Quatre cavaliers se confient avant la finale de la Coupe du monde de Leipzig
À deux jours du coup d'envoi officiel de la finale de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles, les regards se tournent déjà vers Leipzig. Après deux années d’absence au calendrier international, en raison de la pandémie de Covid-19 puis de l’épizootie de rhinopneumonie équine, l’événement phare de la saison indoor est de retour. En Allemagne, trente-six cavaliers, représentants dix-neuf nations différentes, tenteront d’empocher un prestigieux titre individuel. Pour StudForLife, le Français Grégory Cottard, l’Irlandais Denis Lynch, le Néerlandais Harrie Smolders et le Belge Jos Verlooy se projettent avant le début des hostilités.
“J’espère que nous sommes assez prêts pour pouvoir profiter”, Grégory Cottard
Seul représentant Français qualifié pour Leipzig, grâce à sa deuxième place lors de l’étape de La Corogne, Grégory Cottard aura à cœur de faire ses preuves avec sa formidable Bibici (SF, Norman Pré Noir x Nelfo du Mesnil). Le couple, qui disputera son premier grand championnat, a de solides atouts à faire valoir. Deuxièmes du Grand Prix 5* de l’Hubisde Jumping de Valence l’été dernier, les complices ont participé à la finale du circuit des Coupes des nations Longines, à Barcelone, avant de suivre un programme dosé pour monter en puissance avant Leipzig.
“Je me rends à Leipzig pour prendre de l’expérience : voilà mon état d’esprit. Pour l’instant, je suis assez serein. Comme je suis occupé avec le travail de mes chevaux, je me sens bien. Ma jument est en forme et moi aussi. Je pense que la température va monter à l’approche de l’événement”, débute Grégory Cottard. “J’ai participé à deux CSI 2* à Lierre en début d’année, puis je suis allé à Peelbergen, pour un autre 2*. La compétition était déjà un peu plus compliquée, puisque la piste est moins grande et que le parcours [du Grand Prix] était différent de d'habitude. Ensuite, j’ai participé au 3* de Herning puis au Saut Hermès. Cette semaine (entretien réalisé samedi 2 avril, ndlr), j’ai effectué un entraînement en présence du staff fédéral et du chef de piste Grégory Bodo. Cela m’a permis de peaufiner les derniers détails avant de partir.” Pour cette finale, le Tricolore pourra compter sur sa charmante grise de onze ans. “Ses qualités ? Elle n’a que ça !”, affirme le pilote, qui n’a d’yeux que pour sa protégée. “Son seul défaut est d’être un peu nonchalante à la maison. Je l’appelle la reine fainéante. Je la connais bien, donc j’arrive à gérer cela. Quand elle rentre en piste, en revanche, ce n’est plus la même jument. Elle a tout : le courage, le respect, l’envie de bien faire, etc. Elle a une bonne tête, elle est belle, gentille à s’occuper et a des origines exceptionnelles (Bibici est la fille de la grande Uélème, excellente compétitrice et reproductrice, ndlr). On ne peut pas lui reprocher grand-chose, sauf peut-être son cavalier (rires).”
Le cavalier, justement, a mis toutes les chances de son côté pour l’échéance germanique, en affinant sa préparation sur tous les plans. “Je fais de la préparation physique toute l’année, avec mon coach sportif. Je travaille beaucoup avec un ballon, donc nous avons utilisé cet outil pour revoir l’équilibre, mes placements de bassin et mon fonctionnement. J’ai bien pris conscience de mes mouvements et nous avons également fait du renforcement musculaire et du cardio. Sur le côté mental, je travaille aussi avec un coach. Je peux l’appeler lorsque j'en ai besoin. Il m’a donné de nouveaux exercices à intégrer à ma routine matinale. Le but est de rester assez tranquille et d’aborder les choses calmement. C’est une personne qui m’apaise et m’aide beaucoup”, explique Grégory, qui va se focaliser sur sa performance pendant la compétition. “Je vais me concentrer sur moi, ce que j’ai à faire, ma préparation et celle de ma jument. Pour le reste, je ne sais pas du tout à quoi m’attendre. Il s’agira d’une vraie découverte pour moi : je n’ai jamais participé à une finale Coupe du monde. J’espère que nous sommes assez prêts pour ne pas souffrir, ne pas subir et profiter un maximum, tout en engrangeant de l’expérience. Cela demeure un championnat, où il faudra tenir sur la longueur. Pour le reste, je sais qu’il y a des cracks pilotes, mais nous les côtoyons également dans les autres concours. Je vais m’occuper de moi, et je pense que les autres feront aussi leur job.”
“Je pense que nous allons assister à une compétition d’un niveau fantastique”, Denis Lynch
Que dire de Denis Lynch ? L’Irlandais de quarante-cinq ans a réalisé une excellente saison indoor, faisant preuve de régularité, se classant dixième à Lyon, puis troisième à Vérone et Madrid. Expérimenté, il a déjà participé à six finales Coupe du monde, dont la première avait eu lieu à… Leipzig, en 2011. “Evidemment, je suis très impatient. Malheureusement, cet événement nous a manqué en 2020 et 2021, puisque les deux finales avaient été annulées. J’étais déjà qualifié en 2020 pour concourir à Las Vegas. Il s’agit toujours d’un but majeur en début d’année. Chacun tente de se qualifier et fait de la finale un objectif”, confie Denis Lynch. “Ces derniers temps, mes deux chevaux, Cristello (KWPN, Numero Uno x Voltaire) et GC Chopin’s Bushi (KWPN, Contendro II x Nairobi), ont fait des parcours à quatre points ci et là. J’espère pouvoir les avoir en meilleure forme pour cette semaine. Comme tout le monde, mon but sera de faire de mon mieux.”
L’Irlandais est l’un des seuls à avoir fait le choix d’emmener deux chevaux. Pour rappel, le règlement permet aux cavaliers d’utiliser une ou deux montures au cours du championnat. Seul Marcus Ehning était parvenu à s’imposer en misant sur Plot Blue et Noltes Küchengirl, en 2010, à Genève. Pour l’heure, Denis Lynch n’a pas tranché sur l'identité de celui qu’il montera tout au long de l’échéance. “Ce sont deux chevaux très différents. Bushi a une aptitude incroyable. Il est l’un des meilleurs chevaux que je n’ai jamais montés, mais il peut parfois se montrer délicat. Tout dépend des parcours, de la façon dont ils sont construits, et de comment Bushi se sent. Il a seize ans et fait partie des chevaux expérimentés. Cristello, qui a quinze ans, est de son côté un vrai battant. Je vais essayer de les emmener en bonne forme à Leipzig. Je verrais ensuite comment cela se passe lors de la warm-up”, précise le cavalier. “Pour ma part, je suis ma routine habituelle, qui ne change pas. Je ne modifie pas grand-chose [à l’approche d’un championnat]. J’essaye simplement d’être en forme, de m’assurer que je peux monter du mieux possible et surtout me faire plaisir.”
Sa victoire, lors de la dernière étape jouée à Leipzig, en 2020, va-t-elle porter chance à Denis Lynch ? “Non, je ne pense pas (rires). Je ne suis pas superstitieux !”, répond-t-il. “Je pense qu’il s’agit d’une simple pensée émouvante. Le plus important, c’est que mon cheval soit à son meilleur niveau, aussi bien mentalement que physiquement, tout comme moi. J’ai toujours gagné des Grands Prix, et même des Coupes des nations, en effleurant des barres. Parfois, on peut toucher deux barres, les faire tomber et sortir de piste avec huit points. Ou alors, on peut en toucher trois, qu’elles restent en place et être sans-faute. On a besoin d’une part de chance, dans ce sens-là.” En tout cas, l’Irlandais, dont les coéquipiers sont en forme étincelante ces derniers mois, s’attend à une grande et belle finale, contrairement à certaines critiques qui peuvent émerger, notamment en raison des retraits et de certains non-qualifiés. “Il s’agit du plus grand événement indoor. C’est super d’en faire partie. Après tout ce qu’il s’est passé en 2020 et 2021, nous savions que cette saison serait compliquée pour les événements en intérieur. Celles et ceux qui disent qu’il n’y aura pas du grand sport me semblent surtout chercher des excuses”, plaide-t-il. “Je pense que nous allons assister à une compétition d’un niveau fantastique. Par exemple, j’avais fait de cette échéance mon objectif et j’avais anticipé ma qualification, en imaginant que certaines compétitions pourraient potentiellement être annulées. J’ai donc réussi à obtenir les points nécessaires. Les forfaits ou les non-qualifications de certains cavaliers ne vont pas abaisser le niveau de l’événement.”
“Monaco a vraiment franchi un cap”, Harrie Smolders
Tout comme Grégory Cottard, Harrie Smolders a décroché sa qualification pour la finale de Leipzig en prenant part à une unique épreuve du circuit, à Londres. Numéro onze mondial, le Néerlandais sera le troisième meilleur cavalier du classement édité par la Fédération équestre internationale (FEI) à prendre le départ de l’événement, derrière l’Irlandais Conor Swail, numéro cinq mondial, et le Suisse Martin Fuchs, qui figure en troisième position. Le sympathique pilote comptera sur Monaco (Holst, Cassini II x Contender), qu’il juge prêt à affronter une telle compétition. “Je me sens bien !”, lance-t-il dans un sourire. “Monaco s’est montré particulièrement en forme ces neuf derniers mois. Il a vraiment franchi un cap au plus haut niveau. Après Londres cet hiver, je prévoyais de faire quelques étapes supplémentaires sur le circuit, notamment à Bâle, Amsterdam et Bordeaux, mais toutes ont été annulées. Finalement, je n’ai disputé qu’une Coupe du monde, où je me suis classé deuxième. Ensuite, comme tout était un peu incertain en Europe avec toutes ces annulations, j’ai décidé d’emmener Monaco en Floride, car je ne savais pas si les grands événements seraient maintenus. Là-bas, il a profité d’un peu de repos et a eu six semaines de vacances, où il n’a ni concouru, ni sauté. Il a repris les concours sur deux épreuves nationales, puis j’ai pris part à un 3*. À ce moment-là, les échos étaient plutôt favorables pour le maintien du premier 5* de l’année sur le Vieux Continent et de la finale de Leipzig. Monaco est donc revenu en Europe, pour disputer Bois-le-Duc et le Saut Hermès, deux semaines avec la finale Coupe du monde.”
Classé deuxième dans les temps forts 5* de Genève, Londres puis Bois-le-Duc, Harrie Smolders doit cette fois viser la première place avec son fidèle compagnon. “Nous espérons tout cela ! Il s’agira du premier championnat de Monaco, qui a désormais treize ans. Je pense que maintenant, il est prêt pour affronter une telle échéance. Jusqu’alors, il n’avait pas le mental pour un championnat. Je crois que la chance de Monaco a été d’être mon deuxième cheval pendant une longue période. Désormais, il est beaucoup plus mature et expérimenté. Je pense qu’il est prêt. Il a, de toute façon, frappé à la porte ces neuf derniers mois. Il aura l’occasion de faire ses preuves la semaine prochaine et nous verrons où nous nous situons au milieu des meilleurs mondiaux cette semaine”, confie le Néerlandais. “Monaco est très vif, il a des origines Pur-Sang dans sa souche maternelle. En même temps, il est aussi très intelligent. Il a énormément de sang, il aime travailler mais peut encore être un peu impressionné par son environnement. Il a pris de l’âge, mais, parfois, le premier jour, en entrant en piste, on se demande encore comment on va terminer le parcours. Il se comporte parfois comme un cheval de trois ans et vous vous dites ‘oh, ça ne va pas le faire’. Mais après le premier jour, il se détend. Ensuite, vous pouvez faire ce que vous voulez avec lui.” Et de compléter : “Je continue de suivre ma routine et je n’ai rien fait de spécial en prévision de la finale. Nous avons beaucoup de chevaux. À partir du moment où nous nous réveillons le matin, nous travaillons jusqu’à ce que nous allions dormir (rires). Pour l’instant, je n’ai aucun programme de préparation physique, à part le travail que j’effectue avec les chevaux. En revanche, si j’en ressens le besoin un jour pour mon équitation, si mon équilibre et ma stabilité ne sont plus assez bons, je suivrai bien-sûr un entraînement physique. Pour l’heure, j’ai toujours des chevaux en Amérique et en Europe, des élèves, des chevaux à essayer et j’organise des ventes en parallèle. Bref, nos semaines sont bien remplies.”
“Mon plan ? Être rapide le premier jour et sans-faute les suivants”, Jos Verlooy
Comme plusieurs pilotes, notamment celles et ceux représentant l’Amérique, le Belge Jos Verlooy a d’ores et déjà repris les compétitions en extérieur. Sa monture pour la finale, Luciano van het Geinsteinde (BWP, Quinn van de Heffinck x Air Jordan), retrouvera donc l’étroitesse de l’indoor directement à Leipzig. “Je vais bien, mon cheval est en bonne forme et je suis impatient d’être à la finale. Mon plan ? Être rapide le premier jour et sans-faute les suivants !”, plaisante le jeune homme. “Mon cheval est encore un peu inexpérimenté, alors cela pourrait aller dans n’importe quelle direction. Mais bien-sûr, je vais essayer d’obtenir le meilleur résultat possible et nous allons faire de notre mieux pour figurer dans le haut du classement.” L’an dernier, pour sa première saison au niveau 5*, le couple a enregistré de bonnes performances, dont un double sans-faute dans le temps fort du CSIO de Sopot, ainsi qu’une cinquième place à La Corogne, qui lui a permis d’obtenir son ticket pour l’Allemagne. Après de bons résultats à Wellington en début d’année, Luciano est rentré au Plat-pays. “Mon cheval a beaucoup de moyens, un bon mental et veut toujours s’améliorer. Il apprend de ses erreurs et a un super caractère. Je me suis rendu quelques semaines en Amérique, à Palm Beach. Au départ, je ne savais pas vraiment si je pourrais prendre part à la finale de la Coupe du monde. Finalement, j’ai reçu une invitation grâce à deux forfaits. Luciano est donc de retour depuis trois semaines”, justifie le champion de Belgique en titre. “Il n’a pas refait de concours pour l’instant. Sa condition physique est excellente et il est très beau, alors je pense qu’il est en forme. Peut-être [qu’il sera difficile de retourner en indoor], oui… Malgré tout, je n’ai pas jugé nécessaire de refaire un concours en intérieur. Il en a déjà disputé quelques-uns avant et a pas mal sauté aux États-Unis. Nous aurons de toute façon la warm-up le premier jour. Cela devrait nous mettre dans le bon rythme pour les jours suivants.”
Photos à la Une : Jos Verlooy, Denis Lynch, Harrie Smolders et Grégory Cottard. © Sportfot