Les Jeux Olympiques sont terminés depuis une dizaine de jours et les athlètes, humains et équins, ont tous regagné leurs pénates. Que retenir de ces JO inédits par de nombreux aspects ?
Reportés d’un an, tenus sans public et sous des conditions sanitaires drastiques, les Jeux Olympiques de Toyko se sont déroulés dans des dispositions loin d’être celles habituelles. À ce titre, la détermination et la résilience dont ont fait preuve les acteurs des JO (organisation, athlètes, staffs…) est peut-être ce qui marquera le plus. Malgré des plans souvent contrariés, force est de constater que les émotions procurées par le spectacle unique des Jeux Olympiques en valaient la peine. « Pour la première fois depuis le début de la pandémie, le monde entier s'est rassemblé. Le sport est revenu sur le devant de la scène. Des milliards de personnes à travers le monde ont été unies par l'émotion, partageant des moments de joie et d'inspiration. Cela nous donne de l’espoir », déclarait Thomas Bach, président du Comité international olympique (CIO) lors de la cérémonie de clôture des jeux japonais, et il est vrai que les débats sportifs de ces JO n’ont pas manqué de nous faire vibrer. Comment ne pas trembler devant son écran lorsque la Néerlandaise Sifan Hassan, favorite du 1 500 mètres en athlétisme, chute à l'entame du dernier tour avant de remonter toutes ses concurrentes pour remporter sa série ? Comment ne pas être touché lorsque dans la finale du saut en hauteur, les deux derniers athlètes en lice décident de se passer du « saut de barrage » et de partager la médaille d’or ? Comment ne pas être saisi par l’harmonie qui se dégage de la reprise finale de Jessica von Bredow et Dalera BB, la confiance entre Ben Maher et Explosion W au barrage pour la médaille individuelle et l’envie inconditionnelle de bien faire d’Amande de B’neville pour sa cavalière Julia Krajewski sur l’ultime parcours de saut d’obstacles du concours complet ? Oui, comme toujours, les Jeux nous ont émus.
Mais pas toujours pour le meilleur. Les terribles images de la pentathlète allemande, en désespérance sur Saint Boy (le mal-nommé ?), le cheval rétif qu’elle avait tiré au sort pour l’épreuve d’équitation n’ont pas laissé indifférents… les connaisseurs et moins connaisseurs ! Les associations animalistes n’ont pas manqué de se saisir du sujet, sommant l’UIPM, Union internationale du pentathlon moderne, de revoir sa copie. Les cavaliers de sports équestres également. Les prises de position de cavaliers reconnus couplées aux protestations des associations animalistes n’ont d’ailleurs pas été sans effet : l’UIPM a annoncé avoir constitué dans l’urgence un groupe de travail suite à ces Jeux afin de prendre « une série de mesures visant à améliorer le bien-être des chevaux en pentathlon moderne et à créer une discipline d’équitation plus sûre pour tous les participants. » Indéniablement une bonne chose, mais cette refonte du pentathlon n’est-elle pas l’arbre qui cache la forêt ? Car soyons clairs : ce sont bien toutes les pratiques mettant en jeu un animal qui sont visées par des questions éthiques et morales. Le dernier communiqué de la PETA (People for the Ethical Treatment of Animals), association influente dans le monde entier, s’intitulait bien « De l’urgence de supprimer les épreuves équestres aux Jeux Olympiques » ! L’association y cite notamment l’euthanasie de Jet Set, cheval de complet suisse, à l’issue du cross ou encore y intègre les images ensanglantées de Kilkenny, le gris de Cian O’Connor, et somme le Comité Olympique international de supprimer dès maintenant le dressage, le concours complet et le saut d’obstacles.
Ce n’est donc maintenant plus le CIO qui scrute notre sport. Déjà sur la sellette des Jeux Olympiques depuis Londres en 2012, parce que trop coûteux, chronophage et pas assez rentable en terme de visibilité (d’où d’ailleurs, rappelons-le, le remaniement du format des sports équestres à Tokyo), le voilà sur le devant de la scène pour des raisons dont on se serait bien passées. Cette fois, c’est la société qui ne comprend pas nos pratiques. Et le débat sur les équipes à trois ou l’absence du drop-score ne l’intéresse guère. Ce ne sont pas des règlements fixés par des instances qui répondront à leurs attentes… ll est urgent que chaque acteur des sports équestres ouvre les yeux, qu’il prenne conscience de l’importance de montrer le meilleur de notre sport au grand public : la relation homme-cheval. Il appartient à chacun de mettre en avant que plus que la performance et la recherche de médaille, c’est bien le chemin parcouru avec l’animal qui importe. N’oublions pas que Tokyo a été l’occasion de voir l’arrivée de nouveaux sports olympiques, qui induit logiquement la suppression d’autres, plus anciens. A l’issue de Rio, le CIO, en demandant à la FEI de revoir le format des épreuves équestres, avait insidieusement posé la question « quel avenir pour les sports équestres aux JO ? ». Aujourd’hui, c’est la société toute entière qui la pose…
Photo à la Une © FEI/Christophe Tanière