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Quirex, le retour d’un phœnix

Quirex
mardi 3 décembre 2024 Mélina Massias

Dans la mythologie, le phœnix renaît de ses cendres. Dans la réalité, Quirex l’a fait. Comptant parmi les meilleurs éléments de sa génération à huit et neuf ans, années lors desquelles il avait déjà brillé en CSI 5* avec Cameron Hanley, le gris, petit-fils de Quidam de Revel, a été victime d’une grave blessure, qui aurait pu mettre un terme définitif à sa carrière. Soigné par ses propriétaires, puis relancé en compétition par l’Allemande Nina Piasecki il y a deux ans, le hongre de quinze ans a croisé la route d’un autre Irlandais, Michael Duffy, voilà quelques mois. Et il n’aura fallu que quatre concours au nouveau couple pour figurer parmi l’élite et s’offrir une brillante troisième place dans le Super Grand Prix de Riyad. Retour sur cette belle histoire.

Qui se souvient de la première vie de Quirex ? Six ans se sont écoulés entre sa dernière apparition en CSI 5*, à l’été 2018, et son retour au sommet, en octobre dernier, mais son style atypique, sa volonté de fer et son talent indéniable sont toujours les mêmes. Désormais âgé de quinze ans, le fils de Quirado et petit-fils de Concept renaît de ses cendres avec Michael Duffy, après avoir été l’un des chevaux de neuf ans les plus prometteurs de sa génération aux côtés d’un autre pilote irlandais, Cameron Hanley. 

À neuf ans, Quirex s'était frotté au mythique CHIO 5* d'Aix-la-Chapelle. © Scoopdyga

En 2018, après une saison 2017 déjà riche de plusieurs apparitions 5* et autres classements, la paire se classe onzième de l’étape de la Coupe du monde Longines de Leipzig, sixième du Grand Prix CSIO 5* d’Abu Dabi, cinq et troisième de ceux des CSI 4* d’Arezzo et Hagen, sixième de l’étape du Longines Global Champions Tour de Cannes, signe deux sans-faute aux obstacles dans la Coupe des nations du CSIO 5* de La Baule et un parcours parfait dans chacune de celles d’Aix-la-Chapelle et Dublin. Son talent et sa précocité valent à Quirex une mise en lumière dans les colonnes de World of Showjumping, dans la catégorie “Future So Bright”dès la fin de son année de huit ansCameron Hanley décrit alors avoir eu, dès ses débuts avec sa star, un sentiment formidable. “Il a son propre style de saut, mais le sentiment sur son dos est exceptionnel”, dit-il. “C’est un cheval très, très spécial. Il a une mentalité incroyable, est toujours positif et très courageux, d’autant plus pour un cheval aussi respectueux que lui. [...] Je n’ai jamais monté un cheval avec autant de talent qu’il en a.”

Le gris et son ancien cavalier avaient signé deux sans-faute aux obstacles dans la Coupe des nations du CSIO 5* de La Baule en 2018. © Dirk Caremans / Hippo Foto



“C’est une de ces histoires où les chevaux nous trouvent plus que l’inverse”, Michael Duffy

En août 2018, Quirex boucle son dernier CSI avec Cameron Hanley, avant de disparaître des radars jusqu’en décembre 2022, la faute à une blessure. Sous la selle de l’Allemande Nina Piasecki, qui a également formé Levi Noesar, la nouvelle star de Richard Vogel, le brillant Holsteiner effectue son retour sur la scène internationale avec discrétion, sur des épreuves à 1,35, puis 1,40, 1,45 et 1,50m, enchaînant les bonnes partitions, jusqu’à taper dans l’œil d’un certain Michael Duffy. 

Nina Piasecki a relancé Quirex en compétition à partir de décembre 2022, après quatre ans et demi loin des pistes internationales. © Sportfot

“Je connais Quirex depuis des années. Cameron Hanley et moi faisions partie de la même équipe de la Global Champions League, les Miami Celtics, en 2018 et 2019”, introduit le sympathique représentant de l’île d'Émeraude. “Quirex était l’un des chevaux de neuf ans dont on parlait beaucoup à l’époque, puis il s’est blessé et est retourné chez ses propriétaires, Patrick Mielnik et Mario Piasecki. Il a passé sa convalescence au pré et sa rééducation a été assurée en grande partie par ses propriétaires. Mario est installé près de Mönchengladbach, à une quarantaine de minutes de nos écuries. Helena Stormanns et moi avons vu Quirex lors de plusieurs concours avec sa fille, Nina Piasecki. Je l’ai notamment vu lors du CSI 4* de Hambourg, puis Helena l’a de nouveau observé à Samorin et nous avons discuté avec ses propriétaires. Tout le monde connaissait Quirex, mais personne n’avait vraiment pensé à demander des informations à son sujet. Il n’était pas vraiment à vendre, mais nous avons demandé à ses propriétaires de l’emmener chez nous pour un essai et je l’ai acheté. C’est une de ces histoires où les chevaux nous trouvent plus que l’inverse. C’était il y a deux ou trois mois.” 

Michael Duffy a fait ses débuts avec son atypique gris en septembre dernier. © Sportfot

Et dès les leurs premiers pas ensemble, l’alchimie opère entre Michael Duffy et Quirex. “Il a commencé par trotter comme un trotteur ! (rires) Il était tellement frais, il frappait le sol et ne ressemblait pas à un cheval de quinze ans ! Il a beaucoup de sang. Nous n’avons pas sauté très haut. Nous avons fait dix ou quinze sauts, jusqu’à peut-être 1,35m. Je n’avais pas besoin de tester ses moyens. Avec un cheval d’âge comme lui, on veut juste savoir si on a un bon sentiment en selle. On n’a jamais de certitude avant d’être en piste, mais le mental de Quirex m’a semblé incroyable. Il était si intelligent et facile à monter, malgré son sang. J’avais l’impression qu’il allait vouloir être sans-faute, ce qui vaut bien plus que n’importe quelle autre qualité. J’ai eu beaucoup de très bons chevaux, des chevaux talentueux, mais certains n’avaient pas toujours cette envie de se donner pour leur cavalier. Avec Quirex, c’était immédiatement l’inverse. Il essaye de trouver une solution au problème, et pas un problème à la solution”, image l’Irlandais. “L’histoire de Quirex est assez unique. On voit beaucoup de chevaux être blessés et disparaître définitivement. Plusieurs personnes étaient dubitatives à l’idée de le relancer dans le grand sport, mais il se sent tellement bien ! S’il ne voulait pas le faire, il ne pourrait pas faire les choses aussi bien qu’il les fait aujourd’hui. J’essaye de faire au mieux pour lui. S’il pouvait parler, je suis sûr qu’il dirait qu’il est prêt.”



Deux CSI 5* et quatre concours pour tutoyer les sommets

Mi-septembre, le néo-duo fait ses débuts internationaux, au CSI 2* de Peelbergen, puis se produit à Riesenbeck, début octobre, au même niveau. Michael Duffy et son nouveau complice bouclent le Grand Prix 2* avec une faute et cinq points de temps, avant d’affronter leur premier CSI 5* deux semaines plus tard, à Rabat. Au Maroc, le gris signe un excellent clear round à 1,55m, dans la première manche de la Global Champions League, puis concède une seule faute, dans une combinaison, dans le Grand Prix. Un mois plus tard, les planètes s’alignent et le Super Grand Prix de Riyad leur sourit, avec une excellente troisième place à la clef.

Il n'aura fallu que quelques parcours internationaux pour voir Michael Duffy et Quirex se distinguer au plus haut niveau. © Sportfot

“La famille Piasecki m’a informé de tout le travail effectué avec Quirex, de ses routines, et j’ai essayé de ne pas changer trop de choses. J’essaye simplement de le garder très en forme, heureux et ne le fait que peu sauter à la maison. Nous ne lui prodiguons aucun soin qu’un autre cheval ne reçoit pas”, reprend Michael Duffy, pas vraiment surpris par la performance de sa nouvelle pépite à Riyad. “Je ne disais pas aux gens ‘venez le voir, il va être extraordinaire’, mais avec le sentiment qu’il me donnait à la maison et qu’il m’a donné à Rabat, avec tant d’aisance, je savais qu’une belle performance ne tarderait pas à venir. J’étais plutôt confiant, mais on sait ce qui peut arriver avec les chevaux. Tout le mérite revient à Quirex. C’est grâce à sa volonté de fer que nous avons obtenu cette troisième place. C’est ce qui est incroyable dans cette histoire”, savoure l’Irlandais. “Riyad n’était que mon quatrième concours avec lui, même si je le monte depuis plusieurs mois. Claptonn Mouche, qui m’a permis de me qualifier pour ce Super Grand Prix (en remportant le Grand Prix 5* de Miami au printemps, ndlr), a eu un peu de repos et manquait encore un peu de rythme pour affronter un tel parcours. À Riyad, tout s’est bien goupillé. Quirex se sentait bien et était prêt. Mais si la compétition par équipe s’était déroulée différemment et que les Rome Gladiators s'étaient qualifiés pour la finale, j’aurais monté Quirex pour l’équipe. Tout était aligné.”

À Riyad, le généreux Quirex a fait forte impression ! © Stefano Grasso / LGCT



Un jack russel dans le corps d’un cheval

À Riyad, Quirex a complété un podium de grande qualité, dominé par Foxy de la Roque, pépite d’Alexandrine Bonnet Dian et Michel Hécart, montée par le Luxembourgeois Victor Bettendorf et fraîchement vendue à Karl Cook, et Ermitage Kalone, son dauphin, l’exceptionnel et surdoué partenaire du jeune Gilles Thomas. “Peu de chevaux affrontent des parcours comme ceux du Super Grand Prix en mors simple. C’était chouette de voir que les trois premiers étaient montés avec ce type d’embouchure. Comme Frederik de Backer l’a souligné, le sport a gagné à Riyad. J’ai trouvé son constat très vrai, avec une jument de neuf ans, un étalon de dix ans et un hongre de quinze ans de retour au sommet. C’était plaisant de voir ce podium, qui en plus a mis en valeur des cavaliers un peu différents de ceux que l’on voit briller tous les week-ends. Voir ces nouveaux visages était aussi plaisant”, relève Michael Duffy.

Surprenant celles et ceux qui avaient oublié sa première carrière, Quirex a survolé le Super Grand Prix de Riyad, se classant troisième. © Stefano Grasso / LGCT

Avec seulement deux points concédés au premier tour de ce rendez-vous en deux manches, la paire a signé son plus beau résultat… en date. Mais celui-ci en appelle évidemment d’autres ! Décembre devrait être calme pour le Holsteiner, qui s’envolera pour la Floride et Wellington début 2025. “Je ne ferais pas trop de concours avec lui à Wellington. Il participera peut-être à une ou deux semaines de compétition, puis je discuterai avec Michael Blake, notre chef d’équipe. Peut-être que Quirex pourra prendre part à la Ligue des nations d’Ocala. Nous verrons au jour le jour, mais pour l’instant, il est en pleine forme ! C’est un cheval qui n’a pas besoin de sauter cinq épreuves à 1,50m pour se sentir à l’aise et en confiance. Il est très, très courageux. Il suffit donc de le garder en bonne forme physique et mentale à la maison. Puis, une fois en concours, on a l’impression qu’il est là depuis trois semaines. Il n’a peur de rien !”

De retour en état de grâce, le petit-fils de Quidam de Revel rattrapera peut-être le temps perdu ces dernières années. © Stefano Grasso / LGCT

Pour couronner le tout, l’attachant gris dont le destin a tout de celui d’un phœnix fait preuve d’une personnalité des plus attachantes. “C’est comme avoir un jack russel dans son salon !”, s’amuse son cavalier. “Il est extrêmement doux et particulièrement intelligent. Il sait où se trouve le pot à friandises et veut toujours en avoir.” Nul doute que toute l’équipe qui prend soin de ce cheval pas tout à fait comme les autres le gâte à la hauteur de son talent et de sa force de caractère. Que l’histoire serait belle de voir désormais Quirex rattraper le temps perdu et continuer de resplendir comme il l’a fait, avec Cameron Hanley par le passé, et Michael Duffy ces dernières semaines. Le monde du jumping a bien montré que certains destins tragiques pouvaient se transformer en conte de fées. Quirex réunit tous les ingrédients pour en faire de même.

Photo à la Une : Michael Duffy et Quirex ont impressionné leur monde à Riyad en terminant troisièmes du Super Grand Prix. © Ljuba Buzzola / LGCT