Début novembre, à Lyon, la Société hippique française (SHF) a de nouveau organisé sa désormais traditionnelle finale des Jeunes talents de saut d’obstacles, en collaboration avec les équipes de GL Events. Pendant un peu plus d’une demi-heure, sept chevaux de cinq ans et neuf de six ans ont enchaîné un parcours et été notés sur leur manière et leur aptitude. Après une première manche qualificative et cet ultime test, qui s’est joué sur la carrière principale du salon, Ipanema des Lotus et Habibi V’Gas ont décroché le gros lot, mettant en lumière le travail de leurs éleveurs respectifs : Stéphanie Alexandre et Brigitte et Jean-Luc Boiziau.
Habibi V’Gas et Ipanema des Lotus, nées chez Brigitte et Jean-Luc Boiziau, et chez Stéphanie Alexandre, ont décroché la palme à Lyon. Dans le cadre de l’immense événement mis sur place chaque année par GL Events, qui a réuni en 2023 plusieurs milliers de visiteurs sur cinq jours, ces deux jeunes juments ont sauté dans le grand bain en se présentant sur la piste principale du concours, la carrière internationale, samedi 4 novembre. Face à des tribunes clairsemées, mais au milieu de l’ambiance bouillonnante du salon, ces jeunes pousses de six et cinq ans s’en sont tirées comme des cheffes, repartant avec les honneurs dans leurs catégories respectives.
Le sang de Canturo à l’honneur chez les cinq ans
Dans cette configuration inhabituelle et parfois intimidante, les sept concurrents de cinq ans, et les neuf de six ans ont engrangé une précieuse expérience. Après une première journée de compétition sur la carrière Equita Jump, l’une des onze arènes d’Eurexpo, ces jeunes talents ont été jugés par des pointures, dont des cavaliers internationaux. Pleine de sang et de bonne volonté, Ipanema des Lotus, premières de ses dames à être récompensées, a obtenu les très bonnes notes de 16/20 pour sa manière et 17/20 pour son aptitude. Combinées à celles de sa première prestation, appréciée à 15 et 15,5/20, la protégée de Stéphanie Alexandre s’est offert les honneurs.
habitué à travailler avec de jeunes montures et à leur donner les clefs pour atteindre leur plein potentiel. “Ipanema va profiter de ses vacances jusqu’en mars prochain. Nous souhaitions déjà lui offrir du repos après la finale nationale de Fontainebleau, mais l’opportunité de venir ici, à Lyon, s’est présentée à nous. L’objectif devrait à nouveau être la Grande Semaine l’an prochain. J’espère que nous pourrons la conserver avec nous.”
“Ipanema est une jument de cinq ans, que j’ai commencé à monter il y a un an et demi. Elle est très sensible mais a beaucoup de qualités. Elle a des moyens et est très volontaire à l’obstacle. Aujourd’hui, le parcours était assez haut, mais cela était facile pour elle. Le plus difficile à gérer avec elle reste l’environnement, et les obstacles un peu regardant. Elle était très peureuse lorsque je l’ai récupérée, mais nous avons bien progressé. Elle me fait désormais confiance et est très facile en piste. Pourtant, cette atmosphère n’est pas simple à gérer pour un cheval de cinq. Elle a montré qu’elle est vraiment en confiance et je crois qu’elle passe un cap. Ses propriétaires et moi sommes très contents de ce résultat. Nous espérons qu’elle va continuer à évoluer en ce sens dans les années à venir. Au quotidien, elle est délicate. Nous l’appelons d’ailleurs la princesse ! Il faut lui parler très poliment, car on ne gagne jamais avec elle. Il faut réussir à la convaincre. Cela fait trois, quatre mois qu’elle est contente d’aller travailler ou d’aller en concours. Cela nous rassure pour le futur”, a commenté le Colombien Alejandro Hernandez Herrera Farid,
Ipanema des Lotus, élevée plusieurs années chez Carole Kiener, est une fille de Canturo et Pampa de la Violle, une jument par Elan de la Cour née chez Hugues Bonvalot, dans les Vosges. Avant de faire le bonheur des affixes de la Violle et des Lotus, la lignée maternelle de la baie a également été exploitée par l’élevage du Banney, donnant notamment Osco (Jalisco B), ISO 158. Flore de l’Erdre, troisième mère d’Ipanema, combine les sangs des Pur-Sangs Popof et Fra Diavolo. Croisée à Uriel, elle a engendré Sauge du Banney, elle-même à l’origine de trois chevaux crédités d’un ISO supérieur à 140 : Danae de la Violle (ISO 156, Muguet du Manoir), Hope de la Violle (ISO 150, Double Espoir), Pepito de la Violle (ISO 145, Verdi). Les filles de Sauge se sont également révélées être de très bonnes mères, à l’instar de… Pampa de la Violle. La belle, qui défend le label Selle Français Originel, a lancé l’élevage des Lotus, voilà une douzaine d’années. Sa première fille, Baby Doll (Lux), se consacre à la reproduction, tandis que ses autres produits se distinguent sur les terrains de concours. Crazy Girl (Tinka’s Boy), Esprit (L’Arc de Triomphe) et French Kiss (Orlando) évoluent tous trois à 1,40m et plus.
Grâce à sa victoire, Ipanema, formée cette année par le volubile colombien Alejandro Hernandez Herrera Farid après deux engagements à quatre ans sous la selle de Théo Carratala, a remporté 1.030€, soit un peu plus de cinq cents euros de moins que la maigre récompense accordée par la Fédération française d’équitation (FFE) à sa championne de France des sept ans… Outre cet intéressant pécule financier, la victoire de la fille de Canturo a permis d’offrir une belle visibilité à ses éleveurs, comme l’avait par exemple fait Gift des Lunes l’an passé, mettant en lumière le travail de la très sympathique Virginie Auclair.
Loin d’avoir démérité, mais assez nettement distancés par la lauréate du jour, Ixora des Forêts et Itopaze MF, montés respectivement par Thomas Leveque et Alain Fortin, ont complété le Top 3. Le premier cité est un hongre par By Cera d’Ick et Lavande des Forêts (Le Tôt de Semilly), qui n’est autre que la mère de l’excellente Ulysse des Forêts (Col Canto), bonne gagnante avec Steve Guerdat et désormais poulinière pour le compte de l’élevage de la Marchette de Grégory Wathelet. Il s’agit évidemment de la souche basse de May Flower III, qui a apporté et apporte toujours tant de réussite et de succès à la famille Paris, naisseuse d’Ixora. Itopaze MF, quant à elle, est une descendante du génial et regretté Quartz du Chanu. Elle est née dans l’Orne, chez Michel Frigot. Deuxième des quatre ans l’an passé à Lyon, la petite-fille de Quincy, alias Quaprice Bois Margot, confirme tout son potentiel. Rendez-vous à six ans !
Et si Habibi V’Gas continuait d’écrire la légende de Paille de la Roque ?
Habibi V’Gas, elle, a parfaitement conclu son année de six ans ! Sous la selle de Teddy Thellier, la fille de For Pleasure, née pour le compte de la S.c. V'gas Bc, gérée par Jean-Luc Boiziau, a été créditée des très bonnes notes de 16,5 et 17,5/20 pour sa manière et son aptitude, les meilleures dans sa classe d’âge. La belle a vu le jour en Indre-et-Loire, comme beaucoup de ses concurrents à Lyon, à quelques centaines de mètres seulement du haras de Belair de la famille Deuquet, à Tours Pernay.
Habibi, qui a engendré son premier produit, une pouliche prénommée Kiffa V’Gas (Clarimo), par transfert d’embryon en 2020, est issu de la toute bonne souche d’Isigny développée par Lucien Hermon. L’alezane est une petite-fille de Miloust d’Isigny, dont la première fille n’est autre que… Paille de la Roque (Kannan) ! Pour rappel, Paille a fait le bonheur du champion olympique Steve Guerdat, allant jusqu’à décrocher la très exigeante finale de la Coupe du monde de Las Vegas en 2015. Dans la souche maternelle de Habibi, figurent aussi Priam d’Isigny (ISO 156), Atoll de Martigny (ISO 149), Rivage d’Isigny (ISO 149), Oméga d’Isigny (ISO 148) ou encore Ibiscus d’Isigny (ISO 146). Créditée d’un ISO 127 pour sa saison de concours 2022, la descendante du regretté For Pleasure, médaillé d’or par équipe aux Jeux olympiques de Sydney, a effectué l’intégralité de sa toute jeune carrière sportive sous la selle de Teddy Thellier, formateur réputé ayant notamment vu passer sous sa selle un certain Timon d’Aure, ancien partenaire d’Alexis Deroubaix jusqu’aux Jeux équestres mondiaux de Tryon et lauréat du Grand Prix 5* de Dinard, ou encore Confidence d’Ass, bonne jument de vitesse d’Edward Levy.
“Habibi est une fille d'Égérie d’Isigny, une sœur de Paille de la Roque. C’est une jument très, très énergique. Elle a énormément de respect et est très guerrière. Le seul défi est de canaliser sa fougue. Je la monte depuis qu’elle a quatre ans. Elle n’a pas fait beaucoup de sorties à quatre ans. À cinq ans, elle a participé à la finale de Fontainebleau pour prendre un peu de métier et elle s’est vraiment révélée cette année. Elle a pris confiance en elle et on a pu libérer la rage qui l’anime (rires)”, a confié le timide mais non moins talentueux Teddy Thellier, qui monte tous les jeunes chevaux de l’élevage V’Gas. “L’objectif est de suivre le circuit des sept ans l’année prochaine. Le premier objectif n’est pas commercial. Notre but était nous amuser, parce que cette piste est juste magique. On pense qu’elle est destinée à faire du beau sport et qu’elle côtoiera d’autres pistes comme ça dans sa vie. Je ne vais pas dire qu’elle n’a pas été impressionnée ici, mais lorsqu’elle l’est, sa réaction est de déployer encore plus d’énergie. On peut lui faire confiance.”
Discrets, les naisseurs de Habibi V’Gas ont assisté avec plaisir et modestie au sacre de leur protégée. Cette année, l’élevage a enregistré quatre naissances, soit quatre fois plus que ces quatre dernières années. Lancé en 2011, l’affixe V’Gas compte vingt-trois représentants. Parmi les poulinières stars de l’élevage, figure toujours Égérie d’Isigny, neuf ans, mère de Habibi et monture de… Teddy Thellier jusqu’à 1,45m, mais aussi ses deux filles, Jazz (Baloubet du Rouet) et Issia V’Gas (Casall), ainsi que Quellestar de St Clair, issue de la souche de l’étalon Grand d’Escla, Zenith V’Gas, premier produit de l’élevage qui trouve son origine dans la lignée maternelle d’un certain Arpège Pierreville, ou encore la jeune Chaclota JT, soeur utérine de plus de vingt-huit chevaux, dont l’étalon Hardrock et Charlemagne JT.
Grâce à sa victoire et sa deuxième place dans l’épreuve qualificative, Habibi a touché la jolie somme de 1.380€. Elle a devancé, au classement général, la bouillonnante mais très plaisante Havane des Baleines, née dans la Meuse chez Xavier Prunaux et Isabelle Abafour. Sous la selle du Brésilien Pedro Junqueira Muylaert, la fille de Casall et Atoucha van’t Zorgvliet, déjà mère des tous bons Ugobak, Apollon et Girlstar des Baleines, a montré son tempérament de feu mais aussi tout son talent. Sa prestation lui a valu les notes de 16 et 16, après avoir obtenu 17,5 et 18 en première manche !
En tête avant la finale sur la piste internationale du salon du cheval de Lyon, le puissant et séduisant Halifax du Barquet, quatrième de la finale bellifontaine de sa classe d’âge en septembre dernier, a laissé le titre lui échapper après avoir concédé une faute en fin de parcours, sur l’entrée du double, abordé de façon un poil hasardeuse. Le grand étalon gris par Lauterbach, dont Benjamin Gefhi et François-Xavier Boudant sont les co-naisseurs, a toutefois démontré toute son intelligence et ses moyens tout au long du parcours, rectifiant immédiatement le tir pour sortir de la combinaison et boucler sa prestation.
Avec ses deux 16/20, la monture de Sofian Misraoui s’est classée troisième au général, devançant deux autres bons candidats : Haldo de St Martin (Aldo du Plessis x Diamant de Semilly), deuxième de la finale et quatrième au total de ses deux parcours aux rênes d’Alexandre Louchet, ainsi que Hemingway Bois Margot, monté par Mario Wilson Fernandes, doté d’un impressionnant passage de dos et issu du croisement magique entre Qlassic Bois Margot et Quaprice Bois Margot. Le premier des deux est né chez Omer Legoupil, tandis que le second a vu le jour chez Laëtitia Viollet, au haras Bois Margot.
Une formule à repenser ?
Au fil des années, le déroulé de cette finale des Jeunes talents de la SHF a connu plusieurs ajustements. Alors qu’un cavalier professionnel se prêtait parfois à des commentaires, au milieu de la carrière, sur les prestations des uns et des autres, les contraintes de temps ont eu raison de cette intéressante initiative. Désormais, les concurrents défilent sur le parcours comme dans une épreuve classique. Seul le speaker tente de fournir quelques informations au public, parfois néophyte, dont les notes attribuées depuis les tribunes par les cavaliers internationaux. Si on ne peut que saluer la volonté de mettre en lumière et d’offrir une vitrine à l’élevage, le tout avec une jolie récompense financière à la clef, même si l’atmosphère d’un tel salon peut parfois sembler accablante pour de si jeunes montures, notamment celles âgées de cinq ans, la formule pourrait sans doute encore progresser. Cette année, un léger retard de planning, consécutif à l’étape de la Coupe du monde poney, puis au Grand Prix 2*, a contraint les acteurs de cette épreuve de faire au plus vite. Si les yeux les plus aguerris y ont sans doute trouver leur compte, il serait dommage de ne pas tenter de faire encore mieux pour exploiter tout le potentiel de ce beau rendez-vous.
Photo à la Une : Teddy Thellier et Habibi V’Gas ont accroché la première place dans l’épreuve réservée aux montures de six ans. © Mélina Massias