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Zuuthoeve, une histoire de passion et de transmission

Elevage mardi 6 décembre 2022 Mélina Massias

Année après année, l’affixe van de Zuuthoeve fait parler de lui. Tangelo et Thunder, figures de proue de l’élevage belge, fondé il y a plusieurs décennies par le regretté René Vets, continuent de se retrouver dans le pedigree de quelques-uns des cracks de la planète équestre. Compétiteurs confirmés et reproducteurs renommés, tous deux ont à nouveau briller, il y a quelques semaines, du côté de Prague, grâce à Tobago et Azur, les stars de Daniel Deusser et McLain Ward. L’occasion de revenir sur l’histoire de cet élevage, faite de passion et de transmission. Après la disparition de son grand-père et la vente de toutes ses poulinières, Tina Vets-Nicasi a tout repris de zéro, dans l’ambition de perpétuer son œuvre. Et les débuts sont pour le moins prometteurs.

Scuderia 1918 Tobago et HH Azur (ex Azur Garden’s Horse) ne partagent pas la même génétique. Pourtant, leurs deux pères sont nés la même année… et dans le même élevage. Samedi 20 novembre, à l’occasion du très lucratif Super Grand Prix de Prague, ces deux excellents chevaux, complices respectifs de l’Allemand Daniel Deusser, vainqueur de l’épreuve, et de l’Américain McLain Ward, troisième, ont permis de (re)mettre en valeur l’oeuvre du regretté René Vets. Décédé des suites d’un cancer il y a dix ans, cet homme de cheval passionné et éleveur à succès a laissé derrière lui une marque indélébile avec ses étalons phares : Tangelo et Thunder van de Zuuthoeve.

La brillante HH Azur réalise une excellente saison 2022. © Sportfot

Pourtant, si aujourd’hui l’alezan et le bai ont plus que fait leurs preuves côté élevage et sport, les débuts n’ont pas été si joyeux pour le premier cité. “Mon grand-père a fait naître Tangelo. Lorsqu’il a eu trois ans, il l’a emmené à l’approbation des étalons du stud-book BWP, mais les juges l’ont recalé. Mon grand-père a alors décidé qu’il fallait le vendre. Harrie Theewes l’a acheté avec le Néerlandais Roelof Bril. Ils l’ont présenté au KWPN, où il a été approuvé ! C’était un peu étrange ; le BWP ne l’a pas aimé, puis il a été la star de la soirée au KWPN”, raconte Tina Vets-Nicasi, la petite-fille de René. “Par la suite, Tangelo a remporté plusieurs épreuves à 1,60m avec Roelof Bril. Ses produits sont vraiment talentueux. Il transmet son mental, son sang et sa facilité d’utilisation.”

Tobago et Daniel Deusser. © Sportfot

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“Mon grand-père adorait Thunder”

Imprégné du sang français de Narcos II, son père, et de celui du Pur-Sang à succès Laudanum, son grand-père maternel, Tangelo est toujours au goût du jour. Outre l’adorable Tobago, l’alezan au physique harmonieux a également produit l’exceptionnel Darry Lou, vainqueur du Grand Prix de Spruce Meadows en 2019 avec l’Américaine Beezie Madden et désormais piloté par Harrie Smolders, Forever, un temps conduit sur quelques belles pistes par Henrik von Eckermann, le retraité et très bon gagnant Bintang II, monture de la Britannique Laura Renwick, ou encore l'exceptionnel Taalex, lui-même ayant engendré l’un des jeunes chevaux les plus en vue du moment : Freud de Kreisker. Vingt ans après la venue au monde de la première génération de produits de Tangelo, ses filles prennent le relais et s’illustrent aussi à l’élevage. Ainsi, le très qualiteux F One USA (Toulon), propriété de la famille Moffitt et monté au plus haut niveau par Ben Maher puis Lorenzo de Luca, ne laisse personne indifférent, tout comme le sublime Feromas van de Beek (Fantomas de Muze), recrue de choix du jeune Gilles Thomas, l’excellente et jeune In Time (Biscayo), un temps présentée par Daniel Deusser et désormais performante avec Kendra Claricia Brinkop, en atteste leur récente cinquième place dans le Grand Prix 3* de l’Hubside Jumping de Valence édition Winter Tour, ou encore Hot Easy (Andiamo), fidèle complice de l’Allemand Jörne Sprehe, lauréate, entre autres, du Grand Prix du CSIO 4* de Varsovie il y a trois mois.

F One USA et Lorenzo de Luca aux championnats du monde de Herning, l'été dernier. © Sportfot

Mais la réussite de René Vets est double. En 1999, et alors qu’il vient d’essuyer une énorme déconvenue avec Tangelo, l’éleveur présente un autre étalon à l’approbation du BWP. Cet autre mâle n’est autre que Thunder van de Zuuthoeve (Argentinus x Nimmerdor). Le bai n’a rien en commun avec son conscrit, si ce n’est son affixe. D’ailleurs, il sera approuvé sans discussion, la même année où Tangelo sera refusé par les juges. “Mon grand-père adorait vraiment Thunder. C’était son bébé. Au départ, il n’a pas beaucoup produit, mais, au fil des années, les éleveurs ont commencé à l’apprécier, tout comme ses produits. L’année de sa disparition, Thunder avait honoré près de cinq cents juments. Il était devenu très populaire”, révèle Tina. Eldorado van het Vijverhof, vainqueur du Grand Prix 5* du salon du cheval de Paris en 2016 et de plusieurs autres belles épreuves avec Grégory Wathelet, Excenel V, triple champion de Belgique à quatre, cinq et six ans, le fort plaisant Gunder, Turbo, brillant dans l’étape de la Coupe du monde Longines d’Oslo l’an dernier avec Kevin Jochems, Kalinka van’t Zorgvliet, délicate jument montée par Karl Cook et lauréate d’un Grand Prix 5* cette année, ou encore la formidable Kastelle Memo sont autant de descendants de Thunder ayant évolué ou évoluant encore au plus haut niveau, tout comme la star HH Azur.

L'exceptionnelle Kastelle Memo. © Sportfot

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Tout comme Tangelo, Thunder poursuit son travail grâce à ses filles. Encore jeune, cette production s’annonce prometteuse. Alors qu'Elky van het Indihof (Toulon) a fait ses preuves sous la selle de Kevin Staut jusqu’en 2018, Narcos (Toulon) et Melody vd Smidshoeve (Epleaser van’t Heike), frère et sœur utérin, pointent le bout de leur nez au plus haut niveau. Tous les espoirs sont permis pour ses jeunes pousses, que leurs éleveurs, propriétaires et cavaliers doivent rêver de voir, un jour, suivre les traces de leur grand-père, lui-même compétitif jusqu’à 1,50m.

Melody vd Smidhoeve. © Mélina Massias

Un tournant pour l’affixe van de Zuuthoeve

Si la souche de Thunder a laissé quelques autres descendants, dont son propre frère, Wunder Boy, ainsi que trois juments, dont l’une a donné Domino van de Zuuthoeve (Tangelo vd Zuuthoeve) et continue de faire le bonheur de Jessica Lindahl et Johan Lindmark, Tangelo, lui, ne compte qu’une soeur utérine, qui a donné naissance à son dernier descendant répertorié sur la base de données Horsetelex en 2009. Plus radical encore, ces souches ont déserté les prairies originelles de l’élevage belge.

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“Lorsque mon grand-père est tombé malade, il a vendu toutes ses poulinières. Je n’ai plus rien des souches de Tangelo ou des autres chevaux”, déplore Tina. “J’ai vraiment dû tout reprendre de zéro.” Passionnée, la jeune femme a ainsi relancé l’affixe initié par son grand-père, il y a maintenant plusieurs décennies. “J’ai fait naître mon premier poulain il y a neuf ans”, reprend-t-elle. “Depuis, je continue chaque année. L’an dernier, nous avons eu sept poulains, cette année six et nous en attendons encore six pour 2023. Je suis de retour dans l’affaire ! (rires)” 

Hilfinger van de Zuuthoeve a disputé son premier Grand Prix 5* cette année, à neuf ans. © Sportfot

Dès le début, Tina a pu goûter au succès. Ses premiers poulains, tous issus de… Thunder van de Zuuthoeve, bien sûr, commencent déjà, à neuf ans, à affronter certains des plus beaux parcours du monde. “Une jument (Honey Pops van de Zuuthoeve, ndlr) saute 1,45m avec moi, jusqu’en Grand Prix 2*. C’est déjà un succès. Un autre hongre par Thunder, que j’ai vendu lorsqu’il était tout jeune, concourt désormais sur le circuit du Longines Global Champions Tour”, note l’éleveuse. Sous la selle du Brésilien André Americo de Miranda, Hilfinger van de Zuuthoeve a ainsi pris part à un Grand Prix 5*, à l’Hubside Jumping de Grimaud, ainsi qu’au Paris Eiffel Jumping, terminant septième d’une épreuve à 1,55m. Et ce jeune bai ne sera sans doute pas le dernier à faire briller l’affixe van de Zuuthoeve. En effet, Tina s’appuie sur plusieurs bonnes juments pour poursuivre l'œuvre de son aïeul, et semble rondement mener tous les aspects de son activité. “Je travaille avec mon petit ami et nous gérons les écuries ensemble. Je monte les chevaux un peu plus âgés, entre six, sept et huit ans, et lui s’occupe des plus jeunes, du débourrage jusqu’à ce qu’ils soient prêts pour franchir un niveau. Nous sommes bien occupés en ce moment (rires) ! C’est chouette de pouvoir partager ma passion avec lui”, glisse la jeune femme.

Inshallah van de Zuuthoeve, ici sous la selle de Frédéric Verneat, est issu de la deuxième génération de chevaux produits par Tina.

Son amour pour les chevaux, Tina Vets-Nicasi le partageait forcément avec son grand-père. “Au début, lorsqu’il est décédé, cela a été vraiment difficile pour moi. Nous partagions vraiment la passion des chevaux. Je n’avais que seize ans et j’allais à l’école, donc je n’ai pas pu beaucoup apprendre de lui. C’est quelque chose que je déplore sincèrement. Nous aimions aller en concours ensemble, parler des chevaux, etc. Il m’aidait à faire travailler mes propres chevaux après l’école. Mon seul regret est qu’il ne soit plus là pour m’aider”, confie avec émotion la jeune femme, qui n’a pas à rougir de son travail. “J’ai déjà connu une petite réussite, mais j’espère surtout pouvoir confirmer avec mes juments et faire comme mon grand-père. Avec un peu de chance, je ferai naître un bon étalon, de la trempe de Thunder, dans le futur. Je l’espère vraiment.”

Photo à la Une : Hilfinger van de Zuuthoeve, un fils de Thunder van de Zuuthoeve, marque le renouveau pour l'élevage belge et fait partie de la première génération produite et imaginée par Tina Vets-Nicasi, petite-fille de René, fondateur de l'affixe. © Sportfot