Thierry Rozier, la reconversion d’un cavalier de haut niveau
Thierry Rozier, un homme aux multiples casquettes !
En 2016, Thierry Rozier est revenu parmi les meilleurs cavaliers Français avec pour seul objectif, les Jeux olympiques de Tokyo en 2020. L’arrivée du Covid-19 en a décidé autrement en repoussant l’événement d’un an, ce qui a entrainé le retrait sportif de sa jument de tête Venezia d’Ecaussinnes ainsi que ses adieux au haut niveau. Avec un agenda rempli, Thierry Rozier profite maintenant de sa reconversion pour empiler ses différentes casquettes. Le francilien revient avec Studforlife sur le quotidien qui anime ses journées.
En octobre dernier, vous avez fait vos adieux au sport de haut niveau sur la piste de Grimaud. Aujourd’hui, comment vous sentez-vous ?
« Pour le moment, je ne regrette absolument pas bien que le contexte soit assez spécial. Après ce concours à Saint-Tropez, il y a eu très peu d’importantes échéances mais j’ai tout de même été à Oliva avec des jeunes chevaux. En parallèle, il y avait des CSI 2 et 3* et, même si je n’ai pas les chevaux pour, je n’ai pas ressenti l’envie de faire ces épreuves. Une chose est sûre, je ne regrette pas d’avoir arrêté ma jument Venezia d’Ecaussinnes. Elle a fait son dernier concours d’une manière absolument remarquable, qu’aurais-je pu lui demander de plus aujourd’hui à son âge ? Je la vois tous les jours, elle va très bien. J’ai régulièrement des nouvelles de Star par Jan Tops et Mike Kawai qui me demandent également des conseils, je trouve cette démarche magnifique. Je sais que tout se passe bien alors je suis heureux ! »
Après avoir tourné cette page, comment vous réinventez-vous ?
« Mon planning n’est pas booké, il est archi booké ! Avant, je ne me focalisais que sur la compétition de haut niveau avec un programme très établi. Aujourd’hui, je n’ai plus cette casquette, j’ai repris les cours, les stages, l’organisation des ventes Fences, du Masters de Chantilly et j’ai aussi des jeunes chevaux à monter. Ils auront tous, à mon avis et en fonction des différents propriétaires, un objectif de vente. Je suis très demandé pour des stages en Europe et au Maroc. J’ai toujours eu la passion d’enseigner et je pense bien le faire en prenant le temps pour chaque élève. Au quotidien, j’entraine également des cavaliers privés comme le complétiste tricolore Camille Lejeune. J’aimerais d’ailleurs bien trouver un moment pour l’accompagner en compétition et apprendre à mieux connaître la discipline, tout comme m’intéresser aux poneys. J’ai beaucoup de demandes mais je m’y connais peu alors qu’il y a un beau circuit en France. »
Est-il prévu de partir de Bois-le-Roi ?
« Mon rêve est d’avoir un petit centre d’entrainement où je puisse accueillir les cavaliers dans de bonnes conditions pour travailler. J’ai visité quelques terrains mais je n’ai pas eu de coup de cœur en région parisienne. Pour le moment, partir n’est pas d’actualité mais c’est comme tout, nous avons une très grosse structure à Bois-le-roi et malheureusement personne n’est immortel. Mon père Marcel Rozier essaie de trouver les meilleures solutions mais la France n’est pas d’une grande aide. Je suis très attaché à ce lieu rempli d’histoire, mes racines y sont mais je ne travaille pas du tout avec mon frère Philippe. Nous faisons chacun notre job différemment, certes avec le même objectif, mais nous ne pouvons pas travailler ensemble. L’attachement à ce lieu est une chose, cependant il faut faire face à la réalité : il va falloir que je trouve une voie. »
En 2018, vous avez succédé à Jean-Maurice Bonneau en tant que directeur sportif du CSI 5* de Chantilly. Comment prenez-vous à cœur ce rôle ?
« Je connaissais Gérard Manzinali (président du concours de Chantilly depuis sa création, ndlr.) depuis très longtemps. Nous nous sommes connus grâce à mon ami jockey Olivier Peslier, qui m’a demandé de venir faire un stage au club de Chantilly où, à cette époque, Gérard en était le président. Nous avons sympathisé et de fil en aiguille, nous en sommes-là et j'ai succédé à Jean-Maurice Bonneau. Nous sommes une équipe de bénévoles passionnés investis tout au long de l’année en parallèle de nos vies respectives pour préparer ce concours et offrir les meilleures conditions aux cavaliers. »
Après avoir été sous les couleurs du Global Champions Tour, ce concours continue sa route avec le groupe EEM, sous le nom de Masters de Chantilly. Racontez-nous ce nouveau projet !
« Lorsque s'est posé la question du renouvellement de contrat avec le Global Champions Tour, Gérard Manzinali a pris la décision d’arrêter avec eux. Cela devenait compliqué financièrement avec leurs exigences, qui font par ailleurs leur réussite. Nous avons été sollicités par de nombreuses personnes mais je connais bien Christophe Ameeuw, qui a toujours été amoureux de Chantilly, c’était donc l'occasion de lui parler de ce projet. Après de longues discussions, le Masters de Chantilly est né ! Il faut de nouveaux concours comme ça après cette crise sanitaire. Toute notre équipe est ravie et a retrouvé un boost pour se surpasser. Nous repartons de zéro, nous avons hâte d’écrire une nouvelle histoire et d’apporter de nouvelles choses à ce milieu. Nous espérons surtout une chose : retrouver du public dans les tribunes car un CSI 5* vide, c’est terrible… »
Justement, vous qui avez maintenant un pied dans l’organisation de compétitions, comment voyez-vous leur avenir dans l'événementiel équestre ?
« J’ai un peu peur… Un nouveau paramètre a été acté par la Fédération équestre internationale ces dernières semaines avec l'ouverture des CSI 2* aux invitations, à l'image de ce qui se fait déjà pour les CSI 5*. Depuis un moment, nous en entendons parler mais est-ce vraiment nécessaire de faire passer cette mesure maintenant ? Qui que nous soyons, nous avons passé une année catastrophique sans concours, avec une perte d’argent considérable pour les organisateurs et la filière. Quel est le but de la FEI avec cette mesure, qu’il n’y ait plus de concours ? Pour qu’il y en ait, il faut des sportifs et ça, il y en a sur toute la planète, des bons, des très bons, des moins bons mais ils ont tous besoin de concourir. Pour concourir, il faut que les organisateurs puissent rentrer de l’argent. Essayez de trouver des sponsors aujourd’hui ! L’argument est là : « ce n’est pas la bonne année ». Ce sont des budgets incroyables en dotation, en personnel, en construction pour de belles structures et pistes afin d'assurer sécurité et le bien-être de tous. Si les CSI 2* organisés très souvent en parallèle d’un CSI 5* ont aussi des invitations, comment un organisateur s’en sort financièrement ? Il va être obligé d’annuler cette catégorie ! Quelle tristesse, les cavaliers vont être fous, vont baisser les bras et ne plus acheter de chevaux. Malheureusement, on peut être cavaliers, avoir des chevaux, mais sans compétitions, tout va s’arrêter et la filière entière sera en danger. Il faut absolument que les concours reviennent mais ils ne le pourront que si les organisateurs rentrent de l’argent. »
Coronavirus, rhinopneumonie, quelles leçons pouvez-vous en tirer en tant que cavalier mais aussi en tant qu’Homme ?
« Me concernant, je suis bien entouré mais on sent que tout le monde est un peu à cran. Les cavaliers commencent à tourner en rond dans leurs écuries, certains se démotivent ou s’énervent. L’équitation est aussi un sport qui coute cher et ne s’arrête pas en période de confinement. En étant professionnel, j’ai pu faire un mois de concours à Oliva mais les amateurs, eux, sont à l’arrêt depuis un an. Nous retrouver entre amis avec Nicolas Delmotte, Laurent Guillet ou encore Philippe Léoni en Espagne nous a fait beaucoup de bien. Finalement, nous nous sommes même rendus compte qu’il était plus simple de s’organiser sur des tournées qu’en allant de concours en concours chaque week-end. À cela s’est ensuite ajouté la rhinopneumonie équine. Les cavaliers à Valence ont vécu l’horreur ! Maintenant, il ne faut pas que la situation dure. S’il y a une leçon que j’ai pu retenir de cette crise, c'est qu’on n’est pas grand-chose, lorsque tout s’arrête, on s’arrête avec. Il faut apprendre à relativiser, être calme et accepter. »
Photo à la Une : Sportfot.com