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Versailles sacre Christian Kukuk champion olympique au terme d’une finale de rêve

Christian Kukuk et Checker 47.
PARIS 2024 mardi 6 août 2024 Mélina Massias

En réussissant l’unique double sans-faute de la finale de saut d’obstacles des Jeux olympiques de Paris, Christian Kukuk et Checker 47 ont été sacrés champions olympiques, à Versailles. L’Allemand et son gris de quatorze ans succèdent à Ulrich Kirchhoff, dernier cavalier à avoir décroché le Graal en individuel pour l’Allemagne. Deuxième avec la Selle Français Dynamix de Bélhème, Steve Guerdat a frôlé le doublé, après son sacre obtenu à Londres en 2012. Comme à Tokyo, il y a trois ans, et Herning, il y a deux ans, Maikel van der Vleuten et son vaillant Beauville se sont emparés du bronze. Retour sur une finale au scénario exceptionnel.

Grégory Bodo et Santiago Varela avaient prévenu avant le début de la finale individuelle des Jeux olympiques de saut d’obstacles de Paris, mardi 6 août. Cet ultime affrontement serait le “plus difficile des cinq ou six derniers Jeux olympiques”. Après avoir signé des sans-faute jeudi, vendredi et lundi dans la construction des tracés proposés aux couples venus tenter d’obtenir une médaille collective ou individuelle, l’exceptionnel duo de l’ombre a conclu son championnat avec une prestation sans fausse note tant cette finale a tenu toutes ses promesses. Trois barragistes pour trois médailles et de nombreux rebondissements, sans jamais voir de catastrophe : de quoi pouvaient-ils rêver de mieux ? Le scénario était absolument parfait. 

Des fautes qui valent de l’or

La dernière journée consacrée au saut d’obstacles aux Jeux olympiques de Versailles a bien mal débuté pour Harry Charles et le clan britannique. Médaillé d’or par équipe, Champion of Picobello, alias Romeo 88, n’a pas pu prendre le départ de cette ultime étape, le bai n’étant pas “à cent-dix pourcents” après s’être légèrement marché dessus la veille. Une déception rapidement effacée pour son cavalier, qui a témoigné toute sa reconnaissance envers son partenaire dans un message publié sur les réseaux sociaux. “Romeo m'a tellement donné et m'a emmené au-delà de mes rêves. Nous quittons Paris avec une médaille d’or, et plus encore, avec un Romeo heureux, ce qui est plus que suffisant pour moi”, a écrit le jeune homme. 

Fin d'aventure prématurée pour Harry Charles et Romeo 88, champions olympique par équipe. © Scoopdyga



Son forfait a profité au Canadien Mario Deslauriers, trente et unième lundi au terme de la qualificative. Avec Emerson, un fils d’Eldorado vd Zeshoek, le doyen et seul rescapé de son escouade a ouvert le parcours, concédant huit points. Dans leur sillage, les premiers favoris se sont frottés à ce parcours ô combien relevé et subtil. Philipp Weishaupt et Zineday, qui faisaient partie des grands favoris après avoir conquis l’argent en individuel aux Européens de Milan l’été dernier, tout comme Ben Maher et Dallas Vegas Batilly, ont échoué, concédant une faute chacun et un point de temps supplémentaire pour le premier cité. Bien lancée juste après le passage du champion olympique de Tokyo, Laura Kraut semblait filer tout droit vers le barrage et une potentielle seconde médaille versaillaise avec son cher Baloutinue. Seulement, à l’abord du numéro quinze, dix-huitième effort du tour initial du jour, l’Américaine a complètement craqué, ne trouvant aucune distance viable pour franchir l’oxer aux couleurs de Los Angeles 2028 sans emporter avec elle les barres qui le défendaient. Déception immense et impression de déjà-vu pour ce couple, qui avait connu une mésaventure similaire en tout point dans le Grand Prix 5* d’Aix-la-Chapelle, il y a tout juste un mois… Dans un scénario différent, le sort a été identique pour Max Kühner et Elektric Blue P, pourtant en forme olympique avant d’aborder ces Jeux olympiques. En trois parcours, le fils d’Eldorado vd Zeshoek ne sera pas parvenu à signer le sans-faute tant espéré, le second plan de l’oxer numéro 15 l’ayant privé de barrage et de toute chance de médaille. L’Autrichien, accusé par une association animaliste allemande “d’entrave aux lois sur le bien-être animal”, a manqué ce rendez-vous lors duquel il espérait enfin décrocher une médaille individuelle. Sa septième place finale viendra s’ajouter à une longue et frustrante collection de places d’honneur en grands championnats… L’été dernier, le duo figurait déjà au même rang à Milan.

Quel scénario cruel pour Laura Kraut et Baloutinue. © Scoopdyga

Entre déception et prise d’expérience

Karl Cook, deuxième chance américaine de cette finale, semblait survoler le parcours avec sa Caracole de la Roque, impeccable depuis le début de la compétition, jeudi dernier. Mais l’Américain, disciple d’Éric Navet, a mal négocié sa courbe pour aborder le double numéro 12, composé d’une barre de spa et d’un vertical à deux foulées. Sanction immédiate : huit points et un Karl Cook en larmes en sortie de piste, sans doute particulièrement déçu de son erreur de pilotage tant il aurait aimé voir sa Selle Français se prêter à la course aux médailles. 

Karl Cook n'a pu cacher sa tristesse en sortie de piste avec Caracole de la Roque. © Benjamin Clark / FEI

Un poil fébrile la veille pour son entrée en matière, Bond Jamesbond de Hay, a aussi quitté l’arène avec deux fautes aux côtés de son cavalier, Grégory Wathelet. Huit points, c’est aussi le score de Simon Delestre et son démonstratif I Amelusina R 51, piégés par le numéro 1 et la sortie du double numéro 5. L’alezan, très protégé jusqu’à cette année, aura engrangé une précieuse expérience, prouvé que l’on peut compter sur lui et définitivement réconcilié son cavalier avec les Jeux olympiques, lui qui avait tout perdu avec une rêne cassée à Londres, dû déclarer forfait à Rio et vu la médaille d’or par équipes s’envoler à la dernière minute à Tokyo.

À dix ans, Ermitage Kalone n’a pas démérité non plus. Habitué à enchaîner les parcours parfaits, le fils de Catoki a aussi enregistré deux fautes avec son jeune cavalier, Gilles Thomas, valeur montante du clan belge. L’alezan, très convoité à l’élevage, semblait peut-être un peu éprouvé pour sa quatrième journée de compétition à Versailles, mais l’avenir s’annonce plus brillant que jamais pour la pépite de Magali Dessalles et son binôme belge. 

Los Angeles 2028 : rendez-vous pris pour Ermitage Kalone et Gilles Thomas. © Benjamin Clark / FEI



Pas de quoi rougir pour Omar Al Marzooqi et son fantastique Enjoy de la Mûre. Somptueux jusqu’à mi-parcours, l’étalon par Vigo Cécé né chez Beatrice Drigeard Desgarnier et sa fille Adeline Morel a laissé échapper deux fautes sur le triple numéro dix. Pour cet autre Selle Français de dix ans et son jeune cavalier, vingt et un ans seulement, le futur s’annonce tout aussi radieux. 

King Edward et Henrik von Eckermann ne seront pas champions olympiques individuels en 2024

Alors que tous trois avaient une vraie carte à jouer, Rodrigo Pessoa, Daniel Coyle et Henrik von Eckermann ne sont pas venus à bout du dernier parcours de ces Jeux olympiques. Les deux premiers ont abandonné après avoir concédé deux fautes sur Major Tom, né Nielsdaka van de Rhamdia Hoeve, et quatre aux rênes de Legacy, née Chavantele, pourtant impeccable depuis jeudi, après un mauvais abord du triple numéro 12. 

Tout s'est écroulé en fin de parcours pour Daniel Coyle et Legacy. © Scoopdyga

Le numéro un mondial, lui, n’a pas eu le choix d’abandonner et a été tout bonnement éliminé. À la stupeur générale, ou presque, le Suédois a chuté de son roi King Edward Ress, médaillé d’or individuel des Mondiaux de Herning en 2022 et double vainqueur de la finale de la Coupe du monde ! Après que le généreux alezan a fourni d’énormes efforts sur le double numéro 5 puis sur l'enchaînement rivière - vertical - oxer placé en numéros 6, 7 et 8, le couple ne s’est pas compris, menant à une séparation de corps tout près de la lice de la carrière… Scène improbable et des rêves qui s’envolent. Le fils d’Edward 27 n’accrochera pas de médaille individuelle aux Jeux olympiques autour de son coup, à moins que son cavalier ne mise tout sur Los Angeles, dans quatre ans. Son crack aura alors dix-huit ans… Cette chute n’est pas la première pour Henrik von Eckermann, désarçonné à plusieurs reprises cette saison par son BWP, né chez Wim Impens et découvert par son épouse, Janika Sprunger. À Riyad et Göteborg, le numéro un mondial avait ainsi chuté au paddock après avoir été déséquilibré en l’air par des sauts trop généreux de son complice.

Henrik von Eckermann, numéro un mondial, a quitté la piste à pied. © Scoopdyga

Avec douze points, Emanuele Camilli, Shane Sweetnam et Kim Emmen, auteur d’une bonne qualification avec Odense Odeveld pour le premier, et très en forme dès les épreuves collectives pour les deux et troisièmes cités aux rênes de CSF James Kann Cruz et Imagine, ont faibli au plus mauvais moment. À charge de revanche.

Une médaille en chocolat pour Julien Epaillard et Dubaï du Cèdre

Les deux représentants de l’Arabie Saoudite, Ramzy Al Duhami et Abdulrahman Alrajhi ont frôlé l’exploit avec deux très bons parcours à quatre et six points sur Untouchable 32 et Ventago, Harrie Smolders n’est pas passé loin non plus avec son brillant Uricas vd Kattevennen, finalement crédité de six points tandis que Scott Brash et Stephan de Freitas Barcha, associés à Jefferson, né Jerenmias van het Hulstenhof, et Primavera se sont octroyé les six et cinquième places finales à l’issue de deux parcours rapides à quatre points. 

Cinquième place finale pour Stephan de Freitas Barcha et Primavera. © Scoopdyga

Déséquilibré en l’air par un saut acrobatique de son spectaculaire Leone, né Hay El Desta Ali, sur la sortie du double numéro 5, Martin Fuchs a tout donné pour rejoindre la ligne d’arrivée sans pénalité, malgré la perte d’un étrier dans sa cascade ! Sa détermination et sa volonté de fer ont failli être récompensées, avant que l’ultime oxer ne tombe… comme pour Laura Kraut et Max Kühner. 

Sans étrier droit, Martin Fuchs s'est battu comme un lion avec son grand Leone, mais cela n'a pas suffi. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Impeccables de bout en bout, sans trembler, Christian Kukuk, aux rênes de Checker 47, et Maikel van der Vleuten, juché sur son fidèle Beauville, ont été les premiers à trouver les clefs du sans-faute, dans le premier tiers de l’épreuve. Tous deux ont patienté longuement avant d’être rejoints par Steve Guerdat et Dynamix de Bélhème. Trois barragistes pour trois médailles : le ratio était parfait, mais Julien Epaillard ne s’était pas encore élancé avec sa Dubaï du Cèdre, en bronze lors des Européens de 2023 et par équipes quelques jours plus tôt avec la France. Alors que les tribunes retenaient leur souffle et commençaient à y croire, la paire s’est fait piéger par la sortie du double numéro 12. Seul lot de consolation pour Julien Epaillard et sa Selle Français Originel, née chez Perrine Cateline et Sylvain Pitois du croisement entre Baloubet du Rouet et Urgada de Kreisker, une fille de Diamant de Semilly, une “médaille en chocolat” et une quatrième place finale… Tellement rageant. 

Quatrième place et médaille en chocolat pour Julien Epaillard et Dubaï du Cèdre. © Scoopdyga



Une bataille finale qui sourit à l’Allemagne

Deux chevaux déjà médaillés, un autre qui dispute son premier grand championnat. Deux cavaliers qui ont déjà connu l’honneur des grands championnats, un troisième qui attend son heure. Trois cavaliers rapides, déterminés et prêts à tout pour inscrire leur nom dans l’histoire. Premiers à s’élancer, Christian Kukuk et Checker 47, un Westphalien né chez Wolfgang Kipp, livrent une prestation parfaite de bout en bout. En bouclant son second parcours en 38’’34, l’Allemand, disciple de Ludger Beerbaum depuis plus de douze ans, prend d’entrée une vraie option sur l’or et met la pression sur ses deux concurrents. 

C'était le jour de Christian Kukuk et Checker 47. © Benjamin Clark / FEI

Il manquera peu de choses à Maikel van der Vleuten et Beauville pour passer toutes les difficultés sans faute, laissant derrière eux la sortie du double à terre. Dans tous les cas, leur temps de 39’’12 ne leur aurait pas permis de s’imposer. 

Troisième médaille de bronze individuelle pour Maikel van der Vleuten et Beauville, formé en France. © Benjamin Clark / FEI

Steve Guerdat entre en piste en troisième et dernière position. Il a, entre les mains, la possibilité d’entrer définitivement dans la légende, en égalant Pierre Jonquères d’Oriola, seul cavalier de l’histoire du saut d’obstacles à avoir obtenu deux médailles d’or olympiques en individuel, en 1952 avec Ali Baba et en 1964 avec Lutteur B. Douze ans après son sacre sur Nino des Buissonnets, un autre Selle Français, le Suisse a évidemment à coeur de doubler la mise, mais une faute, sur l’avant-dernière difficulté du tracé raccourci l’en empêché, le parant d’argent avec sa championne d’Europe en titre, Dynamix de Bélhème, arrivée en 38’’38. 

Steve Guerdat et Dynamix de Bélhème en argent à Paris. © Benjamin Clark / FEI

En bronze, Maikel van der Vleuten et Beauville, né Stay With Me chez Pascal Habets, complètent un troisième podium en grand championnat, après ceux de Tokyo et Herning. Surtout, le petit bai formé par Xavier Hazebroucq, J Sebastien Ochin et Maxime Rius, est entré à jamais dans l’histoire de son sport, devenant le troisième cheval à décrocher deux médailles olympiques individuelles, après Trebecco et All In de Vinck. Christian Kukuk succède quant à lui à Ulrich Kirchhoff, dernier champion olympique individuel pour l’Allemagne, sacré en 1996 à Atlanta. À trente-quatre ans, le Germanique a décroché le Graal et vécu le plus beau moment de sa carrière. Une consécration à savourer et à mettre au crédit de toute son équipe, avec en cheffe de file sa groom, Sofie Karlsson, ou encore la fidèle co-propriétaire de son crack : Madeleine Winter Schulze, présente sur place pour vivre ce grand moment.

Christian Kukuk n'est pas près d'oublier le 6 août 2024. © Scoopdyga

Les résultats complets.

Photo à la Une : La rage et la joie de Christian Kukuk, champion olympique avec Checker 47. © Benjamin Clark / FEI