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Comment garder l'esprit d'équipe sans concours par équipe ?

Sponsorisé jeudi 11 mars 2021 Oriane Grandjean

Studforlife a demandé à trois chefs d’équipe comment ils géraient l’absence de compétition avec leur équipe. Nous avons pris la température auprès d’Henrik Ankarcrona, le manager des Suédois, déjà multi-médaillés lors de grandes échéances, de Michel Sorg, le jeune chef de l’équipe de Suisse et de Philippe Le Jeune, chef des Marocains. Trois profils à la tête de trois équipes avec des organisations différentes. Un large panel, pour avoir une idée des diverses stratégies, réuni dans cette question du mois de mars.

Henrik Ankarcrona

Henrik Ankarcrona, c’est le chef d’équipe des Suédois depuis 2016 et il a obtenu de nombreux succès et médailles avec son équipe, notamment lors des Mondiaux de Tryon ou des Européens de Göteborg, sans oublier une victoire sensationnelle lors de la Coupe des Nations d’Aix-la-Chapelle en 2019.

« Il y a un peu moins d’un an, l’annonce du report des JO a été dure pour beaucoup de cavaliers, explique le jeune quarantenaire. Le fait qu’ils puissent participer à quelques concours pendant l’été 2020 les a aidés à garder le moral et la forme. Je m’efforce de rester étroitement en contact avec eux : on s’appelle souvent, on organise des entrainements quand c’est possible. Si tous sont extrêmement motivés, s’entraînent dur et n’attendent que d’en découdre à nouveau dès que la situation le permettra, on ne peut pas vraiment parler d’esprit d’équipe : pour l’instant, c’est chacun pour soi. »

La forme des chevaux reste une inconnue : « Pour ce qui est de la forme des athlètes, la plupart ont des programmes d’entraînement établis en partenariat avec les spécialistes du comité olympique suédois. Je sais qu’ils travaillent bien et n’ai pas de raison de m’en faire. C’est plus compliqué pour les chevaux : j’ai beau les connaître et faire confiance à mes cavaliers, tant que je ne les vois pas sauter, je ne peux pas être parfaitement au courant de leur état de forme. C’est frustrant ! »

Son rôle de chef d’équipe, Henrik Ankarcrona a aussi dû l’adapter à la situation actuelle : « Je ne dirais pas que notre rôle est plus important en cette période que lors d’une saison normale de concours. Il est important, certes, mais d’une autre manière. Ce qui est sûr est que la situation complique les choses pour tout le monde, aussi bien pour les chefs d’équipe que pour les cavaliers. Ils ont besoin d’une forme de soutien différente. J’ai la chance d’avoir déjà quelques années d’expérience à ce poste et de connaître mes cavaliers : certains m’appellent souvent pour discuter de leur planning tandis que je sais que d’autres peuvent passer un mois sans avoir de contact avec moi. Chacun a sa manière de fonctionner, et le chef d’équipe doit composer avec ces individualités. L’autre pan de mon job est de faire des plannings depuis des mois en sachant qu’ils seront très certainement annulés. C’est dur, mais c’est notre rôle de faire preuve d'un maximum de motivation, de montrer aux cavaliers qu’on est optimistes, pour qu’ils le restent aussi. Faire comme si le concours aurait lieu, et ce jusqu’à l’annonce de son annulation, c’est ce qu’on veut qu’ils fassent pour que leur préparation soit optimale. Lorsque les plans changent, on se fixe un nouvel objectif pour garder tout le monde concentré. »

L’arrivée du virus EHV-1 a encore ajouté un élément de plus à gérer pour le chef d’équipe : « C’est un nouveau facteur qui s’ajoute à une situation déjà difficile. Je suis de tout cœur avec les cavaliers touchés ou bloqués dans des concours. C’est aussi dans ce genre de cas que nous devons être là pour eux. Depuis la Suède, nous nous efforçons d’aider nos athlètes, d’être à leur écoute, de leur prêter main-forte pour organiser leur retour, de trouver des écuries sûres où faire des haltes durant ce trajet de 3 000 kilomètres. D’ici, on ne peut pas faire grand chose de plus mais on fait le maximum. »

Michel Sorg

Chef de l’équipe de Suisse depuis septembre dernier seulement, Michel Sorg a dû prendre son mal en patience puisqu’il n’a pu participer qu’à une seule Coupe des Nations, celle de Vilamoura l’automne passé. Il essaye toutefois de tirer le meilleur de cette période : « J’ai profité d’aller visiter les écuries de plusieurs membres des cadres de l’équipe de Suisse. Cela m’a permis de rencontrer leurs teams, leurs grooms… Je trouve intéressant de voir dans quel milieu évoluent les cavaliers. En faisant le tour des écuries, j’ai pu comprendre comment ils travaillent. Autour d’un café, j’ai aussi pu échanger différemment avec eux. Cela permet d’aller plus loin dans la relation. Depuis janvier et jusqu’à début mars, avant l’arrivée de la rhino-pneumonie, on a organisé plusieurs entraînements des cadres en Suisse romande et alémanique. J’avais aussi prévu de réunir tous les cavaliers pour une journée des cadres, ce qui se fait depuis longtemps, et j’avais plusieurs idées, mais cela n’a pas été possible, car cela aurait impliqué de réunir trente personnes dans une même salle. On voulait également prévoir certaines activités en vue des JO de Tokyo, mais rien n’a été réalisable. »

Ce qui préoccupe le jeune chef d’équipe, c’est d’arriver à bâtir une équipe pour des grosses échéances : « Selon moi, pour qu’une équipe soit performante, ce n’est pas seulement mettre cinq cavaliers ensemble et dire : « C’est bon, on y va », il faut réussir à créer quelque chose de plus. »

Contrairement à des chefs d’équipe en poste depuis plusieurs années, Michel Sorg a pris ses responsabilités en pleine pandémie. « Débuter ainsi ma mission n’est pas très agréable, mais c’est sûr que cela me permet de prendre plus de temps pour établir de solides relations et, au final, cela pourra peut-être se révéler bénéfique. Il faut au moins essayer de tirer du bon de chaque situation.»

Sans concours, comment Michel Sorg fait-il pour connaître la forme des cavaliers et des chevaux ? « C’est évidemment difficile de savoir si un cheval est en forme quand il ne sort pas ou peu en concours, mais je fais confiance aux cavaliers. Dès le début, j’ai dit que la communication était l’un de mes maîtres mots, et que j’y attachais beaucoup d’importance, aussi du fait de mon passé professionnel. Ils ont tous bien compris cela et jouent bien le jeu. Évidemment, pour préparer des échéances, il faut aller au concours donc c’est compliqué. Ce qui m’inquiète maintenant, qu’il soit question de Jeux Olympiques ou de championnats d’Europe, est de savoir comment on va pouvoir se préparer pour ces échéances. On ne sait pas ce qu’il va se passer d’ici là. Comment envisager d’embarquer pour Tokyo si on n’a pu faire qu’une seule Coupe des Nations ? Toutefois, il ne faut pas essayer de contrôler ce qui est incontrôlable. Nous devons juste faire au mieux et aller étape par étape. J’ai préparé mon planning comme si tout allait se dérouler normalement à partir de la saison extérieure. Il faut être prêt pour tout mais mieux vaut être trop prêt. J’ai déjà en tête mon équipe des Coupes des Nations de Gorla Minore, de La Baule et de Saint-Gall, mais avec la rhino, ça met un sacré coup de frein. »

Pour la suite du programme ? « Depuis l’arrivée de cette tragédie qu’est la rhinopneumonie, j’ai été en contact quotidien avec les cavaliers en Espagne. Comme les concours sont à nouveau à l’arrêt, je vais reprendre les visites des écuries, autant mettre à profit ces pauses forcées. »

Philippe Le Jeune

Philippe Le Jeune, champion du monde 2010, est à la tête depuis plus d’une année de l’équipe du Maroc et il évoque la particularité de l’organisation de la nation nord-africaine : « Au Maroc, c’est un peu différent des autres pays d’Europe et des Etats-Unis, car tous les meilleurs chevaux appartiennent à la Fédération ou à Sa Majesté le Roi. Ils sont donc basés au même endroit, dans les écuries fédérales. Les cavaliers travaillent tous les jours ensemble et se voient quotidiennement. Concernant le « team spirit », je n’ai pas de souci à me faire. »

Le Belge se rend une semaine sur deux depuis le mois de janvier à Rabat : « Je reste toute la semaine là-bas donc c’est comme si je retrouvais à chaque fois toute mon équipe. On profite d’alterner plein de choses, on emmène par exemple les chevaux à la mer ou on se rend dans la forêt à côté du site. Comme les cavaliers n’ont plus été au concours depuis le CSIO de Vejer en novembre dernier, ils sont en manque de concours. On a donc organisé des parcours d’entraînements sur deux pistes différentes : celle du CSIO de Rabat, où il y a quelques-uns des plus beaux obstacles du monde, et un autre site où se trouve l’élevage de Sa Majesté et du Prince, qui s’étend sur plus de 400 hectares. J’ai fait faire des plans par un chef de piste belge pour recréer les conditions réelles d’un concours. »

Le point essentiel aux yeux de Philippe Le Jeune est « de garder mes gars motivés, car les concours leur manquent. Lorsque je me rends au Maroc, je profite de faire ce qu’ils ne faisaient pas trop avant que je prenne les rênes de l’équipe, à savoir travailler sur la condition des chevaux, le travail de fond. »

Cette pandémie a donc permis au Belge de transmettre son savoir : « J’ai eu le temps de leur inculquer une autre façon de travailler sur le plat. Il ne faut pas oublier que c’est à la maison qu’on apprend l’assouplissement, le contrôle et la gymnastique. Ce n’est pas au concours que l’on acquiert cela. Au concours, on accumule du kilométrage, ce qui est également nécessaire. »

Et quel est son point de vue sur la forme des chevaux ? « On est prêts à faire de belles épreuves. Les cavaliers et les chevaux ont bien progressés. Lors de la Coupe des Nations de Vejer nous avons fait de bons résultats puisqu’il y a eu des parcours à zéro et quatre points. Les cavaliers ont une belle confiance, ils sont rentrés dans mon système et se sentent bien. Ils ont des chevaux en forme, qui ont envie de travailler. En plus, ils ont de très bons chevaux, aussi bons que ceux qui courent en Europe. »

Et pour la suite du programme ? « Les Marocains devaient arriver au mois de mars en Europe, dans une écurie près d’Anvers. Avec la rhinopneumonie, on a repoussé leur arrivée en avril. Ils viennent avec une quinzaine de chevaux jusqu’au mois du septembre. Une fois qu’ils sont en Belgique, je vais un ou deux jours par semaine à l’écurie et je les accompagne au concours. »

Philippe Le Jeune évoque aussi la difficulté, notamment après une longue période sans grands concours, de réussir à obtenir des places pour participer à des CSI 5* : « Ce n’est pas facile d’avoir une invitation pour les CSIO de la Division I en Europe. Gérer mon planning avec les JO, ce n’est pas évident, car j’aimerais bien que mes gars aient quelques 5* dans les jambes avant d’y aller. Je veux qu’ils puissent se familiariser avec ces hauteurs. On trouvera une solution pour qu’ils participent à des CSI 5*, en espérant recevoir de la FEI une ou deux wild cards. »