Le podium du Grand Prix Rolex ô combien palpitant de Genève n’aurait pas pu mieux refléter l’esprit de cet événement, qu’aucun passionné ne saurait manquer, et où le sport est toujours roi. En tête : Harrie Smolders, le discret Néerlandais à la folle régularité si souvent considéré comme le Poulidor du saut d’obstacles. À ses côtés : Giulia Martinengo Marquet, rayonnante amazone qui sait garder les pieds sur terre et a déroulé une saison d’une folle régularité, ainsi que Gilles Thomas, le jeune prodige qui a vécu ses premiers Jeux olympiques pas plus tard que cet été. Un savant mélange entre expérience, talent, mérite et vent de fraîcheur. Néerlandais, Italienne et Belge n’auraient cependant pas pu vivre ce moment hors du temps sans Monaco, Delta del’Isle et Ermitage Kalone, premiers artisans de leur succès.
Harrie Smolders lui-même en riait, il y a encore quelques semaines, à cent-soixante-dix kilomètres de là. Dimanche 15 décembre, sur la spacieuse piste de Palexpo, à Genève, le Néerlandais a conjuré le sort avec son fabuleux Monaco, si souvent cantonné au rôle de Poulidor. À bientôt seize ans, l’inoxydable Holsteiner, qui vieillit comme le bon vin, a décroché la plus belle victoire de sa carrière, après avoir accumulé les deuxièmes rangs, à Monaco, Saint-Tropez, Bois-le-Duc, Paris, Riyad, Lyon, Londres, Valkenswaard, mais aussi… Genève !
Ouvreur du barrage, le Néerlandais, évidemment ravi, a su trouver l’équilibre parfait, malgré un tirage au sort défavorable. Aux rênes de son fils de Cassini II, il a arrêté le chronomètre en 41’’74. Et attendu, patiemment, le passage de ses neuf concurrents. Finalement, la faute, sur l’ultime vertical, de McLain Ward et son fabuleux Ilex l’ont libéré. “J’ai rarement été aussi stressé pendant un barrage !”, a lancé l’heureux lauréat, qui vient d'annoncer la vente de son complice des derniers Jeux olympiques et la retraite de l'excellent Darry Lou. “Je soutiens toujours le sport et encourage tout le monde, mais aujourd’hui, j’estime que Monaco méritait cette victoire. C’est un vrai jalon dans ma carrière. Les étapes du Rolex Grand Slam sont très difficiles à remporter, et je le dis d’expérience.”
Ce succès, en plus de dorer un palmarès déjà reluisant pour Harrie Smolders et Monaco, de faire le bonheur de la Française Morgane Tresch, qui prend soin du champion à quatre jambes depuis plusieurs mois, a aussi été une consécration pleine de symbole pour son éleveur, Ralf Lütje. Les équipes du CHI ont pris la très louable initiative d’offrir trois mille euros à l’éleveur du meilleur cheval du Grand Prix Rolex, juste récompense pour une vie d’éleveur, de déboires et de joies, dans un métier encore trop souvent dans l’ombre.
“C’est une très bonne chose d’avoir de tels prix. Je crois que les éleveurs méritent la reconnaissance. Ils suivent toujours leurs chevaux toute leur vie, jusqu’à les voir briller au plus haut niveau. Qu’ils reçoivent de l’attention est très positif ! Nous devons veiller à ce que les éleveurs restent heureux, et proches du sport. Ils méritent cela. Sans les éleveurs, nous n’avons pas de chevaux, et c’est tout ce qui fait la beauté de notre sport”, a souligné Harrie Smolders.
Des rêves et des espoirs se concrétisent
Son rêve s’est transformé en conte de fées. Giulia Martinengo Marquet qui a, pour la première fois de sa carrière, demandé à prendre part au CHI de Genève, ne fera pas regretter leur choix aux organisateurs. La rayonnante Italienne, brillante cette saison, en atteste son titre de championne d’Italie, le troisième de sa carrière, a mené son formidable Delta del’Isle, Selle Français né chez la famille Poisson, et, de fait, issu de la même souche que Quabri de l’Isle et consort, au deuxième rang. “C’était l’un des parcours les plus difficiles que j’ai fait, le plus difficile avec ce magnifique cheval. J’étais un peu nerveuse, mais venir à Genève a toujours été un rêve. Ce résultat veut dire beaucoup pour moi, mais aussi pour mon équipe, qui le mérite amplement. Je ne pourrais pas être plus contente. Je me rends compte qu’un cheval de la trempe de Delta peut réellement changer une carrière”, a-t-elle déclaré, dans un français parfait, qu’elle a appris aux côtés d’Eric Navet, lors d’un stage de trois mois, cadeau de sa mère après l’obtention de son diplôme universitaire. Le champion français, présent en Suisse, n’a pas manqué de congratuler la meilleure femme de l’après-midi, qu’il porte toujours dans son cœur, plusieurs années après.
En entrant en piste, en fin de barrage, Gilles Thomas savait qu’il ne pourrait pas rattraper Harrie Smolders. Si le champion de Belgique en titre aurait aimé doubler Giulia Martinengo Marquet, sa troisième place, décrochée aux rênes de son phénoménal Ermitage Kalone, véritable métronome, lui donne pleine satisfaction. “Ce concours est toujours incroyable ! L’an dernier, à neuf ans, Ermitage était déjà remarquable. Nous avons beaucoup hésité à le vendre, mais n’avons pas cédé à la tentation, malgré les risques que cela comporte. Je savais qu’il pouvait obtenir un bon résultat, et je suis heureux que nous y soyons parvenus. Je dois dire que je suis fier de moi d’avoir offert cette performance à Ermitage, mais aussi à son propriétaire”, a déclaré le Belge, qui avait déjà brillé dans ce même rendez-vous, en 2022, avec Calleryama, blessée depuis plusieurs mois et en convalescence chez ses propriétaires.
Grâce à Delta del’Isle, fils de Tibet Tame et présenté sans guêtres postérieures - comme Donatello d’Auge et bien peu d’autres candidats aujourd’hui -, et Ermitage Kalone, par Catoki, le Selle Français a rayonné à Palexpo. Deux autres des dix représentants du livre de race hexagonal se sont qualifiés pour cette difficile finale au chronomètre : Bond Jamesbond de Hay, septième avec Grégory Wathelet après deux fautes, et Denver de Talma, dixième après une chute de son cavalier, Lorenzo de Luca, qui a pris d’énormes risques pour l’emporter. À charge de revanche, pour ce duo promis aux plus grands sommets de son sport.
Plus rapide que tout le monde, Ilex, l’exceptionnel fils de Baltic VDL, né Bears, que monte McLain Ward, ne devrait pas non plus tarder à triompher. Pour l’heure, l’immense et puissant KWPN se contentera d’une quatrième place, devant Ben Maher et Point Break, qui continue sa montée en puissance à ce niveau. Côté Suédois, l’heure n’était pas à la fête : Peder Fredricson termine sixième, en raison d’un refus de son expérimenté Catch Me Not S, qui fêtera officiellement ses dix-neuf printemps au 1er janvier, tandis qu’Henrik von Eckermann récidive, pour la troisième fois, le même scénario, à savoir une dérobade, avec son si généreux King Edward Ress, neuvième de ce Grand Prix et peut-être en train de tirer la sonnette d’alarme après avoir tant donné ces dernières saisons. Nul doute que le numéro un mondial saura faire preuve de horsemanship, notion qui ne devrait jamais échapper aux cavaliers et amoureux des chevaux, qui plus est au plus haut niveau du sport, censé donner l’exemple à tout un univers.
La huitième place du classement final, enfin, revient à Martin Fuchs, roi de la semaine. Vainqueur du Top Ten Rolex IJRC vendredi, le Suisse avait de nouveau sellé Leone Jei, né Hay El Desta Ali, qui a laissé échapper deux fautes au barrage.
Photo à la Une : Monaco peut être fier de cette Coupe, dont il sera le gardien – à distance et temporaire – jusqu’à la prochaine étape du Rolex Grand Slam, prévue à Bois-le-Duc, sur les terres de son cavalier. © Mélina Massias
Toutes les épreuves du CHI de Genève sont à (re)voir sur GRANDPRIX.tv.