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La pandémie, catastrophe pour la carrière des jeunes cavaliers ?

La pandémie, catastrophe pour la carrière des jeunes cavaliers ?
Sponsorisé mardi 16 février 2021 Oriane Grandjean

En février, on s’interroge sur l’impact que la saison 2020 aura pour les cavaliers de la jeune génération.

L’an dernier, les championnats d’Europe des Children, Poneys, Juniors et Jeunes cavaliers ont été annulés. Pour certains, il s’agissait de la dernière opportunité de briller dans leur catégorie respective. Une année blanche – ou presque – aura-t-elle un impact sur la suite de leur carrière ? On a posé la question à Susan Fitzpatrick et à Jean-Maurice Bonneau. La première est une cavalière irlandaise qui a décroché cinq médailles dans des championnats d’Europe de la relève. La jeune femme de 21 ans, qui a d’ailleurs brillé lors du Grand Prix de Dublin en 2019 (quatrième), fait partie de la Young Riders Academy, qui soutient les jeunes dans le délicat passage vers l’élite. C’est aussi au sein de la Young Riders Academy que Jean-Maurice Bonneau opère. Le Français, entraîneur reconnu et sélectionneur, nous a également éclairés sur le sujet.

 Susan Fitzpatrick 

Multi-médaillée avec la relève, Susan Fitzpatrick faisait sa dernière saison chez les Jeunes cavaliers en 2020 et passe désormais chez les Seniors. Elle a en outre pu bénéficier de l’aide de la Young Riders Academy et revient pour nous sur ce précieux soutien : « Nous avons eu la chance de pouvoir avoir notre cérémonie de la YRA à Lausanne avant le confinement. J’en suis très reconnaissante, mais je compatis aussi avec les cavalières et cavaliers qui faisaient partie de la YRA cette année : on peut se douter que les difficultés à voyager ne leur aura pas permis de nouer des liens aussi forts que ceux qui unissent les athlètes de la YRA des volées précédentes. D’un autre côté, certains d’entre nous n’ont pas encore pu bénéficier de la bourse de formation à cause du Covid, mais cela devrait, si tout se passe bien, être possible cette année. La YRA a fait de son mieux pour continuer de nous aider en cette période inédite, et l’équipe mérite des éloges pour son travail acharné. »

Après une année 2020 si différente, l’accès aux Coupes des Nations risque-t-il d’être encore plus difficile pour un jeune ? « Ce sera bien sûr difficile de jouer les premiers rôles dans les Coupes des Nations et les Grands Prix cette année »explique Susan Fitzpatrick avant de reprendre. « Tous, aussi bien les jeunes que les cavaliers confirmés, manquent de préparation à cause de cette saison 2020 particulière. Bon nombre de chevaux ont besoin de se familiariser avec les grosses épreuves et de retrouver leur confiance pour progresser cette saison. Et du côté des cavaliers, nous sommes pareils : il nous faut des concours, chaque week-end, pour être prêts à performer au plus haut niveau. Cette année, je crois que beaucoup d’athlètes sont encore dans l’expectative au sujet d’une éventuelle sélection dans l’élite, mais nous continuons tous à nous entraîner dur, à aller au concours quand c’est possible, et espérons que nous aurons notre chance. »

Pourtant, ce n’est pas seulement la situation particulière liée au Covid qui rend l’accès au haut niveau difficile pour les jeunes : « Selon moi, cela va devenir toujours plus difficile d’apparaître dans les plus grands concours pour les jeunes cavaliers, à moins que vous n’ayez des moyens financiers illimités. Les choses se sont corsées récemment avec le changement du système d’inscription, qui dépend désormais de votre place au classement mondial. Puisque les cavaliers expérimentés sont nombreux à figurer en haut des rankings, c’est difficile pour les jeunes de gagner leur place pour les concours les plus relevés. Par chance, la YRA a obtenu que nous autres jeunes cavaliers puissions avoir l’opportunité de monter des CSI 5* en réservant des places individuelles à notre intention. Du côté du sponsoring, je n’ai pas l’impression que la situation actuelle complique les choses pour les jeunes athlètes. Nos contrats sont bien sûr différents de ceux qui lient les marques avec des cavaliers seniors, puisque ces derniers leur permettent d’atteindre un public plus large, mais les entreprises impliquées dans le saut d’obstacles font toujours plus de place aux jeunes. Elles savent que nous incarnons le futur de notre sport. »

Le manque de compétition l’an dernier n’a pas permis aux cavaliers de se voir, ni de se rencontrer aussi souvent qu’habituellement. Les jeunes ont trouvé d’autres alternatives pour rester en contact : « J’ai eu la chance de nouer de belles amitiés grâce à la YRA, et même si cela fait longtemps qu’on n’a pas pu se croiser dans des concours, on reste tous en contact. Dans la situation actuelle, nous sommes tous dans le même bateau : pas seulement les jeunes cavalières et cavaliers, mais tout le monde. Le Covid a un impact sur notre sport et sur notre manière de vivre qui nous pousse à réaliser ce qui est vraiment important dans la vie. »

Jean-Maurice Bonneau 

Ancien sélectionneur des Tricolores, entraîneur à succès, nul besoin de présenter Jean-Maurice Bonneau. Qui mieux que lui, nouveau chef d’équipe pour les jeunes de la Young Riders Academy, pour répondre à nos questions ?

Avant tout, pour Jean-Maurice Bonneau, il est clair que les jeunes cavaliers ne sont pas les seuls impactés par la situation : « Au-delà de la catégorie d’âge, je pense que l’impact de la situation actuelle liée au Covid se ressent chez tous les cavaliers. C’est vrai que c’est particulièrement visible pour les Jeunes cavaliers, à qui il va manquer une année et elle ne sera pas rattrapable. Chez les jeunes, les catégories se succèdent pour permettre une évolution : on débute par les Children ou les poneys, puis on passe par les Juniors et les Jeunes cavaliers pour arriver un jour dans l’élite. On a aussi rajouté depuis quelques années la catégorie U25 pour que les jeunes puissent avoir des épreuves dédiées dans les concours internationaux. Au sein même des Jeunes cavaliers, il y a plusieurs types de profils : il y a ceux qui vont continuer dans le métier et ceux qui seront de bons cavaliers amateurs, qui continueront en Senior en CSI 2* et 3* et peut-être plus pour certains. Ceux qui se destinent à en faire leur métier vont faire face à la réalité comme les autres. La catégorie Jeunes cavaliers ne peut pas être éternelle car il n’y a pas d’argent à y gagner. Ceux qui veulent devenir professionnels vont continuer d’évoluer. »

Comme le précise le Français, l’avenir est incertain : « Difficile de prédire ce qu’il va se passer. À l’heure où l’on se parle, tous les tournois ont lieu, que ce soit Vejer, Valence, Vilamoura, Oliva, Wellington, Lier, Opglabbeek,… Le travail acharné des organisateurs pour respecter toutes les normes sanitaires permet de maintenir une activité et de lancer la saison. Pour l’instant, nous ne sommes pas le secteur le plus impacté. Il subsiste néanmoins des interrogations pour les CSI 5* : pourront-ils avoir lieu ? Avec ou sans public ? Sans oublier les sponsors, car beaucoup d’entreprises ont été touchées par le Covid. Il y aura un effet domino sur notre profession. Heureusement, l’activité cheval est possible grâce aux organisateurs qui se donnent du mal pour que ça continue. La machine n’est ainsi pas complétement arrêtée. »

L’annulation des championnats d’Europe l’an dernier aura-t-elle un impact sur la carrière des Jeunes cavaliers ? Est-ce un tremplin qui manquera à ces jeunes ? Jean-Maurice Bonneau n’y croit pas : « Quand un cavalier arrive dans sa dernière année chez Jeunes cavaliers, il est déjà connu des chefs d’équipe. Quand vous quittez les jeunes cav’ pour passer en élite, ce sont deux chefs d’équipe distincts, mais qui communiquent, donc ils savent qui garder à l’œil. La vraie question est de savoir s’ils ont les chevaux et le niveau nécessaire. Selon moi, le fait de ne pas avoir couru l’échéance européenne ne va pas avoir d’impact. Les chefs d’équipe cherchent toujours à renouveler les cadres donc si un jeune a un bon piquet de chevaux, il va intégrer l’équipe. Cela ne m’inquiète pas. »

L’accès au haut niveau reste un chemin long et sinueux pour les jeunes cavaliers et la période particulière que l’on vit ne change pas la donne : « C’est une question qui se pose depuis plusieurs années déjà compte tenu de la difficulté d’accéder aux concours 5*. Aujourd’hui, soit vous rentrez dans une équipe du Global Champions Tour, soit vous avez une wild-card, ce sont de petits trous de souris par lesquels il faut passer pour participer à des CSI 5*. Donc soit on paie pour vous, soit vous payez, soit vous êtes dans le top 30, mais vous ne pouvez pas être dans le top 30 si vous venez des Jeunes cavaliers. Il y a toutefois un créneau qu’il faut aujourd’hui saluer, ce sont les Coupes des Nations et notamment le circuit européen qui vient de se créer. C’est une opportunité formidable pour permettre aux chefs d’équipe de donner une chance à des jeunes. Sur ce circuit, aucun organisateur n’a de droit de regard sur la sélection. De mon point de vue, c’est une occasion unique pour les fédérations de lancer des cavaliers talentueux dans le grand bain. »

La Young Riders Academy soutient justement les jeunes pour atteindre l’élite en les soutenant sur de nombreux aspects. La saison 2020 n’a pas pour autant freiné les motivation de l’académie : « L’an dernier, notre sélection aurait dû avoir lieu au printemps, mais avec le confinement, nous l’avons décalée en septembre. On a d’ailleurs décidé, avec Eleonora Ottaviani et Breido Graf zu Rantzau, de prolonger cette génération sur l’année 2021, pour qu’ils bénéficient du programme complet. Durant le confinement, nous avons mis en place des vidéos pédagogiques avec Sven Holmberg et le concours de Franke Sloothaak, Laura Klaphake et Jos Lansink. L’optique premier de la YRA est d’apporter les connaissances nécessaires à ces stars de demain. On essaie aussi de les encourager à aller sur ce circuit européen des Coupes des Nations. J’ai pris maintenant un nouveau rôle en tant que chef d’équipe de ces jeunes. Je suis en relation avec leurs chefs d’équipe et leurs entraîneurs respectifs, et quand je suis sur un concours, ils peuvent facilement venir me voir s’ils en éprouvent le besoin. J’essaie d’être le plus présent possible de leur permettre de se sentir à l’aise, libres de m’appeler s’ils ont des questions ou des doutes. On leur fait profiter au maximum de nos connexions. »

Photo à la Une: © Sportfot