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“Dexter a toutes les qualités dont on a besoin pour faire ce sport”, Simon Delestre (3/3)

Dexter
jeudi 14 décembre 2023 Mélina Massias

Il est l’un des meilleurs chevaux de sa génération, et sans aucun doute l’un des meilleurs du monde. Dexter Fontenis, le crack de Simon Delestre, s’est imposé cette saison en se classant dans pléthore de Grands Prix 5*. Si sa première grande victoire dans une épreuve reine l'attend encore, le fils de Diarado a déjà conquis le titre de numéro un mondial, en novembre dernier. Issu d’une excellente souche maternelle française, développée par la famille Théault, le bondissant représentant du stud-book Zangersheide perpétue la réussite de Cistria, Kampanule III, Pépita du Poncel et Gorka des Fontenis. Formé par Johannes Farce de ses quatre à sept ans, passé sous la selle de Jennifer Hochstadter pendant une saison, puis révélé par Simon Delestre, Dexter Fontenis fait le bonheur d’Éric et Nicholas Hochstadter, qui l’ont fait naître et en sont toujours propriétaires. Retour sur la naissance d’une star, qui n’a pas fini de briller.

Les première et deuxième parties de ce portrait sont à (re)lire ici et ici.

Après avoir profité plusieurs mois des sensations offertes par Dexter Fontenis (Diarado x Voltaire), Jennifer Hochstadter a mis pied à terre. Côtoyant désormais l’élite mondiale chaque week-end, la souriante jeune femme suit avec attention les aventures de son ancien complice avec Simon Delestre, actuel huitième meilleur cavalier du monde. “Simon arrive à apaiser Dexter. De mon point de vue, il a le don de pouvoir former un couple avec n’importe quel cheval. Leur duo est vraiment chouette. Mes parents et grands-parents ont fait naître Dexter et c’est beau de suivre cette aventure. Nous sommes tous très heureux. Ces deux dernières années, ils ne nous ont pas déçus. Dexter est un cheval extraordinaire et il n’a pas fini de faire parler de lui”, assure Jennifer.  

Dexter Fontenis a rendu une copie presque parfaite dans le Grand Prix 5* de Genève. © Mélina Massias

Après une première année de prise de connaissance et de mise en confiance, Simon Delestre et Dexter sont passés à la vitesse supérieure dès 2022. Avec plus de deux cent mille euros de gains engrangés au cours de son année de neuf ans, le fils de Diarado a fini d’éclore en 2023. Dans l’ombre de Cayman Jolly Jumper l’année dernière, le hongre de dix ans est entré dans la lumière en remportant trois épreuves internationales cette saison, dont le Grand Prix secondaire du CSI 5*-W d’Oslo à 1,60m, terminé deuxième de l’étape de la Coupe du monde Longines le lendemain et figuré dans le Top 10 de sept autres Grands Prix 5* ! Avant de devenir logiquement numéro un mondial en novembre dernier, le petit hongre a dû poursuivre son apprentissage et son cavalier le déchiffrer. 

“Parfois, les émotions de Dexter peuvent le déborder”, Simon Delestre

“Il y a eu beaucoup de travail sur le plat. Dexter avait de la peine à se rassembler, mais il a rapidement évolué, surtout en concours. Comme je l’avais dit à Simon, ma crainte a toujours été les combinaisons, du fait de sa technique particulière. Cela a été bloquant au début, mais c’est aujourd’hui une formalité. Ces trois derniers mois, Dexter a de nouveau fait d’immenses progrès”, apprécie Nicholas Hochstadter. Et ce n’est pas Simon Delestre qui le contredira. Doha, Ramatuelle, Aix-la-Chapelle, Barcelone, Oslo, Riyad, Lyon, Prague… les classements ont été plus qu’au rendez-vous, propulsant le Zangersheide dans une autre dimension en à peine quelques mois. “Dexter a toujours eu énormément d’énergie, mais a toujours très bien sauté. Il est très sensible et l’est resté, mais c’est aussi ce qui fait sa qualité. Il performait très bien avec Jennifer, mais était un peu craintif, notamment dans les paddocks d’entraînement. Il s’est nettement amélioré sur ce point, mais il faut encore être très prudent, notamment lorsqu’il y a beaucoup de chevaux autour de lui. Il y a plein de détails auxquels il faut prêter attention, mais cela fait partie de lui, de sa qualité et de sa sensibilité”, entame Simon Delestre. “Dexter a toutes les qualités dont on a besoin pour faire ce sport. Il a les moyens, le respect, la vitesse, la sensibilité, la finesse et l’intelligence, sinon il n’en serait pas là. Parfois, ses émotions peuvent le déborder, ce qui nous fait passer à côté du concours.” Le fils de Diarado a débuté 2023 sur les chapeaux de roues, en brillant notamment à Doha. © Stefano Grasso/CHI Al Shaqab



Malheureusement, c’est ce qui s’est passé lors des Européens de Milan, le gros point noir de la jeune carrière de Dexter Fontenis. Pas à son affaire, le petit-fils de Voltaire a réalisé des parcours loin de ses standards habituels. “C’était un championnat particulier. J’ai vécu plusieurs événements de ce type, mais je crois bien n’avoir jamais vu quelque chose d’aussi mal organisé et préparé. Je n’avais même pas l’impression d’être à un championnat. De plus, ma fille concourait aussi, et j’avais avant tout envie que cela se passe bien pour elle. Il s’agissait de sa première échéance Sénior, à tout juste vingt ans. Bien sûr, il y a eu de la déception concernant Dexter. Il n’a pas sauté comme à son habitude, mais avec lui, il suffit d’un grain de sable dans les rouages pour que ses vieux démons ressurgissent, comme les doubles d’oxers ou les combinaisons en général. C’est un cheval qui a beaucoup de sang et avec lequel on ne peut pas commettre d’erreur”, souligne Nicholas Hochstadter. “On apprend des erreurs. Je pense que Dexter a toutefois montré que l’on pouvait compter sur lui. À Milan, il était extrêmement chaud. Lorsqu’il est dans cet état d’esprit là, il est très, très difficile à gérer. Les parcours peuvent sembler très longs à Simon dans ces moments-là.”

Même si les championnats d'Europe de Milan ont été le point noir de la saison de Dexter Fontenis, cette expérience leur a permis de repartir de plus belle. © Mélina Massias

Le diable se cache dans les détails

De retour à la compétition quelques semaines après cet échec milanais, à Rome puis à Barcelone, Simon Delestre et Dexter Fontenis se sont rapidement retrouvés. “Dexter a réalisé une bonne saison, sinon, il ne serait pas devenu numéro un mondial. Après Milan, nous avons ajusté des détails. J’ai remarqué que j’avais plus de facilité en début d’année avec lui lorsque les détentes étaient très grandes, comme à Aix-la-Chapelle ou Doha. Dans ces conditions, je peux sauter dans le calme. Aux championnats d’Europe, la piste était plus petite et il était impossible de sauter seul. Lorsque d’autres chevaux sautent en même temps que lui, cela l’angoisse vraiment. J’essaye donc d’adapter mes détentes à ces éléments, et de viser le créneau le plus calme de l’épreuve pour lui éviter de monter en pression”, explique le Lorrain. Et cela a plus que payé ! 

Le petit Zangersheide à la souche maternelle imprégnée de sang Selle Français Originel s'est classé dans pléthore de Grands Prix 5* cette saison, dont celui du mythique CHIO 5* d'Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias

Tout sourire après son week-end à Barcelone, où il a retrouvé son crack en pleine possession de ses moyens, Simon Delestre a connu une fin d’année dorée, enchaînant les très belles performances avec Dexter. Jusqu’à ce que ce dernier devienne numéro un mondial. “La place de numéro un mondial est le reflet de la saison de Dexter et de ses capacités. Il n’a que dix ans et était déjà huit ou neuvième la saison dernière. C’est déjà impressionnant pour un cheval de neuf ans. Il a continué sur la même lancée ces derniers mois. J’espère que son avenir va s’écrire sur des années et des saisons ; le but n’est pas de faire un coup d’éclat, mais bien de durer dans le temps”, analyse le cavalier du bouillonnant hongre noir. 



Johannes Farce, qui a guidé Dexter dans ses jeunes années, lui inculquant des bases solides, dresse le même constat. “Depuis les championnats d’Europe, Simon a modifié des choses avec Dexter. Sa façon de le monter et ses détentes ont changé et cela se voit. Dexter est complètement différent, beaucoup plus serein et calme. À Lyon, leurs prestations étaient géniales. Dexter fait cela avec une telle aisance ! Simon et lui sont sûrs d’eux et s’entendent à merveille. Je suis très fier. Cela me fait plaisir de rendre visite à Dexter de temps en temps et de rester en contact avec les Hochstadter, qui sont de très bonnes personnes et d’une grande gentillesse”, se réjouit le Rhônealpin, heureux de tirer la juste récompense de son travail, effectué en grande partie dans l’ombre. 

Différent de sa mère physiquement, le chic Dexter a hérité de son mental de guerrière. © Mélina Massias

Continuer à rêver

Grâce à ses nombreuses qualités, Dexter Fontenis a séduit tout son entourage, qui écrit depuis bientôt onze ans une très belle histoire. “Dexter est très attendrissant. Les chevaux comme lui, qui sont si proches du sang, sont singuliers. Dexter n’est, certes, pas à mettre entre toutes les mains, mais est très attachant. C’est une boule d’énergie ; c’est très impressionnant à voir. Lorsqu’on est autour de lui, il diffuse cette énergie. Dexter est l’archétype de ce que l’on recherche aujourd’hui en concours hippique, même si rien n’était calculé”, apprécie Nicholas Hochstadter, qui décrit son protégé comme “très moderne” et doté de “beaucoup de caractère”. “C’est un cheval qui aime le contact avec les gens. Il faut des personnes douces pour s’occuper de lui, parce que c’est un cheval fin et sensible. On ne peut pas hausser le ton, ni monter la voix avec lui. Passer du temps avec lui est agréable”, ajoute Simon Delestre. 

L'attachant Dexter Fontenis envoûte aussi ses grooms, comme ici avec Pauline Honnoret. © Sportfot

Caractère et talent combinés, Dexter permet à ses propriétaires et éleveurs de vivre une sacrée aventure. “Le vrai propriétaire de Dexter est mon père”, tient à préciser Nicholas, qui n’en reste pas moins l’un des plus grands fans du fils de son ancienne jument de concours. “Nous ressentons beaucoup de fierté de voir Dexter sauter comme cela. Pour moi, cela a un aspect encore plus particulier, puisque sa maman a été ma première jument de Grand Prix. Dexter est un cheval exceptionnel. Lorsqu’il est en train de passer en piste, je ne peux pas continuer à discuter avec des gens ! Nous vivons les choses à fond. Je crois que nous mesurons tout à fait la chance que nous avons d’avoir élevé un cheval comme lui. Et, encore une fois, tout cela est le fruit de beaucoup de chance. On estime en tout cas tout cela à sa juste valeur.” 

Pour la famille Hochstadter, les performances de Dexter Fontenis ont toujours une saveur particulière. © Hippo Foto / Sharon Vendeput



Déjà gagnant en Grand Prix 4* et classé de nombreuses fois au niveau supérieur, il ne manque plus à Dexter qu’une victoire d’envergure pour confirmer sa très belle progression… ou le Graal, une médaille en championnat. “Mon objectif principal reste les Jeux l’année prochaine. J’ai trois chevaux sur la liste olympique. Dexter est au top de sa forme en ce moment, mais nous ne pourrons pas maintenir cela jusqu’à Paris. Nous allons devoir faire les choses dans l’ordre. En début d’année, je vais emmener Dexter, Cayman Jolly Jumper et I Amelusina R51 à Doha”, explique Simon Delestre, dont la première option pour Versailles demeure Cayman, absent des terrains de compétition depuis fin juillet. 

Bien des tours d'honneur attendent encore le complice de Simon Delestre. © Sportfot

“Nous sommes tournés vers un seul objectif pour Simon : les Jeux de Paris”, confirme Nicholas Hochstadter. “De quoi peut-on rêver pour Dexter ? Évidemment de tout ce qui est grands événements. Voir Dexter être élu meilleur cheval du CHIO d’Aix-la-Chapelle est quelque chose d’important, tant pour mon père que pour moi. Il a quatre-vingt-cinq ans. Pour lui, voir cela de chez lui est fantastique ! Pour les Jeux, on ne sait jamais. Dexter peut être une option. Dans tous les cas, je ne suis pas sélectionneur, loin de là ! On souhaite à Dexter une très belle carrière. Le plus important pour moi est que mon père puisse continuer à rêver à travers cette aventure. Dexter a une place spéciale à nos yeux. Nous avons beaucoup, beaucoup de chance. Heureusement, nous pouvons compter sur Simon comme cavalier. Avec des chevaux comme Dexter, si l’on ne tombe pas sur le bon cavalier, c’est fichu. Si quelqu’un avait voulu le soumettre, cela n’aurait pas fonctionné. Il fallait trouver une main de fer dans un gant de velours. Je crois qu’il y a beaucoup de respect entre le cavalier et le cheval et cela se voit de plus en plus.”  Du haut de ses dix ans, le génial Dexter Fontenis n’a pas fini de briller, et sa souche non plus, que ce soit chez la famille Lizot, qui attend deux arrière-petits-fils ou arrière-petites-filles de Kampanule III pour 2024, dont l’un ou l’une par Diarado, ou ailleurs. 

L'année 2024 sera peut-être celle de la consécration pour Dexter Fontenis, déjà devenu numéro un mondial en novembre. © Mélina Massias

Photo à la Une : Dexter Fontenis et Simon Delestre ont manqué de chance à Genève, mais ont une nouvelle fois prouvé qu’ils étaient à la hauteur. © Mélina Massias