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“Avoir d’autres occupations me permet d’être plus frais mentalement lorsque je suis avec mes chevaux”, Karl Cook (3/3)

Caracole de la Roque
samedi 22 juin 2024 Mélina Massias

Son épouse, Mackenzie Drazan, le décrit comme un homme aux nombreux talents, dont la plupart sont ignorés par le plus grand nombre. Jardinier, lecteur, créateur des crampons portés par Caracole de la Roque à Rome et La Baule, Karl Cook possède de multiples facettes. Pressenti pour intégrer l’équipe américaine qui se produira devant le château de Versailles dans moins de cinquante jours, le trentenaire a trouvé les codes pour composer avec le tempérament de feu de sa Selle Français, acquise en fin d’année 2022. Toujours enclin à partager avec les autres et analyser ses propres performances, comme il le fait régulièrement dans sa série “Walking and talking”, qu’il partage sur diverses plateformes - Instagram, Spotify, YouTube -, Karl Cook a eu le courage de tout reprendre à zéro, ou presque, voilà un peu plus de dix ans. Grâce à l’aide précieuse de son mentor, Éric Navet, dont le palmarès comprend, entre autres, un titre de champion d’Europe, trois de champion du monde dont deux en individuel et une médaille de bronze olympique, l’Etats-Unien, basé à San Diego, où sont situées ses écuries, Pomponio Ranch, a complètement changé de stature. Entretien, en trois épisodes.

Les première et deuxième parties de cette interview sont à (re)lire ici et ici.

Pomponio Ranch, votre structure, fait également naître plusieurs poulains par an. À quel point êtes-vous impliqué dans cette activité ?

Je l’étais davantage au début. Avec les déplacements et les concours, cela est plus difficile. Et puis, l’élevage requiert des compétences complètement différentes, tout comme le fait de monter des jeunes chevaux. Par exemple, les meilleurs cavaliers de 5* ne sont pas forcément les meilleurs pour assurer la formation de montures de quatre ou cinq ans. Certains sont peut-être très doués dans les deux domaines, mais les compétences utilisées ne sont pas les mêmes. Je garde un œil sur l’élevage et j’essaye d’apporter autant d’aide que possible, mais les décisions sont prises par ma mère, qui a la charge de toute cette partie. Elle prend plaisir dans cette activité et adore étudier les lignées des étalons, des juments, analyser les informations de Horsetelex, etc ! Elle adore ça.

Quand et comment vous êtes-vous lancé dans cette aventure de l’élevage ?

Je pense que nous avons commencé lorsque j’ai eu mon premier étalon, lorsque j’évoluais sur le circuit Junior. Nous avions une jument et un étalon, donc… Nous nous sommes surtout lancés parce que ma mère aime l’élevage, et nous avons continué.

Karl Cook a notamment monté le charmant ASB Conquistador. © Sportfot

Vous utilisez les étalons que vous avez montés dans le passé, mais qu’en est-il de vos juments de sport actuelles ? Pratiquez-vous le transfert d’embryon avec elles ?

Il nous arrive de faire des transferts d'embryons. Nous en avons fait quelques-uns durant le Covid, parce qu’il n’y avait plus de compétition. Nous avons pris toutes les juments de concours que nous avions en 2020 et avons essayé de récolter des embryons. Si une jument est blessée et que cela ne compromet pas le bon déroulement de sa convalescence, nous essayons également d’obtenir un embryon. Lorsqu’on fait un très bon travail avec les juments, elles ont de très longues carrières sportives, ce qui réduit forcément la durée de leurs carrières à l’élevage.

Avez-vous des poulains de Kalinka van’t Zorgvliet, nièce utérine du tout bon For Joy van’t Zorgvliet (For Pleasure) ?

Non, nous n’avons pas de poulain de Kalinka, parce qu’en 2020, elle revenait de blessure. Nous avons subi une grosse chute en 2019, lors de notre première année ensemble. Ce n’était pas le bon moment pour faire du transfert d’embryon avec elle, donc nous ne l’avons pas fait. Cependant, avant que nous ne l’achetions, Kalinka a eu trois poulains. Nous avons essayé d’acheter l’un d’entre eux, mais le prix demandé était beaucoup trop élevé. J’ai également rencontré le couple qui est propriétaire de sa mère, et cette dernière est pleine. Nous sommes devenus amis ; j’ai pu rencontrer la mère de Kalinka et nous avons pris quelques photos tous ensemble. J’espère que nous pourrons récupérer la prochaine sœur utérine de Kalinka. 

Avant d'intégrer les écuries Pomponio Ranch, Kalinka van't Zorgvliet a engendré trois produits. © Mélina Massias



Quid de Caracole de la Roque ?

Un jour peut-être… Pour l’instant, nous nous concentrons sur le sport.

Vous êtes-vous intéressé à son fils ainsi qu’à ses frères et sœurs utérins ?

J’ai regardé ses demi-sœurs. Les frères et sœurs ne sont pas toujours semblables et en acheter un n’avait pas vraiment de sens pour nous. Mais nous verrons dans le futur ! Rencontrer les éleveurs est sympa. Lorsque les choses se passent bien, ils sont si heureux. Voir leurs bébés au plus haut niveau leur procure une immense joie. C’est génial.

Karl Cook préfère, pour l'heure, se concentrer exclusivement sur le sport avec Caracole de la Roque. © Mélina Massias

“Les éleveurs devraient obtenir une forme de reconnaissance ; sans eux, nous ne serions pas en train de sauter en piste”

Comment pourrait-on accorder plus de reconnaissance aux éleveurs ?

Je pense qu’une façon d’aider serait de ne pas changer le nom des chevaux. Ou alors changer leurs prénoms, mais pas les affixes donnés par les éleveurs. Je pense que ce serait un bon début. Ici, à La Baule, le nom des éleveurs figure également sur les listes de départ. Je trouve que c’est important. Si les organisateurs de concours remettaient une récompense à l’issue du Grand Prix, il y a très peu de chances pour que l’éleveur du cheval gagnant soit présent. Et il est impossible de prédire qui va gagner… Les éleveurs devraient obtenir une forme de reconnaissance, mais il faut trouver le bon moyen de le faire. Sans eux, nous ne serions pas en train de sauter en piste.

Avez-vous déjà monté certains des produits de votre élevage maison ?

Oui. J’en ai un à San Diego et j’en ai monté un autre cette année en Floride. Lorsque je rentrerai en Californie en août, ils intègreront mon piquet. J’aurais donc deux produits maison. C’est vraiment chouette, parce que j’ai monté leurs mères et leurs pères. 

L’un de mes étalons, qui m’a accompagné durant mes années de Jeune cavalier, est ici, en France, où il fait la monte depuis cinq ou six ans. Il est revenu en France car son éleveur souhaitait conserver sa génétique. Il a beaucoup produit ici et c’est toujours rigolo de voir le nom d’un cheval que l’on a monté apparaître dans le pedigree de certaines montures sur les listes de départ en concours.

L'Américain a notamment pris les rênes de Qonquistador PR, huit ans, un fils de son ancien complice ASB Conquistador. © Sportfot

“Je pense que davantage de connaissances devraient être plus accessibles”

Sur Instagram, vous avez initié “Walking and talking”, une série de vidéos où vous analysez vos parcours et partagez vos connaissances ou encore les coulisses de votre système. Qu’est-ce qui vous a poussé à développer ce format, désormais disponible sur diverses plateformes, comme YouTube ou Spotify ?

Honnêtement, c’était par hasard ! Au départ, je ne partageais les vidéos que dans ma story Instagram. J’ai commencé lors d’un concours dans le Kentucky, où je marchais après le Grand Prix. J’ai lancé ma story et dit “je marche et je parle”. Je n’ai pas choisi ce nom, je l’ai juste dit, littéralement. Et il est resté. Exprimer oralement mes pensées m’a aidé. Penser sans s’exprimer est différent. Comme cela m’aidait et que les gens appréciaient ce contenu, j’ai continué. Depuis, nous développons ce format et travaillons sans cesse sur de nouvelles choses. Certaines, sur lesquelles nous planchons depuis quelque temps déjà, vont arriver dans un mois ou deux. 

Dans sa série "Walking and talking", Karl Cook partage ses expériences diverses. © Sportfot



Quelle importance revêt le fait de partager avec les autres à vos yeux ?

Je crois que c’est très important. Je suis très chanceux d’apprendre de personnes comme Éric. En concours, lorsqu’on reconnaît un parcours, on peut échanger facilement avec d’autres cavaliers. Peu de personnes ont la possibilité d’avoir ces discussions. Je pense que davantage de ces connaissances devraient être plus accessibles. On constate également que ce qui se passe en piste n’est pas dû à la chance ni au hasard. On ne peut pas se dire “allez, j’ai un super cheval, c’est parti”. Il faut beaucoup de discipline et de concentration. Tous les grands cavaliers ont un programme très structuré.

Le partage est une notion importante pour le protégé d'Eric Navet. © Sportfot

Finalement, peu de cavaliers partagent autant que vous sur leur quotidien et leurs ressentis…

C’est leur choix. Le mien est de partager davantage. Certains cavaliers sont très pris, d’autres ne se sentent peut-être pas capables de mettre des mots sur leurs réflexions. Et même s’ils le sont, tant qu’ils n’y croient pas, ils ne peuvent pas le faire. Et d’autres en sont incapables, peu importe leur bonne volonté.

“J’essaye de ne pas admirer les grands cavaliers, mais d’apprendre d’eux”

Quels cavaliers vous ont inspiré et vous inspirent ?

Éric, évidemment. Après Éric, je citerai probablement Peder (Fredricson, ndlr). Je l’ai rencontré pour la première fois à Rome cette année. Nous allons nous retrouver cette après-midi (entretien réalisé le 8 juin, ndlr) pour expérimenter quelques choses intéressantes, qui ne sont pas encore prêtes à être révélées au grand public. La façon dont il pense est très importante pour notre sport et incarne le futur. J’ai aussi beaucoup appris d’autres personnes, qui ne sont pas cavalières et qui voient les choses un peu différemment. Cela ne veut pas dire que je suis d’accord avec tout ce qu’elles disent, mais j’apprends de leurs points de vue et cela peut m’aider. Même avant de rencontrer Caracole, je trouvais que Julien (Epaillard, ndlr) était incroyable. Plus jeune, je pense que j’aurais cité Marcus Ehning. J’essaye de ne pas admirer ces cavaliers, mais d’apprendre d’eux. Ces gens sont formidables, mais ce ne sont pas des Dieux ; ce sont des gens. Je ne crois pas dans le fait d’idolâtrer quelqu’un, parce qu’une idole n’est pas une personne. Ces grands cavaliers sont des personnes. Ils commettent des erreurs et en tirent des leçons pour s’améliorer. 

Récemment, Karl Cook s'est beaucoup rapproché de Peder Fredricson, avec qui il apprécie échanger. © Mélina Massias

En dehors des chevaux, quelles activités aimez-vous pratiquer ?

Dans le milieu équestre, certaines personnes sont plus efficaces quand elles ne pensent qu’aux chevaux, qu’elles regardent des vidéos d’elles ou d’autres Grands Prix dans le monde en rentrant à la maison après un concours. Pour moi, cela n’est pas la meilleure option. Lorsque je procède ainsi, j’ai l’impression d’être bloqué dans une boucle sans fin : je rencontre un problème, imagine une solution, la met en place et retombe sur le même problème si la première solution ne fonctionne pas. Cela devient infini. Alors, j’ai besoin de distractions, de choses sur lesquelles me concentrer en dehors des chevaux. Dans mon cas, cela me permet d’être plus frais lorsque je suis avec mes chevaux. Il y a tout un tas de choses qui m’intéressent. J’ai tout un jardin rempli de légumes. Lorsque nous sommes à la maison, nous nous nourrissons quasiment exclusivement de notre propre production. Je suis en train de construire une distillerie afin de fabriquer du bourbon dans le Kentucky. J’ai un atelier d’usine, où je façonne certaines choses. Par exemple, j’ai créé les petits crampons des fers de Caracole. Ils sont composés de titane et d’aluminium, ce qui les rend très légers. Nous avons également toute une librairie et lisons beaucoup. Nous avons aussi des projets avec notre vétérinaire. L’idée serait de construire une clinique au sein de nos écuries, pour tout ce qui est médecine du sport. Nous continuons de développer tout ce qui est en lien avec “Walking and talking”, faisons du VTT et nos chiens sont aussi très importants pour nous. Lorsque je peux imaginer un produit dont je me sers au quotidien, en fonction de mes besoins, j’essaye de le faire (comme avec ses bottes, ndlr). Je reste toujours occupé !

Karl Cook semble avoir trouvé son parfait équilibre. © Sportfot

Photo à la Une : Karl Cook a trouvé une partenaire de choix en Caracole de la Roque et tous deux sont sur un nuage depuis quelques semaines. Mélina Massias