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« Trouver de la motivation n’est plus facile » Emilio Bicocchi

Emilio Bicocchi
Interviews dimanche 22 mars 2020 Theo Caviezel

Auteur de sa meilleure saison hivernale, et l’une des meilleures du circuit, Emilio Bicocchi doit se résigner à participer à sa première finale Coupe du monde. Particulièrement impacté par cette crise sanitaire, car vivant en Italie, l’ancien cavalier de Kapitol d’Argonne revient pour nous sur les émotions qu’il a vécues ces dernières semaines. Rencontre ! 

QUALIFIÉ POUR VOTRE PREMIÈRE FINALE COUPE DU MONDE, VOUS VENEZ D’APPRENDRE SON ANNULATION. COMMENT AVEZ-VOUS VÉCU CETTE ANNONCE ?

« Ça ne fait pas plaisir, c’est évident, mais dans l’absolu il y a certaines priorités. On parle de la santé au niveau mondial. C’est le bon choix, il n’y a pas de secret. Évidemment, pour moi, ce n’est pas arrivé au meilleur des moments même s’il n’y a jamais de bon moment pour des crises de ce niveau. Normalement la finale de Las Vegas est totalement annulée, ce serait tout de même bien s’ils pouvaient la reporter une fois la crise terminée. Il faut attendre que la situation se débloque, voir à quel moment de l’année cela nous emmène. Pour le moment, personne ne peut le savoir. En fonction de cela, également, nous nous refixerons de nouveaux objectifs car en ce moment c’est difficile de le faire. J’espère que d’ici la prochaine finale, en 2021, il va y avoir beaucoup de concours sur le chemin et nous verrons à ce moment si je retente ma chance. »

VOUS DEVEZ TOUT DE MÊME ÊTRE PLUS QUE SATISFAIT DU COMPORTEMENT D’ÉVITA CET HIVER !

« Ça me faisait vraiment plaisir d’être qualifié pour Las Vegas, c’était un objectif depuis le début de la saison indoor. J’ai fait un programme afin d’y arriver et je suis tout de même très heureux de l’avoir atteint. J’ai vraiment fait un excellent hiver au niveau sportif. À chacune de ses sorties, Évita était classée. Elle est passée seulement à côté de Londres, sinon elle est quatrième à Madrid et Leipzig, sixième à Lyon et enfin septième à Bordeaux pour son dernier concours. Cette régularité m’a permis de voir la fin du circuit plus sereinement car je n’ai pas eu le besoin d’aller jusqu’à Göteborg. C’est un long voyage qui demande de l’énergie, il est toujours préférable d’éviter ce dernier déplacement si cela est possible.

J’ai essayé de gérer la jument au mieux. La finale était un objectif mais je ne voulais pas obtenir ma place en l’épuisant auparavant. J’ai participé aux étapes uniquement quand je sentais qu’elle était prête et capable de faire une performance. C’est notamment pour cela que je ne suis pas allé à Malines et Bâle, malgré une sélection de la part de ma fédération. J’ai essayé de viser les étapes au plus juste, je voulais arriver à cette finale en forme. »

L’ITALIE EST PARTICULIÈREMENT TOUCHÉE PAR CETTE CRISE, COMMENT GÉREZ-VOUS LES CHEVAUX DANS CETTE SITUATION SI PARTICULIÈRE ?

« J’habite tout près de mes écuries, je suis en campagne, les écuries sont isolées donc j’arrive à aller travailler. Je ne fais que le trajet maison-écurie, sans aucun contact. D’ailleurs, je ne peux pas dire que ce que nous faisons avec les chevaux soit réellement du travail, c’est plus pour les faire bouger. Vu la situation compliquée dans les hôpitaux, ils demandent de ne pas faire grand-chose, de ne pas prendre de risque. Personne n’est là pour vérifier chez moi mais c’est du civisme. De toute façon, il n’y a pas de concours à préparer donc trouver de la motivation n’est plus facile. Nous faisons le minimum pour le bien des chevaux, pour être prêt à repartir une fois la situation rétablie. Évita a évidemment la priorité sur les autres. Nous ne faisons pas un travail de finition mais normalement à partir du moment où la situation sera débloquée en une semaine elle devrait être prête.

Mes employés sont quant à eux restés sur place. Cela permet de ne pas perturber les chevaux puisque l’organisation reste quasiment identique. Tout le monde se donne un coup de main, le matin quand j’arrive je leur ramène de la nourriture. C’est un moment qui nous oblige à nous adapter mais nous n’avons pas le choix. »

COMMENT AVEZ-VOUS CROISÉ LA ROUTE DE LA FORMIDABLE ÉVITA ?

« La jument m’a été confiée il y a à peine plus d’un an. Avant, elle faisait des concours à 1.40m, pas beaucoup plus. C’est un ami, Cristian Pitzianti, qui connaissait les propriétaires, qui a conseillé de me la confier pour essayer de lui faire passer un cap. Finalement, ça s’est très bien passé, de suite nous nous sommes entendus. Je me souviens très bien de l’essai ! Quand je l’ai montée je n’ai pas fait grand-chose. La jument n’était pas tout à fait au travail mais j’ai quand même eu un excellent feeling. Honnêtement, je n’aurais pas cru qu’elle allait pouvoir participer à de telles échéances aussi rapidement. Cependant, au fur et à mesure qu’on avançait dans les compétitions, plus son potentiel se révélait et je commençais à rêver grand pour elle. Tout semble si facile. »

VOS ÉCURIES SEMBLENT TOURNER AUTOUR D’ÉVITA EN CE MOMENT, PRÉPAREZ-VOUS SA RELÈVE ?

« J’ai Flinton, un étalon qui a commencé cet hiver à faire des belles épreuves. Il a fait le deuxième cheval derrière Évita lors des Coupes du monde. Il est notamment classé dans le top cinq à Lyon et Vérone sur 1.50m. Je vais essayer de le lancer cette année dans les Grands Prix. J’ai également des huit et neuf ans en qui je fonde beaucoup d’espoirs. Évita devrait donc avoir un peu de soutien cette année. »

L’ITALIE, NATION FORTE EN EUROPE, N’EST PAS PRÉSENTE EN ÉQUIPE AUX PROCHAINS JO QUAND D’AUTRES PAYS PLUS DISCRETS Y SERONT. TROUVEZ-VOUS LA SITUATION JUSTE ?

Du point de vue sportif, évidemment que ce n’est pas un système juste. Il y a des pays qui n’ont rien à faire là alors que d’autres pourraient jouer un rôle important. Il y a vraiment de belles équipes qui ne sont pas qualifiées. À Rio par exemple, l’Irlande n’était pas présente. C’est totalement dérisoire et ça arrive régulièrement que des nations de première ligne soient absentes alors que d’autres sont là pour faire de la figuration. »

FINALEMENT, C’EST EMANUELE GAUDIANO QUI A OFFERT UNE PLACE INDIVIDUELLE À L’ITALIE. COMMENT SERA CHOISI LE CAVALIER QUI REPRÉSENTERA LA SQUADRA AZZURA AU JAPON ?

« Il a fait une très bonne fin de saison, c’est lui qui a atteint l’objectif. Il faut avoir du fair-play, la décision revient à la fédération car la place n’est pas nominative mais sportivement s’il a les moyens d’y aller, que le cheval est en forme je trouve normal que ce soit lui qui y aille. Je ne sais pas ce que la fédération va décider mais c’est vraiment ce que je pense. Il n’y aurait aucune rancœur de ma part. Si la situation inverse se présentait, j’en suis sûr, Emanuele réagirait comme moi. Nous sommes des hommes de sport, des hommes de chevaux, nous connaissons les JO. De nombreuses variables sont en jeu et si un de nous ne se sent pas au moment d’y aller, nous le dirons. C’est lui qui a gagné la place donc ça reste normal que l’Italie soit représentée par lui.

Il n’y aura aucune tension entre nous comme il y a pu avoir en Irlande il y a quatre ans. S’ils ont connu des moments difficiles, c’est parce que celui qui a remporté le ticket n’est pas allé à Rio. Bertram Allen avait fait une incroyable saison, c’est lui qui aurait dû y aller. Finalement, Cian O’Connor, Denis Lynch ou encore Greg Patrick Broderick ont bataillé, ce qui a emmené des conflits et des malentendus. »

Propos recueillis par Alan CARARIC. Photo à la Une : © Sportfot.com