Passionnée par le karaté depuis sa plus tendre enfance, Tessa Falanga écrit la plus belle page de son histoire aux côtés des chevaux. Depuis avril 2021, la jeune femme de trente-deux ans prend soin des montures de l’Américain Karl Cook. Ensemble, tous deux ont gravi les échelons quatre à quatre, jusqu’à toucher le Graal du doigt, aux Jeux olympiques de Paris, l’été dernier, en compagnie d’une certaine Caracole de la Roque. Au détour d’un entretien réalisé à Genève, la groom, originaire de New York et désormais installée la plupart du temps en Californie, se raconte, évoque son métier, sa philosophie et certaines de ses expériences marquantes, dont celle vécue auprès d’Éric Navet. Une rencontre à découvrir en trois épisodes.
“Caracole est tout pour moi. J’aime les chevaux, mais j’aime aussi ce sport et Caracole se donne toujours à cent pourcents. Plus on s’investit avec elle, plus elle nous le rend. C’est très spécial. Et même si elle ne voulait pas nous rendre la pareille, ce ne serait pas un problème ; je l’aime pour ce qu'elle est, pour son caractère. Ses sauts incroyables et son talent ne sont que la cerise sur le gâteau. Caracole est un animal incroyable. Prendre soin d’elle est un vrai privilège et je suis éternellement reconnaissante envers Karl et sa famille de me laisser m’occuper d’elle et être sa personne de confiance. Elle est tellement spéciale pour moi… C’est une star absolue. Je passe énormément de temps à ses côtés, à voyager pour les concours, ou juste à être en sa présence. Je préfère être assise à côté d’elle aux écuries qu’être à la maison. C'est un pur plaisir. Elle est juste très, très spéciale.” En prononçant ses mots, Tessa Falanga, l’ange gardienne de la crack de désormais treize ans, ne peut retenir ses larmes. Native de New York, la jeune femme, pleine d’humour et de franchise, a l’honneur d’accompagner la monture de tête de Karl Cook depuis son arrivée au cœur des écuries Poponio, en 2021. En à peine quatre ans, Tessa et Karl se sont fait leur place parmi l’élite, jusqu’à participer à la médaille d’argent olympique remportée l’été dernier par les Etats-Unis.
Les Jeux olympiques de Paris ont permis à Karl Cook, Caracole de la Roque et leur groom, Tessa Falanga, de décrocher une très belle médaille d'argent collective. © Scoopdyga
Un grand voyage
Première personne de sa famille à s’intéresser aux chevaux, Tessa se met en selle à dix ans, au début des années 2000. À cette époque, la jeune femme est bien loin d’imaginer l’aventure qui l’attend. Huit ans après ses débuts équestres, l’Américaine décroche dans son premier emploi en tant que groom. “Depuis, je n’ai jamais vraiment arrêté”, sourit-elle. “J’adorais travailler avec les chevaux, monter, et c’était quelque chose que j’étais capable de faire. Je ne vois pas tellement le fait d’être groom comme un travail. C’est un métier très chouette et satisfaisant.” Au fil du temps, si elle reconnaît avoir vaguement réfléchi à d’autres options, celles-ci se sont toujours éclipsées en un claquement de doigts. “Aujourd’hui, je sais que je ne peux pas m’imaginer faire autre chose”, assure-t-elle.
Avant de croiser la route de Karl Cook en 2021, Tessa a œuvré pour diverses personnes, en particulier pour les familles Caristo-Williams, qui partagent leur temps entre Saugerties et Wellington, où elle a “beaucoup appris”, auprès de “personnes formidables”, et Torano, une expérience “différente” mais entourée de “bonnes personnes, pédagogues”, ou encore pour des particuliers, les Dowan, au sein de Sagamore Farm. Après ces expériences, entre autres, et plusieurs missions en free-lance, la jeune femme croise la route d’un certain Karl Cook, dans une écurie où elle effectue une mission à son compte, en avril 2021. “Je me suis dit ‘pourquoi pas aller en Californie et tester de nouvelles choses’”, se souvient celle qui se décrit comme un pur produit de la côte Est. “Je ne pensais jamais aller en Californie et tous mes amis m’ont dit que j’étais folle. J’ai suivi mon idée, et je suis heureuse de l’avoir fait.”
Au fil du temps, Tessa Falanga a réussi à décrypter et comprendre la vive Caracole de la Roque. © Sportfot
Les Jeux olympiques, un moment inoubliable
Si Karl Cook peut susciter des avis divergents chez celles et ceux qui n’ont pas pris le temps d’apprendre à le connaître, Tessa ne se trompe pas à son égard. De leurs premiers échanges, elle se rappelle quelqu’un de “très précis” et “ferme dans ses idées”. “Il semblait direct, honnête et ouvert, ce que j’ai beaucoup apprécié. Il n’y avait pas d’hésitation”, précise-t-elle. Convaincue, la groom pose ses valises à San Diego, littéralement à l’autre bout du pays et plus de quatre mille six cents kilomètres de ses terres natales.
À cette époque, ni Karl Cook, ni Caracole de la Roque, alors encore montée par Julien Epaillard, ne se sont encore illustrés au plus haut niveau. L’Américain, élève du grand Eric Navet, remportera son premier Grand Prix 5* un an et demi plus tard, le 9 septembre 2022, aux rênes de sa fidèle Kalinka van’t Zorgvliet. Depuis, le duo groom-cavalier a parcouru un sacré chemin, jusqu’à l’apothéose de 2024, avec une tournée européenne fructueuse et surtout, une médaille olympique. “Les Jeux étaient incroyables, fabuleux, comme tout notre été en Europe”, raconte Tessa. “Karl et Caracole ont dû s'unir, car Kalinka était notre premier choix pour les Jeux, mais une blessure malheureuse l’a contrainte à rester à la maison. Avant cette année, la relation entre Karl et Cara était loin d’être aussi forte qu’elle l’est aujourd’hui. Je ne sais pas quoi exactement, mais quelque chose a changé entre eux. Quand ils ont pris le galop lors de la Coupe des nations de Rome et qu’ils sont passés devant moi, avant même qu’ils aient sauté le moindre obstacle, j’ai eu la chair de poule. Je savais qu’ils seraient sans faute. J’ai dit au kinésithérapeute de l’équipe américaine : ‘Regarde, il le fait !’ La semaine a été incroyable, et idem à La Baule. Notre sélection olympique n’a pas été une surprise. Je crois que nous avons obtenu des résultats probants et que Karl méritait de faire partie de l’équipe, en tant que réserviste ou non.”
Lors du CSIO 5* de Rome, Karl Cook et sa Selle Français ont pris une nouvelle trajectoire. © Sportfot
Vainqueur du Grand Prix CSIO 5* de Rome, deuxième de celui du CSIO 5* de La Baule, le duo s’impose comme une évidence… avant que le sort ne s'en mêle et le propulse de réserviste à membre d’équipe, en l’espace de quelques heures, face au château de Versailles. “Le rôle du réserviste est d’être prêt. Et nous l’étions ! Nous avons été prévenus deux heures à l’avance que nous allions entrer en jeu. J’ai remercié les étoiles pour l’ordre de départ ! Nous étions la treizième équipe à s’élancer et cela m’a laissé le temps d’aller réserver mon créneau pour longer Cara et mettre en place sa routine habituelle”, confie Tessa. “Cara volait. Elle a été brillante. Tous les deux l’ont été, toute la semaine.” Sa médaille d’argent collective en poche, la paire aborde la compétition individuelle avec une forme intacte, si ce n’est meilleure que jamais, et s’impose naturellement comme l’une des plus brillantes de la finale individuelle… jusqu’à une erreur de pilotage, qui lui coûte une potentielle place de barragiste. De cette expérience frustrante, Tessa ne garde aucune rancœur. “On vit avec, ce n’est pas grave”, dit-elle. “Ils ont réussi un double sans-faute pour l’équipe et je reregarde le parcours de Cara au moins une fois tous les quinze jours. J’adore le regarder, tant Karl et elle étaient en phase. L’ambiance était également incroyable. C’était électrique ! Tout le monde encourageait son pays, c’était très chouette.”
La confiance en leitmotiv
Les brillants résultats du trio ne sont pas le fruit du hasard. Entre Caracole, Karl et Tessa, tout est affaire de confiance, d’écoute et de partage. “Pour moi, la confiance est ce qu’il y a de plus important. Groom et cavalier doivent être honnêtes et francs quant à leurs opinions. J’ai le sentiment que mes rapports avec Karl ne sont pas tant d’employée à patron ; nous sommes plus ou moins au même niveau. Je peux dire librement ce que je pense, et idem pour lui. Si j’estime que quelque chose ne va pas, ou que nous devrions changer quelque chose, il est très à l’écoute. S’il estime qu’il s’agit d’une bonne idée, alors il la met en place. Et inversement : s’il trouve que je pourrais mieux faire telle ou telle chose, ou que nous devons modifier certaines choses, il n’y a aucun problème ! Nous travaillons ensemble, communiquons et plaçons toujours l’intérêt de nos chevaux au premier plan”, détaille-t-elle.
Caracole de la Roque, Karl Cook et Tessa Falanga forment un trio bien rodé. © Sportfot
La deuxième partie de cet article est à découvrir ici.
Photo à la Une : Tessa Falanga et Caracole de la Roque en entrée de piste à Genève. © Mélina Massias