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Dexter Fontenis, bon sang ne saurait mentir (1/3)

Dexter
vendredi 8 décembre 2023 Mélina Massias

Il est l’un des meilleurs chevaux de sa génération, et sans aucun doute l’un des meilleurs du monde. Dexter Fontenis, le crack de Simon Delestre, s’est imposé cette saison en se classant dans pléthore de Grands Prix 5*. Si sa première grande victoire dans une épreuve reine l'attend encore, le fils de Diarado a déjà conquis le titre de numéro un mondial, en novembre dernier. Issu d’une excellente souche maternelle française, développée par la famille Théault, le bondissant représentant du stud-book Zangersheide perpétue la réussite de Cistria, Kampanule III, Pépita du Poncel et Gorka des Fontenis. Formé par Johannes Farce de ses quatre à sept ans, passé sous la selle de Jennifer Hochstadter pendant une saison, puis révélé au plus haut niveau par Simon Delestre, Dexter Fontenis fait le bonheur d’Eric et Nicholas Hochstadter, qui l’ont fait naître et en sont toujours propriétaires. Retour sur la naissance d’une star, qui n’a pas fini de briller.

L’histoire du saut d’obstacles mondial a déjà été marquée par un petit cheval noir, plein d’énergie et de génie. Le sera-t-elle une seconde fois ? Dexter Fontenis réunit tous les ingrédients pour y parvenir. Et, à l’inverse de Jappeloup, le complice de Simon Delestre a aussi de prestigieuses origines à faire valoir. Fils de Diarado, celui qui est devenu numéro un mondial au mois de novembre, (re)met à l’honneur l’excellent élevage du Poncel, développé par Rémy Théault et son épouse, qui ont fait naître la grand-mère, l'arrière-grand-mère et l'arrière-arrière-grand-mère du crack. Ces deux éminents passionnés, toujours bon pied bon œil à quatre-vingt-dix ans passés, ont sans doute connu leur plus belle réussite grâce à Razzia du Poncel, médaillée de bronze par équipe aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992 puis aux Européens de Gijon un an plus tard, aux rênes du regretté Hubert Bourdy. 

Razzia du Poncel a participé aux deux médailles de bronze de la France aux Jeux olympiques de Barcelone et aux Européens de Gijon avec Hubert Bourdy. © Dirk Caremans / Hippo Foto

À l’origine de cette très bonne lignée maternelle, plus au goût du jour que jamais grâce au bondissant et bouillonnant Dexter Fontenis, se trouve une jument : Cistria. Pas très grande et pleine de sang, la fille du Pur-Sang Cousin Pons a su séduire Rémy Théault, qui l’a achetée pouliche, auprès de Louis Malbaut. Huit ans plus tôt, l’éleveur normand, installé dans la Manche, à Bacilly, avait fait l’acquisition de Quistria, sa sœur utérine par Centaure du Bois. Après avoir assuré sa formation à quatre ans, Rémy Théault avait pu voir son ancienne protégée terminer “deuxième de sa génération à sept ans, derrière l’olympique Quo Vadis”, expliquait Jean Delannoy en 1992. Vendue au beau-père de François Mathy après avoir accumulé plus de trente-cinq mille francs de gains, Quistria a laissé place à ses sœurs dans les prairies de l’élevage du Poncel. 

Cistria, l'arrière-arrière-grand-mère de Dester Fontenis. © Collection privée

“À l’époque, mon beau-père montait en concours. Il avait eu sous sa selle la sœur de Cistria, Quistria, une très, très bonne jument avec laquelle il a remporté beaucoup d’épreuves. Il s’était toujours dit qu’il fallait récupérer cette souche. Il a donc fait l’acquisition de Cistria, une petite jument pleine d’énergie”, se souvient André-Jean Belloir, époux de Marie-Françoise, la fille de Rémy Théault et qui a aussi connu beaucoup de réussite avec cette souche, sous l’affixe de la Baie, d’où, entre autres, l’excellente Kanelle de la Baie (Allegreto), lauréate du Derby de la Baule en 2011 avec William Funnel. Par la suite, André-Jean s'est concentré sur l’élevage de Pur-Sang de course, comme le retrace l’unique Jean Bougie dans Equin Normand. Croisée plusieurs fois avec le puissant Tigre Rouge, Cistria donne naissance en 1976 à Kampanule III. La Selle Français, grande alezane avec du cadre, poursuit logiquement l'œuvre de sa mère, parfois malchanceuse à l’élevage. À son tour, Kampanule III engendre d’excellents éléments. De 1980 à 1994, elle mettra au monde treize poulains, un par an à l’exception des millésimes 1985 et 1993. Parmi ses fers de lance, l’olympique Razzia du Poncel (ISO 173, Gaurol), évidemment, mais aussi Pépita du Poncel (Grand Veneur), la grand-mère de Dexter Fontenis, ou encore Gracia du Poncel, la mère de Kanelle de la Baie et Dazia du Poncel, dont la souche est encore active, notamment chez la famille Lizot. 

Kanelle de la Baie, lauréate du Derby de La Baule, est aussi une représentante de la souche maternelle de Dexter Fontenis. © Dirk Caremans / Hippo Foto



“Je n’ai pas connu Pépita à l’élevage, mais Kampanule et Razzia étaient toutes deux des juments un peu brutes, imposantes, avec une tête assez volumineuse. Elles n’étaient pas les plus chics mais avaient beaucoup de force et d’amplitude. C’est le croisement avec Tigre Rouge qui a donné de grandes juments, qui, à leur tour, n’ont presque que produit dans ce morphotype. Pour la petite histoire, Razzia a été vendue à trois ans dans un lot de chevaux, à Monsieur Deleysses, un marchand très actif pour la région du Sud-Ouest, parce qu’elle était difficile. Son débourrage n’avait pas été le plus simple et il n'était pas aisé de la canaliser. Razzia sautait toujours très haut en liberté. Mon beau-père installait alors des petites combinaisons. Il raconte que Razzia retirait des foulées une fois sur deux et qu’elle prenait son appel avant les barres à trois mètres ! Il fallait que ça envoie”, reprend André-Jean Belloir. “Je pense que le secret de la réussite de cette lignée maternelle réside dans la souche de Cistria, qui était remarquable.”

Kampanule III, l'arrière-grand-mère de Dexter Fontenis, ici suitée de l'olympique Razzia du Poncel. © Collection privée

Pour être encore dans l’air du temps, pas loin d’un demi-siècle après la naissance de Kampanule III, la souche de la famille Théault avait sans doute plus d’un coup d’avance. “Mon beau-père faisait partie des rares éleveurs qui montaient à cheval à ce moment-là, comme Fernand Leredde, Alain Navet ou Bernard Lebrun. Ils avaient donc un peu d’avance sur les autres. Ils étaient capables de voir les chevaux qui sautaient bien et ont aussi été précurseurs en matière de saut en liberté. De ce fait, ils ont pu identifier des souches prometteuses. Avec Cistria, mon beau-père a d’abord utilisé Tigre Rouge, puis il a choisi Grand Veneur pour Kampanule, ce qui a donné Pépita. Grand Veneur était plus dans le sang, plus léger que Tigre Rouge et a apporté du sang à Kampanule. Ces éleveurs ont profité de leurs qualités de cavaliers pour améliorer leurs croisements. Je vais m’empresser d’annoncer à mon beau-père que Dexter Fontenis a été numéro un mondial et perpétue sa souche. Il a quatre-vingt-quatorze ans et vit toujours avec son épouse. C’est une super nouvelle et je suis avant tout heureux pour lui”, complète André-Jean Belloir, maire de Pontorson et toujours aussi passionné. 

Pépita du Poncel, la grand-mère de Dexter Fontenis, à deux ans. © Collection privée

De Cistria, Kampanule III et Pépita du Poncel, Dexter Fontenis a assurément conservé l’énergie, la fougue, mais aussi le génie et le talent sur les barres, le tout associé à une immense amplitude. Petit, le hongre noir, enregistré au stud-book Zangersheide, fait oublier sa taille par l’immensité de son talent. Si sa mère, Gorka des Fontenis, ne lui a pas transmis ses centimètres, elle lui a légué un tempérament de feu, qui fait tant sa force que sa faiblesse. “Je crois vraiment que Gorka a donné une grande partie de son caractère à Dexter”, confirme Nicholas Hochstadter, qui en fut le propriétaire et surtout le cavalier jusqu'en Grand Prix. “En revanche, physiquement, elle n’était pas du tout similaire à Dexter. Diarado lui a donné son chic et son côté très moderne. Gorka était une jument fantastique, dotée de qualités incroyables. Elle n’avait peur de rien ! On aurait pu mettre un rond de feu sur un parcours, elle l’aurait sauté. Elle était extrêmement volontaire et avait beaucoup de moyens. En revanche, elle était compliquée pour tout ce qui était en dehors de la piste. Elle ne prenait, par exemple, aucun plaisir à aller en balade. Au paddock, en concours, elle détestait les autres chevaux. Elle était vraiment particulière. J’ai monté Gorka jusqu’en Grand Prix, il y a très longtemps. Après sa carrière sportive, nous avons décidé de lui faire faire quelques poulains, puisqu’elle avait une super souche.” 

À Aix-la-Chapelle, Dexter Fontenis et Simon Delestre ont été élus meilleur couple du mythique concours. © Mélina Massias



Pourtant, rien ne prédestinait la famille Hochstadter, éminente amoureuse des chevaux, à faire naître un crack. Nicholas l’affirme et le répète, la création de Dexter révèle avant tout de la chance. “Nous avons eu de la chance”, martèle-t-il humblement. “Nous ne faisons pas du tout d’élevage à la base. Gorka a fait trois poulains. La première avait un pied bot, la deuxième était un cheval normal, et le troisième était Dexter. Nous essayons désormais de faire naître un ou deux poulains supplémentaires avec d’autres juments, mais nous ne sommes pas éleveurs. J’ai été cavalier et j’ai choisi mes chevaux en les montant, pas en me basant sur leurs papiers. Je ne suis pas le plus calé en ce qui concerne les souches maternelles. Pour le choix de Diarado, j’ai fait confiance à la personne qui s’occupait de Gorka. Pour lui, Diarado pouvait bien convenir à Gorka. Il produisait déjà bien et transmettait un bon modèle. Comme Gorka était une grande jument, prête à aller au feu pour son cavalier, nous voulions un étalon un peu plus dans le sang. Je connaissais Diarado de nom, mais le mérite du choix ne me revient pas ! Je n’y suis vraiment pour rien ; je n’aurais pas l’outrecuidance de dire que j’ai choisi quoi que ce soit ! Ce sont vraiment les gens autour de Gorka et le hasard qui ont mené à Dexter.”

Dexter Fontenis, ici à Lyon. © Mélina Massias

En Belgique, tout près de la frontière avec le Luxembourg, Gorka est la seule à offrir à la famille Hochstadter des produits, ses deux compères de l’époque n’ayant jamais connu pareille réussite. Sa vie de jeune poulain, le petit hongre la passe au Benelux, avant de regagner l’Hexagone à ses quatre ans. “Dexter a passé une courte période au sein des écuries de Simon Delestre, mais il était encore très jeune. Mon père et moi avons alors décidé de le confier à Johannes Farce, afin qu’il assure sa formation. Johannes montait avec moi à l’époque et s’occupait de mes chevaux lorsque je n’avais pas le temps de monter à cheval”, explique Nicholas.

Jennifer Hochstadter et Dexter Fontenis ont partagé une saison de concours ensemble, en 2020. © Sportfot

Sous la selle de Johannes Farce, Dexter a fait ses classes avec brio, sans jamais brûler les étapes. Pas sorti à quatre ans, le fils de Diarado a fait ses débuts sur des épreuves Préparatoires à 1,00 et 1,15m, en fin d’année 2018. De retour en piste au printemps suivant, le Zangersheide enchaîne les sans-faute, jusqu’en CSI Jeunes Chevaux. L’année suivante, à sept ans, la paire continue sur sa lancée et se montre très régulière. Johannes Farce garde un souvenir intact et rempli d’émotions de son ancien complice, à qui il continue de rendre visite régulièrement. “Sentimentalement parlant, Dexter est le meilleur cheval que j’aie monté. J’ai eu la chance de croiser la route d’autres très bons chevaux, mais Dexter restera toujours le crack. Quand on voit ce qu’il fait aujourd’hui, on ne peut que dire que c’est un crack ! En 2020, j’avais Dexter et Deuxcatsix d'Églefin, l’étalon de Marie Pellegrin, en même temps. C’était génial ! Je trouvais les épreuves réservées aux chevaux de sept ans faciles avec eux”, sourit le Rhône Alpin, qui se souvient de sa première fois sur le dos de Dexter comme si c’était hier.

Johannes Farce a assuré la formation de Dexter Fontenis de ses quatre à sept ans. © Agence Ecary

Photo à la Une : Simon Delestre et Dexter Fontenis, meilleur couple du mythique CHIO 5* d’Aix-la-Chapelle l’été dernier. © Mélina Massias

La deuxième partie de ce portrait est disponible ici.