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“Un jour de congé idéal est d’être aux écuries avec les chevaux”, Seamus Hughes Kennedy (1/2)

Seamus
jeudi 18 janvier 2024 Giulia Reozagli

Pour le cavalier irlandais Seamus Hughes Kennedy, âgé de seulement vingt et un an, l’année 2023 fut bien celle de la consécration. L’ascension fulgurante du jeune “Seamie”, dont le palmarès ne cesse de s’étoffer, aura, entre autres, été marquée au fer blanc de son doublé en or aux championnats d’Europe Jeunes de Gorla Minore et d’une victoire dans le Grand Prix U25 de Genève. Pourtant baigné dans la culture équestre depuis l’enfance, ce n’est qu’à onze ans que le cavalier du Trèfle décide de chausser sérieusement les bottes. Une destinée amorcée grâce à sa rencontre avec Cuffesgrange Cavalidam, et, comme tout est histoire de famille chez les Hughes Kennedy, consolidée par son sacre sous la selle de Cuffesgrange Cavadora. Si son sérieux, son travail acharné et son génie en font une étoile montante du saut d’obstacles, l’éphèbe n’oublie pas de mettre ces mêmes qualités au service de l’élevage familial de Kilkenny, chapoté par le flair imparable de sa mère Clare. Retour sur une saison rythmée par les victoires.

Comment vous portez-vous en cette nouvelle année ?

Je vais bien et tout va pour le mieux ! Même s’il fait très froid en ce moment, ici, en Irlande (rires).

Seamus Hughes Kennedy à Genève. © Sportfot

Vous êtes établi à Kilkenny, sur l’île d'Émeraude. Pouvez-vous présenter votre système, au sein duquel votre famille semble tenir une place particulièrement importante ?

Kilkenny bénéficie d’une excellente situation en Irlande avec beaucoup de terrains alentours. Nous avons la chance de disposer de nombreuses pâtures proches de chez nous. En plus, Kilkenny n’est qu’à 1h30 de Dublin, ce qui est une bonne chose car l’Irlande propose un très bon circuit national pour les jeunes chevaux, avec de nombreuses compétitions. Tout est organisé pour garder les cavaliers sur le territoire national grâce à de bonnes dotations. Les épreuves réservées aux jeunes chevaux sont d’excellents tremplins pour le haut niveau et constituent, pour nos chevaux, d’excellentes préparations avant d’aller se mesurer à leurs voisins européens sur des pistes internationales. Une fois nos chevaux plus aguerris, il faut aller en Europe, où il y a plus de compétitions internationales : c’est là-bas que tout se passe. Dans notre système, nous avons beaucoup de jeunes chevaux et chaque année un peu plus, avec une moyenne de huit à dix poulinages par an. Nous avons une dizaine de jeunes chevaux que nous entrainons quotidiennement, afin de les faire évoluer au niveau national, puis, s’ils sont prometteurs, jusqu’à l’international. C’est un système familial dirigé par ma mère (Clare Hughes, sœur de Marion Hughes cavalière ayant disputé les Jeux olympiques d’Athènes en 2004 avec l’équipe irlandaise et à la tête de l’écurie et de l’élevage HHS, que représente notamment Michael Pender, ndlr), ma sœur, mes cousins Hughes et moi. C’est un bonheur que nous soyons tous si proches, tant géographiquement que personnellement. Au-delà des liens du sang, nous avons la chance de pouvoir compter sur toute une équipe qui œuvre chaque jour à ce que tout soit en ordre. Nous avons également la chance de pouvoir compter sur l’œil avisé de ma mère pour repérer les bons chevaux.

Accompagné de ESI Rocky, Seamus a remporté deux médailles d'or aux Européens Jeunes de Gorla Minore cet été. © Sportfot



 “Je m’intéresse de près à la question de l’élevage”

Au commencement de votre carrière, se trouvait un poney que vous étiez destiné à retrouver et qui vous a mené jusqu’aux championnats d’Europe de Kaspovar en 2017 :  Cuffesgrange Cavalidam. Pouvez-vous revenir cette belle histoire ?

En 2014, nous avons acheté Cuffesgrange Cavalidam (ISH, Luidam x Cavalier Royal) à l’un de nos voisins (Eamonn Sheehan, ndlr). Ils avaient essayé de la vendre par deux fois déjà à Goresbridge (spécialiste des ventes aux enchères de chevaux de sport irlandais, ndlr) sans jamais trouver acquéreur. Nous avons finalement décidé d’acheter cette poulinière alors âgée de neuf ans et de lui laisser sa chance. Avec l’aide de notre entourage à l’instar de Marion, Gerard O’Neill et d’autres, la jument a pu devenir le premier poney à remporter l’or aux championnats du monde (le couple étant le tout premier vainqueur de la finale du FEI World Pony Jumping Trophy lors de l’étape de la Coupe du Monde Longines de Malines fin 2017, ndlr). Ses très bons résultats nous ont permis de la vendre à l’élevage de Coolmore (dirigée par les grands-parents de Max Wachman, John et Sue Magnier, ndlr), afin qu’elle évolue sous la selle de Max Wachman. Cavalidam est vraiment très douée, avec des qualités indéniables et c’est grâce à elle que j’ai pu prendre la route du haut niveau. Après l’avoir vendue, nous sommes retournés voir notre voisin pour lui demander s’il avait d’autres produits de Cavalidam. C’est ainsi que nous avons acheté Cuffesgrange Cavadora (ISH, Z Wellie 72 x Luidam), devenue depuis la première jument de sport irlandaise à remporter les championnats du monde des sept ans à Lanaken. Pour la petite histoire nous avons découvert que Cavalidam avait été élevée par mon défunt grand-père (Seamus Hughes Kennedy, le père de Clare Hughes, ndlr)

Pour Seamus, tout a véritablement commencé avec Cuffesgrange Cavalidam, qui n'est autre que la mère de l'une de ses stars actuelles, Cuffesgrange Cavadora ! © Dirk Caremans / Hippo Foto

Votre mère, Claire Hughes, cavalière britannique, est une passionnée d’élevage et semble vous avoir transmis le virus. Comment tout cela est né et quel rôle tenez-vous dans cette activité ? Vous avez notamment disputé trois fois les championnats du monde jeunes chevaux. Quel intérêt portez-vous à l’élevage en général ?

Ma mère a toujours adoré acheter et vendre des chevaux, elle tient ça de mon grand-père, qui lui a tout appris. Quand il est décédé, elle n’a pas eu le cœur à continuer seule, alors elle est allée à l’université en conservant quelques chevaux en parallèle. L’élevage et le commerce de chevaux ont alors été mis de côté pendant une vingtaine d'années, avant que l’on s’y remette tous ensemble dans nos propres écuries. Je pense que l’on n’échappe pas à sa destinée. La preuve : pour moi, un jour de congé idéal est d’être aux écuries avec les chevaux ! (rires) De mon côté, je m’intéresse également de près à la question de l’élevage car j’apprécie voir les jeunes chevaux évoluer, surtout ceux que nous avons fait naître chez nous. C’est un jeu de patience où il faut tout mettre en place pour qu’ils s’épanouissent et se révèlent. Ce sont souvent des grands moments d’émotions car l’investissement est important.
Les championnats du monde des Jeunes chevaux de Lanaken ont toujours représenté quelque chose d’important en Irlande. Le système irlandais, via la ligue nationale des Jeunes chevaux, permet de se qualifier pour Lanaken et plus largement d’être sélectionné pour l’équipe d’Irlande si vous y faites de bons résultats. En plus de l’honneur de pouvoir y participer, c’est un véritable tremplin pour les couples qui y participent. J’ai eu la chance de pouvoir y courir plusieurs fois et je n’ai jamais boudé mon plaisir.

En 2019, alors âgé de dix-sept ans, Seamus a remporté la finale des Mondiaux des chevaux de sept ans, à Lanaken, avec Cavadora. © Sportfot



“L’élevage en Irlande semble s’être intensifié avec une offre importante et diversifiée”

Dans votre piquet vous avez plusieurs chevaux irlandais nés chez les Brennan (MHS) et à l’élevage Ennisnag (ESI). L’importance de l’élevage en Irlande représente-t-il un intérêt pour trouver et acheter de nouveaux chevaux. Comment cela fonctionne ?

Depuis quelques années, l’élevage en Irlande semble s’être intensifié avec une offre importante et diversifiée. De nombreux chevaux irlandais se retrouvent au sommet des classements. Il est plaisant de voir qu’une petite nation puisse avoir un tel impact, et pas seulement côté cavaliers mais aussi côté chevaux ! Cette année, tous les poulains que nous avons produits sont restés à la maison pour avoir une plus grande lisibilité sur leur évolution. La proximité joue un rôle clé, d’ailleurs l’éleveur de ESI Rocky n’est autre que mon oncle Andrew Hughes, dont l’élevage Ennisnag Stud est proche de chez nous. Il est très important d’avoir un ancrage local et la région de Kilkenny s’y prête bien. Élever, faire progresser et gagner avec des chevaux qui sont issus de notre élevage est le meilleur sentiment qui soit. C’est très gratifiant.

ESI Rocky, né l'oncle de Seamus, est l'un de ses chevaux de tête. © Sportfot

En parlant de vos chevaux, pouvez-vous nous présenter votre piquet ?

À ce jour, Cuffesgrange Cavadora et ESI Rocky (ISH, Stakkato Gold x Londonderry) sont mes deux chevaux de tête et nous fondons de grand espoir en eux. ESI Rocky, neuf ans tout juste, est le cheval avec lequel j’ai remporté l’or en individuel et par équipes aux championnats d’Europe Jeunes de Gorla Minore en juillet dernier. Dans mon piquet je peux également compter sur Castlefield Hera (ISH, Plot Blue x Puissance) que j’espère faire évoluer. Il y a aussi plusieurs chevaux prometteurs de huit ans, dont Curra Ferro (ISH, S Creevagh Ferro Ex Siebe x Mount Diamond Flag).

Le jeune Irlandais fonde de bons espoirs en Curra Ferro, qui vient de prendre huit ans. © Sportfot

La seconde partie de cette interview est disponible ici.

Photo à la Une : Seamus Hughes Kennedy. © Dirk Caremans / Hippo Foto