Déjà remarqué sur le circuit des trois ans mâles du Selle Français où il est labellisé “Très Prometteur’’, Kentucky du Biolay, en s’imposant dans sa catégorie lors des Masters du Salon des étalons de sport de Saint-Lô, a (re)mis en lumière l’élevage du Biolay. Avec ce fils de Cordial, et d’autres jeunes prometteurs, Bertrand Moissonnier a de quoi marcher sur les traces de son père Albert, naisseur de Galopin du Biolay, vainqueur notamment du Grand Prix 5* de Gijon avec Jessica Kürten, et de Nelson du Biolay, champion d’Europe Jeunes Cavaliers par équipe et en bronze en individuel avec Maëlle Martin, et de son regretté grand-père Raymond, naisseur de Séducteur Biolay, meilleur cheval français de concours complet en 1995 et neuvième aux Jeux olympiques d’Atlanta avec Didier Willefert l’année suivante. Tous ces performers ont grandi à Lent, un joli coin de l’Ain.
Si on liste les communes où le cheval a tissé son emprise, Lent, bourgade de mille cinq cents située au sud de Bourg-en-Bresse, arrive en bonne place. Ici, le terroir entre le plateau parsemé d’étangs de la Dombes et les hauteurs du Revermont, premiers contreforts du Jura, réussit bien à la production du cheval de sport. Les affixes des éleveurs lentais ont gagné leurs titres de noblesse. Parmi eux, celui du Biolay est récurrent dans les palmarès depuis un bon demi-siècle. Les chevaux ont toujours eu leur place pour les travaux des champs dans la ferme familiale, datant du début du XXe siècle, désormais domaine de Bertrand Moissonnier.
Avant de se lancer dans la généalogie des poulinières, un point sur celle de la famille Moissonnier s’impose avec Albert. “C’est mon grand-père qui a commencé à avoir des chevaux demi-sang. Il avait la ferme de Bel Air, là où se trouve maintenant Bernard (le père de Mégane Moissonnier, ndlr), qui l’a hérité de son père Aimé. Comme mon père, mes oncles Aimé et Marcel ont développé l’élevage du cheval de sport et on fait naître plusieurs bons gagnants : Granada (Acrobat, SF) qui était pré qualifiée en complet avec Bernard pour les Jeux olympiques de 1980, et des produits du Pur-Sang Kacolet, Hop La C (ISO 158 en 1982) et Jojo B (ISO 158 en 1984). Mon père avait aussi fait naître, aussi par Kacolet, Faro du Biolay (ISO 164 en 1980), que nous avions vu gagner le Grand Prix de Bourg-en-Bresse avec Hervé Godignon. La ferme du Biolay est venue dans la famille par ma mère, née Morel. Mon père s’est installé là pour reprendre l’exploitation car elle était fille unique. Il y a eu pas mal de changements dans les propriétés, au gré des successions, mais on a pu garder cette ferme avec pas mal d’hectares attenants et en avoir d’autres sur la commune”, retrace-t-il.
Une Amourette éternelle
Toutes les juments de l’élevage du Biolay viennent de la souche travaillée par Raymond Moissonnier, celle d’Amourette, une fille du demi-sang Laisser Courre, lui-même issu du Pur-Sang Ultimate, qui a marqué le demi-sang normand. Albert Moissonnier se souvient : “À cette époque, on effectuait juste le débourrage des juments et on les mettait à la reproduction. J’en ai débourré beaucoup, dont Amourette, qui est née à la ferme comme sa mère et sa grand-mère, mais je n’ai jamais monté en concours. Amourette était une belle jument qui, sur les concours d’élevage, se tirait la bourre avec une jument appartenant à Robert Damians (le frère aîné de Marc Damians, ancien Président de la Société hippique française, ndlr). Elle gagnait toujours la section où on jugeait le côté poulinière, mais pour le côté sport elle était battue par celle de Robert Damians. Pouliche, elle s’était blessée dans une clôture et avait une marque qui la dépréciait. Elle nous a laissé une très bonne descendance avec plusieurs filles dont Jalousie du Biolay (Mersebourg, SF) la mère de Séducteur Biolay. Toute les poulinières actuelles viennent de trois filles d’Amourette : Jalousie, et les deux filles du Pur-Sang Kacolet : Idole du Biolay et Hôtesse du Biolay.’’
Cette Jalousie est la quatrième mère du jeune Kentucky du Biolay, et on la retrouve dans le pédigrée du bon complice de Jessica Kürten, Galopin du Biolay. Les Moissonnier ont eu le bonheur de voir revenir leur protégé, fruit du modeste Butin d’Elle*HN, et de Tanagra du Biolay, propre sœur de Séducteur Biolay, pour sa retraite, là où il est né. Séducteur était né d’un autre Pur-Sang du haras national d’Annecy, Pontoux, et avait été acquis à trois ans par la section équestre des sports militaires, ex-CSEM, pour la somme de trente-cinq mille francs, ce qui était une belle somme pour un achat d’institutionnel en 1987 ! Si Raymond Moissonnier avait confié quelques chevaux à des cavaliers pour les valoriser, Albert a ensuite pu compter sur ses fils. Ce fut d’abord l’ainé, Didier, avant qu’il ne poursuive sa route dans l’agro-alimentaire tout en restant impliqué dans l’élevage, puis le cadet, Bertrand, en piste sur les terrains de compétition dès son adolescence avec des chevaux de l’affixe maison.
Bertrand, la génération éleveur et cavalier
Aux côtés de ses parents depuis ses études qui lui ont permis d’être technicien agricole, Bertrand, quarante-six ans, a progressivement repris l’exploitation, la réorientant vers le cheval de sport. Une quarantaine d’équidés, dont douze en exploitation compétition, se partagent le site, avec les huit chiens de cet amateur de chasse, et quelques bovins. “Voilà vingt-cinq ans que je me suis installé ici comme exploitant, d’abord avec mes parents. Il y a quinze ans, on a arrêté les vaches laitières quand mon père a pris sa retraite. Ma mère a continué encore quelques années pour avoir plus de points, parce que la retraite agricole, c’est vraiment dérisoire ! Depuis, je suis l’exploitant majoritaire et j’ai développé l’élevage équin et la compétition. J’ai gardé une dizaine de génisses charolaises, économiquement, ce n’est pas suffisant pour être rentable mais c’est complémentaire pour les pâtures. Avec quatre-vingt-dix hectares de prairies, j’ai la surface suffisante pour faire une rotation des pâtures. Je ne mélange pas chevaux et bovins : il y a toujours des risques avec les jeunes qui peuvent leur courir après, et cela peut finir par des clôtures traversées ! Les prés où il n’y a que des chevaux vieillissent mal, ou nécessitent beaucoup d’entretien, car un cheval ne mange jamais où il y a ses crottins. Au total, j’exploite cent trente hectares. J’arrive à être autonome en foin et même à en commercialiser un peu, ce qui me rembourse le coût de production lié à la mise en botte. Je suis autonome aussi en paille, et je donne aux chevaux d’élevage un mélange d’orge et de maïs aplati. En revanche, pour les chevaux de concours j’utilise des aliments de la société Horse Up qui garantissent un bon équilibre et je donne beaucoup de foin”, éclaire l’éleveur.
Tout en suivant ses études dans la filière agricole, Bertrand fréquente les terrains de concours dès son adolescence, dans les foulées de son frère ainé Didier, et de ses cousins Bernard et Gérard.
Photo à la Une : Chez les Moissonnier, tout est une histoire de famille, comme le prouvent Bertrand et Albert, ici entourés des poulinières de l’affixe Biolay. © Jean-Louis Perrier
La deuxième partie de cet article sera publiée mardi sur Studforlife.com…