Depuis plusieurs mois, Omar Abdul Al Marzooqi fait sensation sur la scène internationale. Grâce, notamment, au somptueux Enjoy de la Mûre, le discret jeune homme se fraie une place parmi l’élite de sa discipline. Porte drapeau des Emirats arabes unis lors des Jeux olympiques de Paris, auteur de parcours de très bonne facture devant le château de Versailles et qualifié pour sa première finale de la Coupe du monde à Bâle à vingt-deux ans ans, le cent-septième mondial grimpe l’échelle vers les sommets à la vitesse de l’éclair. Les yeux brillants d’étoiles lorsqu’il évoque son sport et sa carrière, Omar a tous les ingrédients pour atteindre ses objectifs. La tête sur les épaules, un diplôme en philosophie obtenu à l’Université de la Sorbonne d’Abou Dabi en poche et une équipe de haut vol à ses côtés, il incarne la relève du jumping. Rencontré en Suisse, début avril, l’Emirati évoque son parcours, ses influences, son système, sa vision, mais aussi ses chevaux, auxquels il semble vouer une admiration sans faille et sans fin. Épisode 2.
La première partie de cette interview est à (re)lire ici.
Votre avènement au plus haut niveau ces derniers mois est en partie dû à un certain Enjoy de la Mûre (Vigo Cécé x Sable Rose), né chez Béatrice Drigeard Desgarniers, formé par sa fille, Adeline Morel, puis monté par Kyle Timm et Eduardo Álvarez Aznar. Comment avez-vous croisé la route de ce cheval hors du commun ?
Nous avons essayé Enjoy en septembre 2023. Lorsque nous l’avons vu, William a tout de suite su qu’il s’agissait d’un bon cheval. Dès le premier essai, il y a eu une connexion entre Enjoy et moi. Je l’ai immédiatement adoré. Il n’avait que neuf ans, mais était déjà un cheval de grande classe. Pour mon plus grand bonheur, Sheikha Fatima et les écuries Al Shiraa l’ont acheté. Et nous avons eu moins d’un an pour nous préparer pour les Jeux olympiques ! Dès notre premier concours ensemble, à l’occasion d’un CSI 2*, nous avons terminé quatrième du Grand Prix. La semaine suivante, nous avons gagné une épreuve de même niveau. J’ai continué sur des parcours à 1,45m pendant deux bons mois, pour apprendre à le connaître, puis nous avons travaillé pour notre première Coupe des nations 4*. Nous avons signé un double sans-faute aux obstacles et l’équipe s’est imposée ! Nous avons ensuite alterné entre les niveaux d’épreuve, afin que nous continuions à nous découvrir et à prendre de l’expérience. Nous avons concédé une faute dans notre premier Grand Prix 5*, lors de l’étape de la Ligue des nations d’Abou Dabi en 2024. Et puis, nous avons continué notre route vers les Jeux. Avant les Jeux, nous avions seulement disputé deux épreuves à 1,60m ensemble, mais avions tout de même gagné un Grand Prix 5* en Italie. Pour Versailles, j’avais toute confiance en Enjoy. C’est l’un des meilleurs chevaux du monde, le meilleur à mes yeux ! Enjoy est un cheval que tout cavalier rêve de monter.
Quelle première expérience olympique pour Omar Al Marzooqi et son cher Enjoy de la Mûre ! © Sportfot
Quelles sont ses plus grandes qualités ?
C’est un battant et il veut toujours bien faire ! Il veut être le meilleur et me donne une tonne de confiance. Il ne se dégonfle jamais, il a toujours de l’énergie, est toujours content de travailler, et encore plus quand il s’agit de sauter ! C’est un plaisir de le monter et de passer du temps à ses côtés.
Comment est-il au quotidien ?
C’est un étalon très agréable. Il est très discret, mais il est toujours à deux cents pourcents. Il est toujours frais et est très proche de l’homme. C’est un cheval de rêve, tout simplement.
Compte tenu de ses innombrables qualités, Enjoy doit intéresser un paquet d’éleveurs. Fait-il la monte ?
Non, pas vraiment. Il a plusieurs produits qui sont nés chez son éleveuse, mais nous ne vendons pas sa semence, que nous gardons pour nous. Beaucoup de personnes nous ont effectivement fait part de leur intérêt et nous avons vendu deux doses de paillettes lors d’une vente caritative. Cela a été rendu possible par Sheikha Fatima, car elle ne pense pas qu’à son pays et aux chevaux : elle tient aussi à soutenir de belles causes et l’aide humanitaire. Si nous venons à commercialiser à nouveau de la semence d’Enjoy, cela ne se fera que dans ces mêmes conditions : pour des actes de charité.
Le superbe et excellent Enjoy de la Mûre a très certainement de nombreuses qualités à transmettre à l'élevage, mais sa semence n'est, pour l'heure, pas commercialisée. © Sportfot
Quid de Chacco Bay (Chaccato x Heops), l’autre star de votre piquet ?
Sheikha Fatima a acheté Chacco Bay lorsqu’il avait deux ans. Il a été sacré vice-champion du monde à Lanaken à cinq ans (avec Michael Pender, ndlr). J’ai commencé à le monter en avril 2024. Nous avons beaucoup gagné ensemble ! Il est très régulier et est toujours au classement. À chaque fois qu’il concourt quelque part, il repart avec un Top 3 ou 5. C’est un vrai nounours : c’est l’étalon le plus facile que je connaisse. Contrairement à Enjoy, Chacco Bay est distribué. Ses poulains les plus âgés ont quatre ans.
Le très styliste Chacco Bay est un autre atout majeur de l'étoile montante Omar Al Marzooqi. © Mélina Massias
Avec deux si bons étalons, vous intéressez-vous à l’élevage ?
Non, pas vraiment. Je préfère former les jeunes chevaux. J’aime découvrir les chevaux à trois ou quatre ans, puis les amener au plus haut niveau. Mon père m’a transmis cela. D’ailleurs, il m’aide aussi à faire évoluer nos jeunes. Nous essayons de leur donner toutes les chances possibles pour qu’ils deviennent des chevaux de Grand Prix.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le fait de travailler avec les jeunes chevaux ?
Ils sont comme des enfants ! On ne peut jamais prévoir leurs réactions. Ils nous enseignent la patience. Avec eux, on ne peut jamais griller les étapes. Si on va trop vite, ils ne pourront pas atteindre le plus haut niveau. Et puis, lorsqu’ils sautent leur premier parcours à 1,45m, on a le sentiment du devoir accompli, on ressent une certaine satisfaction ! Aujourd’hui, les très bons chevaux valent beaucoup d’argent. Acheter des jeunes prometteurs et leur donner du temps est plus intéressant.
Quelles sont les principales différences entre les CSI auxquels vous participez toute l’année et des événements comme les Jeux olympiques ou la finale de la Coupe du monde Longines ?
Les Jeux olympiques sont extrêmement difficiles. Le stress qu’ils induisent est exceptionnel. Aux Jeux, on ne représente pas seulement sa propre personne et son propre nom, on défend les couleurs de son pays. La finale de la Coupe du monde se déroule, quant à elle, en indoor, ce qui ajoute de la difficulté et une dose de technicité supplémentaire. Les grandes pistes extérieures sont généralement plus simples à appréhender et permettent davantage de mouvement en avant. Quoi qu’il en soit, les grands championnats représentent le plus haut niveau de notre sport. Les obstacles dépassent parfois 1,60m. C’est pour cela que nous avons besoin de super chevaux, pour faire croire que le saut d’obstacles est facile !
À vingt-deux ans, l'Emirati a une vision à long terme très claire et vise déjà les prochains Jeux olympiques. © Mélina Massias
Quels sont vos plans et objectifs pour les mois à venir ?
Mon but est de participer à davantage de Coupes des nations avec les UAE, notamment sur des pistes en herbe, comme celles d’Hickstead ou de Rome. L’an prochain, les Jeux équestres mondiaux auront lieu à Aix-la-Chapelle, sur un terrain en herbe. Nous avons pour ambition de nous qualifier pour cet événement avec notre équipe nationale. Aix-la-Chapelle est déjà l’un des événements les plus prestigieux au monde, alors, des championnats du monde organisés là-bas est encore plus impressionnant ! Nous avons d’excellents chevaux et notre équipe est en très bonne forme donc nous voulons vraiment participer à ces Mondiaux. Juste après, nous aurons aussi les Jeux asiatiques, prévus en octobre. L’année 2027 sera, quant à elle, qualificative pour les Jeux olympiques de 2028, qui sont aussi notre objectif.
Quels sont les points forts et faibles du collectif émirati ?
Je pense que nous avons une équipe incroyable ! Notre esprit d’équipe est au-delà de tout ! Nous nous encourageons et entraidons toujours les uns les autres. Nous sommes heureux d’échanger des conseils et les acceptons volontiers. Nous essayons de tirer le meilleur de nos expériences respectives pour grandir en tant qu’équipe. Cela nous pousse et nous stimule. Lorsqu’on a un coup de mou, on retrouve très vite de la motivation. On a envie de se battre et de progresser. Je suis le plus jeune de l’équipe, mais mes coéquipiers ont beaucoup d’expérience. Je suis très heureux de pouvoir compter sur eux.
À vingt-deux ans, vous incarnez la nouvelle génération du saut d’obstacles mondial. Quel rôle avez-vous à jouer, au même titre que vos homologues, pour garantir un avenir sain et viable aux sports équestres ?
J’aimerais donner un conseil aux jeunes cavaliers : votre cheval doit toujours être votre priorité. Il faut toujours le faire passer au premier plan, sa sécurité et son bien-être avant tout. Si on ne donne pas aux chevaux ce dont ils ont besoin, ou qu’on ne les traite pas de la bonne manière, ils ne feront pas ce qu’on attend d’eux (la résignation acquise peut toutefois entrer en ligne de compte et des chevaux dont les besoins fondamentaux ne sont pas respectés, voire des chevaux qui ne sont pas à cent pourcents physiquement, peuvent se montrer performants en compétition, ndlr). Avoir un œil à pied, d’excellents entraîneurs, est toujours une aide précieuse. Il faut aussi établir un plan à long terme et ne pas seulement penser à gagner l’épreuve du jour. Il faut voir plus loin, penser aux grands championnats par exemple, le tout sans se blesser, ni blesser son cheval. Je pense qu’il faut avoir des garde-fous. En priorisant nos chevaux, je pense que nous parviendrons à rendre le sport plus agréable à regarder et à attirer un nouveau public. J’ajouterai qu’il est aussi très important d’apprendre des grands noms qui ont marqué notre discipline.
Omar Al Marzooqi a toutes les cartes en main pour s'imposer comme l'un des meilleurs cavaliers de sa génération. © Sportfot
Nourrissez-vous d’autres passions, avez-vous d’autres centres d’intérêt ?
Regarder mes chevaux !
Et quels sont vos rêves à long terme ?
J’aimerais gagner en régularité, continuer à donner le meilleur de moi-même pour représenter mon pays de la plus belle façon possible et contribuer à mener ma nation au sommet.
Photo à la Une : Enjoy de la Mûre a brillé aux Jeux olympiques avec Omar Al Marzooqi. © Sportfot