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Stéphane Dufour, éclaireur de talents

Avec son cher Diego de Blondel, Stéphane Dufour prenait part au championnat de France Pro Elite pour la deuxième fois de sa carrière, fin avril à Fontainebleau.
jeudi 15 mai 2025 Jocelyne Alligier

Pas le plus habitué des pistes internationales, davantage présent sur le circuit national et talentueux formateur sur les pistes des concours de la Société hippique française, Stéphane Dufour continue d’écrire, parfois dans l’ombre, sa belle histoire. Le Francilien d’origine, devenu normand depuis plus de vingt ans, a vu passer sous sa selle de nombreux jeunes chevaux de talent, comme les cracks qu’a fait naître Michel Roger, Ratina et Viking d’la Rousserie, ou encore plusieurs perles de l’élevage de Denis Brohier. Bien équipé avec Diego de Blondel et un nouvel atout dans ses écuries, l’étalon Express de Hus, le presque quinquagénaire aspire, tout en continuant à préparer des futures stars, à retrouver la veste de l’équipe de France portée pendant ses plus jeunes années de compétition. Rencontre.

Vingt-cinquième de la dernière édition du Master Pro Elite de Fontainebleau, Stéphane Dufour a manqué de peu l’accès à l’ultime parcours de la course au titre national. Il est néanmoins reparti se Seine-et-Marne confiant pour la suite de sa saison, après ce qui n’était que sa deuxième participation à ce rendez-vous. Pourtant, sa carrière internationale a commencé dès son plus jeune âge, avec à la clef un titre européen par équipe à poney en 1987, une médaille d’argent par équipe, elle aussi européenne, en Junior deux ans plus tard et une sélection en Jeune cavalier, toujours pour ce même rendez-vous. Mais depuis, le presque quinquagénaire a surtout consacré son activité à la formation et valorisation des chevaux de sport. Aujourd’hui, avec Diego de Blondel (Vigo Cécé), dont son épouse Elodie et lui sont entièrement propriétaires depuis son sevrage chez le regretté Michel Ruel, Stéphane Dufour dispose d’un véritable atout pour jouer dans le grand sport. 

“À Fontainebleau, nous avons signé un sans-faute le premier jour, mais pas suffisamment rapide pour être en tête du classement. Lors de la deuxième étape du championnat, j’ai écopé d’un point de temps dépassé, en plus d’une faute. Cela nous a privés de l’accès à la seconde manche. Diego n’est pas le plus rapide, mais il a très bien sauté et je sens que nous pouvons améliorer ce point”, déclarait-il au lendemain de l’échéance bellifontaine. 

Diego de Blondel donne des ailes à Stéphane Dufour. © Jean-Louis Perrier

Diego de Blondel, un cheval de cœur

Rarement l’expression “cheval de cœur” n’aura été aussi appropriée que pour la relation qui unit Stéphane et Elodie, son épouse, à leur protégé. “Diego, c’est toute une histoire”, introduit le cavalier, qui a monté Vigo Cécé (Quincy, alias Quaprice Bois Margot), le père du bai, mais aussi Mapierre de Blondel (Dollar dela Pierre), la mère du Selle Français ! “Il est l’un des derniers poulains qu’a faits naître Michel Ruel, quelques mois avant son décès. Il m’avait dit ‘tu vas acheter ce poulain, en faire un étalon, et ce sera ton cheval’. Et l’histoire lui a donné raison. J’ai fait évoluer Diego à son rythme, car sa souche donne des chevaux assez tardifs. Je l’ai engagé sur le circuit du Cycle classique à quatre et cinq ans, mais sans pression. Et puis, il y a trois ans, sentant son potentiel, nous l’avons emmené chez Nicolas Delmotte. Tout a bien commencé et Nicolas s'entendait bien avec Diego. Mais il est devenu un peu triste, avait toujours la tête basse. Diego a donc profité de quelques vacances chez nous. De retour en forme, Nicolas l’a récupéré, mais le même scénario s’est produit ! Diego s’est remis à déprimer. Nicolas nous a dit que Diego était aussi attaché à nous, que nous le sommes à lui ! Pour nous, Diego représente le souvenir de Michel. C’est grâce à lui et son épouse, Eliane, que nous avons pu nous installer en Normandie, il y a maintenant près de vingt-cinq ans. Nous avions une structure près de Fontainebleau, où Elodie s’occupait de la partie poney-club et moi de l’écurie de sport et de commerce. C’est d’ailleurs cela qui m’avait amené à travailler avec Michel. Lorsque j’ai vendu mon cheval de Grand Prix de l’époque, Delabarre (Palestro II), nous nous sommes dit que le moment était venu de déménager en Normandie, où se trouve le vivier pour acheter des chevaux. Michel nous a proposé de nous installer au haras de Blondel, à Ravenoville, où nous avons passé quelques années.”

Elodie et Stéphane Dufour aux côtés de leur chouchou, Diego de Blondel. © Jean-Louis Perrier

Stéphane Dufour poursuit ensuite sa route normande, passant par une autre très grande maison, le haras de Tamerville de la famille Brohier. Il y fait débuter, entre autres, les étalons performers Quadrio Tame (Jaune et Rouge) et les deux fils de Carthago, Old Chap Tame et Panama Tame. D’autres étalons ont aussi fait leurs gammes sous sa selle, comme les fils d’Hurlevent de Brekka, Salto de l’Isle et Urlevent du Bary. Au fil du temps, le couple Dufour a appris à s’adapter aux reproducteurs. “Il faut respecter la personnalité des entiers, savoir composer avec eux et ne pas vouloir les mettre dans un moule. Si on veut qu’ils se donnent en piste, il faut savoir jouer avec eux”, affirme-t-il. 

"Il faut respecter la personnalité des entiers, savoir composer avec eux et ne pas vouloir les mettre dans un moule", dit Stéphane Dufour. © Mélina Massias



Quelques très bonnes juments sont également passées entre ses rênes, à l’image de Quismy des Vaux*HDC (Dollar dela Pierre) et Ratina d’la Rousserie (Quincy, alias Quaprice Boismargot). Son propre frère, Viking d’la Rousserie, alors étalon, est aussi passé sous la selle du Normand d’adoption. L’alezan, resté dans le piquet de Stéphane Dufour jusqu’au début de son année de sept ans, n’a pas manqué de laisser un fort souvenir au couple. “Viking était doté d’une forte personnalité. Il était gentil, mais venait d’une souche de guerrier. Sa sœur, Ratina, était pareille. Ce sont des chevaux qui iraient au feu, avec un mental de gagnant. On sentait qu’avec eux, on pouvait sauter n’importe quoi !”, se remémore Stéphane. 

Guidé jusqu’au plus haut niveau par Kevin Staut, après quelques parcours avec Fabrice Schmidt, Viking d’la Rousserie aurait dû participer au deuxième grand championnat de sa carrière l’été dernier, lors des Jeux olympiques de Paris. Hélas, l’alezan n’a pas été accepté à l’inspection vétérinaire, faisant enfler la polémique quant son état de santé, lui qui avait déjà rencontré plusieurs pépins physiques par le passé. “Lorsque j’entends dire que Viking n’a pas de santé, cela me met dans une colère folle !”, s'exclame Elodie. “Ces chevaux sont tellement volontaires qu’ils ne s’écoutent pas, et cela devient un problème. Sur trois jambes, ils seraient prêts à sauter quand même ! Il faudrait les laisser s’exprimer, pour qu’ils puissent nous dire ‘attention, là ça tire un peu, j’ai un peu mal’. Cela n’empêche que nous avons une fille de Viking à l’élevage, et nous sommes bien contents de l’avoir !” Et il y a de quoi, puisque la mère de la dénommée Fulloption de Bélhème n’est autre que… Soudaine du Montet (Windows vh Costersveld, alias Cornet Obolensky), qui, quatre années plus tôt, avait donné naissance à une certaine Dynamix de Bélhème (Snaike de Blondel), sans savoir qu’elle deviendrait une des stars du piquet de Steve Guerdat, championne d’Europe et vice-championne olympique ! 

Fulloption de Bélhème, fille de Viking d'la Rousserie et sœur utérine de Dynamix de Bélhème fait le bonheur de l'affixe St Quentin d'Elodie et Stéphane Dufour. ©  Collection privée

Entre l’Olivier et Saint Quentin

Stéphane Dufour est désormais installé à l’écurie de l’Olivier, tout près de Saint-Lô, à la Barre de Semilly. “C’est une belle structure, avec tout ce qu’il faut pour bien travailler : deux carrières, un grand manège et un plus petit, très utile pour faire sauter les chevaux en liberté. En plus, nous sommes à trois kilomètres du Pôle hippique de Saint-Lô ! Je partage la location avec Jean-François Filatriau et des cavaliers de passage. Actuellement, il y a Jeanne Hurel, que je coache, et qui a intégré l’écurie Equimeca que nous formons avec François-Xavier Boudant sur le Grand National FFE-AC Print. J’ai entre vingt et vingt-cinq chevaux au travail. Pour les jeunes qui sortent sur le Cycle classique, certains ne font pas toute la saison, surtout les quatre ans qui sont rentrés avant l’hiver. Avec eux, nous pouvons faire un bon travail sur le New Tour, les concours d’hiver du Pôle hippique. Il m’arrive aussi d’avoir quelques deux ou trois ans à préparer pour les concours d’étalons. J’essaye d’apporter un regard d’expertise aux éleveurs : nous faisons un tri avant la saison et nous nous mettons d’accord avec les propriétaires sur les objectifs. J’ai une clientèle d’éleveurs et également d’investisseurs, avec lesquels nous nouons des partenariats sur des chevaux de qualité. Par exemple, j’ai monté Eclat du Cerisier (Kannan), qui a ensuite intégré le piquet de Rodrigo Pessoa. En 2023, après la finale des sept ans, j’ai vendu Gema de Caryan (Diamant de Semilly) à Karel Cox. Cela fait de belles cartes de visite ! Les étrangers apprécient les chevaux qui ont de bonnes bases, sans avoir été trop poussés. J’ai également la sœur utérine de Gema, par Cornet Obolensky : Hofenda de Caryan, qui a commencé le travail après avoir été poulinière, et le propre frère d'Éclat, Horizon du Cerisier. Nous aimons avoir des relations solides avec les éleveurs, ne pas chercher la performance à tout prix. Nous avons écrit beaucoup de belles histoires et nous fonctionnons ainsi”, expose le Normand d’adoption. 

Après avoir Eclat, Stéphane Dufour monte Horizon du Cerisier, son propre frère. © Mélina Massias

Au rang des belles, histoires, celle de In Touch d’Adriers (Untouchable). “Elle commence à se faire remarquer sur le circuit des sept ans ! Elle a été gravement accidentée pouliche et, sans les efforts de ses éleveurs, Henry Brugier et Françoise Naudon, pour la soigner, elle ne serait pas là aujourd’hui. Notre philosophie est de faire progresser les chevaux en les respectant, qu’ils évoluent à leur vitesse. C’est beaucoup de travail, de temps, mais cela paye”, se réjouit Stéphane Dufour. “Nous avons une forte demande de clients amateurs à la recherche de chevaux bien formés. Il ne faut pas oublier qu’ils représentent la plus grande part du marché et que tous les chevaux ne vont pas sauter 1,50m !”

Stéphane Dufour ne tarit pas d'éloges au sujet d'In Touch d'Adriers, dont la carrière aurait bien pu être réduite à néant après un grave accident lorsqu'elle était pouliche. © Jean-Louis Perrier



À cinq kilomètres de la Barre de Semilly, à Saint-Quentin, les Dufour bénéficient d’une propriété de vingt hectares, l’ancienne terre d’élevage de la famille Paris. Elodie explique : “Nous nous étions juré de ne jamais nous lancer dans l’élevage. Mais, quand on est introduit dans le milieu par des gens comme Michel Ruel ou Henry Brugier, on voit des souches de dingues et on finit par avoir des opportunités qu’on ne peut pas laisser passer ! Nous avons conservé la fille de Soudaine du Montet et Viking, Fulloption de Bélhème. Stéphane l’a montée sur le Cycle classique et elle nous a déjà donné deux pouliches. Nous avons aussi une fille de Surprise de Blondel (Kassidi), qui est la sœur utérine de Snaike de Blondel (Calvaro), le père de Dynamix, et deux sœurs utérines de Diego. Nous travaillons surtout en transfert d’embryons. Nous avons également établi des partenariats avec des éleveurs, comme pour Gange de Jubo, un fils de Viking qui a gardé l’affixe de son co-naisseur, Boris Poutas.” 

Klaidy de Blondel, ici âgée d'un an, est une soeur utérine de Diego de Blondel par Mylord Carthago. Conservée à l'élevage, elle a été mariée à Hitot de Riverland. © Collection privée

En revanche, les Dufour ont passé le relais au haras de Gravelotte pour la gestion de la carrière d’étalon de Diego de Blondel. “C’est vraiment un métier, avec tout un aspect autour de la promotion. Nous avons choisi de privilégier sa carrière sportive, donc Diego n’est disponible qu’en congelé. Ici, entre le Groupe France Elevage et France Etalons, les éleveurs disposent d’un large choix en frais. En plus, nous n’avons pas de deuxième étalon à offrir en promotion”, expliquent-ils. Pourtant, ce fils du trop tôt disparu Vigo Cécé sur la remarquable souche de Phedra Rateliere (Belphegor IV) offre une génétique très intéressante et sa progression en compétition pourrait lui attirer plus de prétendantes. 

Réserviste lors du CSIO de Lierre, Stéphane Dufour espère bien intégrer l’équipe lors d’une prochaine échéance, d’autant que son cheval de cœur bénéficie d’un sérieux renfort avec l’arrivée d’un autre étalon, Express de Hus (Contodo, alias Conrad), revenu sous couleurs françaises après deux ans passés dans le piquet jumping de Michael Jung et une brève apparition sous la selle de Victor Bettendorf en début d’année. Le pilote, qui fêtera son cinquantième anniversaire cet été, peut aussi compter sur Classico de Fluo (Cacao Courcelle), un cheval qu’il a monté à ses débuts, vendu à six ans à Edith Mézard pour Olivier Guillon… avant de le retrouver. Une belle histoire de plus au compteur de Stéphane Dufour, qui espère bien en vivre d’autres dans les mois et années à venir. 

Remarqué et remarquable à chaque sortie, Diego de Blondel semble avoir les qualités nécessaires pour permettre à son cavalier de retrouver la veste bleue de l'équipe de France. © Mélina Massias

Photo à la Une : Avec son cher Diego de Blondel, Stéphane Dufour prenait part au championnat de France Pro Elite pour la deuxième fois de sa carrière, fin avril à Fontainebleau. © Mélina Massias