Seconde partie de notre rencontre avec Christophe Toulorge et Ready Cash.
Comment avez-vous vécu son évolution à travers sa carrière ?
« Disons que nous n'étions pas dans une période de grande forme lorsqu'il a débuté sa carrière. Je parle au niveau du cheptel car nous avions été approchés par un mécène mais nous ne nous étions pas habitués à sa façon de faire et nous sommes repartis de zéro. Ready Cash est donc arrivé au bon moment, comme Ricoré avec le pain et les croissants ! »
Comment avez-vous vécu la décision de Philippe Allaire de confier son crack à Thierry Duvaldestin ?
« Avant tout, il faut saluer l'intelligence de l' homme. C'est assez rare dans notre métier car il y en a beaucoup qui ont des cerveaux de Folon et pensent avoir des QI d' Einstein. Ensuite, Philippe avait une telle confiance dans son cheval et il voulait être tellement sûr de ne pas passer à côté qu'il voulait essayer autre chose et qu'il a décidé de le confier à Thierry Duvaldestin. C'était prévu. Il m' en avait parlé déjà longtemps avant un demi-échec lors d'un critérium, comme on dit. Il avait déjà l'envie de le mettre ailleurs. C' était une époque où Philippe n'avait pas de campagne comme nous avons désormais ici. On s'est aperçu du comportement du cheval dans un environnement autre que dans une caserne de Grosbois, qui est bien aussi, mais des fois, il faut du changement. On s'aperçoit aujourd' hui que Ready Cash est un campagnard. »
Ca a quand même été une période de doute dans l'équipe ?
« Non. Le jour où Philippe aura un doute, il arrêtera tout mais je pense que jusqu'au dernier souffle de sa vie, il n'aura jamais de doute. »
Qu'est-ce qui a été déterminant dans le choix du nouvel entraîneur ?
« Le cheval avait été syndiqué. Il y avait donc des propriétaires, des éleveurs qui lui avaient fait confiance en lui confiant des juments au haras. Chez nous, le cheval était en stagnation. Il fallait apporter un plus. Il était dans un système à Grosbois qui ne lui convenait peut-être pas. Le cheval avait besoin de voir autre chose. »
Comment avez-vous gérer sa carrière de reproducteur ?
« Un cheval comme Ready Cash, c' est facile à gérer : c' est comme une ?oeuvre d'art et vous êtes le gardien du musée. Vous avez les clés et tout le monde vient le voir. Celui qui parade autour de Ready Cash n'a rien compris ! Il a une aura, c' est un cheval qui a déjà duré. De deux ans à sept ans, il a toujours été là : il a tout gagné. Les éleveurs n'ont jamais lâché le cheval dès ses deux ans. »
Faire la monte lorsqu'on est à un tel niveau, n' est-ce pas perturbant ?
« Chez les trotteurs, en France, nous n' avons pas le choix : c' est comme ça ! Les trotteurs doivent saillir en frais et la semence réfrigérée n'existe pas. L'étalon a ses horaires de saillie et on amène les juments qui sont inséminées en insémination artificielle. Un cheval comme Ready Cash, il pourrait faire la monte à Madagascar, les gens y viendraient quand même car il a la cote. Un jour, peut-être qu'il ne l'aura plus car les chevaux, c' est comme les gens : ça monte et ça descend. Là, je vois que les huit premiers produits qualifiés en France ont tous gagné leur peloton. Les huit premiers présentés, les huit premiers qualifiés alors qu'en Suède, il en a trois qui ont gagné les « baby races » qui sont des courses qui commencent à deux ans. »
Comment gérez-vous une saison pour arriver prêt pour le prix d' Amérique ?
« Déjà, le cheval ne court pas pendant la saison de monte. C'est un choix propre à Philippe Allaire qui, avant tout, respecte les éleveurs. C'est-à-dire que le cheval est disponible à la monte, chose que ne font pas beaucoup de personne qui, lorsqu'elles ont un très bon cheval veulent la vache, le veau, le lait, la crémière : ils veulent tout. Nous, il est à disposition des éleveurs. S' ils en ont besoin le lundi, le mardi, etc : il est là ! Exceptionnellement le dimanche, il peut être disponible. Lorsqu'il rentre, il a droit à un break de quinze jours où il ne trotte quasiment plus. Sa lad, Constanza Flores, qui est très importante dans sa réussite fait énormément de travail avec lui. Elle reprend gentiment avec lui un programme de travail qui lui permet en fin de saison de monte d'être opérationnel un mois et demi après. »
Constanza Flores, sa lad attitrée chez Philippe Allaire.
Ce long break a-t-il joué un rôle dans sa longévité ?
« Je pense oui. Ça a joué un rôle dans le fait qu'il puisse durer aussi longtemps. »
Tristan de Genouillac, son lad attitré chez Thierry Duvaldestin.
Est-ce que vous regrettez que les sports équestres soient souvent catégorisés au lieu de ne faire qu' un ?
« Chacun a sa passion. Certaines personnes ne veulent pas entendre parler des trotteurs, d'autres des pur-sangs, d'autres des chevaux de selle. C'est difficile je pense de rassembler tout le monde dans un seul endroit. Je ne suis pas sûr qu'un entraîneur de trotteur puisse entraîner des chevaux d' obstacle et vice-versa. »
Y a-t-il néanmoins pour vous des points communs ?
« Oui, bien sûr ! Déjà, il y a le respect du cheval. Peu importe la discipline, le top niveau implique le respect de l' animal. Après il y a la condition, la fabrication, la bouche… Je ne connais pas trop le saut d' obstacles mais si des garçons arrivent au plus haut niveau, c'est qu' il y a une raison. Même s'ils achètent un crack : des pinces, ça reste des pinces ! Chez nous, c'est comme ça. Si vous confiez Ready Cash à « Roger Lafrite », il va se mettre à tirer, il va peut-être même galoper ! Chacun son truc. »