Une nouvelle Grande Semaine de rêve pour Bruno Rocuet
Représentée par quatorze chevaux cette année à Fontainebleau, l’écurie Rocuet a, une nouvelle fois, trusté le haut de l’affiche. Sous la selle de Nicolas Layec, dont l’équitation impeccable a été récompensée à sa juste valeur avec trois titres de champion de France, les protégés de Bruno Rocuet se sont parfaitement comportés. Récompensé en tant que propriétaire, mais aussi en tant qu’éleveur, le Breton savoure cette réussite inouïe, qu’il espère reconduire lors des prochaines éditions de la Grande Semaine, à laquelle il est fidèle depuis les années 90.
Chaque année, le scénario est quasiment identique : l’écurie bretonne de Bruno Rocuet fait le plein de titres et de classements à la Grande Semaine de Fontainebleau. Peu importe les montures ou les pilotes, la réussite est toujours au rendez-vous. L’édition 2022 du grand rendez-vous de l’élevage n’a pas fait exception. Grâce à Nicolas Layec, fraîchement débarqué à Saint-Hélen après un passage à l’élevage de Riverland ainsi qu’aux écuries Mathy et Schotsmans, l’équipe Rocuet a ramené trois titres de champions de France : chez les mâles de six ans, les femelles de cinq ans et en Hunter, chez les cinq ans également, sans compter les nombreux sans-faute de tous les pensionnaires.
“À la maison, gagner devient presque banal ! Je suis content pour Nicolas. Tout le monde a remarqué qu’il montait bien. C’est son premier Fontainebleau sous mes couleurs, et il sait que gagner est un peu une marque de fabrique”, explique l’homme aux multiples casquettes. “Souvent, mon deuxième cavalier prend le relais du premier lorsqu’il part vers de nouvelles aventures. Là, je n’avais personne après Corentin Derouet (qui s’est installé à son compte en fin d’année dernière, ndlr). Alors, Nicolas a été propulsé dans le grand bain. Mine de rien, il y a du boulot, de l’enjeu et de la pression. Tout est allé très vite pour Nicolas, mais il s’investit beaucoup.” Après Thomas Rousseau, Guillaume Batillat, Regis Bouguennec, Valentin Besnard et consort, le jeune homme, discret, autant sur qu’en dehors de la piste, a parfaitement endossé le costume et pris goût à la victoire !
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“Il y a des gens qui viennent depuis autant d’années que moi et qui n’ont jamais gagné quoique ce soit ici. Nous fournissons beaucoup, beaucoup de travail. Nous sommes venus avec quatorze chevaux. En tout, nous en avons dix par génération ; nous avons donc gardé la meilleure moitié pour cette échéance”, reprend Bruno Rocuet. Et cela s’est ressenti.
C’est d’abord Ghana du Gast (Ogrion des Champs x Ogano Sitte) qui a caracolé en tête, chez les mâles de six ans. Hongre, ce grand alezan est un véritable lion. “L’an dernier, Ghana était monté par Corentin. Il avait terminé quatrième de sa génération. Nicolas a pris la suite et s’y est attelé. On ne devient pas champion en claquant des doigts. Ghana est increvable. Depuis que je l’ai acheté à deux ans, où il était époustouflant, on voit qu’il a quelque chose en plus, qu’il sort du lot. C’est un fauve. À deux ans, quand il est arrivé à la maison, Valentin Besnard, qui montait pour moi à l’époque, a essayé de l’emmener dans le manège. Il ne voulait pas y entrer. Valentin a dit ‘celui-là, il a intérêt à être bon, parce qu’il ne va pas être simple’. Il a beaucoup de personnalité. Je ne sais pas si c’est un crack, mais il est hors norme pour tout : sa force, le sang, le tempérament, la puissance, le respect. Cependant, il y a encore des étapes à franchir”, poursuit l’heureux marchand, qui pourrait conserver son alezan, grâce à l’aide d’un co-propriétaire, prêt à poursuivre l’aventure, et qui a également fait l’acquisition d’un frère de Ghana, Konnie du Gast (Armitages Boy). “Au départ, je pensais que les fils d’Ogrion des Champs étaient de chouettes chevaux d’Amateurs, un peu comme le cheval de Zouzou (Alexandra, ndlr) Paillot (Tonio la Goutelle, ndlr). Finalement, il s’avère qu’ils sont difficiles. Ils ne se laissent pas trop dressés et il y a une limite à ne pas dépasser avec eux. C’est le cas avec Ghana. Sinon, grosso modo, il sort de la carrière. Mais Nicolas est tellement léger qu’il ne peut pas lutter avec lui.”
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Hatlantika et Gigi, une récompense d’éleveur
Si Ghana du Gast est né chez Roland Ricard et a été acquis pour une somme déjà importante quelques années plus tard, Hatlantika, sacrée chez les femelles de cinq ans, a, elle, fait toutes ses classes au cœur des prairies de Bruno Rocuet. Même s’il a du mal à se définir comme un éleveur, le Breton a complété sa collection, entamée l’an dernier grâce à French Lover (Best Of Iscla x Artos). “Je disais aux copains que j’étais content, que je n’avais rien gagné depuis la veille ! Je commence à retrouver mon rythme de croisière”, a plaisanté l’intéressé après son deuxième titre en tant que naisseur. “Hatlantika est docile, à l’inverse de Ghana. Je n’ai pas vraiment d’histoire avec elle, contrairement à French Lover. C’est d’ailleurs pour cela que j’avais revendu sa mère. Toutes mes juments ont une histoire, que nous continuons d’écrire. J’ai vendu la moitié d’Hatlantika à Mario Zindel, qui est déjà co-propriétaire de Djibouti de Kerizac. Nous allons continuer l’aventure. Elle va rentrer à la maison et profiter des herbages pour se reposer jusqu’à l’année prochaine. Elle a beaucoup donné cette semaine et prend énormément sur elle pour contenir ses émotions.”
Acquise à deux ans, Velvet du Lyvet, la mère d’Hatlantika montre de belles promesses à l’élevage, grâce à Hatlantika, donc, mais aussi Ginola (Tangelo vd Zuuthoeve), finaliste à six ans l’an dernier puis exporté aux Pays-Bas, et Ip Hop, propre frère d’Hatlantika, racheté par Margaux Rocuet et Virginie Gérard puis cédé à l’Américaine Brianne Goutal. Chez son nouveau propriétaire, la Selle Français continue de produire un poulain par an. Bruno Rocuet l’a assuré, il ne manquera pas d’aller jeter un œil à la descendance de celle qu’il a vendue sur Facebook !
Parmi la petite quinzaine de chevaux au départ des championnats de France, Nicolas Layec avait également les rênes d’Hamstragram (Untouchable 27 x Artos), sœur utérine du champion de France des six ans l’an passé et vingt-deuxième après n’avoir touché aucune barre de la semaine. “C’est une fille d’Artolita (son ancienne complice, performante jusqu’à 1,45m, ndlr). Comme elle n’était pas bien grande, je lui ai fait porter un embryon à trois ans. Là, elle fait la finale des cinq ans. Elle est fantastique”, confie l’éleveur. S’ajoute à cette collection de montures homemade la formidable Gigi (Aktion Pur x Flipper d’Elle), troisième de sa classe d’âge et qui ne peut renier sa mère, La Luna du Thot, dont elle a hérité la technique de saut. “Je suis complètement fan de Gigi, nous l’adorons tous. C’est une jument de barbie, elle est géniale. Elle a fait quatre points, mais elle est fantastique. Tous ceux qui ont connu sa mère reconnaissent son coup de saut, son planer sans fin, avec les pattes en avant, accompagné d’une grande légèreté. C’est un vrai clone de La Luna, qui a désormais vingt-trois ans. J’ai essayé l’ICSI pour la première fois avec elle. J’ai plusieurs poulains en route, avec Chacco Blue et Aganix du Seigneur. Elle est ma meilleure poulinière. C’est une chance de l’avoir et d’avoir conservé mes juments. Elles me le rendent bien”, apprécie Bruno Rocuet.
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Du côté des autres protégés de l’écurie, citons Hollywood du Park (Diamant de Semilly x Kannan), né chez Corrine Accary, et auteur d’une démonstration à chacun de ses parcours, Fée de Caryan (Vigo d’Arsouilles x Lamm de Fétan), perturbée par ses récents transferts d’embryons mais tout aussi qualiteuse que ses voisins de box, Hatomik Divy (Fakir de Kreisker x Chin Chin), Elite et quatrième des cinq ans, Hip Hop des Lys (Big Star, ex What a Quick Star R x Alligator Fontaine), classée Très Bon avec un parcours à une faute en finale des cinq ans, Hermès du Plessis (Best Of Iscla x Iris de Celland), lui aussi Très Bon, ou encore Génial de Brion (Vagabond de la Pomme x Grain de Voltaire), Très Bon et vainqueur de l’épreuve Hunter des six ans. Bref, une fois de plus, un sacré bilan pour l’écurie Rocuet en terres bellifontaines !
La suite du programme pour les jeunes ? “La fin de l’année va être cool pour les jeunes. Ils vont partir au pré et je vais m’occuper de Margaux (Rocuet, la fille de Bruno, ndlr). Si on ne coupe pas, on devient complètement fou. Nous avons soixante-cinq chevaux à l’entraînement, avec sept ou huit cavaliers. Il faut savoir faire une pause. Je suis content : les boxes vont être vides, les chevaux vont manger de l’herbe et nous allons nous concentrer sur les plus vieux. Contrairement aux systèmes étrangers, où les chevaux restent en activité et sautent encore l’hiver, je leur donne quatre mois complets de break”, répond le patron.
Best Of Iscla confirme
Très attaché aux origines avec lesquelles il a déjà connu du succès, Bruno Rocuet mise beaucoup sur Best Of Iscla, qui confirme d’année en année. “Je fais parfois des fixettes. Cette semaine, j’ai acheté un mâle par Ogrion des Champs. Les descendants de Laudanum m’ont tellement donné, comme ceux de Leprince de Thurin, Double Espoir, etc. Je reste fidèle à ces origines. Là, j’ai quatre Ogrion. Mes cavaliers me disent ‘ça va, les Ogrion, on en a assez’ (rires). Un peu par hasard, j’ai de bons produits d’Ogrion. Mais ma plus grande satisfaction est de voir les produits de mes juments”, souligne le Breton. “Best Of produit plus lourd qu’il ne l’est. Il ressemble davantage à Le Tôt de Semilly qu’à Diamant, son père. Déjà, il est alezan avec quatre chaussettes. Mais jusque dans ses crins et son front, il me rappelle davantage Le Tôt. En tant que père, Best Of a déjà remporté un titre des six ans, maintenant chez les cinq ans, j’aimerais que cela continue. De toute façon, compte tenu de sa génétique hors pair (l’étalon est issu de la souche du Château, d’où Itôt du Château, son oncle, ndlr), il ne peut pas mal produire. Je souhaite qu’il fasse un bond en avant, mais Margaux et lui ne s’entendent pas trop. Je cherche donc une solution. J’aimerais bien terminer l’histoire que nous avons débutée avec lui.” Sur trente-cinq produits enregistrés au SIRE au 9 septembre 2022, il faut dire que la réussite de grand alezan foncé est remarquable ! Sur la douzaine de produits qu’il a engendrés lors de ses trois premières années de monte, deux ont été sacrés champions de France, un a été crédité de la mention Très Bon, un a été exporté, et deux autres se sont qualifiés pour Fontainebleau, en 2021.
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Une Grande Semaine sans Margaux
Tant ses performances ont été de haute volée, Nicolas Layec a presque occulté l’absence de Margaux Rocuet, habituée des podiums lors de la Grande Semaine. Pourtant, la jeune femme manquait bel et bien à l’appel. “Normalement, Margaux nous aide pour Fontainebleau. Cette année, nous avons opté pour une stratégie différente”, révèle Bruno Rocuet. “Je me suis dit que certains des meilleurs Français ne sont jamais venus disputer une finale des cinq, six ou sept ans. Alors, j’ai dit à Margaux de se concentrer sur ses chevaux d’âge. Elle a de super montures. Nicolas a donc fait beaucoup de parcours, mais Margaux ne peut pas se permettre de laisser ses chevaux pendant six jours aux écuries. Tout le monde me demande où elle est : elle revient de quinze jours à Valence et enchaine avec trois semaines à Grimaud. Quand elle montait Trafalgar Kervec, Vahiné de Biéville ou Victoria Barcelona, les enjeux n’étaient pas les mêmes. En revanche, avec Djibouti de Kerizac, Dubaï du Cèdre, Lady Lulu et les autres, elle doit s’investir. Elle a une carte à jouer avec eux. Pour soulager un peu Nicolas, j’ai confié un cinq ans à Corentin, mon ancien cavalier. Tous les pilotes passés par chez moi s’entendent très bien et forment un peu une équipe. À Auvers, à la remise des prix, ils se suivaient tous : Thomas, Régis, Valentin, Nicolas. C’est vraiment sympa. Former des gars comme eux est super cool.”
Difficile pour Bruno Rocuet de se souvenir du nombre de cavaliers et chevaux qu’il a conduit vers un titre à Fontainebleau. En même temps, son succès en terres bellifontaines ne date pas d’hier. “Parfois, on me pose cette question. En arrivant cette année, j’ai été assez troublé. Je suivais le camion sur l’autoroute et je me suis demandé combien de cracks s'étaient entassés dedans au fil des générations ? Ce camion est aussi vieux que moi. Ça a commencé avec Galet d’Auzay (ISO 186, Leprince de Thurin x Double Espoir, grand performer sous la selle de Michel Robert), puis Nénuphar’Jac (ISO 172, Cumano x Pidayack)… Il y a un nombre de chevaux devenus champions qui ont voyagé dans ce camion, qui est toujours là ! Je ne peux pas les compter”, retrace l’homme de cheval. “Mon premier cavalier jeunes chevaux devait être Arnaud Bourdois. Il avait remporté la finale des quatre ans avec Gala Pierreville (ISO 146, Papillon Rouge x In Chala A). J’avais aussi monté Ryon d’Anzex (ISO 165, AA, Massondo x Dandy du Verger), même s’il n’était jamais monté sur la première marche du podium. Mon premier championnat était avec un fils de Leprince de Thurin, Bonheur des Saules, il y a un moment ! Cette année-là, Neco (Nelson Pessoa, ndlr) avait monté Baloubet du Rouet. L’année d’avant, il était sous la selle d’un autre cavalier du haras du Pin, et il avait une foulée au lieu de deux dans le double sur le Terrain d’honneur.”
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Bon pied bon œil, Bruno Rocuet continue de monter à cheval. Mais pas à la Grande Semaine. “Je ne suis pas tout seul derrière ces succès. Je suis beaucoup à pied. J’ai même l’impression de ne rien faire”, sourit le Breton. “L’année où j’ai été meilleur cavalier à Fontainebleau, j’avais monté vingt-quatre chevaux. À l’époque, nous avions encore des quatre ans, ce qui n’est plus le cas maintenant. L’année prochaine, je touche du bois, mais j’aimerais amener un frère de Djibouti qui est étalon.” Alors, qui de Janeiro de Kerizac ou de ses collègues raportera le prochain titre des écuries Rocuet ? Réponse dans moins d’un an !
Crédit photo : © Mélina Massias. Photo à la Une : Le sourire de Nicolas Layec pour son premier titre de champion de France sous les couleurs de Bruno Rocuet.