Romain Duguet en toute humilité.
A propos de Quorida de Treho, c'était une jument qui avait déjà fait de belles choses dans les jeunes chevaux mais qui restait très atypique. Lorsqu'on prend la décision de l'acheter, il n'y a aucune garantie qu'elle fera ce qu'elle a prouvé aujourd'hui.
Quorida revenant d'une promenade matinale ... R.D. : « Elle avait été troisième du championnat de France des 7 ans avec Guillaume Batillat qui est un très bon cavalier. La jument avait déjà un énorme potentiel mais cela a été un gros coup de c?ur avec d'énormes incertitudes. Elle sautait haut et le sentiment dessus était incroyable. J'ai déjà eu quelques très bons chevaux dans ma vie mais je n'avais jamais eu de telles sensations de force et de respect sur un obstacle. Je n'avais jamais connu cela. Après, il y a d'autres gens qui l'ont vue et peut-être que si avant j'avais eu un cheval de la même qualité qu'elle mais un peu plus classique, peut-être que je n'aurais pas pris le risque … mais pour dire la vérité, je n'ai pas regardé une seule vidéo d'elle avant de l'acheter. Gian - Battista Lutta à qui nous l'avons achetée m'a dit « S'il te plait, n'essaie pas de chercher des vidéos car la jument est très atypique, viens te mettre dessus. » Et une fois dessus, je me suis dit « waw, quel sentiment … et je me le dis toujours aujourd'hui même si elle est un peu moins atypique. Je n'ai cherché des vidéos qu'une fois son arrivée à la maison. Si ça c'était mal passé, je me serais sans doute dit « mais qu'est-ce que je suis con ! » Mais en fait, même lorsque ça n'allait pas bien et que j'ai appelé Thomas pour m'aider, je ne me suis jamais dit que la jument n'était pas assez bonne, je me suis dit que je n'étais pas bon, que c'était moi qui ne savait pas la monter… Je pense même que si je n'étais pas arrivé à gagner avec elle, j'aurais été triste mais je n'aurais pas eu de problème à la confier à un cavalier comme Steve Guerdat ou Martin Fuchs qui aurait sans doute quand même réussi à gagner avec si l'alchimie ne s'était pas faite avec moi. Un cheval doit toujours prouver qu'il peut le faire mais avec les sensations en étant sur elle, c'était sûr qu'elle le ferait … même si c'était sûr qu'entre des sensations fantastiques et gagner un Grand Prix cinq étoiles, il y a encore tout un monde… mais pour moi, ça a toujours été un top cheval. » Vous aviez décidé d'acheter un cheval comme Le Prestige St Loi qui était beaucoup plus connu à l'époque que Quorida mais sans en avoir les qualités. C'est une chose que vous referiez aujourd'hui ? Cela a aidé Quorida ? R.D. : « Je pense que si la jument en est où elle est aujourd'hui, c'est aussi en partie grâce à un cheval comme Le Prestige. J'avais déjà Othello du Soleil à cette époque-là qui allait pas mal mais qui s'était blessé. Quorida était en fin de son année de neuf ans et nous cherchions un cheval entre 8 et 10 ans puis Le Prestige était chez Thomas et il m'a dit : « écoutes, c'est vrai que le cheval a treize ans mais il est encore performant dans des Grand Prix 5*, si tu cherches un cheval de 9-10 ans, ça va être difficile d'en trouver un très bon alors que celui-ci l'est, il est en super forme et tu peux tout de suite aller faire de grands concours tout en permettant à la jument de grandir gentiment. Je pense que j'ai fait cinq sauts avec lui juste histoire de dire qu'on l'avait essayé car le cheval avait tellement de résultats qu'il n'avait plus rien à prouver et on savait comment il était ! C'était super d'avoir un cheval comme lui. Il m'a permis de me faire un peu plus la main sur de gros concours. Je me suis retrouvé pour la première fois à Calgary et en début de semaine, ça ne se passait pas très bien avec elle … j'ai pu compter sur Le Prestige pour faire la coupe des nations. Si il n'avait pas été là, j'aurais été obligé de quand même monter la jument et on sait comment est Calgary, cela peut-être très bien mais cela peut aussi se passer très mal et il avait très bien sauté là-bas. Je pense que si j'avais l'opportunité aujourd'hui de retrouver un cheval comme ça qui me permettrait de continuer à faire des points pour la ranking, je le ferais probablement d'autant que ces dernières semaines, j'ai vendu pas mal des chevaux et que je vais me retrouver avec un petit trou pour les trois prochains mois … même si je préfère toujours acheter de bons jeunes chevaux. J'ai adoré monter Le Prestige en concours et je suis content d'avoir eu un cheval comme ça chez moi. » Depuis votre déménagement en Suisse, quelles ont été les plus grandes différences pour vous et à quoi avez-vous dû vous adapter entre la Suisse et la France ? R.D. : « Je pense que c'est surtout le système de travail qui est surtout différent. Ici, c'est quand même beaucoup moins la quantité. Ici, ce n'est pas vraiment une terre d'élevage. Il n'y a pas de circuit de jeunes chevaux avec des gens qui sont prêts à payer des pensions tous les mois pour un cheval de 5 ou 6 ans. C'est beaucoup plus un système qui s'autofinance. Vous vivez moins des pensions. Il faut acheter des chevaux et les revendre ou avoir la chance d'avoir quelques personnes qui vous suivent et qui vont investir pour vous en vous permettant de garder les chevaux. Dans ce cas, ce sont des gens qui vous donnent un budget de sponsoring par année ou vous allouent un budget à l'année qui vous permet de faire du sport. On ne réfléchit pas en se disant qu'il faut absolument remplir nos écuries et je pense que c'est là qu'était le plus gros changement pour moi. Après, les concours nationaux sont aussi différents car ils sont moins dotés qu'en France donc vous faites un peu plus d'internationaux quand vous avez des chevaux qui vont bien. Le système est bon car il y a une grande qualité de cavaliers et de chevaux en Suisse. Si on fait du national, on n'est pas obligé de partir 3-4 jours. Souvent, ils vont faire deux épreuves à la suite puis rentrer à l'écurie ce que je trouve bien aussi. Le système pour faire du national coûte moins cher et vous prend moins de temps durant la semaine, ce qui permet de faire d'autres choses. Après que vous soyez en France ou en Suisse, il faut essayer de monter au mieux ! » La famille Duguet fait également un peu d'élevage avec quelques anciennes juments de concours de Christiana et Romain avec l'aide de Jean-Michel Gaspard. Le premier produit de cette production familiale est désormais au travail aux écuries. Vous vous attendiez au départ à voir de grandes différences alors que finalement vous ne partiez qu'à quelques heures de chez vous ? R.D. : « Oui car si je ne savais pas du tout le système qu'ils avaient ici … il suffit de passer la frontière pour savoir que vous êtes dans un autre pays. Encore plus lorsque vous traversez la frontière à Bâle et que vous arrivez en Suisse allemande. Les mentalités sont quand même fort différentes. On voit quand même des grandes différences entre la Suisse romande et la Suisse allemande. Vous vous y attendez un peu mais c'est leur système et je pense que quand vous arrivez dans un pays, vous ne devez pas changer le pays, vous vous adaptez à leur culture et leur façon de faire, surtout quand comme moi, vous en acceptez la nationalité. Quand vous acceptez de vivre chez eux, c'est à vous d'accepter. Vous ne devez pas vous changer pour autant, vous devez rester comme vous êtes mais en acceptant juste leur façon de vivre, de faire. C'est comme ça, ce n'est pas à eux de changer pour vous. Je ne parle pas parfaitement allemand pour autant mais je parle couramment. Ma femme m'a inscrite à des cours du soir en ville et je l'en remercie car je ne pense pas que j'aurais eu le courage de le faire tout seul. Mes enfants sont trilingues car ils parlent allemand ? suisse allemand, français et anglais couramment mais ils vont à l'école en allemand et je suis content de pouvoir comprendre ce que la maîtresse me raconte pour savoir si ça va ou pas. J'habite en Suisse Allemande et j'ai des sponsors ainsi que des propriétaires qui viennent régulièrement à l'écurie qui ne parlent pas un mot de français. Je pense que si je n'avais pas fait l'effort d'apprendre leur langue, ils n'auraient sans doute pas eu l'envie de travailler avec moi. Lorsqu'on est en équipe Suisse, on parle allemand ! La première chose pour s'intégrer au sein d'une équipe, c'est quand même de pouvoir les comprendre et essayer de pouvoir aussi leur dire ce que vous pensez. La majorité des Suisses sont des suisses allemands, c'est donc une bonne chose d'avoir appris l'allemand. » Les poneys des enfants se promènent en liberté dans la propriété. La suite, c'est ici et demain !