À seulement vingt-sept ans, Sophie Hinners a tout de l’étoffe des plus grandes cavalières. Soutenue par ses proches, l’amazone originaire de Hesse s’est imposée comme un pilier de l’équipe féminine Iron Dames de la Global Champions League. En 2024, elle brille en remportant trois étapes du circuit, notamment portée par My Prins van de Dorperheide et Singclair. Sa régularité lui offre aussi et surtout sa première victoire en Coupe du monde, lors de l’étape de Vérone. Retour sur le parcours de l’actuelle soixante-troisième mondiale, son rôle de femme dans ce sport et les promesses d’un avenir radieux.
Depuis plusieurs années, elle dévoile, en douceur, l’étendue de ses talents de cavalière. Son année 2024 l’aura définitivement propulsée sur le devant de la scène internationale. Discrète et timide, Sophie Hinners n’aurait sans doute jamais imaginé entrer dans l’histoire si rapidement. Pourtant, au côté de son brillant hongre Iron Dames*My Prins van de Dorperheide (Zilverstar T x Winningmood) la jeune Allemande a frappé un grand coup. En s’imposant, en novembre dernier, lors de la quatrième étape de la ligue d’Europe occidentale de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles, elle est devenue la première femme à triompher dans l’étape italienne de la prestigieuse série hivernale. Et pour couronner cette victoire, l’amazone de vingt-sept ans a devancé deux légendes : le triple champion olympique Ben Maher et son compatriote Marcus Ehning, triple vainqueur de la finale de la Coupe du monde. Une preuve, s’il en fallait encore, que le travail acharné finit toujours par être récompensé.
Sophie Hinners incarne parfaitement la nouvelle génération allemande. © Dirk Caremans / Hippo Foto
Une histoire de connexion
Sophie Hinners a l'équitation ancrée en elle depuis son plus jeune âge. “J’ai commencé à monter à cheval très jeune, j’avais peut-être trois ou quatre ans”, confie-t-elle d’emblée. Pourtant, ce n’est pas dans ses racines familiales directes qu’elle puise cette vocation. “Je ne viens pas d’une famille de grands cavaliers. Ma mère montait à cheval quand elle était jeune, mais c’était purement du loisir, cela n’a jamais pris une dimension professionnelle.” Ce sont son oncle et sa tante qui éveillent en elle cette passion.
Propriétaires d’une ferme dans le nord de l’Allemagne, région natale de Sophie Hinners, ils l’entraînent très tôt dans cet univers. “Dès mon plus jeune âge, je passais énormément de temps avec eux et mon cousin”, se remémore-t-elle. Si ses premières affinités la portaient vers le dressage, son chemin a rapidement bifurqué vers le saut d’obstacles. “J’ai continué de monter dans les écuries de Hergen Forkert. Là-bas, les poneys étaient beaucoup plus orientés vers cette discipline. Quand j’ai commencé à vraiment m’y consacrer, j’ai tout de suite adoré, et depuis, je n’ai jamais regretté”, raconte l’amazone, le sourire dans la voix. Sa première source d’inspiration dans ce sport, confie-t-elle, n’est autre que son cousin. “Quand j’étais jeune, il incarnait la meilleure inspiration possible. J’admirais son professionnalisme et son calme sur les terrains de concours, des qualités que je m’efforce aujourd’hui d’adopter à mon tour”, observe Sophie Hinners, dans un mélange d’admiration et de modestie.
Mordue de saut d'obstacles, Sophie Hinners a rapidement gravi les échelons pour atteindre son rêve. © Sportfot
Sa passion ne s'explique pas uniquement par son héritage familial. L’attirance de Sophie pour les sports équestres est avant tout liée aux relations uniques qu’elle construit avec ses partenaires à quatre sabots. “Travailler avec les chevaux, bâtir une véritable connexion avec eux, c’est ce que j’aime le plus dans notre sport. Cette relation peut tout changer en équitation. Parfois, même un cheval qui n’est pas le meilleur peut révéler son potentiel grâce à ce lien si spécial. Pour obtenir le meilleur, il faut vraiment ne faire qu’un avec son cheval”, affirme-t-elle avec conviction.
Malgré sa réussite, la cavalière allemande n’en oublie pas pour autant ses études, un équilibre encouragé par sa famille. “Ma mère m’a toujours dit : ‘Fais des études pour avoir un plan B ou exercer un autre métier, et garde l’équitation comme une passion à côté.’” Fidèle à ces conseils, la cavalière a suivi une scolarité en Allemagne jusqu’à décrocher son baccalauréat. Une fois les cours à l’école terminés, elle continuait d’aller monter dans les écuries de saut d’obstacles d’Hergen Forkert. Après son diplôme, elle a envisagé de s’inscrire à l’université, “mais cela ne s’est jamais concrétisé”, raconte-t-elle avec une pointe de résignation. Puis, presque comme une évidence, elle ajoute : “D’aussi loin que je me souvienne, de toute façon, je crois que j’ai toujours voulu devenir cavalière professionnelle.”
La jeune pépite allemande a toujours eu l'ambition de devenir cavalière professionnelle. © Sportfot
Plutôt que de s’asseoir sur les bancs de l’université, Sophie Hinners choisit donc de se tourner vers l’apprentissage. En toute logique, elle rejoint alors les écuries d’Hergen Forkert, où elle se forme pendant deux ans. “Mon cousin avait également fait son apprentissage là-bas, et j’ai voulu suivre ses traces”, confie-t-elle. Cette expérience s’est avérée particulièrement formatrice. “Cela m’a énormément apporté, sur de nombreux plans. J’ai monté un grand nombre de jeunes chevaux, ce qui a affûté mon instinct. De plus, le père d’Hergen Forkert, qui avait lui-même pratiqué le dressage et le saut d’obstacles au plus haut niveau national, m’a énormément aidée à progresser dans mon travail sur le plat”, explique Sophie Hinners, reconnaissante.
Une rencontre qui change tout
Sophie Hinners multiplie alors les concours et accumule de précieuses expériences. Mais c’est l’un de ces événements en particulier qui a marqué un tournant décisif dans sa carrière, puisqu’il lui a permis de croiser la route d’Emile Hendrix, ancien cavalier olympique devenu entraîneur et formateur de chevaux. Une rencontre dont la cavalière allemande garde un souvenir vibrant. “C’est une très belle histoire”, sourit-elle en se remémorant cet épisode. “Lors de ma deuxième année d’apprentissage, je montais un cheval d’Hergen Forkert à l’occasion du concours international de Verden. Emile Hendrix, qui cherchait un cheval pour l’un de ses élèves, était intéressé et a décidé de l’essayer pendant le concours. Finalement, le cheval ne correspondait pas tout à fait à leurs attentes, mais Emile m’a dit : ‘Appelez-moi si jamais vous cherchez un emploi.’” Quelques mois plus tard, une fois son apprentissage achevé, Sophie Hinners se souvient de la proposition et n’hésite pas à décrocher son téléphone. “Il m’a répondu : ‘Passez me voir, nous en discuterons.’ Je m’y suis rendue rapidement et, après une journée d’essai durant laquelle j’ai monté plusieurs de ses chevaux, tout s’est enchaîné.” En 2018, Sophie franchit un nouveau cap en rejoignant les Pays-Bas pour travailler avec Timothy, le fils d’Emile Hendrix.
Chez Emile Hendrik, Sophie Hinners a beaucoup appris et vécu de très belles expériences. © Sportfot
Ce choix, pourtant déterminant pour sa carrière, n’a pas été si simple à faire à l’époque. “C’était mon tout premier travail, alors je n’ai pas trop réfléchi. J’ai saisi la première opportunité qui s’offrait à moi, mais ce n’était pas une décision facile à prendre”, se souvient-elle. “Il m’a fallu du courage pour quitter ma maison, ma mère, et mon cousin avec qui je montais toujours à cheval, sans parler des magnifiques chevaux que je montais à l’écurie.”
Pendant trois ans, Sophie apprend à évoluer avec des montures de toutes de chevaux, des jeunes recrues en formation aux montures plus expérimentées. “Je pense qu’il est essentiel pour un cavalier de travailler avec des chevaux très différents et d’apprendre à les éduquer”, souligne-t-elle avec sagesse. Au quotidien, elle a eu le privilège de s’entraîner sous la supervision d’Emile Hendrix, qui l’accompagnait également lors de ses déplacements en compétition. “J’ai vraiment eu beaucoup de chance”, reconnaît-elle. Travailler dans cette écurie de négoce, où les chevaux allaient et venaient régulièrement, a offert à la cavalière de riches expériences. “Dès mon deuxième jour, je me souviens avoir dû réaliser des vidéos pour la vente aux enchères d’un cheval. C’était complètement nouveau pour moi et incroyablement intéressant. J’ai vite compris à quel point cette expérience allait m’apporter”, confie-t-elle.
Au-delà des apprentissages et des découvertes, cette aventure marque surtout un tournant décisif dans la carrière de la Germanique. Elle, qui performait dans les concours nationaux, a l’opportunité de participer à de nombreuses épreuves internationales. En 2019, elle est acceptée au sein de la prestigieuse Young Riders Academy, un programme de formation et de soutien dédié aux jeunes talents du saut d’obstacles. La jeune femme s’illustre alors dans de nombreuses épreuves, où son ascension ne tarde pas à la projeter au cœur de nombre de discussions. Pour rendre cette fulgurante progression possible, Sophie peut compter sur un compagnon cher à son cœur, Vittorio (Valentino DDH x Ramiro’s Bube, entré dans sa vie peu de temps après son arrivée chez Emile Hendrix, à dix ans. “J’ai vécu mes plus grands succès avec lui. Il m’a permis de passer de mon tout premier Grand Prix 2* à mon premier Grand Prix 5* ! Ce cheval est incroyablement spécial pour moi”, confie Sophie Hinners avec émotion.
Sophie Hinners et son cher Vittorio. © Sportfot
Aux rênes de son Vittorio, elle enchaîne les victoires internationales, notamment sur des épreuves à 1,45m à Arnhem, Opglabbeek et Zwolle, sans oublier plusieurs Top 5 jusqu’à 1,55m. L’année 2019 est couronnée par son titre de vice-championne d’Allemagne féminine, une consécration. “Je dois énormément à Vittorio pour tout ce que nous avons accompli ensemble, et à Emile Hendrix, car c’est grâce à lui que j’ai pu monter un cheval d’une telle qualité”, reconnaît-elle avec gratitude. Cette étape de sa carrière a aussi laissé une empreinte forte au sein des écuries Hendrix. Dans un message publié à l’époque sur Facebook, l’équipe rendait hommage à leur étoile montante : “Au cours des dernières années, Sophie a été un membre remarquable de l’équipe et un atout précieux à tous égards. Son talent, son éthique de travail et sa personnalité sont exceptionnels, et nous lui souhaitons le meilleur pour la suite de sa carrière.”
La seconde partie de cet article est disponible ici.
Photo à la Une : Sophie Hinners et son prometteur Singclair ont obtenu plusieurs classements en Grands Prix 5* en 2024. © Sportfot