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“Elektric Blue P est devenu un membre de la famille”, Max Kühner (1/2)

Max Kühner
Interviews vendredi 19 juillet 2024 Mélina Massias

Sur les trois derniers mois écoulés, Max Kühner est le cavalier à avoir amassé le plus de gains. Il faut dire que l’Autrichien ne rate rien, ou presque, et ce quelle que soit la monture avec laquelle il collabore. Ce scientifique dans l’âme, qui mène de front sa carrière sportive et son activité à temps plein dans la finance, s’apprête à vivre ses premiers Jeux olympiques, cet été à Versailles, aux côtés de son fidèle Elektric Blue P. Et ces deux-là se connaissent par cœur, après dix années d’aventure commune. Pour être au meilleur de sa forme à Versailles, le fils d’Eldorado vd Zeshoek a pu compter sur ses voisins d’écurie pour prendre le relais en début d’année et s’accorder une pause bien méritée, avant de repartir de plus belle, à Windsor, Rome, La Baule puis Stockholm. Fort de ses résultats, Max Kühner a gravi les échelons du classement mondial, intégrant le Top 5 en juin pour la première fois de sa carrière, avant d’en prendre le troisième rang en juillet. Également impliqué dans l’élevage et chef de file d’une équipe autrichienne plus forte que jamais depuis sa médaille de bronze historique décrochée à Milan l’été dernier, le jeune quinqua se livre et partage son point de vue, toujours intéressant. 

Vous avez vécu une première moitié d’année 2024 plutôt réussie, avec de nombreux résultats à la clef. Quel bilan tirez-vous de ces six derniers mois ?

Je suis assez content de la façon dont se sont déroulés les derniers mois. Désormais, j’ai plusieurs chevaux d’âge, que je connais très bien. Ils connaissent également l’ambiance et le déroulé des concours et ont de l’expérience. Nous sommes parvenus à les conserver, afin de pouvoir vraiment profiter du sport avec eux.

Max Kühner espère bien concrétiser sa très bonne entame 2024 par une première médaille individuelle, dans quelques semaines à Versailles. © Mélina Massias

En avril, vous avez disputé votre cinquième finale de la Coupe du monde Longines. Grâce à EIC Julius Caesar (Couleur Rubin x Cancara) et EIC Up Too Jacco Blue (Chacco-Blue x Douglas), vous avez terminé septième de ce championnat. À froid, quel regard portez-vous sur votre résultat et sur la stratégie que vous avez adoptée en montant deux chevaux différents ?

En début de saison, Elektric Blue P (Eldorado vd Zeshoek x For Pleasure) a profité d’une pause au pré. Il est à nos côtés depuis ses trois ans et a toujours beaucoup concouru. Bien qu’il ait toujours été en parfaite santé, avec Paris en ligne de mire et le fait que les saisons de compétition sont, quoi qu’il arrive, longues, je me suis dit qu’une pause lui serait bénéfique. J’ai donc dû choisir entre participer à cette échéance avec un ou deux chevaux. Mes deux chevaux avaient très bien performé les semaines précédant la finale et je souhaitais partager les efforts entre eux deux, afin de ne pas trop en demander à l’un ou l’autre. De plus, ce choix me permettait d’avoir un retour sur chacun des chevaux dans un format de championnat. Avec le recul, cela était peut-être un peu trop tôt pour EIC Julius Caesar. Il a été submergé par ce championnat. C’est un cheval très sensible. Je pensais que cela pourrait fonctionner, mais il m’a montré que j’avais tort ! (rires) Mais, malgré tout, c’est un bon enseignement et cela me permet de savoir sur quoi je dois travailler afin de lui donner plus d’assurance. EIC Up Too Jacco Blue s’est très bien comporté. Je suis très heureux de ses performances. Il s’est battu comme un lion et n’aurait guère pu faire mieux ! Dans la perspective de Paris, il était aussi important de confirmer que EIC Up Too Jacco Blue pouvait être un partenaire intéressant (l’Autrichien a finalement tranché et montera son fidèle Elektric Blue P à Paris, ndlr).

Au printemps dernier, à Riyad, EIC Up Too Jacco Blue n'a réalisé que des parcours sans-faute lors de la finale de la Coupe du monde Longines. © Dirk Caremans / Hippo Foto



EIC Up Too Jacco Blue a toujours été un très bon élément au sein de votre piquet. Pourtant, il semble, à treize ans, avoir encore franchi un nouveau cap ces dix-huit derniers mois. Partagez-vous ce sentiment ?

Oui, j’ai exactement le même sentiment. Je pense que cela se vérifie également à travers ses résultats. Nous l’avons récupéré lorsqu’il avait neuf ans et il n’avait pas fait grand-chose, simplement de petites épreuves. J’ai toujours senti son talent, mais il manquait de confiance en lui pour le plus haut niveau. Ces dernières années, il a vraiment appris à faire confiance à son cavalier. Il me demande beaucoup dans mon équitation, mais il prend tout ce que je lui donne. Il réclame du soutien et s’en sert vraiment. C’est un super sentiment de voir qu’il s’appuie sur ce que je lui donne.

EIC Up Too Jacco Blue est en forme olympique depuis plusieurs semaines et enchaîne les excellentes performances en Grands Prix 5* ! © Sportfot

“Le but est toujours d’accomplir les choses avec le moins d’efforts possible, car cela permet aux chevaux d’avoir des carrières plus longues”

Elektric Blue P a donc profité d’une pause en début d’année, avant de revenir en pleine forme pour la saison extérieure. Comment le sentez-vous, après vos excellentes performances aux CSI 5* de Windsor et CSIO 5* de Rome et La Baule ?

Nous prenons encore les choses très simplement avec lui. Il n’a pas franchi le moindre obstacle entre Rome et La Baule. Il travaille un petit peu, principalement dans la décontraction, profite du pré et continue de livrer de très bonnes performances à l’obstacle. Nous nous connaissons depuis dix ans. Le but est toujours d’accomplir les choses avec le moins d’efforts possible, car cela permet aux chevaux d’avoir des carrières plus longues. Elektric Blue P est très doué pour cela ; il saute un demi-centimètre au-dessus des obstacles, même avec son ventre ! (rires) Il a un tel sens de la barre ! Il est très efficace et ne force pas outre-mesure dans son corps. 

Après un petit break, Elektric Blue P est revenu plus en forme que jamais sur les terrains de compétition, où il a enchaîné les parcours parfaits de manière impressionnante. © Mélina Massias

Comment avez-vous croisé la route de ce cheval qui semble occuper une place particulière dans votre cœur ?

Durant l’hiver de ses deux à trois ans, j’étais à une vente d’étalons. Sur l’écran, j’ai vu un saut d’Elektric Blue et je l’ai directement beaucoup aimé. Un ami à moi, président du stud-book bavarois, était assis à côté de moi. Il m’a dit “ce cheval saute toujours très bien, mais ce n’est pas un étalon ! Il n’est pas au bon endroit”. Il avait sauté de la même façon lors des présélections et était, pour moi, le meilleur sauteur. La vente a débuté et, évidemment, lorsque je vois un tel cheval, je dois l’acheter ! C’est ce que j’ai fait, et il saute toujours de la même façon dix ans plus tard !

Que représente Elektric Blue P à vos yeux ?

Il est devenu un membre de la famille. Il a son petit caractère. Il essaye toujours de me mordre et se montre parfois un peu têtu, mais quand un cheval performe aussi bien que lui, on ne doit pas essayer de changer sa personnalité ! 

L'Autrichien accepte son meilleur complice avec son caractère bien trempé ! © Mélina Massias

“Je n’ai fait que deux petits parcours avec Blues d’Aveline, mais j’ai été très impressionné ”

En fin d’année dernière, vous avez accueilli Blues d’Aveline (Baloussini x Coriall), gagnant de deux Grands Prix 5* avec son précédent cavalier, Gerrit Nieberg. Vous ne l’avez présenté qu’une seule fois en compétition, en février, pour deux parcours lors du Sunshine Tour de Vejer de la Frontera. Est-il toujours au sein de vos écuries ? Comment se porte-t-il ?

Avant qu’il n’arrive chez moi, Blues d’Aveline a subi une chirurgie. Pour l’heure, je n’ai pas encore le sentiment que je devrais avoir avec lui. J’espère que nous parviendrons à l’obtenir, car il s’agit d’un cheval fantastique. Je n’ai fait que deux petits parcours avec lui, mais j’ai été très impressionné. Il a énormément d’instinct en piste et beaucoup de sang. J’ai eu de très bonnes sensations lors de ces deux parcours, mais il doit évidemment être à cent pourcents pour concourir, et nous n’y sommes pas encore. 

Selon son nouveau cavalier, Blues d'Aveline, ici sous la selle de Gerrit Nieberg, n'est pas encore en pleine possession de ses moyens pour retrouver les terrains de compétition. © Dirk Caremans / Hippo Foto



EIC Julius Caesar, que vous avez déjà évoqué précédemment, et EIC Cooley Jump The Q (Pacino x Obos Quality 004) sont deux autres chevaux de Grands Prix 5* sur lesquels vous pouvez compter. Quelles sont leurs principales qualités et vous semblent-ils avoir le potentiel de chevaux de championnat ?

Tout dépend des autres chevaux sur lesquels on peut compter, mais je pense que tous deux sont en mesure de participer à un championnat. Tous deux ont beaucoup de moyens et le courage pour affronter une telle échéance. EIC Cooley a énormément de tempérament. Il a une énergie débordante, est capable d’être très rapide et peut tout sauter. Il faut simplement qu’il parvienne à se calmer, à se détendre et à ne pas se précipiter. EIC Julius Caesar a énormément de qualités et de capacités mais est encore un peu tendre mentalement parlant. Il peut être rapidement intimidé et perdre un peu confiance en lui. Dans les mois et années à venir, nous devons lui faire comprendre qu’il peut se faire confiance. Cela étant, il est déjà plus avancé que ne l’était EIC Up Too Jacco Blue au même âge.

Doté d'excellentes capacités, EIC Julius Caesar a encore besoin de s'aguerrir dans l'ambiance des grandes échéances. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Allez-vous pouvoir conserver ces excellents chevaux sous votre selle ou sont-ils destinés à la vente à plus ou moins long terme ?

Je suis heureux, chaque jour, de pouvoir monter ces chevaux, mais on ne sait jamais ce qui peut arriver. J’ai des propriétaires et des partenaires, mais nous avons également une écurie conséquente, que nous devons financer afin qu’elle continue de fonctionner. Travailler avec des montures aussi talentueuses est, quoi qu’il en soit, un immense plaisir au quotidien.

Est-ce le meilleur piquet que vous n’ayez jamais eu dans votre carrière ?

Pour moi, oui, bien sûr. J’ai eu des chevaux fantastiques par le passé, comme Chardonnay 79 (Clarimo x Corrado I), mais je n’en ai jamais eu autant en même temps.

Max Kühner a vécu quelques uns de ses plus beaux moments sportifs avec son gris Chardonnay 79. © Dirk Caremans / Hippo Foto

“Nous ne travaillons pas avec un seul cheval qui ne semble pas avoir le potentiel de sauter un Grand Prix 5*”

Parmi vos jeunes espoirs, lesquels vous semblent avoir le potentiel pour s’aligner au départ de Grands Prix 5* dans le futur ?

En réalité, je pense que nous ne travaillons pas avec un seul cheval qui ne semble pas avoir le potentiel de sauter un Grand Prix 5*. Il y a bien sûr EIC Daloubet (Diamant de Semilly x Baloubet du Rouet) ou EIC Anton SBK (Arko III x Quintero), qui est aussi un cheval formidable. Il était jusqu’alors monté par mon cavalier, Helmut Schönstetter, et j’en ai pris les rênes en mars. Je l’ai notamment monté lors du CSI 4* de Munich, en mai. Nous avons vraiment pas mal de jeunes chevaux. Helmut a dû gagner pas loin de dix épreuves à 1,40 et 1,45m depuis le début de l’année avec eux !

Le sublime et très talentueux EIC Anton SBK est la nouvelle pépite de Max Kühner. © Sportfot

En fin d’année dernière, EIC Daloubet a fait forte impression pour ses premiers parcours majeurs, notamment à Lyon et Genève. Quelle est son histoire ?

L’histoire est assez drôle ! Un bon ami m’a proposé EIC Daloubet, qu’il aimait beaucoup, lorsqu’il avait six ans. EIC Daloubet est un grand bébé, avec un modèle imposant. Si on le regarde, on ne voit pas vraiment le cheval de sport qui sommeille en lui. Mais dès qu’on est assis sur son dos, on sent tout son sang et son tempérament. Mon travail consiste à conserver ce tempérament et ce sang sous contrôle. Pour l’instant, il devient un peu nerveux lorsqu’il doit fournir un effort plus important. Je dois gérer cela et le faire redescendre en pression. J’alterne donc entre petites épreuves et parcours plus importants. Je ne le maintiens pas à haut niveau trop longtemps, mais j’aime pouvoir apprécier son comportement sur des épreuves plus hautes de temps à autre. De cette façon, je peux travailler sur les points à améliorer au niveau inférieur avant de réessayer de franchir la marche du haut niveau un peu plus tard.

En fin d'année dernière, à seulement neuf ans, EIC Daloubet s'est frotté à ses premières épreuves majeures en CSI 5*. © Mélina Massias



Vous êtes indéniablement doué pour trouver les bons jeunes chevaux. Pour vous aider dans vos recherches, vous rassemblez notamment des données, dans une sorte de logiciel, afin de mieux sélectionner vos futures stars. Comment cela fonctionne-t-il ?

En effet, nous faisons cela depuis un bon moment. Nous travaillons avec des analyseurs de données pour trouver les chevaux, mais nous essayons surtout de constituer de bons portfolios pour les chevaux que nous regardons. Ce logiciel nous aide à identifier les chevaux sur lesquels garder un œil. 

Sur quels critères vous basez-vous ?

Il y en a plusieurs. Le plus simple d’entre eux est les résultats, mais il y en a davantage, qui sont confidentiels. Cet outil est toujours en cours d’amélioration. Avec des standards techniques plus élevés, on peut encore le perfectionner.

EIC Quantum Robin V fait également parti du piquet de l'Autrichien. © Mélina Massias

“Nous avons intensifié notre élevage, notamment avec les transferts d’embryons, pendant le Covid”

Vous faites également naître plusieurs produits chaque année. Sur quelles juments vous appuyez-vous pour l’élevage ?

Je n’élève qu’avec trois juments qui ont performé dans le sport, qui ont de bonnes origines et un bon modèle. Ces trois juments sont Cornetta (Cornet Obolensky, né Windows vh Costersveld x Pilot), qui avait beaucoup de qualité, Electric Touch (Untouchable 27 x Voltaire), avec laquelle j’ai concouru pendant de longues années et qui a participé à certaines étapes du Global Champions Tour, ainsi qu’une fille de Baloubet du Rouet avec une mère par Sandro. Elle a remporté les championnats d’Allemagne et a été cédée lors des ventes PSI. Je crois qu’elle avait été le top price de cette édition (Balsandra a été vendue pour 880.000 € lors des ventes PSI de 2010, ndlr). Elle a été vue sous bannière russe et est allée jusqu’aux championnats d’Europe Junior. Nous pratiquons le transfert d’embryons avec nos trois juments, sans quoi l’élevage se ferait à trop petite échelle.

Electric Touch fait partie des trois juments qui constituent l'élevage du jeune quinqua. © Sportfot

Combien de naissances attendez-vous en moyenne chaque année ?

Cette année nous avons huit poulains. Nous avons toujours entre cinq et dix naissances par an.

Comment vous êtes-vous lancé dans l’élevage ?

Nous avons toujours fait naître quelques chevaux. Cornet Kalua (Cornet Obolensky x Platin), que j’ai monté par le passé, est né chez nous. Sa mère était ma jument la plus performante lors de mes années Juniors.



Avez-vous conservé la lignée de Cornet Kalua ?

Aucun autre produit de sa mère ne s’est révélé aussi bon que lui. Nous avons toujours fait un peu d’élevage avec quelques juments, comme Meautry’s Pleasure (née Picobello Pleasure, Papillon Rouge x Grannus), par exemple. Mais nous avons intensifié cette activité, notamment avec les transferts d’embryons, pendant le Covid. Cette période était un peu ennuyante et j’avais un peu de temps pour faire autre chose !

L'excellent Cornet Kalua est né chez Max Kühner. © Shanon Vandeput / Hippo Foto

Quels étalons aimez-vous utiliser ? Avez-vous fait confiance à votre cher Chardonnay ?

Oui. Je dois dire que je suis assez sélectif avec les étalons que j’utilise sur mes juments. Il y a bien sûr toute la partie obstacle qui compte, mais aussi le modèle, les allures, la perméabilité aux aides sous la selle, etc. J’ai beaucoup utilisé Chardonnay, mais aussi des étalons comme Chacco-Blue et Diamant de Semilly. J’ai aussi pu utiliser un petit peu Pacino (né Eldiam de Rêve, décédé prématurément à neuf ans, en 2013, et cloné il y a quelques années, ndlr), qui est aussi un fils de Diamant, mais avec beaucoup de sang.

Êtes-vous seul en charge de toutes les décisions de croisements ?

Je ne fais pas tout moi-même et une autre personne gère les poulinières, mais je choisis les étalons que j’utilise sur mes juments.

Êtes-vous impatient de monter un autre de vos produits en compétition ?

Bien sûr ! Les premiers produits de Chardonnay commencent à être montés et sautent en liberté. Ils semblent très prometteurs ! 

La descendance de Chardonnay 79 semble assurée dans les écuries de son fidèle pilote ! © Sportfot

La seconde partie de cette interview est disponible ici.

Photo à la Une : Sortie de piste pour Max Kühner et Elektric Blue P, auteur d'un énième sans-faute, ici dans la Coupe des nations de La Baule. Mélina Massias