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“Falcke, la sœur de Cortes‘C’, est un amour de jument”, Pierre-Edouard Fedry

Falcke van Tombeele et Nui de Nuit
mardi 25 juillet 2023 Mélina Massias

Cortes‘C’ s’en est allé, mais son héritage ne s’arrête pas là. Si sa lignée maternelle a été peu exploitée, comparativement à d’autres souches désormais éparpillées aux quatre coins du globe, deux de ses sœurs œuvrent aujourd’hui à l’élevage. Restée en Belgique, chez son naisseur Geert Derycke, Juno van de Tombeele a engendré un étalon approuvé par Verdi, Saturnus van de Tombeele, tandis que Falcke van de Tombeele a, elle, rejoint l’Hexagone fin 2013, sur un incroyable concours de circonstances. Après avoir fait ses preuves en concours, la belle grise a intégré les rangs de l’élevage de Nuit de Pierre-Edouard Fedry, qui continue de choyer sa star au quotidien tout en croisant les doigts pour voir naître une pouliche en 2024.

Il y a dix ans, lorsque l’inoubliable Cortes‘C’ remportait le deuxième Grand Prix 5* de sa carrière, à l’occasion de l’étape du Longines Global Champions Tour de Chantilly, Pierre-Edouard Fedry était encore loin d’imaginer qu’il pourrait un jour admirer la sœur de l’ancien complice de Beezie Madden par la fenêtre de sa maison. Pourtant, à la fin de l’année 2014, ce passionné de la première heure acquiert Falcke van de Tombeele, une fille de Canadian River (Capitol I x Lord) et Orchidée van de Tombeele (Darco x Etna du Linon), mère, outre de Cortes, du performant Dante de Joter (Clinton). Et l’histoire derrière cette rencontre est digne d’un film, ou presque ! 

La belle Falcke van de Tombeele, dix-huit ans. © Collection privée

“Falcke est entrée dans ma vie de manière assez drôle”, conte le quadragénaire, installé dans l’Ain, à Châtillon-sur-Chalaronne. “Un ami installé en Dordogne, Florian Paoli, a acheté cette jument fin 2013 pour une bouchée de pain à un éleveur belge, initialement pour faire du club, même si elle n'avait rien fait avant ! À ce moment-là, il ne connaissait pas du tout ses origines. Lorsqu’il a vu Falcke, elle avait huit ans et était suitée (de Nelson de Roulard, qui évolue aujourd’hui jusqu’à 1,30m, ndlr). Lorsque son poulain a été sevré, Florian a ramené la jument chez lui et lui a fait sauter quelques obstacles pour voir ce que cela donnait, dans l'optique d'en faire une jument pour son centre équestre. Il trouvait qu’elle avait quelque chose et l’a finalement montée lui-même. Elle était particulièrement gentille, ce qui lui a permis de la faire concourir dans la foulée. En l’inscrivant sur la base de données de la Fédération française d’équitation, Florian et sa compagne se sont rendus compte qu’il s’agissait de la sœur de Cortes‘C’ ! Ils ont halluciné. Même s’il ne s’était pas encore illustré aux Jeux équestres mondiaux de Caen à ce moment-là, Cortes avait déjà enregistré plusieurs belles victoires. En deux ou trois mois, Florian et Falcke ont atteint des parcours à 1,35m. C’était assez incroyable. En fin d’année 2014, Florian a accepté de me la céder et c’est ainsi que je l’ai récupérée. C’était inespéré, d’autant plus que j’adorais déjà Cortes avant de connaître Falcke. Je trouvais ce cheval incroyable. Il était, entre guillemets, atypique, mais il était fantastique.” 

L'inoubliable Cortes'C', partenaire de l'Américaine Beezie Madden, s'est éteint le 14 juillet dernier, à vingt et un ans. © Scoopdyga

Falcke et Pierre-Edouard en concours, il y a quelques années. © Collection privée

“Je suis avant tout passionné par mes juments”

Cavalier et amoureux des chevaux depuis la première heure, Pierre-Edouard prend alors les rênes de sa nouvelle pépite pendant un peu plus de deux ans. “Falcke et moi avons fait des compétitions pendant deux saisons, puis je souhaitais tout de même la faire produire. J’aime bien monter au préalable les juments que je mets à la reproduction. Je crois que je suis avant tout passionné par mes juments. Comme je les ai montées, j’imagine comment j’aimerais les croiser. Ensuite, je m’appuie sur mon feeling. Dans le saut d’obstacles, je trouve qu’il y a tellement de critères qui entrent en compte qu’il n’y a pas vraiment de règles. Chacun essaye de faire la bonne potion pour avoir le meilleur poulain. C’est très différent du milieu des Trotteurs ou des Pur-Sang, où la génétique joue énormément. Attention, la génétique m’intéresse, mais il n’y a pas que cela. Je choisis mes étalons au coup de cœur. Ce sont souvent des performeurs, qui m’ont marqué un jour dans une épreuve et m’ont donné envie de les croiser avec mes juments”, développe l’éleveur, qui exerce cette activité “à titre secondaire”. Et de reprendre : “Ma mère était elle-même passionnée par les chevaux, qui m’ont toujours entouré. Nous en avons toujours eu à la maison et j’ai commencé à monter à cheval à trois ans. Nous sommes une fratrie de quatre garçons et avons tous goûté aux joies de cet univers. Je monte en concours sur le circuit Amateur, et j’ai commencé l’élevage avec les juments que j’ai montées. Cela a commencé en 2007. Ensuite, j’ai eu une deuxième jument, qui avait des origines intéressantes, puisqu’il s’agit d’une fille de Galoubet A. Paul Sarrazin avait commencé cette souche, à quatre ou cinq générations, puis Fernand Vuillet avait pris la suite. J’ai une propriété de cinq hectares et l’élevage est une passion plus qu’un business. Je fais naître un à deux poulains par an depuis sept ou huit ans maintenant, sous l’affixe ‘de Nuit’. Aujourd’hui, j’ai une dizaine de chevaux. Les chevaux font partie de nos vies, on ne pourrait pas s’en passer.”

Falcke et l'expressif Nui de Nuit, son fils de Dollar dela Pierre né le 20 avril dernier. © Collection privée



Une nouvelle ère avec Falcke

Après avoir fait naître son premier poulain en 2007, Pierre-Edouard a eu deux pouliches de sa fille de Galoubet A, Ma Douce Reine, en 2014 puis 2016, avant de lancer Falcke dans le bain de l’élevage. La grise, dont la précieuse lignée n’a finalement été que peu exploitée, a alors pris la relève, et son succès en tant que mère ne saurait plus attendre. “C’est assez marrant, parce que quand je lis l’histoire de Cortes, je retrouve en partie sa sœur. Falcke est un amour de jument. Elle aime l’homme, est très attachante et a un vrai charisme. Bien sûr, elle n’a pas eu la même carrière que son frère, puisqu’elle n’a commencé qu’à huit ans, mais en terme de caractère, tous deux semblent se ressembler”, juge celui qui officie la journée en tant qu’associé dans un cabinet d’expertise comptable… particulièrement investi dans le milieu équin ! 

Virtuose de Nuit, le premier poulain de Falcke né en France, est monté par Florian Paoli, qui en est également co-propriétaire. © Mélissa Mula Photographe

Avant de prendre ses quartiers dans l’Hexagone, Falcke a donné quatre poulains : Nelson de Roulard (Exploit de Roulard), né en 2013, Kurt VDB (Calvaro), né trois ans plus tôt et présenté en compétition à six ans jusqu’à 1,25m en Belgique par Beau Vandousselaere, fils de Wilfried, naisseur du bai, Anouck VDB (Atlantic VDL, né Archie Buncker), qui a vu le jour en 2009, ainsi que Cachina (Cuchino), sa première descendante, élevée par Bart Clement, l’homme à l’origine de Cortes‘C’. Hormis pour Nelson et Kurt, difficile de trouver trace des œuvres des deux filles de Falcke. Gageons que celles-ci aient perpétué - avec respect et modération - les gènes de leur mère. “Je ne sais pas exactement quelle est l’histoire de Falcke, mais sans s’intéresser à sa souche maternelle, ses origines ne sont pas les plus tape à l’œil. Je n’ai pas retrouvé la trace de ses premiers poulains, mais je pense que le contexte dans lequel ils ont été produits peut aussi l’expliquer”, précise Pierre-Edouard. 

Fils de Mylord Carthago, Imhotep de Nuit, monté par Corentin Derouet, est décrit par son entourage comme "un cheval sérieux". © Pixels Events

Pour son premier croisement avec sa pépite, l’Aindinois choisit Vagabond de la Pomme. Aujourd’hui, le produit de cette union, Virtuose de Nuit, a six ans. “Florian et moi sommes partenaires pour ce cheval. Je souhaitais boucler la boucle. J’apprécie beaucoup Florian. Il fait du très bon travail et prend le temps de former Virtuose”, apprécie-t-il. “Ensuite, j’ai un fils de Mylord Carthago, Imhotep de Nuit, qui a cinq ans. Nous en sommes co-propriétaires avec Eric Levallois, qui est un exemple dans la formation juste et raisonnée des jeunes. Imhotep est donc en Normandie et est monté par Corentin Derouet. Ensuite, j’ai un fils de Casallo, Kamehameha de Nuit, dont je m’occupe. Je suis en train d’effectuer son débourrage. Il a trois ans, et je le conserverais peut-être pour mon plaisir personnel, puisque j’aime toujours monter à cheval. Enfin, Falcke m’a donné deux autres produits, l’un par Viking d’la Rousserie né en 2022, et un fils de Dollar dela Pierre cette année.”

Le doux regard de Kamehameha de Nuit, un fils de Casallo âgé de trois ans. © Collection privée



Une femelle pour 2024 ?

Toutes ses jeunes pousses, ou du moins les plus âgées, semblent avoir les mêmes qualités. “Les premiers produits de Falcke sont des sauteurs. Comme leur mère, ils ont une super tête. C’est en tout cas ce qui ressort de mes échanges avec leurs cavaliers”, savoure le jeune quadra. Mais les cinq descendants de la BWP grise nés en France ont autre chose en commun : tous sont des mâles ! Une petite déception que Pierre-Edouard préfère prendre avec le sourire. “À un moment donné, cela devrait se rééquilibrer”, glisse-t-il. Surtout, cela ne l’a fait tomber dans aucun excès, bien au contraire. Respectée, la belle Falcke, en forme olympique du haut de ses dix-huit ans, a eu seulement deux produits par transferts d’embryon et n’a jamais été utilisée pour la clivante ICSI. “Je ne veux pas partir dans cette dérive”, martèle l’intéressé. “Je n’adhère pas à cette pratique, qui ne correspond pas à ma vision de l’élevage. C’est certainement très bien d’un point de vue commercial, cela permet d’aller plus vite, mais je ne cherche pas à multiplier ma souche. Dans mon esprit, j’aime élever au sens propre du terme. Je crois énormément en l’importance du mental. Pour moi, c’est ce qui fait tout, ou presque, sur les chevaux de haut niveau. Dans ces épreuves-là, il n’y a pas deux chevaux qui se ressemblent. Il y a des physiques totalement différents. Prenons par exemple Azur Garden’s Horses et Cayman Jolly Jumper ; ils sont complètement différents, mais ont tous deux un mental hors-norme. Et je crois que c’est cela qui les fait sauter aussi haut. De fait, ce que je préfère dans l’élevage, c’est m’occuper des petits poulains. Ils sont devant la maison, et je passe du temps avec eux chaque soir en rentrant du travail. J’espère contribuer à leur mental pour la suite de leur vie et de leur carrière. En définitive, je ne peux pas tous les garder, mais j'essaye toujours de trouver le bon partenaire pour continuer l’aventure.”

Juan Jamos est co-propriétaire de Maui de Nuit, un fils de Viking d'la Rousserie et Falcke né en 2022. © Collection privéeNui de Nuit âgé de trois mois sur cette photo. © Collection privée

Désormais, Pierre-Edouard Fedry rêve évidemment que sa chère Falcke lui offre une femelle, afin de perpétuer sa souche. Pourquoi pas en 2024 ? Le destin serait en tout cas bien inspiré d'exaucer ce vœu, puisque la belle est actuellement gestante d’un certain Randel, qui n’est nul autre que le père de feu Cortes‘C’. “Je suis très, très content”, sourit le passionné. “Il ne me manque plus qu’une pouliche pour continuer l’élevage. J’espère que ce sera pour l’année prochaine.” Croisons donc les doigts pour voir débarquer, en 2024, la trois-quarts sœur du meilleur cheval des Jeux équestres mondiaux de Caen en terres rhônalpines !

Falcke en promenade avec son propriétaire. © Collection privéeFalcke van Tombeele semble avoir une vie idyllique dans l'Ain. © Collection privée

Photo à la Une : Falcke van Tombeele et son foal 2023 par Dollar dela Pierre dans ses vertes prairies de l’Ain. © Collection privée