“Fancy de Kergane est extrêmement respectueux et a toutes les qualités pour devenir un très bon cheval”, Cian O’Connor (2/2)
Victor Jégu aime à dire qu’il est “l’un des meilleurs sept ans du monde”. Troisième du championnat de France des cinq ans, puis vice-champion les deux années suivantes, Fancy de Kergane a, en tout cas, tout d’un grand. Si la route vers le haut niveau est encore longue, tout l’entourage du bai s’accorde à dire que le Selle Français est promis à un avenir 5*. Né dans les prairies bretonnes de Louis Menier, qui gère désormais l’affixe de Kergane main dans la main avec Victor Jégu, puis formé successivement par Marine Roque, Jonathan Chabrol et surtout Arthur Le Vot, ce produit pur beurre salé défendra désormais le drapeau irlandais. Séduit par le coup de saut phénoménal, l’aisance et la gentillesse extrême de l’étalon, Cian O’Connor, et surtout Max Wachmann, qui est son nouveau pilote, ont investi. Une bonne opération pour eux, mais moins bonne pour l’élevage français, qui commençait à percevoir la stature de père de Fancy. Retour, en deux volets, sur l'ascension de ce phénomène.
La première partie de ce portrait est à (re)lire ici.
Pour mettre en valeur toutes les qualités de Fancy de Kergane, Arthur Le Vot a notamment axé son travail sur des exercices de gymnastique. Aidé par Frédéric David, qui le suit désormais dans sa nouvelle aventure, au sein de sa propre structure, le jeune pilote a ainsi pu sublimer le potentiel de son crack. “Dans un parcours, le plus compliqué pour les chevaux, surtout lorsque les barres commencent à monter, ce sont les combinaisons. C’est sur ces éléments qu’il y a souvent le plus de fautes, puisqu’il s’agit d’enchaînements qui peuvent inquiéter les chevaux. Comme avec la plupart de mes montures, j’ai beaucoup travaillé cela avec Fancy : le rassurer dans des exercices de mécanisation, tout en le callant un peu. Il avait énormément de trajectoire. Désormais, il analyse très bien cela et est vraiment capable de calculer celle qu’il doit prendre pour franchir une combinaison. Au début, les doubles oxer vertical étaient typiquement ce qu’il y avait de plus difficile pour lui. Il devait apprendre à s’articuler, en couvrant la largeur tout en se redressant pour la sortie. Désormais, c’est un exercice qu’il a très bien compris et il franchit les combinaisons de belle manière. Musculairement, cela permet de bien faire travailler les chevaux, tout en restant facile. Nous adaptons toujours l’exercice au niveau du cheval et faisons en sorte que ce soit plutôt aisé que trop dur. Le but est de les rassurer et de franchir les dispositifs dans le relâchement”, note-t-il.
Travail à la maison pour Fancy de Kergane et Arthur Le Vot.
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Une formation parfaite, de A à Z
Cela, combiné à une vie quotidienne rythmée entre sortie en longe, séance de travail et moment détente au paddock, a permis au grand bai au tendre regard d’enchaîner les performances avec une régularité frappante. À cinq ans, pour sa première année de concours commune, le duo, formé quelques mois plus tôt, termine bon troisième du championnat des mâles et hongres, derrière Fave d’Authuit et Figo de Cordrac. Rebelote l’année suivante. Après une saison impeccable, le fils de Berdenn de Kergane s'octroie une excellente médaille d’argent, cette fois sous la selle de Jonathan Chabrol, venu en renfort lorsqu’Arthur Le Vot s’est exilé, le temps de quelques mois, au sein des écuries d’Eric Lamaze, en Belgique. “C’était plus pratique que Jonathan monte Fancy à ce moment-là. Il pouvait vraiment se concentrer sur lui. De mon côté, je ne faisais pas forcément de concours me permettant d’emmener Fancy, qui n’avait que six ans, bien qu’il ait fait quelques sorties, notamment à Knokke. Cela a d’ailleurs été super, et ce circuit est vraiment bien pour faire évoluer les jeunes chevaux. Mais l’objectif restait le championnat de France à Fontainebleau, puis celui du monde à Lanaken. C’était mieux pour Fancy que Jonathan prenne la relève”, confirme-t-il. Devancé par French Lover en Seine-et-Marne, le duo a prolongé le plaisir, terminant neuvième lors des Mondiaux de Lanaken, après avoir concédé huit points au barrage. Mieux encore, en 2021, comme l’année précédente, le bai achève sa saison avec le statut de meilleur étalon français de sa génération, grâce à un ISO 152.
Fancy de Kergane, deuxième à Canteleu cette année.
Après deux finales achevées sur le podium, Fancy faisait clairement partie des favoris l’été dernier sur le site du Grand Parquet. En plus de ses deux précédentes saisons, le Selle Français pouvait aussi se targuer de sacrés résultats, à Royan, Cabourg ou Dinard sur la scène internationale, ou bien encore à Canteleu et Saint-Lô, face à la concurrence hexagonale. Après une épreuve d’ouverture particulièrement rocambolesque, marquée par une georgette, puis une interruption de parcours due à un chien en plein vagabondage sur le Petit Parquet, le championnat s’est finalement achevé avec un nouveau titre de vice-champion de France, juste derrière Falko de Hus*GFE. “Les tours qu’il a fait, aussi bien le vendredi que le dimanche, étaient vraiment exceptionnels. Après avoir terminé troisième à cinq ans, puis deuxième à six ans, nous croyions qu’il allait être premier à sept ! Mais ça ne l’a pas fait”, rigole Louis Menier, tout de même satisfait de son protégé.
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“Forcément, il y a eu un peu de déception”, avoue de son côté Arthur Le Vot. “Avec un cheval comme lui, on espère toujours monter sur la plus haute marche du podium. Malgré tout, vu le déroulé de ma Chasse, que j’ai complètement loupée, je m’en tire assez bien. Je n’avais jamais fait un aussi mauvais parcours avec lui. J’appréhendais un peu sa réaction pour le parcours suivant, mais il a été formidable. Il a complètement oublié cela et est rentré dans le championnat de superbe manière. J’aurais du mal à expliquer le sentiment qu’on a dessus. Tout est tellement facile qu’il en devient difficile de mettre des mots sur ce qu’on ressent avec lui.”
Dimanche 4 septembre, jour de finale à Fontainebleau pour les compétiteurs de sept ans, toute l’équipe œuvrant autour de Fancy était présente sur le kiss and cry pour observer ses deux ultimes parcours. “C’était stressant !”, lance Victor Jégu, qui a vécu la compétition à 200 %. “Depuis le début, Fancy n’a jamais loupé quoi que ce soit, il a toujours été là. Nous aurions presque été déçus en terminant quinzièmes, ce qui aurait déjà été super. Même si c’est un crack, tout le monde peut faire quatre points. Nous étions un peu tendus en bord de piste et Valentin Besnard est venu nous voir. Il nous a dit ‘mais les gars, arrêtez ! Il saute mieux que les autres, il ne va pas faire une barre, ce n’est pas la peine de stresser’ (rires).”
De la Bretagne à l’Irlande
Cette nouvelle distinction décrochée à Fontainebleau, marque, bon gré mal gré, la fin d’une aventure pur beurre salé. Ce cocktail 100 % breton a parfaitement porté ses fruits. “Je suis surtout heureux pour Louis Menier, qui a un super élevage et qui commence à être vraiment connu. Il le mérite et est parti de rien avec les chevaux. Tous les ans, ils produisent de très bons chevaux. Là, il a fait naître un vrai crack et l’a emmené assez loin, contrairement à d’autres qu’il a pu vendre plus jeunes. En plus, aujourd’hui, Louis passe gentiment la main à Victor Jégu, qui est un super mec. Il connaît bien les chevaux et est hyper professionnel. Il a eu de très bonnes expériences dans différentes écuries. Cela me fait vraiment plaisir. À Fontainebleau, nous avons passé un moment fort en émotions”, appuie Arthur Le Vot.
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Face aux nombreuses sollicitations, et aux offres toujours plus conséquentes, les propriétaires de Fancy ont dû se résoudre à le laisser partir, à contrecœur. “Nous n’avions pas du tout dans l’idée de le vendre. Depuis cette année, nous avions décidé de le conserver, parce que nous pensons vraiment qu’il est fait en père. Nous espérions que sa carrière d’étalon puisse soutenir son évolution sportive sur le volet financier. Nous avons déjà refusé des sommes importantes, mais nous ne pouvions plus résister face à la dernière offre qui nous a été faite. Cela aurait été de la folie", explique en toute franchise Arthur Le Vot. “Si Fancy était resté avec nous, il ne nous aurait pas gêné ! (rires) Il y a toujours un peu de déception de voir partir des chevaux comme lui, mais je pars du principe que nous pourrons en former d’autres. J’avais déjà eu Vinchester (Huppydam des Horts x Iris de Celland, cédée à l’Australienne Edwina Tops-Alexander, avec qui il avait remporté l’étape Coupe du monde Longines de La Corogne en 2018, avant de se classer cinquième de celle de Londres et de disparaître brutalement des suites de coliques, quelques mois plus tard, ndlr) avant, et d’autres super montures, donc je ne doute pas de l’avenir. Peut-être que par la suite nous parviendrons à vraiment en conserver un.”
Après quelques sauts seulement, effectués à la suite de la finale des sept ans, Cian O’Connor et Max Wachmann, son élève, ont été séduits. “Je suivais Fancy depuis quelque temps. Je l’avais déjà vu à Fontainebleau l’an dernier, à six ans, et je l’avais beaucoup aimé. Nous cherchons à acheter de jeunes chevaux, de façon à pouvoir envisager l’avenir. Nous essayons d’avoir certains des meilleurs jeunes chevaux possibles, à la fois pour moi et pour les cavaliers avec qui je travaille, parce qu’il est très difficile de trouver des chevaux déjà prêts”, explique l’Irlandais, dont les écuries se sont sacrément garnies ces dernières semaines, avec, outre l’arrivée de Fancy de Kergane et Festival du Banney, celles de Do It Easy, renommé Donegal, ou encore Icoon VDL, désormais appelé Rock of Cashel, qui ont rejoint Urvoso du Roch, Berlux Z, Taj Mahal (ex Etoile van de Neerheide) et Kilkenny. “Fancy sera monté par Max (Wachmann, déjà aux commandes de l’olympique Berlux Z et plus récemment de son homologue alezan Urvoso du Roch, ndlr). Nous aimons beaucoup le cheval. Il est extrêmement bien dressé. Ses précédents cavaliers ont fait un travail fantastique. Il est à dix sur dix pour sa maniabilité. Il est extrêmement respectueux et a toutes les qualités pour devenir un très bon cheval. Il faut un peu de chance et que tout aille dans le bon sens, mais je suis optimiste quant au fait qu’il soit un cheval prometteur pour le grand sport.”
À Vejer de la Frontera, le nouveau binôme, constitué de Max Wachmann et du grand bai, a fait ses débuts en compétition. Sans surprise, Fancy, toujours fidèle à lui-même, a aligné deux parcours parfaits à 1,35m, mi-octobre, dans le CSI 1* YH.
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La relève en marche
Alors que Fancy entame un nouveau chapitre, les éleveurs lui ayant fait confiance en tant que reproducteur ont vu juste. Pas sûr que sa semence soit disponible dans les prochaines années. “Nous avons un certain nombre d’étalons que nous montons. Notre système est principalement basé sur le sport, mais c’est quelque chose que nous pourrons considérer à l’avenir. Nous verrons à quel point Fancy peut se montrer performant, puis nous souhaiterions le rendre disponible pour les éleveurs dans le futur”, fait savoir Cian O’Connor. S’il reste bien quelques doses à l’élevage de Kergane, la demande risque d’être largement supérieure à l’offre. “Il a été énormément demandé par les éleveurs à Fontainebleau. Pourtant, il ne bénéficie pas d’une énorme visibilité et les gens ne le connaissent pas plus de cela”, note Arthur Le Vot, persuadé des qualités de père de son ancien complice. “Fancy est assez rustique. Les gens n’aiment pas forcément ce terme, mais, au contraire, je trouve important d’avoir des chevaux comme cela. Cette qualité lui sera utile dans sa carrière sportive, mais aussi à l’élevage. Il a de l’os et est solide, notamment au niveau tendineux. C’est un cheval porteur. Aujourd’hui, on voit de plus en plus d’étalons légers, très dans le sang (notamment en France, ndlr) et cela fragilise beaucoup. Sur ce point, je le trouve très intéressant. En plus, il n’est pas lourd ; il reste léger, mais avec des dessous solides. On voit de moins en moins d’étalons dans ces caractéristiques-là.”
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Du haut de ses sept ans, Fancy n’a pas bénéficié d’autant de promotion que certains de ses conscrits, ce qui explique ses débuts timides à l’élevage, en dépit de ses nombreuses qualités. Les éleveurs lui ayant misé sur lui ne devraient pas regretter leur choix. En effet, les premiers descendants du fils de Berdenn de Kergane montrent une qualité indéniable. Sur ses vingt produits enregistrés au SIRE, trois ont vu le jour en 2020, dont Khoul (mère par Hornet Rose) et Khadidja (mère par Elan de la Cour), deux pépites portant l’affixe de Kergane. “Par chance, peut-être, notre meilleure femelle et notre meilleur mâle de deux ans sont les deux produits de Fancy. Je ne sais pas si cela relève du hasard ou si sa production s’annonce exceptionnelle, mais, en tout cas, ils ont beaucoup de points communs avec leur père à l’obstacle. Ils sont extrêmement respectueux, courageux et veulent bien faire”, analyse Victor Jégu. Gageons que la génération 2022, et la suivante, soient aussi pétries de qualités que ces premiers produits.
Khoul de Kergane.
Meline de Kergane, par Pegase van't Ruytershof et une propre sœur de Fancy de Kergane.
Kelamou de Kerbrat, le troisième poulain issu de la première génération de produits de Fancy de Kergane.
En parallèle, l’aventure continue pour l’élevage de Kergane. Johannda et Jahnn, deux propres soeurs de Fancy, ont mis au monde leur premier produit cette année. Croisée à l’excellent Pegase van’t Ruytershof (Comme Il Faut x Cartani), l’une des multiples stars issues de l’élevage de Bert van den Branden, sur la souche de Carthina Z, la première citée est de nouveau gestante pour 2023, tandis que la seconde, qui a donné un produit avec Chacoon Blue (Chacco Blue x Cartoon), va démarrer sa carrière sportive. “Le propre frère de Fancy, qui a été vendu à Fences, a encore besoin de vieillir. Il reste un peu stressé en piste. Ensuite, nous avons deux propres soeurs de trois ans. La pouliche par Pégase est vraiment très, très belle, donc nous avons réinséminée Johannda avec Pégase. La pouliche par Chacoon Blue a été sevrée et nous allons bientôt débourrer sa mère. Elle saute vraiment très bien en liberté”, expose Victor Jégu. “Et puis nous avons un propre frère de Fancy qui est né cette année. Lorsque les gens viennent voir nos poulains dans les champs, ils demandent directement son croisement. Il est vraiment super bien fait. Il ressemble beaucoup à Fancy, avec un meilleur dos. Enfin, Vita est pleine d’El Barone 111 (Emerald van’t Ruytershof x Libero H) pour l’année prochaine.” En somme, de quoi se permettre de rêver encore quelques années. Paris 2024 interviendra peut-être un peu tôt dans le parcours de Fancy de Kergane, qui viendra juste de souffler sa neuvième bougie. Mais, une chose est sûre, le grand bai est “évidemment” destiné à briller au plus haut niveau, comme s’entend à le dire unanimement son entourage. Désormais, il n’y a plus qu’à patienter pour voir ce crack éclore au sommet de son sport.
Mars de Kergane, le propre frère de Fancy. © Appoline Leroy photographe
Photo à la Une : Fancy de Kergane et son regard attendrissant, lors du salon des étalons de Saint-Lô, en 2022. © Mélina Massias