Un double sans-faute et une qualification olympique : l’incroyable week-end d’Alexandre Le Gac à Barcelone
Au Real Polo Club de Barcelone, l’escouade belge menée par Peter Weinberg a achevé sa semaine en apothéose, en décrochant la finale du circuit des Coupes des nations Longines, pour la troisième fois de son histoire, et en assurant son ticket pour les prochains Jeux olympiques de Paris. Parmi les cinq couples utilisés par le chef d’équipe, deux ont réalisé un double zéro lors des deux journées de compétition : Jérôme Guéry et Quel Homme de Hus, médaillé d’argent aux Mondiaux de Herning cet été, et Koen Vereecke, associé à son génie Kasanova de la Pomme. Derrière ce duo, auteur d’une saison absolument remarquable, Alexandre Le Gac veille au grain. Arrivé il y a une année aux côtés du sympathique cavalier, le groom a vécu une année incroyable et jalonnée de nombreux sans-faute. Plongée au cœur de cette échéance espagnole au travers des yeux du jeune Français.
Alexandre Le Gac ne pouvait sans doute pas rêver mieux pour son week-end en terres espagnoles. Il y a quinze jours, le jeune groom accompagnait son cavalier, Koen Vereecke, ainsi que son génial Kasanova de la Pomme, à la finale du circuit des Coupes des nations Longines. Au cœur de Real Polo Club de Barcelone, qui accueillait, en 1992, les Jeux olympiques d’été, la Belgique a triomphé et décroché son ticket pour Paris 2024. Grand artisan de la victoire des Diables Rouge, le trio s’est montré plus que solide, signant un nouveau double zéro, le troisième de la saison en CSIO 5* ! “Nous avons vécu, ainsi que toute l’équipe belge et les nombreuses personnes qui nous entourent au quotidien, un top week-end. Kasanova a vraiment fait une excellente saison. Il nous a prouvé sa fiabilité toute l’année, dans plusieurs Grands Prix 5*, mais surtout dans les Coupes des nations. Il en a disputé quatre. La première était en deuxième division, où il fait un point de temps puis sans-faute. Ensuite, nous sommes allés à Saint Gall. Il signe un parcours parfait puis commet une faute bête en entrée de double. C’est la seule barre qu’il a touchée dans ces épreuves collectives. À Hickstead et Falsterbo, il était double sans-faute à chaque fois, et il a répété cela à Barcelone. On sait qu’il est régulier et qu’il répond toujours présent”, savoure Alexandre.
Arrivé aux côtés de Koen Vereecke il y a un an, le soigneur, passionné et dévoué, à participer au retour sur le devant de la scène du Belge, qui a retrouvé avec brio sa grande équipe nationale. Auparavant, et après avoir validé son baccalauréat et un BTS dans le commerce, Alexandre a fait ses gammes du côté de l’Angleterre, dans le Sud de la France, auprès d’un jeune cavalier, et en Belgique. “Jusqu’à présent, j’avais fait quelques événements de niveau 2 et 3*. C’est Koen qui m’a vraiment permis d’atteindre les CSI 5* et les Coupes des nations”, ajoute-t-il. “J’ai toujours travaillé pour des cavaliers qui avaient de bons résultats. Les chevaux et l’amour du cheval me motive, mais j’aime aller en concours pour faire de belles performances. Je trouve cela important de se lever le matin en se disant qu’on peut potentiellement obtenir de bons résultats dans les épreuves que l’on va courir. Je trouve ça particulièrement plaisant de travailler pour des cavaliers qui ont envie d’aller vite et qui sont rapides. C’est le cas de Koen, qui l’a toujours été.”
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Entraide et esprit d’équipe de bout en bout
Barcelone marquait la fin des échéances majeures de la saison extérieure. Depuis le Plat Pays, le jeune groom a dû traverser la France et parcourir plus de mille cinq cents kilomètres en camion. Pour l’occasion, Alexandre partageait son camion avec Coline Troussier, bonne fée des complices d’Olivier Philippaerts. Une initiative aussi bénéfique pour la planète - les deux cavaliers emmenaient en tout trois chevaux - que pour les deux soigneurs, qui ont pu se répartir le temps de route. “Kasanova est basé aux écuries de Muze, à Saint Nicolas, en Belgique. Je suis parti de là-bas vers midi, puis j’ai rejoint les écuries Philippaerts, d’où nous sommes partis, Coline et moi, vers 14 heures. Nous avons fait étape à Chazey-sur-Ain pour la nuit, puis nous sommes repartis le lendemain matin, vers 3 heures. Nous avons chacun roulé à peu près la moitié de la route et sommes arrivés les premiers à Barcelone. Puisque nous étions deux conducteurs, le trajet a été plutôt gérable. Nous étions fatigués, mais ça allait. Nous sommes tous plus ou moins habitués à parcourir de longues distances, même si, dans mon cas, cela ne fait qu’un an que j’ai le permis poids lourd. Beaucoup ne voient que les strass et les paillettes, mais il y a beaucoup à faire en parallèle dans ce métier. La route fait partie des tâches obscures. En cours de route, nous nous sommes arrêtés pour donner à boire aux chevaux, qui avaient un filet à foin. Je donne aussi des mashs avant et après le transport, afin de les réhydrater”, détaille Alexandre. “En arrivant en concours, avant même d’installer les chevaux, nous prenons leur température, ce qui est obligatoire. Ensuite, nous préparons les boxes. Je mets beaucoup de copeaux afin d’éviter tout risque de blessure. Nous ne négligeons pas les autres, mais Kasanova est vraiment notre cheval de tête, celui sur lequel nous comptons. Ensuite, nous avons essayé d’aider et d’avancer nos collègues, notamment en préparant leurs boxes. Cela leur donne un peu de confort lors de leur arrivée. Dans ces cas-là, l’esprit d’équipe compte et nous nous entraidons tous.”
Cet état d’esprit et cette cohésion a régné jusqu’au terme de la compétition à Barcelone. Dimanche, après le sacre des Belges, les grooms des quatre cavaliers appelés à cheval à la remise des prix, Brianna Lobreau, Sanne Melsen, Sylvain Benoît et Alexandre, ont bénéficié de l’aide de Coline, dont le cavalier était réserviste pour cette seconde manche. D’un couple à l’autre, la jeune femme aidait tantôt à mettre en place les couvertures, à accrocher un drapeau belge sur le poitrail des montures ou à fixer un flot. “C’était une vraie belle Coupe des nations à vivre. Nous avions une très bonne ambiance dans le clan belge. Le premier jour, Greg (Grégory Wathelet, ndlr) ne sautait pas. Son groom, Sylvain, était là pour nous aider et Greg était aussi présent. Dimanche, c’est Olivier qui occupait le rôle de cinquième. Coline est venue prêter main forte, tandis qu’Olivier était auprès de ses coéquipiers. C’est aussi le rôle du réserviste : être là pour aider les autres et enlever un peu de pression. L’ambiance était vraiment au rendez-vous et finir sur une victoire est encore plus chouette ! Tout était là pour réussir et nous y sommes parvenus. C’est vraiment bien pour la Belgique”, confirme le groom de Koen Vereecke, qui reconnaît également avoir senti la pression qui régnait autour de la qualification olympique mise en jeu. “Entre nous, nous nous faisions des blagues pour détendre l’atmosphère et décompresser. Mais forcément, nous savions qu’il y avait un peu plus d’enjeu. Je ne veux pas mettre la pression à mon cavalier ; il en a déjà assez lui-même. Je reste dans ma routine avec mon cheval. Nous passions en un, donc tout était encore rattrapable après notre passage. Nous n’avions pas la même pression que Jérôme (Guéry, ndlr), qui devait absolument être sans-faute pour éviter un barrage face à la France et surtout la Suisse, contre qui nous jouions notre ticket pour Paris. Notre priorité était que Kasanova saute bien et montre la voie aux autres.”
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Kasanova affirme son statut de crack
Événement toujours singulier, la finale du circuit des Coupes des nations permet aux cavaliers d'amener à leur côté deux chevaux. Pour cette édition 2022, Koen Vereecke n’était accompagné que par son étalon, fils de Bamako de Muze. L’occasion pour Alexandre de se concentrer à 100 % sur sa star. “Kasanova est un cheval très, très respectueux. Il ne veut vraiment pas toucher les barres. Lorsque cela arrive, ce qui est très rare, il se crispe tant il n’aime pas ça. Il est presque trop respectueux. Il a également énormément de sang, beaucoup de force et est très sensible. De temps en temps, je l’appelle mon ‘drama king’. Il n’aime pas que je le touche à certains endroits, n’apprécie pas la douche, où il bouge dans tous les sens. En dehors de cela, c’est un vrai gentil. Ce week-end, il a été très affectueux et venait chercher les câlins. Habituellement, il est un peu plus solitaire et fait sa vie dans son coin”, décrit le groom. “Kasanova est un vrai bon cheval, un crack en somme. Il veut toujours être sans-faute. Il fait partie des chevaux qui marquent une vie et est l’un des meilleurs que j’ai connu jusqu’à présent. C’est un plaisir de travailler avec lui, si tant est qu’on puisse parler de travail lorsqu’on fait de sa passion son métier.”
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Et de reprendre : “À Barcelone, j’ai profité des soirées, mais pas de la ville (rires). Il y avait un chouette village exposant, où nous nous sommes rendus avec plusieurs membres de l’équipe, dont notre vétérinaire et notre chef d’équipe (Peter Weinberg, ndlr). Nous avons un super entourage et nous entendons bien avec le clan brésilien également. Nous mangeons souvent ensemble. Nous avons passé de bons moments. Malgré tout, je suis resté vraiment concentré sur mon cheval. Il y avait de l’enjeu, donc nous devions rester attentifs. Le reste du temps, j’ai essayé de me reposer un peu. Avant Barcelone, j’étais à Lanaken, puis après, j’allais à Bonheiden avec sept chevaux. Cela fait partie du métier et ces prochains jours seront un peu plus fatigants, mais c’est comme ça !”
Comme beaucoup de groom, Alexandre mise sur ses routines habituelles. Pas question, donc, de changer ses habitudes à Barcelone. “Après la première manche de la Coupe des nations, qui avait lieu jeudi, nous avons eu deux jours de repos. Le programme était léger pour Kasanova. Il a beaucoup marché le matin, entre trente-cinq et quarante minutes. Je l’ai emmené brouter de l’herbe. Il est habitué à aller beaucoup dehors à la maison. Ce n’est pas parce qu’il est étalon qu’il ne va pas en prairie ; au contraire. Je trouve ça bien pour son mental. C’est très important. J’essaye donc de reproduire au maximum ses habitudes en concours pour son bien-être”, explique l’intéressé. “Après ses sorties matinales, Koen venait le monter pour faire des petits stretchings. Kasanova a mangé un peu plus de deux heures avant ses épreuves, afin qu’il ait digéré avant d’aller en piste. Il a toujours du foin à volonté dans son box, mais une fois qu’il a mangé son repas, il se met dans un coin et se repose. J’imagine qu’il sent la pression ! Je le tresse toujours longtemps à l’avance. Je pense que ça l’aide à se préparer mentalement. Ensuite, je l’étire et lui masse le dos. C’est quelque chose qu’il aime bien, il se décontracte et semble apprécier. Il a un bon dos, mais il reste un athlète ; l’échauffement est primordial.”
Après la réussite de jeudi, l’ange gardien de l’étalon bai a également reproduit chacun de ses gestes dimanche, dans l’espoir de répéter la même performance. “Nous avons tous un peu nos tocs. Dans mon cas, j’ai refait le même nombre de pions les deux jours : dix-neuf. Jeudi, en sortie de piste, comme Kasanova avait bien sauté, je les ai comptés. Je ne sais pas si c’est un coup de chance, mais cela nous a souri, puisqu’il a encore mieux sauté dimanche. Avant de sortir des écuries et d’aller en piste, je mets de l’huile sur ses sabots. Mais je voulais que ce soit la même personne qui tienne mon cheval les deux jours. Cela peut paraître futile, mais c’est mon rituel avec Kasanova. Le vétérinaire de l’équipe m’a suivi le premier jour, et il l’a également fait le deuxième. Je me dis que si tout s’est bien passé le premier jour avec le même fonctionnement, il doit en être de même le deuxième. La preuve en est : nous avons fait double sans-faute”, détaille-t-il.
L’importance d’une bonne équipe
Sans aucun doute, Alexandre a joué un rôle primordial dans la fantastique saison de son binôme cheval-cavalier. Pour autant, le Français reconnaît volontiers l’importance capitale de toutes les personnes qui œuvrent autour de ses complices à quatre jambes. “Jusqu’à présent, je n’avais pas réussi à faire du haut niveau. Koen, ses chevaux et Stal de Muze m’ont permis de le faire. Nos deux très bons chevaux de tête, Kasanova de la Pomme et Lector vd Bisschop, deux fils de Bamako de Muze, viennent de chez eux. Tous deux font la monte en parallèle de leur carrière, mais sont exemplaires dans le comportement. Sans l’équipe présente chez de Muze, Kasanova ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Karline (de Brabander, ndlr), la femme de Koen, le monte à la maison, tout comme Koen. Je ne connais pas toutes les personnes qui entourent le cheval quotidiennement, puisque mes écuries ne sont pas au même endroit, mais ils sont vraiment autour de lui. C’est grâce à celui qu’il est aussi bon. Il ne faut vraiment pas les oublier. On me voit parce que je suis au concours, mais il y a tout un groupe qui travaille dans l’ombre pour le bien-être de nos chevaux”, souligne le groom. “Nous n’avons juste pas de maréchal, puisque tous nos chevaux sont déferrés. Koen a ses chevaux pieds nus depuis une vingtaine d’années, bien avant que cela ne devienne à la mode. Son père déferrait déjà les chevaux. Kasanova a juste eu des fers pour les CSIO sur herbe que nous avons disputés cette année, à savoir Saint Gall, Aix-la-Chapelle, Hickstead et Falsterbo. À Barcelone, il était de nouveau pieds nus.”
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Formant un duo solide, Koen Vereecke et son groom vont désormais pouvoir se concentrer sur la suite des événements. Leurs performances leur vaudront-elles une place au sein du quintette belge qui se rendra à Milan l’été prochain, ou parmi les quatre heureux élus qui seront convoqués à Paris, en 2024 ? Seul le temps le dira. En attendant, pas question de négliger la relève. D’ailleurs, de prometteuses montures poursuivent leur formation. “Ce n’est pas facile tous les jours, il y a des hauts et des bas, mais je trouve que Koen et moi formons une vraie bonne équipe”, savoure Alexandre Le Gac, qui a vécu une expérience de rêve pour ces premiers mois à très haut niveau. Et l’aventure ne fait que commencer.
Crédit photos : © Mélina Massias. Photo à la Une : Alexandre Le Gac et Kasanova de la Pomme lors de la remise des prix.