Yannick Jorand poursuit son ascension en toute discrétion
Comment organisez-vous votre quotidien ?
J’habite au centre de Genève avec ma compagne, je travaille à Genève et mes écuries se trouvent en France voisine, à Feigères, où nous louons des boxes.
Quel est votre métier ?
Je travaille dans la fiduciaire de mes parents, que je reprends peu à peu. L’entreprise compte une dizaine de collaborateurs.
Cela vous laisse suffisamment de temps pour venir monter ?
Je viens le soir, après le travail, et surtout le week-end. Lorsque nous sommes en concours à l’étranger, je dois déjà partir le mercredi et je travaille donc au bureau un maximum le lundi et mardi. Ensuite, j’ai toujours mon ordinateur avec moi, même en concours. Je m’installe dans mon camion pour régler les affaires urgentes et passer des coups de fil.
Est-ce un avantage ou un inconvénient d’avoir un métier à côté de sa carrière sportive ?
Il y a un peu des deux. Cela me permet de ne pas mettre toute mon attention sur l’équitation et d’avoir ainsi du recul, notamment lorsque les choses se passent moins bien que prévu. Ces deux activités sont complémentaires. Et comme je fais les choses à 200 %, les chevaux seraient vite fatigués de me voir toute la journée à l’écurie ! Et au bureau, tout le monde serait épuisé de m’avoir toute la semaine sur le dos. Je ne suis pas vraiment du genre à me poser 5 minutes pour boire un café. Évidemment, si je pouvais avoir un peu plus de chevaux, ce serait l’idéal, car avoir un large pilier de chevaux me permettrait d’être plus compétitif.
C’est essentiel pour vous d’avoir un emploi et de pratiquer votre sport en conservant ce statut d’amateur ?
Oui, j’ai fait des études dans l’idée d’avoir toujours un métier à côté comme garantie. Je ne serai jamais Steve Guerdat, donc je ne veux pas me retrouver sans rien du tout lorsque ma carrière sportive se terminera. Quand tu es jeune, tu peux vivre avec peu, mais à un moment, ce n’est plus possible. Je ne voulais pas tout axer sur l’équitation.
On parle beaucoup de Cipetto, mais qu’en est-il de vos autres chevaux ?
J’ai un 6 ans, Daylight vh Maressahof Z (Diamant de Semilly), dont on a fait l’acquisition en début d’année à 50 % avec un propriétaire. Il est un peu vert, mais je pense qu’il va devenir mon cheval d’avenir. Il a vraiment tous les moyens. Je peux aussi compter sur Dominka B (Zacharov), un étalon de 11 ans, mais il s’est blessé en début d’année et est toujours arrêté. À chaque fois qu’on le remet en route, il se blesse à nouveau en faisant des bêtises. Il devrait être de retour pour la fin d’année.
Être le propriétaire de vos chevaux de tête, cela doit être une garantie agréable…
Oui et non, car il y a tout de même des offres que nous ne pouvons pas refuser. Nous devons aussi penser à l’avenir et nous décider à vendre de temps à autre. Mais au quotidien, il y a évidemment de la pression en moins, ce qui nous permet de prendre le temps et de faire les choses au mieux pour nos chevaux.
Avez-vous reçu des offres pour Cipetto ?
Oui, mais j’ai toujours pu refuser jusqu’à maintenant.
Quel est votre programme pour la fin de saison ?
Il va d’abord y avoir la tournée du Maroc. On a une bonne équipe et j’espère que l’on pourra défendre notre victoire de l’an passé à Rabat. J’aimerais bien pouvoir monter une nouvelle fois à Genève, sur cette piste incroyable, et me racheter de l’an passé.
Yannick Jorand aura à nouveau le plaisir de fouler la piste de Rabat lors du Morocco Royal Tour
Et quels sont vos objectifs à long terme ?
Je n’ai pas d’objectif précis, car je veux toujours aller le plus loin possible. Comme tout le monde, je rêve de pouvoir monter sur des pistes mythiques, comme j’ai pu le faire à Rome et Calgary. Aix-La-Chapelle reste donc un de mes rêves. Cela dit, il faut tout de même rester réaliste, ce sont des concours très difficiles et si tu y vas, tu dois être prêt. Les places sont aussi chères, car on a de très bons cavaliers en Suisse. J’aimerais pouvoir continuer à faire quelques 5*, comme j’ai eu la chance de le faire cette année. Le problème, quand tu n’as qu’un cheval, c’est que tu n’es pas assez bien placé dans le classement mondial, et même l’accès à des 4* est difficile. Le seul moyen pour prendre part à des 5*, c’est de le faire sur des concours en Suisse ou des CSIO, mais ce sont des concours sur lesquels les places sont réservées aux meilleurs, et c’est bien normal. J’espère avoir autant de chance que cette année.
Pourquoi pensez-vous que la Suisse puisse se vanter d’avoir tant de bons cavaliers ?
C’est vrai que l’on est un petit pays et que l’on a de très bons cavaliers, avec nos deux piliers Steve Guerdat et Martin Fuchs. Même les 2eet 3e équipes sont fortes. Il y a évidemment des dynasties de cavaliers qui ont tiré le niveau vers le haut, qui ont permis au sport d’avancer et qui ont motivé ceux qui venaient derrière. Ils ont sans doute mis le pied à l’étrier à certains cavaliers. On est aussi un pays avec trois régions distinctes, une particularité qui donne à notre équitation un équilibre rare : elle mêle des aspects issus des traditions équestres française, allemande et italienne. C’est peut-être cela qui fait notre force...
Quelle est votre vision du sport, à présent que vous découvrez le haut niveau ?
Le haut niveau me fait toujours autant rêver. C’est magnifique de pouvoir avoir accès à ces concours. C’est vraiment encore à des années lumières de ce à quoi je suis habitué. Quand tu as par exemple l’impression qu’un parcours est technique, ce n’est rien par rapport à du 5*. Tu penses être un cavalier rapide en 3*, mais ce n’est rien par rapport à la vitesse à laquelle les cavaliers galopent en 5*. C’est vraiment le pilote qui fait la différence. On voit vite qu’ils sont habitués à la hauteur et la technicité des parcours tandis que moi, quand j’arrive, je dois sacrément élever mon niveau. Je garde un regard d’enfant quand je débarque dans ces concours qui ont une histoire, ces pistes où se sont déroulé de grands moments de sport, et quand je vois tous ces cavaliers de légende, je suis fasciné et ému.