En ce mois d’avril, nous avons voulu en apprendre plus sur la place des réseaux sociaux dans le quotidien des cavaliers.
Depuis une décennie, les réseaux sociaux ont pris une importance non négligeable au sein de notre quotidien. Les cavaliers aussi ont dû s’adapter à ce nouveau mode de communication. Pourtant, tout n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît ! Du temps que cela représente de rester connecté avec sa communauté de fans, aux dangers qu’entraîne une photo ou un mot mal interprété en passant par l’engagement qu’exigent les sponsors ou le suivi permanent de l’actualité, être maître de sa communication relève d'un art. Nous avons voulu aller prendre le pouls auprès de quelques cavaliers et community managers.
Marie Pellegrin
Après plusieurs années sous couleurs suisses, Marie Pellegrin monte à nouveau pour la France et est installée près de Lyon. Celle qui a participé aux plus beaux concours du monde avec son acolyte Admirable (on se souvient entre autres de leur exploit dans le Grand Prix de Calgary en 2014 où le couple avait pris le troisième rang) fait aujourd’hui partie, à quarante-et-un ans, de la liste des cavaliers en vue en perspective des JO de 2024. Il faut dire qu’avec son nouveau piquet de chevaux, celle qui a formé de nombreux cracks, à l’instar d’Une de L’Othian, désormais passée sous la selle de Harrie Smolders, pourrait rapidement devenir un membre important de l’équipe de France.
Présente sur les réseaux sociaux - Facebook et Instagram –, Marie Pellegrin précise d’emblée qu’elle gère elle-même son image en ligne, sans aucune aide extérieure ou encadrement professionnel. « Les réseaux sociaux ont deux côtés. Il y a les choses agréables, qu’on aime partager avec nos fans, comme les bons moments aux écuries, puis il y a les attentes de la part des partenaires et des sponsors. Il faut identifier les gens, mettre des hashtags… et moi je suis nulle pour tout ça. Je commence à le faire par obligation, même si je comprends tout à fait que cela soit nécessaire vis-à-vis de nos sponsors. Ce qui m’attriste, c’est que les gens ne s’intéressent plus à la personne en particulier, mais à son nombre d’abonnés. Plus tu postes, plus tu es visible, plus tu es suivi. Et c’est encore plus vrai quand tu es une femme. Une belle fille en bikini va obtenir plus de « likes » qu’une fille qui travaille à la Nasa. C’est triste ! Les jolis moments aux écuries, je les partage très volontiers, mais quand c’est une obligation, cela devient contraignant. Il faut dire que je fais partie d’une génération qui est née sans ordinateur ni téléphone. Toutefois, je comprends que cela fasse désormais partie de la vie des cavaliers. »
Egérie de la marque Dada depuis quelques semaines, Marie Pellegrin est devenue plus présente sur les réseaux sociaux, mais sans pour autant laisser une tierce personne gérer son compte : « J’ai eu un peu d’aide des filles de Dada, car je dois bien admettre que je mets toute ma mauvaise volonté à ne pas vouloir faire ou comprendre tout cela. Pourtant, je sais bien qu’une présence sur les réseaux sociaux est nécessaire, mais je ne veux pas que quelqu’un publie des choses en mon nom. Je veux que ce soit moi qui écrive et que mon compte me ressemble. Je préfère poster un peu moins, mais que cela vienne de moi. Ca m’embêterait de ne pas écrire exactement les phrases que je veux. »
Gérer soi-même ses réseaux sociaux n’est pas une mince affaire, car au-delà de prendre du temps, cela nécessite aussi une attention particulière sur ce que l’on poste afin de ne pas déchainer les passions. « En principe, les photos que je mets n’appellent pas de commentaires particuliers. Par contre, c’est vrai que quand je me positionne au sujet de l’élection à la Fédération française d’équitation, même si on a le droit de donner son avis, cela fait plus réagir les gens », admet Marie Pellegrin.
En conclusion, l’amazone précise : « Les réseaux sociaux sont utiles pour faire passer certains messages, c’est bien aussi pour montrer la vie de l’écurie et je comprends que ce soit important pour les sponsors. Toutefois, ce que je déplore, c’est leur coté complètement artificiel. Tu as l’impression, quand tu suis certains comptes, que la vie de ces gens est parfaite. Or, les gens ne vivent plus, ils jouent à vivre. C’est dangereux, car ce n’est pas la réalité. »
Noémie Renard
Pour que la gestion des réseaux sociaux ne soit pas une corvée et que cela ne leur prenne pas de temps, certains cavaliers font appel à des community managers. Soit une personne formée dans le domaine de la communication et chargée de la mission de créer du contenu sur les réseaux sociaux. Même si elle est plutôt connue dans le monde du saut d’obstacles pour son travail avec Stephex Stables ou certains concours internationaux de renom, Noémie Renard travaille aussi avec des cavaliers, comme Romain Duguet. La jeune femme à la tête de son agence de communication Nohe Agency a bien voulu nous dévoiler les dessous des facettes de son métier.
Pour quelles raisons les cavaliers font-ils appel à son agence ? « Certains ne sont pas à l’aise avec ces moyens de communication, d’autres n’ont pas le temps ou ne savent tout simplement pas comment poster les infos. Ils sont conscients que les réseaux sociaux sont très importants, mais n’ont pas les outils pour le faire au mieux. Ils préfèrent donc passer par un professionnel.» Le travail que son agence fournit pour les cavaliers ? « Cela dépend des contrats que l’on a avec eux. Notre rôle, c’est de leur demander de nous envoyer des photos, des vidéos, pour que l’on puisse très régulièrement poster des infos. On reste en contact étroit avec eux. On est demandeurs de contenu. »
Lorsqu’elle travaille pour un cavalier, elle précise qu’elle « doit complètement disparaître derrière le cavalier. C’est son média à lui, donc je poste comme si c’était lui qui écrivait, en utilisant le "je". » Pour ce faire, il est essentiel qu’une relation de confiance soit établie : « C’est sûr que les cavaliers avec lesquels on travaille sont des gens avec qui l’on s’entend très bien. On a toute confiance les uns envers les autres. »
Conséquence directe de l’importance croissante des réseaux sociaux, les cavaliers sont de plus en plus sollicités par leurs partenaires pour mettre en avant leur marque par ce biais. « Cela devient vraiment un écosystème et il faut que cela soit bien fait. Les réseaux sociaux sont devenus le média le plus important dans la communication des cavaliers et des marques. Si c’est mal fait, il peut y avoir un message mal interprété par la communauté et cela peut déboucher sur des conflits. Notre rôle consiste aussi à vérifier toutes les photos. Par exemple, on s’interdit de poster des photos d’un cavalier sans bombe. Ce sont surtout des valeurs que l’on transmet à travers les posts. Le risque est qu’une photo ou une vidéo fasse polémique et porte atteinte à la notoriété du cavalier. »
Gérer la communication des cavaliers nécessite une implication de tous les instants : « Il faut être très présent sur les réseaux donc, en période de concours, on doit être prêts à poster jusqu’à une dizaine de fois par semaine, c’est très prenant pour l’entreprise. »
Il s’agit d’un vrai savoir-faire, car outre leur rôle de gérer les relations avec les médias, les agences de communication doivent rester au fait de toutes les actualités et évolutions technologiques des réseaux sociaux : « Il faut rester up to date, car les réseaux sociaux changent tous les jours. Les réseaux sociaux d’il y a un an et ceux d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir, cela évolue en permanence. »
Roger-Yves Bost
Champion olympique en titre, Roger-Yves Bost s’est aussi confié au sujet de l’importance des réseaux sociaux dans sa vie de cavalier. Le champion d’Europe 2013 précise d’emblée qu’il reconnaît la valeur de ce médium : « C’est important vis-à-vis des sponsors, car c’est là que les gens vont maintenant. De plus, quand j’ai un message à faire passer, je profite de ce support pour le transmettre. Il faut savoir vivre avec son temps. Si les gens sont contents, il faut qu’on avance là-dessus aussi, qu’on soit meilleurs, aussi pour vendre les chevaux. »
Par contre, le champion français de reconnaître que ce n’est pas lui qui est aux commandes de son compte : « C’est quelqu’un qui le gère pour moi. Cela m’aide, car je n’y arriverais pas autrement. Je demande aussi évidemment l’avis de mes enfants, cela m’aide à avancer. J’essaie de rester jeune et moderne. » Pourtant Roger-Yves Bost ne partage que peu son quotidien aux écuries : «Quand il y a du sport, on partage notre actualité sportive, mais le reste du temps, on n’est pas tout le temps actifs sur les réseaux. Il y en a qui sont meilleurs que nous pour ça. On ne partage pas vraiment notre quotidien. On devrait peut-être s’y mettre. On fait des photos de temps en temps, mais c’est tout. »
S’y mettre plus fréquemment, de manière plus intensive, Roger-Yves Bost n’est pas encore convaincu : « Je ne sais pas. Je ne suis pas très bon là-dedans, mais il faut admettre que cela bouge beaucoup. J’ai l’impression qu’il ne faut pas exagérer sur les plans qui touchent à la vie privée, mais je ne m’y connais pas assez. Il faut toutefois reconnaître que les gens sont contents d’avoir des nouvelles de nos chevaux, notamment lorsqu’il y a de grandes pauses comme ces temps. Cela permet de partager avec nos fans la forme de nos chevaux et c’est agréable de se sentir soutenu. »
Photo à la Une : © Scoopdyga