Arthur Le Vot vit un rêve éveillé. Classé dans les Grands Prix 4* de Bourg-en-Bresse et Mâcon, au départ de son premier 5* à l’occasion du CSIO de La Baule le week-end dernier, et heureux papa d’un petit Victor depuis quelques jours à peine, le Breton a le vent en poupe. Installé aux côtés de sa compagne, Gabrielle Carneaux, tous deux sont à la tête d’une structure florissante. Après Vinchester, Fancy de Kergane ou encore Génial de B’Néville, le jeune homme de vingt-huit ans, déjà reconnu pour ses talents de formateur de jeunes chevaux, peut compter sur Djinn Cécé pour poursuivre son ascension vers le haut niveau. Derrière l’alezan, qui a bouclé son premier Grand Prix 5* avec deux fautes, se cachent plusieurs pépites qu’Arthur Le Vot prendra le temps de révéler, avec respect et bon sens. Rencontré le week-end dernier en Loire-Atlantique, il évoque certaines de ses montures, sa relation avec Edouard Coupérie, sélectionneur national, son système et sa philosophie. Interview, épisode 2.
La première partie de cet entretien est à (re)lire ici.
Comment gérez-vous les départs de vos anciens partenaires lorsqu’ils sont vendus ? Il est inévitable de s’attacher à eux lorsqu’ils sont à vos côtés. Attachez-vous de l’importance au choix de leurs futures maisons quand vous le pouvez ?
Bien sûr. C’est important pour nous de savoir que nos chevaux sont dans une bonne maison. La vente de mon premier cheval de Grand Prix, Vinchester, a été assez dure psychologiquement pour moi. C’est le premier cheval que j’ai formé de A à Z, de ses cinq à ses neuf ans. Cela a été assez difficile à encaisser. Nous l’avions vendu juste avant l’hiver, ce qui a rendu cette période compliquée. Et puis le temps a fait son travail. On ne s’habitue jamais vraiment à les voir partir, car cela nous rend toujours malheureux. Mais ces ventes sont indispensables pour pouvoir créer de nouvelles choses, évoluer, professionnellement et sportivement. Quoi qu’il arrive, savoir que nos anciens complices rejoignent de bonnes écuries est toujours important pour nous, comme ce fut le cas pour Fancy, qui a rejoint les écuries de Cian O’Connor. Lorsqu’il l’a acheté, Fancy venait de boucler la finale du championnat de France des sept ans. Nous avons rapidement échangé ensemble et Cian a accordé trois semaines de repos à Fancy, qui a passé la plupart de son temps au paddock. Aujourd’hui, nous continuons de suivre Fancy et dès que nous croisons Cian, nous parlons de lui ! Cela fait plaisir.
Derrière Djinn Cécé, et en plus de Haristo du Gué, lesquelles de vos montures vous semblent avoir le potentiel pour l’épauler prochainement à haut niveau ?
J’ai deux autres huit ans en lesquels je fonde beaucoup d’espoirs : Horacio du Paradis (For Pleasure x Nabab de Rêve) et L’Ariello van de Zuurhaege (Lector van den Bisschop x Copin van de Broy). Ce sont deux bons chevaux d’avenir. Horacio est très concours. Il a remporté une épreuve à 1,40m à Compiègne et a couru ses premiers parcours à 1,45m à Bourg-en-Bresse, où j’étais très content de son comportement. Je pense qu’il a un vrai potentiel. Il sera sans doute un peu plus rapide que Haristo et correspondra peut-être davantage aux épreuves de vitesse, où je l’imagine être très compétitif. L’Ariello, lui, est un peu plus similaire à Haristo. Il est plus tardif, mais a aussi beaucoup de potentiel. Ensuite, nous avons beaucoup de jeunes, dont plusieurs en lesquels je crois beaucoup ! Au fur et à mesure, certains seront commercialisés, d’autres rejoindront peut-être de nouveaux cavaliers voire contracteront les blessures ; sur dix quatre ans, deux atteindront peut-être le très beau sport. Tous les chevaux ne sont pas destinés à évoluer au niveau 5*, mais on essaye toujours de faire au mieux en fonction de chacun, et de les faire progresser, peu importe leur niveau. Le but est qu’ils puissent exprimer le meilleur d’eux mêmes, en fonction de leurs qualités et moyens respectifs.
Le styliste Horacio du Paradis en action à Bourg-en-Bresse. © Agence Ecary
“Ma compagne et moi sommes devenus parents il y a une quinzaine de jours et cela change vraiment la vie”
Comment fonctionne votre système ? Comment trouvez-vous le bon équilibre entre jeunes chevaux, formation, commerce et haut niveau ?
J’ai la chance de pouvoir compter sur un entourage formidable, entre ma compagne, mes parents et ma famille, qui me soutiennent tous beaucoup. Nous avons aussi une super équipe à la maison, avec notamment une cavalière qui m’épaule lors des concours jeunes chevaux. Je travaille avec des gens en qui j’ai confiance. Notre équipe à la maison est entièrement féminine ! Je trouve que le feeling passe mieux, plus facilement avec les chevaux, ce qui me plaît beaucoup, puisqu’ils me paraissent mieux dans leurs têtes. Nous avons en tout cas une super équipe. Pendant mon absence, ma cavalière monte les jeunes chevaux. Je peux ensuite poursuivre leur entraînement lorsque je rentre à la maison. Et mon père supervise le travail des jeunes en concertation avec ma cavalière. Ils sont souvent assez compétitifs, mais, s’ils le sont moins, ce n’est pas très grave. Le plus important pour nous est de les respecter et de ne pas griller les étapes.
Bien entouré, le cavalier de vingt-huit ans construit son œuvre avec patience et détermination. © Agence Ecary
De bons résultats en concours, un système bien rodé, et jeune papa, tout semble aller pour le mieux, non ?
Oui ! Ma compagne et moi sommes devenus parents il y a une quinzaine de jours et cela change vraiment la vie, et dans le bon sens ! Nous sommes très heureux et tout s’est très bien passé. Victor et sa maman se portent très bien. Victor a vécu son premier concours à La Baule, ce qui est plutôt pas mal ! (rires) C’est un peu comme dans un rêve ! On ne pouvait pas imaginer meilleur scénario pour mon premier 5*.
Vous avez connu plusieurs expériences enrichissantes dans votre jeune carrière, chez Eric Lamaze ou encore au haras de Semilly. Qu’en retenez-vous, que ce soit en positif ou en négatif ?
Lorsque j’étais chez mes parents, je profitais de l’hiver pour aller en stage. J’ai eu la chance de découvrir Wellington, qui est un vrai monde, à quinze ou seize ans, grâce à Nicolas Paillot. J’ai aussi passé trois mois chez Philippe Lejeune. J’avais adoré l’homme de cheval et le travailleur qu’il est. C’était une superbe expérience. J’ai passé beaucoup de temps chez Nicolas Delmotte, que j’ai toujours côtoyé, que ce soit par l’intermédiaire de mon oncle, Laurent, ou de mon père. Il m’a énormément appris et m’a beaucoup aidé, notamment avec Vinchester. Nicolas m’a également permis de rencontrer Bertrand de Bellabre, qui m’a fait travailler pendant cinq ans à la maison et a géré la carrière de Vinchester. C’est lui qui nous indiquait quand franchir une nouvelle étape, ou, au contraire, quand prendre plus de temps. Nous étions toujours tentés de franchir les étapes, mais Bertrand nous a appris à être patient, afin d’essayer de sauter encore plus haut à terme. Cela a été très enrichissant.
Mon expérience chez Eric Lamaze n’a duré que cinq mois et ne correspondait pas tellement à ma philosophie. Dans ce système-là, on achète des chevaux, on les utilise puis, quand ils ne vont plus, on en achète un autre. Je n’ai pas les moyens de faire cela, et, surtout, je ne m’épanouissais pas dans cette façon de faire. J’aime former les chevaux, les voir évoluer et essayer de leur assurer la plus grande longévité possible, afin qu’ils puissent profiter de leurs belles années. Les avoir à la retraite à la maison est ce que l’on préfère ! Gabrielle et moi avons ensuite rejoint le haras de Semilly, où nous avons retrouvé un système qui nous correspondait vraiment. J’ai pu profiter de ma saison, où j’ai monté beaucoup de bons chevaux. Anne-Sophie et Richard Levallois venaient de construire leur écurie, donc nous avons essayé de mettre en place une équipe, un système, autour de leurs chevaux. C’était très intéressant comme expérience. Nous sommes ensuite revenus à la maison, et j’ai eu la chance que Divine de B’Néville me permette de continuer à évoluer dans de beaux concours pendant un an, avant que Djinn ne prenne progressivement la relève. Beaucoup de jeunes nous ont ensuite rejoints, et nous continuons à les former pour l’avenir. Gabrielle et moi avons fondé notre propre société et nous faisons notre bout de chemin.
Arthur Le Vot a porté avec réussite les couleurs du haras de Semilly, comme ici avec le tout bon Fifty Fifty Semilly. © Mélina Massias
Votre compagne a l’air très importante, non seulement dans votre vie personnelle, mais aussi dans votre système et le fonctionnement de votre écurie…
Totalement ! Elle gère tout, y compris la comptabilité, qui est un point essentiel dans une entreprise. Elle est un soutien et une aide précieuse au quotidien.
Vous entrainez-vous avec quelqu’un ou travaillez-vous davantage seul ?
Frederic David m’entraîne assez régulièrement. Fred est un ami de la famille depuis des années. Je le fais notamment intervenir pour m’aider dans le travail des jeunes chevaux. Il a guidé énormément de jeunes chevaux jusqu’au plus haut niveau et a également évolué lui-même sur de très belles épreuves. Il est toujours là pour moi et c’est très rassurant et important.
Djinn Cécé permet au jeune Breton de tutoyer ses rêves de haut niveau. © Mélina Massias
“Les éleveurs sont la base de notre métier”
Vous semblez très proches des éleveurs, qui vous renouvellent leur confiance d’année en année. Comment expliquez-vous la relation privilégiée que vous entretenez avec nombre d’entre eux, et comment la cultivez-vous pour continuer à écrire de belles histoires ?
Je pars du principe que sans éleveurs, nous n’avons pas de chevaux, pas de sport et pas de cavaliers. Ils sont la base de notre métier. Pour l’instant, je n’élève pas personnellement, mais c’est quelque chose qui me plairait par la suite si j’en ai l’opportunité. Avoir des juments qui restent à la maison après leur carrière sportive serait très intéressant. L’élevage est capital, mais aussi la partie la plus ingrate de notre filière. Lorsque j’ai débuté, peu de personnes voulaient me confier des chevaux, car j’étais un petit jeune, sans expérience. Jean-Baptiste Thiébot nous a fait confiance et nous a mis un paquet de chevaux au travail. Cela m’a permis de faire mes armes, puis de me lancer dans le commerce. Depuis, nous avons vécu un sacré nombre de Grandes Semaines avec les produits de l’élevage de B’Néville, avec de très bonnes montures ! Jean-Baptiste a un superbe élevage, d’où ont émergé d’excellentes montures. En étant dans la Manche, en Normandie, nous sommes à proximité de nombreux élevages. Lorsqu’on va en concours, on voit les éleveurs qui viennent suivre leurs protégés. Ce sont un peu comme leurs bébés. Si je faisais naître des poulains, les voir grandir, concourir et évoluer décuplerait sans doute les émotions que je ressens déjà avec les chevaux que je monte au quotidien.
L'élevage de B'Néville de Jean-Baptiste Thiébot a été une aide précieuse pour Arthur Le Vot, qui a monté, entre autres, Divine, Isis ou encore Génial, ici en photo. © Pixels Events
L’élevage serait donc une activité dans laquelle vous pourriez vous investir à l’avenir ?
Cela me plairait, oui ! D’autant plus qu’aujourd’hui, acheter des chevaux devient de plus en plus en difficile. Pour avoir travaillé au haras de Semilly, je sais la quantité de travail que le métier d’éleveur représente. Anne-Sophie et Richard étaient toujours à deux-cents pour cent, entre les poulinages, les inséminations et tout le reste. C’est une profession à part entière, qui implique des périodes intenses et difficiles en termes de charge de travail. Je m’intéresse beaucoup à la génétique, un aspect de notre filière que je trouve très intéressant. J’aime regarder les ressemblances, les défauts et les qualités des chevaux, les croisements possibles, etc. Je ne m’imagine pas élever à grande échelle, mais conserver une jument de concours et lui faire faire quelques poulains serait un rêve ! Rien que de la voir brouter dans les champs, à côté de chez moi, serait chouette. On verra ce que l’avenir nous réserve à ce sujet.
Vous venez d’une grande famille de cavaliers. Quels sont les avantages et les inconvénients de porter un nom connu et reconnu dans la sphère équestre ?
Je ne vois pas forcément d’inconvénients à cela ! Au contraire, je trouve qu’avoir une famille de connaisseurs est une chance. Lorsque j’étais petit, tout le monde parlait déjà de chevaux lors des repas de famille. À l’époque, cela ne m’intéressait pas plus que cela. J’aimais les chevaux, mais ce qui m’intéressait avant tout, c’était de monter mon shetland les mercredis après-midi et les samedis, lui apprendre à faire la jambette, m’amuser, etc. Je jouais au foot, pratiquais le tennis et plusieurs autres activités. Au fur et à mesure, lorsque je me suis professionnalisé, mon entourage a été une aide non négligeable, que ce soient mes oncles Laurent et Simon ou toutes les personnes qui m’ont encadré. Ils m’ont permis de ne pas commettre certaines erreurs. En ce sens, j’ai beaucoup de respect pour des cavaliers comme Nicolas Layec, par exemple, qui est parti sans avoir un ancrage familial aussi fort. Ses parents ont toujours été passionnés par les chevaux, mais lui, comme d’autres, sont obligés d’aller vers les gens, de se frayer un chemin. Je les trouve très forts.
Quels sont vos rêves et vos objectifs, à court et plus long terme ?
Evidemment, j’espère obtenir de bons résultats dans des concours du calibre de celui de La Baule, pouvoir participer à des championnats, etc. Un peu ce dont tout le monde rêve ! Au-delà de ça, j’aspire à continuer de faire évoluer mes chevaux, à les bonifier et à m’assurer qu’ils aillent bien, que rien de grave ne leur arrive. À plus long terme, on a tous envie d’être sur le devant de la scène, mais, pour cela, il faut de la patience et essayer d’emprunter le meilleur chemin possible pour y parvenir. Je suis peut-être un peu plus tardif que certains de mes collègues, mais j’essaye de faire de mon mieux. Beaucoup de jeunes émergent et je trouve ça génial. Edouard Coupérie est très ouvert à ce sujet, et je trouve cela très positif pour l’avenir. En Belgique, ou dans d’autres pays, j’ai l’impression que la chance est donnée à la nouvelle génération depuis plus longtemps qu’en France. Voir des cavaliers comme Nina (Mallevaey, ndlr), ou Antoine (Ermann, ndlr) se démarquer au plus haut niveau est incroyable ! Il y a une bonne ambiance dans le clan français, où tout le monde essaie de se porter vers le haut. Nous échangeons tous beaucoup, ce qui est génial à vivre !
Arthur Le Vot salue l'état d'esprit qui règne au sein de l'équipe de France, et l'émergence de jeunes talents, dont il fait partie. © Mélina Massias
Photo à la Une : Toujours à l'écoute de ses complices, Arthur Le Vot continue de tracer son chemin. © Sportfot