L’Irlande n’avait plus apposé son nom sur le mur des gagnants d’Aix-la-Chapelle depuis 2010. Quatorze ans plus tard, en misant sur les quatre médaillés d’or des championnats d’Europe de 2017, Michael Blake a remis la main sur le trophée. Vistogrand, Pacino Amiro, CSF James Kann Cruz et Fancy de Kergane ont permis à Denis Lynch, Bertram Allen, Shane Sweetnam et Cian O’Connor de vivre un nouveau souvenir inoubliable.
Quatre cavaliers médaillés d’or aux championnats d’Europe de Göteborg, en 2017, quatre cavaliers plus alignés ensemble depuis, quatre chevaux pétris de talent et le meilleur terrain de jeu du monde. Jeudi 4 juillet, la soirée a été festive pour l’Irlande. Loin de la pluie qui s’était invitée pour célébrer leur victoire à Ocala en début de saison extérieure, les hommes de Michael Blake étaient aux anges. De quoi conforter l’île d’Emeraude, particulièrement en forme ces derniers mois, en vue des Jeux olympiques de Paris. Encore faudra-t-il parvenir à transformer l’essai le jour J en équipe.
Pourtant, les troupes irlandaises étaient bien mal parties dans le temps fort collectif du plus mythique concours de la planète équestre. D’abord, le tirage au sort ne leur avait guère souri, puisqu’il leur avait attribué le numéro… un. Premier à entrer dans un stade de la Soers comble, comme il en est de coutume pour cette épreuve en deux manches toujours palpitante, Denis Lynch a dû trouver le temps long, très long, avec son puissant Vistogrand. Face à l’oxer numéro un, placé au fond de l’écrin de verdure d’Aix-la-Chapelle et dans l’ombre, l’étalon de onze ans a marqué une hésitation et produit un saut des plus acrobatiques en traversant littéralement l’obstacle. “Mon cheval n’est pas le plus expérimenté. Il peut parfois être un peu intimidé. Il y avait une ombre derrière l’oxer. Mon premier réflexe a été de lâcher les rênes et de le laisser faire, puis j’ai tout fait pour l’aider à passer la ligne d’arrivée sans encombre”, a analysé Denis Lynch après coup.
Surpris sur le numéro un de son premier parcours dans la Coupe des nations d'Aix-la-Chapelle, Vistogrand ne s'est pas fait piéger deux fois. © Mélina Massias
Finalement, cette faute fut la seule comptabilisée dans le total du Trèfle (porte bonheur) irlandais. D’ailleurs, peut-être que celui présent dans la poche de la veste de Bertram Allen leur a porté chance. “Denis me l’a donné il y a sept ans, à Göteborg, parce qu’il était un peu nerveux. Depuis, il est toujours dans la poche de ma veste. Je me suis rendu compte qu’il était encore là à Calgary !”, a expliqué le cadet du quatuor. Ce quatuor, justement, avait été aligné en Suède, en 2017, lorsque l’Irlande était montée sur le toit de l’Europe, sous les ordres d’un certain Rodrigo Pessoa. Depuis, ces quatre cavaliers - Denis Lynch, Bertram Allen, Shane Sweetnam et Cian O’Connor - ne s’étaient plus jamais retrouvés associés dans une épreuve collective. Bien a pris Michael Blake de leur faire confiance, à eux, mais aussi à leurs quatre excellentes montures - Vistogrand, Pacino Amiro, CSF James Kann Cruz et Fancy de Kergane -, sans qui cette victoire n’aurait pas été possible, leurs soigneurs et toutes les équipes qui les accompagnent.
À quelques jours des Jeux olympiques de Paris, Bertram Allen et Pacino Amiro continuent leur montée en puissance. © Mélina Massias
Déjà présent aux Mondiaux de Herning, où l’Irlande s’était classée quatrième, et aux Jeux de Tokyo, Pacino Amiro retrouvera le goût de l’olympe cet été. Sous la selle de Bertram Allen, le puissant bai, fils de regretté et cloné Pacino, né Eldiam de Rêve, s’est montré parfaitement à la hauteur, dans une épreuve qui a manqué de saveur, le parcours ayant semblé beaucoup trop accessible, comme la semaine passée sur le sable de Rotterdam. Légèrement plus corsée, le second acte de la compétition a permis de sauver les meubles, mais pas davantage. Eux étaient de la partie à Milan et remettront le couvert à Paris : Shane Sweetnam et CSF James Kann Cruz, presque handicapé par ses guêtres postérieures en première manche, l’ayant poussé à produire d’énormes sauts avant qu’elles ne lui soient retirées pour son second tour, ont aligné deux zéro. Denis Lynch et Vistogrand ont parfaitement rectifié leur frayeur de l’acte initial dans le second, tandis que le jeune Fancy de Kergane, vice-champion de France à sept ans sous la selle d’Arthur Le Vot, a engrangé une expérience non-négligeable et signé un bon clear round en première manche. Grâce au travail de ses coéquipiers, Cian O’Connor n’a pas eu besoin de revenir en piste et a pu célébrer la victoire avec ses coéquipiers, dont deux qu’il retrouvera au château de Versailles. Cette dernière Coupe des nations, aux allures de répétition générale, ne pouvait pas mieux se conclure pour l’Irlande, déjà victorieuse à Ocala et deuxième à Abou Dabi et Rome.
Le second parcours parfait de Shane Sweetnam et CSF James Kann Cruz a scellé le sort des Irlandais. © Mélina Massias
Le Mexique fait chavirer les cœurs
Bien partie pour s’imposer après une première manche impeccable, la Suède a tout perdu en seconde, rétrogradant tout bonnement au cinquième rang. Auteurs de trois parcours sans-faute, Henrik von Eckermann, Amanda Landeblad et Peder Fredricson, associés à Iliana, For Killy et Alcapone des Carmilles, ont craqué lors de leur deuxième tentative avec une faute pour les deux premiers et deux pour le quatrième et dernier membre de l’escouade d’Henrik Ankarcrona. Associée à Opaline W&S, Petronella Andersson s’est, elle, une nouvelle fois montrée impeccable, bouclant l’un des onze double zéro.
Finalement, grâce à un esprit d’équipe irréprochable, une bonne dose de détermination et de talent, le Mexique, qui avait hérité d’une wild card plus que méritée, s’est hissé au deuxième rang. Une soirée historique, qui risque de rester longtemps gravée dans les mémoires de Nicolas Pizzaro (0+9), Andres Azcarraga (0+0), Federico Fernandez (8+4) et Eugenio Garza Perez (0+0). Les quatre mousquetaires de Mark Lansink ont partagé ce beau moment tous ensemble et surtout avec leurs complices à quatre jambes : Pia Contra, Contendros 2, Romeo, né Barachiel d’Ouilly, et Contago. Avec un score cumulé de quatre points, le Mexique a ainsi devancé la Grande-Bretagne, à égalité de points mais moins rapide. Di Lampard faisait confiance à Dallas Vegas Batilly (0+0), Casquo Blue (4+12), Vermento (0+4) et Hello Jefferson, né Jerenmias van het Hulstenhof (0+0), guidés par le champion olympique Ben Maher, qui tentera de défendre son titre à Versailles avec Point Break, Harry Charles, qui sera lui aussi de la partie avec Romeo 88, né Champion of Picobello, Robert Whitaker et Scott Brash, de nouveau impeccable sur cette piste qui réussit si bien à son fils de Cooper vd Heffinck qui se produire, lui aussi, devant le château de Versailles, cet été.
Quelle vague d'émotions pour Andres Azcarraga et son fidèle Contendros 2. © Mélina Massias
Scott Brash et Hello Jefferson ont signé un nouveau double sans-faute à Aix-la-Chapelle, comme l'an dernier. © Mélina Massias
Pas de doublé pour l’Allemagne
En raison d’un point de temps en trop, le chronomètre accordé étant pourtant particulièrement large dans cette Coupe des nations, la Belgique s’est classée quatrième. Nicola Philippaerts et sa Katanga vd Dingeshof ont bouclé le seul double zéro de leur clan, malgré quelques reprises peu académiques. Mention spéciale également à Thibeau Spits, qui a plus que tenu son rang pour sa grande première dans une telle atmosphère aux rênes de son fidèle King van Essene, un fils du regretté Calido I.
Thibeau Spits a parfaitement tenu son rang avec son fidèle King van Essene. © Mélina Massias
Derrière la Suède, l’Allemagne a totalisé huit points, malgré les deux prestations somptueuses des amazones Jana Wargers et Kendra Claricia Brinkop, juchées sur leurs géniaux Limbrige et Tabasco de Toxandria. Ce dernier, qui semblait tout destiné à officier à Versailles en tant que réserviste pour la Mannschaft, ne devrait finalement pas y être. Selon St Georg, Cian O’Connor, qui possède encore des parts dans l’agile bai, refuserait que la jeune femme se rende à Versailles avec son complice en raison de son âge : neuf ans. Pourtant, lui-même avait participé aux championnats d’Europe d’Aix-la-Chapelle, en 2015, avec Good Luck, alors âgé de… neuf ans.
Quel couple forme Kendra Claricia Brinkop et son bouillonnant Tabasco de Toxandria ! © Mélina Massias
Une nouvelle fois brillants, sous les yeux d’Henk Nooren, François-Xavier Boudant et Brazyl du Mezel confirment, une énième fois, leur régularité au plus haut niveau. Tous deux ont bouclé un nouveau double clear round, mais cela n’a pas permis de sauver la France, septième. Si l’encadrement français ne fait pas le bon choix pour Paris, il pourrait bien nourrir quelques regrets… Passés complètement à travers en seconde manche, les Pays-Bas ont terminé huitièmes, eux qui avaient pourtant achevé l’acte initial avec un score parfait. Les Etats-Unis et la Suisse ont terminé neuf et dixièmes et n’ont pas été invités en seconde manche.
François-Xavier Boudant et Brazyl du Mezel sont l'un, si ce n'est le couple le plus en forme du moment pour le clan français. © Mélina Massias
Photo à la Une : Fancy de Kergane, perle de l'élevage de Louis Menier et Victor Jégu, a participé à la victoire de l'Irlande à Aix-la-Chapelle. © Mélina Massias
Toutes les épreuves du CHIO d'Aix-la-Chapelle sont à (re)voir sur Clipmyhorse.tv.