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Checker 47, des générations d’élevage pour le Graal olympique (1/2)

Checker 47
mercredi 25 septembre 2024 Adriana Van Tilburg

Plus qu’une victoire, remporter une médaille d’or olympique fait date pour l’éternité dans la carrière d’un cavalier et sa monture. Les noms de Christian Kukuk et Checker 47, couronnés en individuel aux Jeux de Versailles début août, resteront à jamais gravés dans l'histoire du saut d’obstacles. Derrière chaque cheval, se cachent, souvent dans l’ombre, celles et ceux qui l’ont élevé, qui ont contribué à faire prospérer sa génétique, jusqu’à atteindre le Graal. Chaque cheval a une histoire. Qui l'a fait naître ? Où a-t-il été élevé ? Qui a cru en son potentiel ? Quelles histoires se cachent derrière sa mère ? Quel est l'héritage des anciennes générations ? Eléments de réponses pour le gris Checker 47, champion olympique pour le reste de sa vie.

(Re)découvrez le parcours sportif de Checker 47 ici.

L'histoire de Checker est un trésor, un voyage qui passe par la découverte d'une “carte jaune” contenant des notes au Gestüt Lewitz, marquant le lieu de naissance de sa grand-mère. Le conte de fées de Checker prend racine chez un éleveur qui a cessé de faire naître des chevaux voilà vingt-deux ans, mais qui est à l’origine des quatre et cinquième mères de Checker, et de nombreuses générations avant elles. Lorsque Friedhilde Lahrs-Krüger a réalisé qu’elle et sa famille avaient posé les fondations d’un champion olympique, ses yeux se sont remplis de larmes. L'héritage qu'ils avaient créé, longtemps dormant, avait atteint son apogée.

Début août, Checker 47 est devenu champion olympique sous la selle de Christian Kukuk. © Dirk Caremans / Hippo Foto

La famille Lahrs-Krüger, point de départ de l’histoire de Checker

Pour comprendre l'histoire de Checker, il faut remonter à ses origines, longtemps oubliées. En étudiant le pedigree de Checker, celui-ci ramène à Doreen, une jument hanovrienne née du mariage entre Dakar et Löwin, par Lukas. Quatrième mère de Checker, Doreen a été élevée par Friedhilde Lahrs-Krüger. Son défunt mari, Ernst Lahrs-Krüger, avait quant à lui fait naître Löwin. Contactée à plusieurs reprises, Friedhilde a longuement hésité avant de décrocher son téléphone. Après avoir écouté un message vocal laissé sur son répondeur, l’éleveuse a finalement repris contact, sans pour autant comprendre la raison de ces sollicitations. 

La lignée maternelle à l'origine du fils de Comme Il Faut a longtemps été travaillée par la famille Lahrs-Krüger. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Doreen est née en 1984, neuf ans après sa mère, Löwin. C’est ici que le rôle de Friedhilde Lahrs-Krüger dans l’histoire de Checker 47 démarre. “Doreen et Löwin ont toutes deux été élevées chez nous. Les ancêtres de Löwin proviennent également de notre programme d'élevage. Mon mari et moi avons élevé cette lignée, initialement destinée à des fins agricoles, pendant longtemps. Mon oncle, originaire de Belum sur l’Elbe a découvert Frühlingszeit (Feiner Kerl et Allerkind x Alkhoven I), née en 1931, alors qu'il travaillait à la ferme. C'est là que la lignée est née”, retrace l’éleveuse, désormais retraitée. “La famille maternelle de Frühlingszeit, que mon oncle n’a pas pu voir grandir après être tombé à la guerre, est originaire de Kehdinger. Pendant la guerre, il ne nous restait parfois qu'un ou deux chevaux à la ferme. Au début des années 1950, on a demandé à mon père de présenter la jument au Verbandsschau de Bremerhaven, organisé par le Hannoveraner Verband. Elle a remporté le concours, ce qui était une grande réussite, puisqu’il y avait beaucoup de chevaux à l’époque. Je devais avoir cinq ans à ce moment-là. Par la suite, j’ai continué l'élevage. J'étais passionnée par les chevaux et je montais aussi un peu à cheval dans les environs. Doreen a été emmenée par un marchand de Recklinghausen en Westphalie, et de là, son voyage s'est poursuivi. Je suis complètement choquée que la fille de Doreen soit arrivée chez Paul Schockemöhle : c'est incroyable ! Je ne connais plus les nouveaux étalons, car je ne fais plus d'élevage depuis vingt-deux ans. Mais ce n'est pas le cheval gris qui est devenu un champion et qui remonte à notre élevage, si ?

Checker a effectué une partie de sa formation sous la selle de Niels Kersten. © Sportfot



Si, c’est bien lui, Checker, qui est issu de la lignée de la famille Lahrs-Krüger. Friedhilde est stupéfaite. “Non, ce n'est pas possible ! Je suis absolument stupéfaite, c'est incroyable. Le cheval n'était-il pas avec Christian Kukuk ? Je l'ai vu à la télévision. Ce cheval m'a complètement enthousiasmée ! J'ai toujours souhaité avoir un cheval gris, et voilà qu'un cheval de notre lignée devient champion olympique !”, s'exclame-t-elle.

Checker et Christian Kukuk ont fait leur les jardins de Versailles. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Friedhilde poursuit avec passion : “Toutes les générations entre Frühlingszeit et Doreen sont nées dans notre ferme. Le père de Doreen, Dakar, était un bon étalon qui a travaillé au haras national de Celle. Le père de Löwin était Lukas, qui remonte à l'étalon pur-sang Der Löwe xx. La mère de Löwin était Weinhütte, et son père, Weingau, était un étalon de saut d'obstacles. Weinhütte a été élevée par mon père, Hinrich Flothmeyer. J'ai pratiquement grandi avec la mère de Weinhütte, Fichtenblume (Fernalp), née en 1960. Les chevaux de cette lignée étaient francs. Il était toujours important pour nous que les juments soient des candidates de premier choix. Enfant, j'ai toujours eu affaire à eux et je ne peux rien dire de mal à leur sujet. La seule chose, c'est qu'ils n'étaient pas des chevaux de trait ; même à l'époque, ils étaient plutôt des chevaux d'équitation. Tracter des engins agricoles n'était pas vraiment leur truc. L'une des juments travaillait toutefois très bien avec un vieil hongre belge. À la fin des années 1950, l’arrivée des tracteurs a progressivement mis fin à tout cela. Nous avons continué l’élevage mais mon mari prenant de l’âge, nous n’avons plus eu de poulains après 2000. Les derniers chevaux sont partis d’ici en 2010. Cela a été difficile pour nous tous. Au total, nous avons élevé huit générations à partir de la lignée maternelle de Checker.”

Checker 47 fait le bonheur de tous les éleveurs qui ont participé, de près ou de loin, à sa venue au monde. © Mélina Massias

Friedhilde se souvient très bien des différentes juments qui ornent le pedigree du nouveau champion olympique, comme d’Almenliebchen, née en 1947 (Almhorn et Fezeit, par Feo) “Je n'avais même pas dix ans et je me réjouissais de passer du temps avec cette jument pendant les travaux des champs chaque été. Nous passions tant d'heures ensemble. Elle était rapide à l'attelage, surtout lorsqu'elle pouvait travailler tous les jours. Sa fille Werkbirke (Werksport) était aussi en partie encore utilisée dans l'agriculture, mais moins. Par la suite, j'ai davantage monté à cheval. J'ai épousé mon mari en 1972, et c'est à ce moment-là que nous avons vraiment commencé à faire de l'élevage. Parfois, nous avions trois ou quatre poulains. Nous n'en avions pas beaucoup, mais c'est ainsi que tout a commencé”, complète l’Allemande.

Outre Doreen, Löwin a également donné naissance à Löwenmut, une fille du Pur-Sang Noble Roi. Cette dernière est elle-même à l’origine d’Ambra 83, une descendante d’Argentinus ayant évolué jusqu’à 1,60m sous la selle de Roberto Previtali. Weinhuette, la mère de Löwin née en 1968, a également produit des chevaux de dressage et de saut d’obstacles de bon niveau. Doreen, quant à elle, n’aurait donné qu’une seule pouliche à l’âge de quatre ans : Perle, fille de Pinocchio et arrière-grand-mère de Checker. 

Ambra 83 est issue de la même famille maternelle que le champion olympique Checker 47. © Sportfot



“Piruett, la grand-mère de Checker, sautait avec une très grande puissance”, Christoph Rowold

Le premier poulain de Perle dont on retrouve la trace se prénomme Doo Little (Drossan) et a vu le jour au Gestüt Lewitz. Cette lignée a attiré l'attention de Paul Schockemöhle, qui a également élevé deux autres descendants de Perle, dont la jument Piruett (Baloubet du Rouet). Cependant, Perle a finalement été vendue à un important marchand de chevaux néerlandais, Kees van de Oetelaar. La liste des chevaux qui sont passés entre les mains de Kees est incroyablement longue. Ses partenariats avec la famille Nijhof et d'autres haras réputés ont contribué à faire de Verdi TN et Concorde, entre autres, les étalons et chevaux de sport à succès qu'ils sont devenus. 

Piruett, grand-mère de Checker, est née chez Paul Schockemöhle. © Gestüt Lewitz

Grâce à Perle, Kees a fait naître plusieurs chevaux et se souvient très bien de cette fille de Pinocchio. “C’était une jument exceptionnelle ! Elle nous a donné Benito M (Lord), qui a évolué jusqu’à 1,50m. Elle a également eu une fille par Oklund, Zadette. C'est fou qu'elle n'ait sauté qu'à 1,10m (selon HorseTelex, ndlr), parce qu’elle avait un vrai talent. C'était une très bonne sauteuse. Perle était une jument bai foncé, sans blanc sur la tête, mais avec des balzanes. Elle était pleine d'énergie, avec beaucoup de qualité. J'imagine qu'elle n’est pas restée chez Paul Schockemöhle parce qu'elle n'avait pas assez de moyens. Le choix de la croiser à Baloubet du Rouet peut ne pas sembler logique, mais parfois, deux décisions osées peuvent aboutir à quelque chose de très bien”, raconte le Néerlandais.

"Chez nous, Perle a produit une pouliche par l'étalon Baloubet du Rouet. Cette pouliche, nommée Piruett, sautait avec une très grande puissance. Elle a été accouplée à Come On alors qu'elle n'avait que deux ans. La pouliche qui en est issue, Pamina, était assez petite à la naissance. Nous mesurons toujours les poulains à l'âge de trois jours, et elle ne toisait que 95cm - bien en dessous de la moyenne pour nous”, éclaire Christoph Rowold, qui travaille pour Paul Schockemöhle. “Cependant, à l'âge de deux ans et demi, elle atteignait 1,64m. Elle ne sautait pas très bien en liberté et était très figée dans son corps à l’obstacle. Elle avait énormément de sang, ce qui l’handicapait parfois et l’empêchait de réfléchir à ce qu’elle faisait. Cela a soulevé des doutes quant au fait qu’elle soit assez respectueuse. Elle ne prenait pas son temps pour sauter en liberté.” 

Dans les yeux de Pamina, à l'origine, outre le champion olympique Checker 47, de la géniale Pepita Con Spita. Bon sang ne saurait mentir ! © Tal Milstein

La seconde partie de cet article sera disponible ici.

Photo à la Une : Checker 47 et Christian Kukuk ont régné sur Versailles, devenant champions olympiques durant l'été 2024. Dirk Caremans / Hippo Foto