Depuis ses débuts en compétition, Chagrin d’Amour prouve sa régularité. Petit à petit, le puissant fils de Candy de Nantuel gravit les échelons. Déjà très remarqué, l’étalon de huit ans a frappé fort en s’imposant le Grand Prix réservé aux jeunes chevaux sur la mythique piste en herbe d’Aix-la-Chapelle. Sous les yeux de son naisseur, André Nepper, aux anges après cette victoire, le complice de Lillie Keenan a devancé Maddox vh Haringvliet et Pegasus, les promesses de Ben Maher et Cian O’Connor pour l’avenir. Retour sur le destin de Chagrin d’Amour, et les enseignements de cette épreuve passionnante.
André Nepper n’aurait guère pu rêver meilleur Aix-la-Chapelle. Aux anges, le Luxembourgeois a vu le triomphe de son puissant Chagrin d’Amour, complice de Lillie Keenan, sur la plus belle piste du monde, samedi 5 juillet. Comme chaque année, le temple des sports équestres mettait à l’honneur les stars de demain, dans son Grand Prix réservé aux chevaux de sept et huit ans. Après deux épreuves de mise en jambe, mardi et jeudi, la finale a livré son verdict et mis à l’honneur le puissant étalon de huit ans, fils de Candy de Nantuel*GFE, dont la propre soeur, Hello*Folie de Nantuel, préparait, elle, ses championnats d’Europe sur cette même piste, et petit-fils de Stakkato. Déjà remarqué avec Sofian Misraoui sur le circuit national français, puis avec Joaõ Victor Castro Aguiar Gomes de Lima pour ses premiers parcours internationaux, le représentant du Selle Luxembourgeois continue sur sa lancée avec Lillie Keenan, sa co-propriétaire et cavalière depuis le début de l’année. “Cette victoire est un rêve de petit garçon pour moi. Evidemment, cela ne va pas changer qui je suis. L’élevage est un travail de longue haleine. Il faut vraiment écouter les gens qui savent. Aujourd’hui, beaucoup de personnes ne connaissent plus rien du tout en élevage, mais pensent savoir. La plus grande part de la réussite en élevage se trouve chez la jument, et non pas l’étalon. Les éleveurs devraient évaluer convenablement leurs juments, et écouter ce qu’on leur dit, au lieu de choisir des étalons à la mode”, a confié le jovial éleveur, après avoir caressé et embrassé son ancien protégé.
André Nepper a longuement félicité son ancien protégé à Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias
Comme bon sang ne saurait mentir, Chagrin d’Amour a pour mère Sagesse d’Amour, une Hanovrienne fille de Stakkato et petite-fille de Sherlock Holmes, issue d’une lignée maternelle particulièrement fournie. Sur une quarantaine de descendants enregistrés sur Horsetelex, les quatre premières mères de Chagrin d’Amour ont engendré pas moins de seize produits ayant évolué à 1,40m ou plus ! “La mère de Chagrin d’Amour était l’une des meilleures juments du Hanovre. Elle réunissait la diagonale de pères suivante : Stakkato x Sherlock Holmes x Calypso II x Graphit x Gotthard. Cela a donné des juments avec du cadre, de l’importance. J’ai alors cherché un cheval qui avait du sang et j’ai trouvé Candy de Nantuel en France. Il convenait très, très bien à la mère de Chagrin d’Amour”, poursuit le Luxembourgeois, qui élève depuis toujours et fait naître, en moyenne, entre deux et quatre poulains par an. Onze mois après avoir été inséminée, Sagesse d’Amour est retrouvée couchée, au pré, par son propriétaire. “Habituellement, je suis dans mes prés à 6 heures chaque matin. Cette fois, je n’y suis allé qu’à 10 heures. J’ai transporté ma jument en clinique, avec le poulain, et nous n’avons pas pu la sauver. Il n’y avait rien à faire. Mais son poulain était tellement intelligent que nous avons réussi à le faire boire du lait dans un petit seau en une demie-heure ! Deux jours plus tard, nous avons réussi à le faire adopter, et il est revenu chez nous, où il a passé toute l’année au pré.” Malgré des débuts de vie difficiles, le bien nommé Chagrin d’Amour grandit paisiblement, sans pour autant sortir du lot, jusqu’à son débourrage, qu’effectue le regretté Alain Fortin, qui était le “meilleur ami français” d’André Nepper. “Poulain, Chagrin d’Amour n’attirait pas le regard. C’était un bon poulain, mais il a vraiment pris de l’envergure au fil des années, avec la maturité”, reprend André Nepper, qui confie son cheval à Jonathan Hvalsoe Saul à quatre ans, puis brièvement à Finja Asche l’année suivante, avant de croiser la route de Sofian Misraoui. Après son passage en Allemagne, l’alezan retrouve alors l’Hexagone et enchaîne les sans-faute et signe vingt-sept sans-faute sur trente et un départ en compétition en France. “Et en France, contrairement à d’autres pays, on ne peut pas utiliser de guêtres postérieures avec les jeunes chevaux. Je dois dire que cela est formidable”, tient à souligner l’éleveur. À Aix-la-Chapelle, une nouvelle fois, l’alezan a fait ce qu’il sait faire de mieux, en enchaînant les sans-faute, puis en bouclant un barrage parfait et extrêmement rapide pour s’imposer. Corentin Tual, McLain Ward, Lillie Keenan et toute leur équipe ne pouvaient qu’avoir le sourire en quittant cette mythique piste, qui pourraient bien les voir encore briller dans les années à venir. “Pour moi, le plus important était que Chagrin d’Amour trouve une écurie dans laquelle les chevaux ne sont pas traités comme des instruments de travail. Le voir avec Lillie Keenan est un sentiment formidable”, se réjouissait encore André Nepper.
Doté d’un galop remarquable, qu’il semble transmettre à sa production, de force, de sang et d’un coup de saut à en faire pâlir plus d’un, Chagrin d’Amour, qui affole déjà les éleveurs, devrait continuer à en faire autant. En revanche, son naisseur souhaite offrir les meilleures chances à sa perle, en distribuant sa semence avec parcimonie, à des amis ou grands éleveurs, pour de très bonnes juments.
Le fils de Candy de Nantuel était comme dans son jardin à Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias
Dans un style différent, mais pas moins efficace, le grand Maddox vh Haringvliet a permis à Ben Maher de se hisser au deuxième rang. Né chez la famille Hoekstra, qui l’a formé, le Zangersheide est un fils de Monte Bellini et petit-fils de Ogano Sitte. Depuis l’an dernier, et après sa troisième place dans la finale des championnats du monde de Lanaken réservée aux chevaux de six ans en 2023, le bai évolue avec Ben Maher. Le Britannique, triple champion olympique, semble fonder beaucoup d’espoirs en son jeune complice. Pour preuve, ses plus fidèles propriétaires, Charlotte Rossetter et Pamela Wright l’ont acquis en début d’année.
Parfois atypique dans sa manière de sauter, Maddox vh Haringvliet ne semble pas manquer de moyens ni de potentiel. © Mélina Massias
Lui non plus ne manque ni de talent, ni de charisme. Sous la selle de Cian O’Connor, Checkmate 15, alias Pegasus, a mis en lumière l’élevage de Hermann Tieben. Habituellement monté par Beth Underhill, le gris disputait à Aix-la-Chapelle son deuxième concours international avec le patron des écuries Karlswood. Une belle histoire, puisque ce dernier avait monté son père, l’excellent Checkter ! Marié à Stequilla, une fille de Stolzenberg, il a donné un intéressant mélange de qualités. Dans son sang, coulent aussi les gènes d’un certain Check In 2, père de mère d’un autre gris à s’être distingué cette semaine : Iggy. Double sans-faute et septième de cette finale réservée aux jeunes chevaux, le hongre OS de sept ans seulement fait partie du piquet du Suédois Peder Fredricson et est un fils de Chacoon Blue et neveu de Check Quick, classé jusqu’en Grand Prix 4*.
Le superbe Pegasus a réalisé un brillant Grand Prix avec Cian O'Connor. © Mélina Massias
Parmi la génération 2018, Shogun STS, puissant étalon par l’inimitable Comme Il Faut 5, a aussi tiré son épingle du jeu, se classant quatrième avec Denis Lynch. Ce petit-fils de Diamant de Semilly né chez Frank Jennen en Belgique et issu de la lignée maternelle d’Ohio van de Padenborre a même été le meilleur de sa génération cette semaine et, au cumul de ses trois performances de la semaine, a terminé deuxième du classement général.
Sous la selle d’Olivier Perreau, le plaisant Leopard des Joanins (L’Arc de Triomphe x Quick Star), représentant de l’élevage de Stéphane Monier, a pris la cinquième place finale, juste devant Ay Caramba Z (Aganix du Seigneur x Cowntano), un neveu de l’étalon Count On Me monté par Jens Baackmann et élevé au haras Zangersheide. Gerrit Nieberg et son régulier Don Plus (Diamant de Semilly x Balou du Rouet), fruit d’un croisement imaginé par Ignaz Berger et neveu de Cantano 32, qui évolue au plus haut niveau avec Michael Duffy, ont complété le Top 8 après deux parcours sans-faute. Pour les neuf et dixième places, le Selle Français Harlequin des Flagues (Nartago x Vondéen) et le Holsteiner Cajero 8 (Casall x Quo Vados I) en ont fait de même aux rênes d’Eduardo Alvarez Aznar et René Dittmer. Le gris et le bai sont respectivement nés chez Frédéric Lavoinne et pour le compte des écuries Witt.
S’ils n’ont pas signé de double sans-faute, ou ne se sont pas qualifiés pour le barrage, Chatadel PS (Chacoon Blue x Conthargos - né chez Paul Schockemöhle), Max (Grandorado x Andiamo - né chez la famille Van Bussel), Saltador Ter Putte, alias New Pleasure VDL (For Pleasure x Diamant de Semilly - né chez Stal Ter Putte / van de Zuidakker), A Billion Boy vh Distelhof (Aganix de Seigneur x Indoctro - né chez Ine Theuwissen), ou encore Hercule de Hus, alias Party In de Hus (Kannan x Corinao - né au haras de Hus), ont laissé d’excellentes impressions sous les selles d’Erynn Ballard, Abdel Saïd, Hessel Hoekstra, Michael Greve et Willem Greeve. Rendez-vous dans quelques années pour voir lesquels de ces jeunes pousses fouleront à nouveau la piste d’Aix-la-Chapelle, cette fois dans le label 5*. Dans le passé, plusieurs l’ont fait, avec réussite, preuve s’il en faut que ce Grand Prix réservé aux jeunes chevaux permet de révéler les perles de demain.
Photo à la Une : Chagrin d’Amour a mis des étoiles dans les yeux de toute son équipe, et surtout de son naisseur, André Nepper, à Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias
Les épreuves du CHIO d’Aix-la-Chapelle sont à (re)voir sur Clipmyhorse.tv.