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Christian Kukuk, itinéraire d’un champion olympique

Christian Kukuk
PARIS 2024 samedi 10 août 2024 Mélina Massias

De ses modestes débuts à Warendorf, entre football et équitation, jusqu’au sommet de l’Olympe, Christian Kukuk a connu une ascension aussi rapide que solide vers le haut niveau. Pour le pilote de trente-quatre ans, un coup de fil passé en 2012 a changé son destin du tout au tout. Dans les écuries de Ludger Beerbaum, son idole de toujours, le nouveau champion olympique individuel s’est fait un nom. Moins de dix ans après son premier Grand Prix 5*, disputé en mai 2015, l’actuel numéro dix mondial est passé du statut de relève de la Mannschaft à élément incontournable de cette dernière. Retour sur l’itinéraire du cavalier de Checker 47, l’indissociable partenaire de son sacre olympique, acquis début août à Versailles.

Je vis le jour le plus bouleversant de mon existence et de ma carrière ! Il n’y a rien de plus beau que de décrocher l’or olympique et je fais désormais partie de ce cercle très fermé. Cela me suivra toute ma vie.” Mardi 6 août, Christian Kukuk a vécu le plus beau moment de sa carrière, en étant sacré champion olympique individuel sur Checker 47, un hongre par Comme Il Faut né chez Wolfgang Kipp, à Versailles, dans les jardins de Louis XIV. Un temps tenté de devenir footballeur professionnel, investi dans l’équitation seulement à l’adolescence et fan absolu de celui qui est devenu son mentor, Christian Kukuk est entré dans l’histoire de son sport. Retour sur son itinéraire, entre audace et détermination. 

Mardi 6 août, Christian Kukuk a exulté face au château de Versailles. © Benjamin Clark / FEI

L’équitation, une évidence pas si évidente que cela

S’ils n’ont pas immédiatement été une évidence professionnelle pour Christian Kukuk, les chevaux ont toujours fait partie de son quotidien. Son grand-père, Franz Kukuk, fait parler de lui et intègre l’école d’équitation espagnole de Vienne, dans les années 50, et officie au haras d'État de Warendorf, où il est notamment en charge des étalons. Jeune, Christian passe du temps à Warendorf, d’où il est originaire et où ont lieu les championnats nationaux allemands réservés aux jeunes chevaux, les Bundeschampionaten. “Je me souviens très bien de mes premiers Bundeschampionaten. J’étais encore un petit garçon de dix ou douze ans. Je rampais sous les tribunes avec mes copains et ramassais des verres consignés pour me faire un peu d'argent de poche”, révèle l’Allemand de trente-quatre ans sur le site de la fédération équestre allemande

D’abord passionné de football, le jeune Christian accompagne toutefois son père, Norbert Kukuk, en compétition lorsque son hobby n’accapare pas son temps libre. Petit à petit, le virus s’empare du jeune homme, qui se met véritablement à cheval à l’adolescence, là où nombre de ses pairs ont souvent fait leurs premiers tours de poney avant même de savoir marcher et déjà disputé leurs premières compétitions. Christian fait l’impasse sur les circuits internationaux traditionnels et se consacre principalement à la formation de jeunes chevaux, lui permettant d'engranger une précieuse expérience. Diplômé dans le domaine du commerce avec la plus haute note du comté de Warendorf, l’Allemand fait face à un choix professionnel. Il tranche : ce seront les chevaux. Dans un premier temps, la décision ne réjouit guère son père, qui finit par accepter sa décision quelques mois plus tard et devient son plus grand admirateur. 

Grâce à Ludger Beerbaum, Christian Kukuk a construit une carrière des plus solides. © Stefan Lafrentz / Hippo Foto



Ludger Beerbaum, catalyseur de carrières

En 2012, avec une bonne dose d’audace, Christian Kukuk compose le numéro de téléphone d’un certain Ludger Beerbaum ! Il décrit alors le Kaiser comme “son idole absolue”, dans les colonnes de GRANDPRIX en 2016. Dénicheur de talent hors pair, Ludger Beerbaum avait déjà repéré cette jeune pousse germanique, qu’il accueille dans ses écuries de Riesenbeck en février 2012. Là-bas, Christian Kukuk se voit confier des jeunes chevaux, dont il doit assurer la formation. À vingt-deux ans, à l’occasion d’un CSI 2* organisé à Balve, la nouvelle recrue du clan Beerbaum, qui côtoie alors les Henrik von Eckermann, Marco Kutscher et autres Philipp Weishaupt, fait ses premiers pas internationaux. Deux ans plus tard, tout s’accélère. Il se frotte à ses deux premiers 5*, lors de l’étape de la Coupe du monde de Leipzig et du CHIO d’Aix-la-Chapelle. Entre temps, il est appelé pour la première fois par Otto Becker et porte la veste rouge de son équipe nationale à l’occasion de la Coupe des nations CSIO 3* de Sopot. Un an plus tard, Christian Kukuk s’aligne au départ de son premier Grand Prix 5*, à Hambourg. Cette fois, c’est sûr, le grand espoir de la Mannschaft est bien dans la cour des grands.

Christian Kukuk a fait ses armes en formant de jeunes chevaux. © Sportfot

Au fil des années, plusieurs stars passent sous la selle de Christian Kukuk : Limonchello NT, Colestus, Cordess 2, ou encore Mumbai van de Morhoeve. Avec ce dernier, il participe à ses premières grandes échéances, les Jeux olympiques de Tokyo en individuel, d’abord, suivis par les Européens de Riesenbeck, toujours en 2021. À domicile, il se pare d’argent avec ses coéquipiers et échoue au pied du podium en solo. Un an plus tard, le fils de Diamant de Semilly permet à Christian de remporter son tout premier Grand Prix 5*, dans l’étape du Longines Global Champions Tour de Rome, quelques mois avant de disputer les Européens de Milan en individuel, à l’été 2023, avec une quatorzième place à la clef. 

Limonchello NT fait partie des premiers excellents chevaux révélés par le jeune Germanique. © Stefan Lafrentz / Hippo Foto

Checker 47, une révélation sur le tard

Alors que Mumbai profite d’une pause après ces championnats continentaux, les choses s’emballent pour Christian Kukuk. Son mentor, Ludger Beerbaum, vient de mettre un terme à sa carrière quelques semaines plus tôt à Aix-la-Chapelle et lui rend les rênes de Checker 47, un hongre westphalien qu’il monte depuis 2020 et que son patron a remis en route après une légère blessure. Avec son partenaire de la finale de la Coupe du monde Longines de 2022, le jeune trentenaire participe à la victoire hégémonique des siens dans la finale des Coupes des nations Longines de Barcelone, en octobre. Pourtant, à ce moment précis, son cavalier se projette sur l’objectif Paris 2024 avec d’autres idées en tête. “À Barcelone, Checker a couru un petit championnat, mais à Paris, nous ne devrons pas affronter seulement deux parcours, mais bien cinq. C’est vraiment chouette de pouvoir compter sur lui, et il est bien plus qu’un simple plan B. Toutefois, je pense que Just Be Gentle et Mumbai seront davantage orientés vers les Jeux olympiques. Cela étant dit, les choses peuvent rapidement changer avec les chevaux. [...] C’est en tout cas réconfortant d’avoir Checker 47 à mes côtés : je sais qu’en cas de pépin, il sera là pour moi”, disait-il sur GRANDPRIX.info. Et effectivement, le plan va changer.

Jusqu'à quelques mois avant les Jeux olympiques de Paris, Mumbai van de Moerhove, qui lui a permis de remporter son premier Grand Prix 5* à Rome, était le cheval de tête de Christian Kukuk. © Sportfot



En fin d’année, Checker est dans une forme olympique. Son cavalier a un excellent sentiment sur son dos et cela se traduit dans leurs performances. Ils enchaînent deux victoires, dans le Grand Prix 5* de Riyad en octobre puis dans la finale de la Global Champions League de Prague un mois plus tard, puis se classent troisièmes du très disputés Grand Prix Rolex de Genève en décembre. En 2024, le fils de Comme Il Faut, alors âgé de quatorze ans, attaque l’année tambours battants en survolant le Grand Prix 5* de Wellington, principal rendez-vous du Winter Equestrian Festival, avant de s’imposer à Madrid en mai. À partir de ce moment-là, les choses sont claires et toute l’équipe de Riesenbeck concocte un programme parfait pour Checker, qui prendra notamment part à des épreuves secondaires à Aix-la-Chapelle et Riesenbeck avant sa grande échéance.

Sortie de piste à Aix-la-Chapelle après un parcours de travail pour le charismatique Checker 47. © Mélina Massias

À quatorze ans, le frère utérin de la brillante Pepita Con Spita, révélation de la finale de la Coupe du monde d’Omaha un an plus tôt, est sacré champion olympique au terme d’une finale individuelle épique, où il est le seul à signer deux parcours sans-faute. “Je suis incroyablement fier de mon cheval, de mon équipe”, s’émeut Christian Kukuk, qui a du mal à réaliser. “Tous les gens qui comptent pour moi étaient présents et ont pu vivre cela à mes côtés, ce qui est vraiment unique ! Je réalise la chance que j’ai.” Au plus près de lui, notamment, Ludger Beerbaum, champion olympique en 1992 à Barcelone avec Classic Touch, savoure ce qu’aucun de ses anciens disciples n’avait jusqu’alors réussi à accomplir. L’élève a égalé le maître… ou presque, Ludger Beerbaum totalisant cinq médailles olympiques. “Je dois en partie ce titre à Ludger, car il a énormément fait pour moi. Il me soutient constamment et nous nous connaissons désormais très bien. Son appui et son expérience sont très précieux, notamment car il a lui-même décroché l’or olympique”, a ajouté le nouveau champion olympique, qui a succédé à Ulrich Kirchhoff, dernier Allemand à avoir décroché ce titre en individuel.

Emotions partagées entre champions olympiques à Versailles. © Liz Gregg / FEI



Bien sûr, Christian Kukuk n’a pas oublié de remercier son crack, Checker 47, sans qui rien n’aurait été possible. “Il donne tout pour moi ; c’est ce qui le rend unique. Parfois, j’ai l’impression qu’il pense aux mêmes choses que moi. [...] Dès la première fois que je l’ai monté, j’ai eu un sentiment spécial, l’impression qu’il pourrait aller très loin. Il nous a fallu du temps, et même si nous obtenions de bons résultats, notre couple a pris une nouvelle dimension lors de l’année écoulée”, confirme-t-il. Grâce à son complice, l’Allemand est entré dans un clan très sélect. “Peu de gens ont remporté cette médaille d’or, je suis désormais l’un d’eux. Il va me falloir du temps pour réaliser, mais je ne dois pas oublier de profiter de ce moment”, a-t-il conclu après son sacre, dans des propos retranscrits sur GRANDPRIX.info. Désormais, Christian Kukuk, numéro dix mondial pour la première fois de sa carrière avant même la prise en compte de sa prouesse versaillaise, est dans une nouvelle ère et abordera la suite de sa carrière avec une toute nouvelle stature, du haut de ses trente-quatre ans.

Une nouvelle page de la carrière de Christian Kukuk s'ouvre avec son titre de champion olympique individuel. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Photo à la Une : Christian Kukuk ici aux côtés de Mumbai van de Moerhoeve, qui lui a permis de vivre ses premiers grands championnats. © Mélina Massias