretien réalisé vendredi 1er novembre à Lyon, ndlr) et j’aurais désormais mon propre cocon. Je reste à Valkenswaard et mon petit-ami, Eoin McMahon, va s’installer avec moi !
Eoin McMahon a pris les rênes de Cornest (Balou du Reventon, né Cornet’s Balou x Stakkatol), vainqueur d’un Grand Prix 4* avec Marlon Modolo Zanotelli en juillet 2023, en mai. N’avez-vous pas l’envie de retrouver ce hongre de onze ans sous votre selle ?
Non, pas pour le moment. Eoin le monte et je trouve qu’il fait un très bon travail avec lui !
Comment vivez-vous votre rôle de propriétaire et le fait d’observer ce couple à pied ?
Bien. C’est incroyable de les voir ensemble. Mais je dois dire que j’adore monter et que je suis très nerveuse lorsque je suis à pied ! Mon dieu, c’est terriblement mauvais pour ma santé lorsqu’il est à cheval ! (rires) Je dois travailler sur cela !
Checker 47 (Comme Il Faut x Come On) n’est pas le seul excellent cheval à être passé par vos écuries, puisque vous avez également formé Hello*Valentino (Diamantino x Careful), excellent complice de Scott Brash, pendant plusieurs années. Comment était-il lorsqu’il était plus jeune ?
J’ai acheté Valentino lorsqu’il avait quatre ans et nous l’avons gardé jusqu’à ses huit ans. Il rendait tout très facile. Il m’a donné un bon sentiment dès que je l’ai essayé et je savais que s’il y avait besoin, il se battrait pour moi. Pour tout le reste, il était assez facile. Il était encore étalon, mais nous l’avons castré à sept ans car il avait beaucoup de force. J’ai vraiment apprécié le monter. Nous commencions à bien progresser lorsqu’il a été vendu à Scott. J’ai de la semence congelée de Valentino, qui était approuvé au Oldenbourg, et sa lignée maternelle est fantastique (le gris est notamment le neveu des géniaux Fibonacci 17, que montait Meredith Michaels-Beerbaum, et Crusader Ice, un temps sous la selle de Peder Fredricson, ndlr) !
La troisième et dernière partie de cette interview est disponible ici.
Photo à la Une : Wilma Hellström ne tarit pas d’éloges au sujet d’Eleven, une grise de neuf ans qu’elle monte depuis l’été 2023. © Mélina Massias