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Rikke Belinda Barker, l’étoile montante danoise (1/2)

Tabalou
jeudi 30 mai 2024 Mélina Massias

Soutenue par ses parents et sa famille, pourtant complètement étrangers à la sphère équestre il y a encore quelques années, Rikke Belinda Barker s’est progressivement fait une place parmi l’élite du saut d’obstacles. De sa première Coupe des nations en CSIO 5* à l’été 2022, à son premier grand championnat Sénior un an plus tard à Milan en passant par sa première victoire en Grand Prix 5* en fin d’année dernière, la sympathique jeune femme s’est forgé une première expérience de choix grâce à la complicité de son cher Tabalou PS, un fils de Taloubet K dont elle est tombée amoureuse voilà quatre ans. Installée en Belgique, au sein des écuries de son compagnon et entraîneur Steve Tinti, l’amazone de vingt-neuf ans mène de front sa carrière à haut niveau et son emploi au sein de l’entreprise familiale. Discrète et encore peu connue du grand public, celle qui est passée par les écuries de Rolf-Göran Bengtsson et Nelson Pessoa tend à s’affirmer encore davantage. L’avenir s’écrira même peut-être aux rênes de l’un des poulains du haras de Soualem, où l’étoile montante de la bannière danoise fait naître chaque année quelques prometteurs produits. Une rencontre à découvrir en deux parties.

Quels ont été vos premiers pas dans le monde équestre ?

C’était il y a longtemps maintenant ! J’ai toujours aimé les chevaux et les poneys. Nous avions une femme de ménage dont la fille montait à poney. Un jour, elle est venue à la maison avec ses poneys et m’a laissé les monter dans la cour. C’était la première fois que je montais à poney. Par la suite, j’ai commencé à prendre des cours en centre équestre, puis j’ai eu mon premier petit poney. Cela a été le début de tout.

Rikke Belinda Barker ici lors de ses années poneys, en compagnie de Cedergardens Irish Luck. © Sportfot

Votre famille n’a donc jamais été impliquée dans ce milieu ?

Non, pas du tout ! Lorsque j’ai commencé à monter au poney-club, mes deux sœurs et ma maman ont aussi pris quelques cours. Nous avons commencé toutes ensemble, en famille. L’une de mes sœurs avait un peu peur, et la seconde a perdu son intérêt pour l’équitation. Ma mère, quant à elle, était très impliquée, même si elle ne montait plus à cheval. Elle m’a beaucoup aidée et conduisait le camion pour aller en concours lorsque j’étais jeune.

Avez-vous fait des études ou avez-vous toujours su que vous vouliez suivre cette voie ?

Au Danemark, on termine le premier cycle scolaire à seize ansJ’ai passé mes premiers examens, puis je suis partie en Allemagne pour monter à temps plein. Cela ne devait durer qu’une année, après laquelle j’étais censée reprendre les cours au lycée, mais mon père ne m’a jamais demandé de revenir à la maison. Alors, je n’ai jamais mis le sujet sur la table et j’ai continué à monter. Quelques années plus tard, voilà le résultat : l’équitation est devenue mon activité principale. 

Le charismatique Tabalou PS a permis à la jeune Danoise de franchir le dernier palier qui la séparait du haut niveau ces dernières années. © Sportfot



À seize ans, vous avez ainsi posé vos valises chez Rolf-Göran Bengtsson et Bo Kristoffersen. Comment les avez-vous rencontrés ?

Nous avions acheté mon premier cheval de Junior à l’ex-fiancée de Rolf. J’ai fait mes premières épreuves comptant pour le classement mondial avec cette jument. Elle était assez jeune et n’avait sauté qu’un parcours à 1,35m avant que nous ne l’achetions, mais nous avons grandi ensemble. Aller m’entraîner avec Rolf et Bo était une décision naturelle à ce moment-là. Mon coach au Danemark se concentrait sur le circuit Poney et ne pouvait pas m’accompagner sur tous les CSIO Junior. 

L’épouse de Bo a été comme une seconde mère pour moi. Je vivais sur place, aux écuries, dans un appartement. Elle s’assurait que j’ai tout ce dont j’avais besoin et m'emmenait régulièrement faire des courses. À seize ans, je n’avais pas le permis et ne pouvait pas conduire toute seule ! Ils se sont bien occupés de moi.

À seize ans, la Danoise a intégré les écuries du Suédois Rolf Göran Bengtsson. © Sportfot

Qu’avez-vous appris d’eux ?

Beaucoup de choses ! C’était génial. À l’époque, je n’avais pas de groom et je faisais tout moi-même. Je donnais également un coup de main à la maison pour monter quelques-uns de leurs chevaux de commerce. Même si elle a demandé beaucoup de travail, l’expérience fût super. 

Quelle a été l’étape suivante dans votre carrière ?

J’ai rapidement rejoint la Belgique, mais je n’avais plus beaucoup de chevaux à monter. Alors, je me suis dit que j’allais rentrer au Danemark pour prendre le temps de tout restructurer. J’y suis restée deux ans. En parallèle, j’ai commencé à travailler pour l’entreprise de mon père à mi-temps. J’étais au bureau tous les jours de 7 heures du matin à 13 heures, puis je montais à cheval l’après-midi. 

Puis j’ai participé à une série de concours en Espagne pendant trois semaines. J’ai réalisé que je n’avais plus envie de vivre au Danemark et que je voulais continuer à monter. Je suis donc retournée en Belgique, où je me suis entraînée avec Nelson Pessoa pendant quelque temps. C’était très intéressant. Plus récemment, j’ai intégré les écuries ST Stables, où je suis toujours installée aujourd’hui. La structure a été entièrement imaginée par Steve Tinti, qui est également mon coach, et nous avons emménagé il y a un peu plus de deux ans maintenant. C’est incroyable : tout est très fonctionnel et nos chevaux sont très heureux là-bas. Nous avons tout ce dont nous avons besoin. Cela fait désormais huit ans que j’habite en Belgique.

Rikke Belinda Barker a participé à son premier grand championnat Sénior l'été dernier, du côté de Milan, toujours en compagnie de son fidèle Tabalou PS. © Mélina Massias

Certains de vos pairs vous inspirent-ils particulièrement ?

Pour moi, Henrik von Eckermann est assurément le meilleur ! Je pense que rester numéro un mondial autant de temps (le Suédois est en tête du classement mondial depuis août 2022, ndlr), le prouve. Et puis il y a tous les grands noms de notre discipline. Je pense par exemple à Steve Guerdat qui a énormément de feeling à cheval. On a l’impression qu’il ne fait rien tant tout est toujours fluide.

Comment fonctionne votre système ?

Je choisis de façon assez sélective les chevaux qui composent mon système. J’ai un groupe de cinq montures, dont la plus jeune a huit ans. J’ai également une jument de six ans que j’ai élevée, mais je ne la monte pas en concours. Elle se comporte très bien et a beaucoup de qualités, mais je ne suis pas entièrement sereine à l’idée de la présenter en compétition. Je la monte tous les jours à la maison, mais je n’aime pas particulièrement concourir avec les jeunes chevaux. J’ai connu quelques mauvaises chutes par le passé et ai même subi une opération de la colonne vertébrale. Alors, lorsque je ressens le moindre risque, je préfère laisser cette tâche à quelqu’un d’autre. Si on a un doute, on ne fait, de toute façon, jamais du bon travail. Du reste, j’ai une petite équipe de personnes qui m’entoure. J’ai ma groom de concours, qui m’accompagne partout et est formidable ! Ensuite, j’ai deux autres personnes qui travaillent avec moi au quotidien, et une nouvelle jeune femme qui vient tout juste de commencer. Elle est adorable et très calme avec les chevaux, ce que j’apprécie.

L'amazone de vingt-neuf ans assure la formation d'Empire SBK, un prometteur Zangersheide de huit ans. © Sportfot

Tous vos chevaux vous appartiennent donc ? Avez-vous l’assurance de pouvoir les conserver sous votre selle ? 

Oui, ils sont tous à moi. J’espère pouvoir les conserver. Lorsque j’achète un cheval, c’est dans l’optique de le monter en compétition. Si l’on commence à les vendre, on ne peut pas véritablement se concentrer sur le sport en tant que tel.



Comment décririez-vous votre philosophie avec les chevaux ?

Je crois qu’il est très important d’être patient. Lorsqu’un cheval ne fait pas ce que l’on veut, dans quatre-vingt-dix-neuf pourcents des cas, c’est parce qu’il ne comprend pas ce qu’on lui demande. Je dirais que c’est un peu ma philosophie : prendre le temps, être patient. Et puis, je crois que le travail paie toujours.

"Je crois qu'il est très important d'être patient", dit notamment la jeune femme. © Mélina Massias

Après avoir disputé deux championnats d’Europe à poney et en Junior, vous avez pris part à votre première épreuve 5* à 1,60m lors de la Coupe des nations du CSIO 5* de Falsterbo, en 2022. Comment avez-vous vécu ce moment ? 

Je ne vais pas mentir, c’était impressionnant ! C’était très palpitant. Je suis allée là-bas en forme, mais tout a aussi été très vite. Je venais de récupérer Tabalou PS (Taloubet K x Balou du Rouet) en février de la même année. Nous avons fait notre premier Grand Prix 2*, puis notre premier Grand Prix 3* en étant à chaque fois sans-faute. Alors, on s’est dit “pourquoi ne pas tenter un 4*”. Nous avons commis une faute, mais c’était très bien. Dans la foulée, nous avons participé à notre première Coupe des nations en Autriche, avec un double sans-faute et un nouveau parcours parfait dans le Grand Prix. Après ce concours, notre chef d’équipe est venu me voir pour me demander de faire partie de l’équipe à Falsterbo. Je n’avais jamais affronté un tel niveau auparavant, et Tabalou non plus. Nous avons progressé ensemble face à ce défi. C’était génial. Lors de la première manche, j’étais un peu nerveuse et j’ai senti que Tabalou était un peu tendu. Nous n’avons pas réalisé le meilleur tour de notre vie. Nous sommes sortis de piste avec trois fautes, dont une sur le numéro un ! Ce n’était pas la meilleure entame (rires). Je suis retournée aux écuries avant la deuxième manche, je me suis reprise et nous y sommes retourné. Nous avons bouclé la seconde manche avec une faute et un très bon parcours. Cela nous a permis de grandir et nous avons été réservistes pour les championnats du monde de Herning. C’était une expérience incroyable d’être là-bas sans la pression de la compétition. Certes, je n’ai pas monté, mais j’ai goûté à l’expérience d’un grand championnat. Les choses se sont ensuite enchaînées l’année dernière. J’ai sauté mon premier Grand Prix 5* à Hickstead, juste avant les championnats d’Europe. Nous avons aussi participé à la Coupe des nations de Saint-Gall, qui s’est très bien déroulée. Puis sont arrivés les Européens. Ce n’était pas notre meilleur concours, mais cela arrive. On ne peut pas gagner toutes les semaines ! (rires)

En deux ans, la progression de Rikke Belinda Barker est allée vitesse grand V. © Sportfot

Et en fin d’année dernière, vous avez décroché votre premier Grand Prix 5*, à Monterrey, au Mexique. Comment avez-vous vécu ce moment ?

Je ne pouvais pas y croire ! Cela semblait irréel. C’était un grand moment. Lors des championnats d’Europe, nous avons compris que nous étions capables d’affronter ces obstacles, mais nous n’avions pas l’expérience suffisante pour bien y figurer. Alors, nous avons réfléchi aux solutions pour gagner en expérience à ce niveau. En Europe, l’hiver est principalement tourné vers le circuit de la Coupe du monde, en indoor. Alors, nous avons eu l’idée d’aller au Mexique. J’ai fait quatre points dans tous les Grands Prix avant le dernier de la tournée ! Cette dernière semaine, toutes les planètes se sont alignées. C’était fantastique.

Ce premier grand succès, vous l’avez décroché avec la complicité de votre cher Tabalou PS. Comment l’avez-vous rencontré ? 

Tabalou était aux écuries ST Stables depuis ses six ans. Je l’ai vu pour la première fois lorsqu’il en avait huit. Et je suis immédiatement tombée amoureuse ! Il était magnifique ! J’ai dit à Steve que je le voulais. Il m’a répondu qu’il n’était pas le plus simple, qu’il avait un peu peur des autres chevaux et qu’il n’était peut-être pas le bon cheval pour moi. J’ai un peu ronchonné, je dois l’avouer ! (rires) Puis Tabalou a pris neuf ans, il a commencé à disputer quelques Grands Prix 2* et U25. Il s’est très, très bien comporté et était plus à l’aise avec les autres chevaux. À la fin de l’année, j’ai demandé à Steve de me laisser l’essayer. Il a enfin accepté et je l’ai acheté en février 2022.

Aux Mondiaux de Herning, en 2022, Rikke Belinda Barker et Tabalou PS étaient les réservistes de l'équipe danoise. © Sportfot

Quelles sont vos sensations sur son dos ?

Je ne peux les comparer à rien d’autre, ni à celles procurées par aucun des chevaux que j’ai montés jusqu’à présent. Il a tant de force et un mental de battant. Je suis convaincue qu’il traverserait le feu pour moi. C’est incroyable. Je dis toujours à Steve que Tabalou fait partie de la famille maintenant. Et puis, il est si gentil. C’est un étalon, mais on ne l’entend jamais, on le fait marcher avec un simple licol et une longe classique. C’est juste un cheval adorable.

Fait-il la monte ? 

Non, pas encore. Il est approuvé au stud-book Zangersheide, mais je suis assez frileuse à l’idée de le faire prélever. En ce moment, notre concentration se porte sur le sport. Je pense que l’élevage attendra que le volet sportif ne soit plus une priorité. J’adorerais utiliser Tabalou pour mes propres juments, mais je n’ai pas le courage de franchir ce pas pour l’instant. J’ai trop peur qu’il lui arrive quelque chose…

Le fils de Taloubet K et sa cavalière se sont bien trouvés. © Mélina Massias

La seconde partie de cette interview sera disponible la semaine prochaine sur Studforlife.com…

Photo : Rikke Belinda Barker et son cher Tabalou PS dans le Grand Prix 5* de Fontainebleau. © Mélina Massias