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Didier Jacquemin et l’élevage du Prieuré de Seny, une part de chance… mais pas seulement !

Didier Jacquemin élevage du Prieuré de Seny.
Elevage jeudi 9 mars 2023 Mélina Massias

S’il aime dire que l’élevage tient surtout à une histoire de chance, Didier Jacquemin n’en reste pas moins méritant. Au fil des années, ce passionné de chevaux devenu dentiste équin a vécu de belles histoires. D’abord grâce à un certain Collin, sauvé du camion il y a dix ans et confié aux bons soins de Luiz Francisco de Azevedo, avec qui il s’illustre sur la scène internationale, puis avec Evita-CD, la jument à l’origine de son élevage. Cette BWP lui a donné une petite poignée de poulains, tous s’étant distingués dès leurs premiers mois de vie, et deux ayant été approuvés étalons en Allemagne. Retour sur cet itinéraire pas comme les autres.

“Si je devais résumer l’élevage, je dirais qu’il faut de la chance, de la chance et de la chance. La chance d’avoir une bonne jument, qui laisse les étalons l’améliorer, puis la chance de pouvoir faire grandir ses poulains sans incident jusqu’à deux ou trois ans. Le parcours est long pour y parvenir. Je pense que s’il y avait une recette miracle, tout le monde l’aurait trouvée et adoptée depuis bien longtemps. Je suis convaincu qu’il y a une immense part de chance dans cette activité”, lance Didier Jacquemin, dentiste équin reconnu, en Belgique et au-delà, et tombé sous le charme des chevaux depuis sa plus tendre enfance. La chance, justement, il assure l’avoir connu. S’il y a forcément d’autres ingrédients qui justifient la réussite d’une lignée et d’une production, le Belge reste modeste. “Je ne viens pas d’une famille de cavaliers ; je suis juste dentiste équin. J’ai toujours été passionné par les chevaux. J’ai un petit garçon de huit ans, Sam, et mon premier objectif en élevant des chevaux était de lui transmettre l’amour de l'animal. C’était ça, mon vrai leitmotiv. J’ai envie qu’il voie les naissances, les poulains, leur développement, en espérant que cela s’imprègne dans ses gênes. Je pense qu’il faut inculquer cela aux jeunes, qu’ils prennent conscience de tout ce processus. Réussir à faire naître des chevaux est la base de tout, la base du sport. Et puis j’ai eu la chance d’avoir une très bonne jument.”

Le fils de Didier Jacquemin auprès d'un poulain. Mission accomplie pour le Belge ! © Collection privée

Des médailles et des prix

Baptisée Evita-CD, cette fameuse jument est une fille du chic Lux et de Landmaedel, une descendante de l'Hanovrien Salut. Enregistrée au stud-book BWP, Evita est issue d’une bonne souche maternelle, à l’origine, entre autres, de Libero (Libero H), Winchester (Wienerwald), Letizia 49 (Lord Pezi) ou encore La Bonita (Lagos), elle-même mère de Don Albert Bon Dell’Orchidea (Donbito van de Helle), tous performants entre les années 80 et aujourd’hui. “J’ai trouvé Evita dans une écurie. Elle n’était pas la plus brave, n’était pas manipulée et un peu spéciale. Nous l’avons achetée et nous sommes beaucoup occupés d’elle. Elle a évolué jusqu’à 1,45m, puis nous avons mis un terme à sa carrière sportive afin de commencer l’élevage avec elle. J’aimais bien cette jument, qui est dotée d’un modèle très moderne”, reprend l’éleveur. Après avoir enregistré quelques bons résultats, notamment sous les selles de Fabienne Daigneux-Lange et François Brichart, la belle a d’abord été croisée à Cambito van de Helle, puis à Vigo d’Arsouilles à deux reprises, Untouchable 27 et Comme Il Faut. “En 2022, j’ai réalisé quelques transferts d’embryons avec Evita et sa fille de six ans, Queen du Prieuré de Seny, qui saute très fort. Nous attendons donc quatre poulains cette année, dont trois de Chacco White (Chaccoon Blue x Spartacus), un étalon en lequel je crois beaucoup. Je pense qu’il va apporter énormément de choses à sa production. Et nous verrons si la chance continue ! Jusque-là, elle nous a suivi. Sur l’un des transferts, il y a eu une double ovulation. Nous avons réimplanté les deux embryons, qui ont tous les deux tenus !”

Evita-CD, la jument à l'origine de l'affixe du Prieuré de Seny. © Sportfot Cette année, Didier Jacquemin attend trois produits de Chacco White. © Mélina Massias



Bien qu’encore jeune, à l’exception de Dolce du Prieuré de Seny, quatorze ans, la production d’Evita signe pour l’heure un sans-faute assez impressionnant. “Parmi les poulains de cette jument, deux ont été médaillés d’or et deux d’argent au Hanovre lorsqu’ils étaient poulains. Encore une fois, ce n’est que de la chance !”, répète Didier Jacquemin. “Sur ces quatre produits, deux ont été approuvés en tant qu’étalons. L’un d’eux s’appelait Qwest du Prieuré de Seny, mais a été rebaptisé Ventador. Il a été admis en Allemagne, il y a quatre ou cinq ans. Son frère utérin, United du Prieuré de Seny, renommé United Power, en a fait de même en remportant le test des cent jours du stud-book westphalien.” Ces résultats remarquables ont même conduit le dentiste équin à se rendre outre-Rhin pour se voir récompenser d’un prix prestigieux. “On m’a décerné le prix Stakkato (une récompense remise chaque année par l'association de la race hanovrienne à de jeunes étalons prometteurs, ndlr). Je ne pense pas que beaucoup de Belges l’aient reçu ! Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, lorsqu’un cheval remportait le teste des cent jours, sa carrière d’étalon était déjà faite”, ajoute-t-il. 

United Power lors de ses premiers mois de vie. © Patrice Gueritot

Brillant dès ses débuts, United a toujours démontré une qualité de saut de grande classe en liberté. Et cela s’est confirmé lors de son approbation. “Il a été médaillé d’or au Hanovre poulain, puis a été admis et primé en Westphalie avant d’être vendu au haras d'état de Moritzburg en Allemagne pour en faire l’un de leurs étalons. C’est un parcours sans faute pour ce poulain”, savoure Didier Jacquemin. 

United Power et sa mère. © Patrice Gueritot

Et le plus incroyable dans cette histoire est sans doute le fait que l’homme ne s’appuie que sur une seule jument, un peu comme peuvent le faire d’autres éleveurs à plus grande échelle, à l’image de Corinne Accary et sa Quinine de Livoye ou bien Sylvain Pitois avec Urgada de Kreisker. “Je n’ai que cette jument-là et sa souche. Je ne sais pas vraiment quoi dire d’autre à part que cela relève de la chance. L’histoire est vraiment toute simple, puisqu’en fin de compte, je n’ai rien fait de très particulier pour obtenir tout cela. Je pense qu’en élevage, quand tout doit bien se passer, c’est le cas. Pour un bon cheval, tout se passe bien. La différence est là. Et nous avons la chance d’avoir une histoire où tout se déroule bien. Finalement, cela tient à pas grand-chose, tant le chemin peut être semé d’embûches : il faut que la jument soit pleine, que le poulinage se passe sans encombre, qu’il grandisse correctement, qu’il soit doué, etc”, ajoute le Belge. 

United Power lors de son approbation. © Kiki Beelitz



Un œil pour les cracks

Au-delà de sa propre réussite dans l’élevage, peut-être mise dans l’ombre en raison du regrettable changement de nom opéré par les nouveaux propriétaires de ses deux étalons approuvés, Didier Jacquemin a également prouvé qu’il avait l'œil pour repérer les bons chevaux. Outre sa matrone Evita, le dentiste équin a repéré, dans des conditions singulières, un certain Collin, qui s’illustre sous la selle du Brésilien Luiz Francisco de Azevedo. Le couple a d’ailleurs remporté deux épreuves à barrage à 1,50m entre décembre dernier et février, sur les pistes du Winter Equestrian Festival (WEF) de Wellington. “C’est une belle histoire”, débute le passionné. “Collin est un cheval extrêmement atypique. Et son parcours est assez spécial. Je pense, sans certitude, qu’il venait de Suède. Il s’est retrouvé sur le marché d’Utrecht (une sorte de foire aux chevaux, organisée en Hollande, ndlr). Une connaissance à moi l’a acheté et j’ai été voir le cheval chez lui. Je l’ai alors immédiatement racheté. Il est arrivé à la maison un peu négligé, mais il était plein de points de force. Il avait un très bon coup de saut en liberté, mais montrait du caractère et était tout à fait particulier mentalement. Malgré tout, il dégageait beaucoup de charisme. Je me suis alors mis en quête du cavalier idéal pour lui. Il n’était pas fait pour tout le monde, mais restait un très bon cheval. Je me suis dit que Luiz Francisco lui correspondrait bien et je lui ai confié. Et ils ont obtenu les résultats qui sont les leurs aujourd’hui ! Collin gagne beaucoup d’épreuves.”

Collin, sauvé d'une potentielle fin tragique par Didier Jacquemin. © Sportfot

L’Auriverde et son KWPN, qui forment un couple depuis dix ans, ont tutoyé les sommets, goûtant aux Grands Prix 4* et 5* et s’illustrent désormais jusqu’à 1,50 et 1,55m. En début d’année, après leur huitième victoire internationale commune, le cavalier de Collin a déclaré : “C’est le cheval d’une vie. Nous l’avons sauvé d’une terrible situation. De fait, je suis très heureux de partager cette histoire parce qu’il est exceptionnel. Mon ami Didier Jacquemin m’a appelé un jour au sujet d’un cheval qui avait manqué de finir à l’abattoir. Il était très difficile à monter, mais tout ce que j’ai fait était de lui laisser une chance de me faire confiance. Avec de la patience et du temps, nous avons compris qu’il avait besoin de passer autant de temps que possible au paddock et qu’il n’a besoin de sauter qu’en concours. Il sait quand c’est le moment d’y aller !”

Collin et Luiz Francisco de Azevedo. © Sportfot

Et le propriétaire de du bai d’ajouter : “Je ne sais pas exactement comment fonctionnent les marchés comme celui d’Utrecht, mais pour le même prix, ce cheval aurait pu ne jamais arriver à ce niveau et finir dans le mauvais camion. Ce sont des événements un peu particuliers. Je ne connais pas l’histoire de Collin, ni comment il s’est retrouvé là. Mais son histoire prouve qu’aujourd’hui encore, sans débourser des sommes astronomiques, on peut avoir la chance de tomber, de temps en temps, sur un très bon cheval.” Où qu’il soit, Didier Jacquemin pourra remercier son ange gardien. Au-delà de la simple chance, cet éleveur résolument positif a surtout su faire les bons choix. Et nul doute qu’ils les fera encore dans les années à venir.

United Power dans le soleil de Belgique. © Patrice Gueritot

Photo à la Une : United Power, la perle de Didier Jacquemin, aux côtés de sa mère, Evita CD. © Patrice Gueritot