Rodrigo Pessoa : "Je pense qu'il est important que je puisse expliquer ma version des faits."

Sport vendredi 10 octobre 2008

C'est dans les très belles installations de l'hôtel Sofitel à Bruxelles que Rodrigo Pessoa avait décidé de rencontrer la presse à propos de son cas de dopage lors des derniers Jeux Olympiques et des 135 jours de suspensions qui pèsent à son encontre. Accompagné de docteur Gattiker, l'une de ses 3 avocats, le champion brésilien s'est expliqué en toute simplicité et avec beaucoup d'habilité devant une assistance malheureusement très peu fournie.

Quelques extraits des explications d'un champion à la recherche d'une image quelque peu ternie :

« Je pense qu'il est important que je puisse expliquer ma version des faits. Parfois, il faut savoir donner des détails sur ce qui s'est passé. Ma réputation est mise en jeu et dans ce cas, il est obligatoire de se défendre.

Avant le contrôle positif de mon cheval lors de la dernière manche des Jeux Olympiques, je n'avais jamais entendu parler de la Nonivamide et j'affirme que nous n'avons rien administré au cheval !

Maintenant, après de nombreuses recherches et après avoir analysé tout ce que nous avions sur place, nous pouvons expliquer la présence infime de cette molécule de 3 manières différentes.

La première est une crème que mon groom utilise sur lui-même. Il s'est fracturé la clavicule il y a deux ans et son médecin au brésil lui a prescrit une crème où la Nonivamide est présente. Vu les conditions climatiques humides et chaudes, il souffrait sur place et a utilisé plusieurs fois cette crème et il est donc possible qu'il lui en restait sur les mains lorsqu'il s'est occupé de Rufus. C'était une erreur, mais je n'étais pas au courant.

La seconde explication, c'est que la jument de Doda a été opérée à Hong-Kong. Elle a dû être anesthésiée plusieurs fois et elle a eu un postérieur qui a gonflé. Pour la soigner, on lui a prescrit des médicaments à base de Nonivamide mais durant leur séjour sur place, Rufus et Picolien ont utilisé la même machine à glace durant les 15 jours passés à Hong Kong …

La troisième source de contamination possible se trouve dans le fait que la Nonivamide est présente dans de nombreux insecticides et pesticides mais contrairement aux deux premières explications, nous n'avons pas pu apporter beaucoup de pièce au dossier à ce sujet.

Il est néanmoins nécessaire de bien être conscient des doses infimes qui ont été trouvées chez Rufus, seulement 260 picogrammes. (ndlr : 1 picogramme = 10E-12 gramme, autrement dit 260 picogrammes = 0,000000000260 gramme)

A la suite de ce cas de dopage, j'ai présenté ma démission de la présidence de l'IRJC (club des cavaliers internationaux de jumping) au vice président et au secrétaire général, mais elle a été refusée et je me sens tout à fait légitime pour continuer à ce poste. J'ai reçu le soutien de nombreux cavaliers, d'organisateurs, de mes propriétaires et de mes sponsors. En tant que président de l'IRJC, je pense qu'il serait nécessaire d'établir un véritable contact avec la commission vétérinaire de la FEI. On ne peut pas jouer avec l'avenir de notre sport de cette manière.

J'ai l'impression que la FEI veut faire un exemple mais on peut se poser la question de savoir si le pannel est véritablement indépendant.

La FEI a parlé d'hyper sensibilisation des membres … mais ne peut pas le prouver. D'ailleurs, le tribunal n'a pas accepté la version de la FEI qui parlait de dopage à mon égard mais le tribunal a statué sur une substance médicamenteuse de classe A. Pour nous, c'est une petite victoire.

Pour le moment, nous étudions la possibilité de faire un recours mais nous ne sommes pas certain de faire appel. Quatre mois dans une vie, ce n'est pas grand-chose. De plus, on peut constater que le TAS revient rarement sur les décisions des fédérations … mais on peut également s'étonner du fait que les 130 juges du TAS soient rémunérés par les différentes fédérations … Il faudrait vraiment un tribunal indépendant, c'est pour cette raison que nous étudions la possibilité ou non d'exercer un recours devant un tribunal civil. »

Lors des Jeux, j'ai eu des sensations tout à fait normales sur Rufus. J'ai aujourd'hui 20 ans d'expériences derrière moi en plus de celle de mon père pour savoir comment préparer mon cheval pour être prêt pour un moment donné. Nous avons effectué tout un travail en amont, j'ai sacrifié plusieurs concours pour ne pas puiser dans les réserves de mon cheval et au final, je me retrouve privé du concours de Calgary qui était pour moi plus important que les Jeux Olympiques. Durant ces Jeux, Rufus a tutoyé des barres et en a même fait tomber, il n'y avait donc rien d'anormal. Par contre, après l'annonce des 4 premiers cas de dopages, j'ai vu des chevaux sauter beaucoup moins bien que d'habitude … .. Lorsque la bombe est tombée le matin de la finale, il y en a quelques uns qui ont fait marche arrière de leurs méthodes habituelles et les chevaux sautaient beaucoup moins bien ce jour là ...donc c'est sûr qu'il y a un problème. »