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“Pour performer, il est vraiment important de chercher ce dont chaque cheval a besoin”, Sanne Thijssen

Avec Cupcake, Sanne Thijssen semble avoir trouvé la relève de son cher Con Quidam RB.
Interviews mercredi 10 décembre 2025 Camille Pineau

À seulement vingt-sept ans, Sanne Thijssen s’est imposée comme l’un des visages marquants de cette saison 2025. Après une deuxième place dans le Grand Prix Rolex du CSIO 5* de Falsterbo avec Con Quidam RB, elle a confirmé sa régularité en s’offrant une victoire éclatante dans le Grand Prix Coupe du monde d’Oslo avec la bouillonnante Cupcake. Inspirée et portée par une histoire familiale profondément ancrée dans le sport, Sanne Thijssen enchaîne les performances. Entre l’infatigable Con Quidam RB, son compagnon de toujours, l’émergence de jeunes chevaux prometteurs et une dynamique sportive en plein essor, la Néerlandaise revient sur cette année charnière, ses ambitions, son système de travail et surtout cette passion familiale qui la guide. Entretien. 

Vous avez récemment remporté le Grand Prix Coupe du monde d’Oslo avec Cupcake (Chacco-Blue x Caretano). Quel était votre état d’esprit ce jour-là et comment avez-vous vécu cette victoire ? 

Cette après-midi là a été incroyable. C’était la première étape de la saison Coupe du monde, et repartir avec la victoire était totalement inattendu. Le parcours était assez haut et technique, et c’était aussi mon premier indoor de la saison. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Mais Cupcake était vraiment dans un grand jour. Quand elle est comme cela, elle peut tout sauter sans faute ! Elle était concentrée, énergique, complètement avec moi du début à la fin. Elle s’est pleinement donnée et tout s’est parfaitement enchaîné. Cette victoire a beaucoup compté pour moi, parce qu’elle a vraiment changé quelque chose dans ma carrière. Elle m’a ouvert beaucoup de portes. Dans la continuité, je suis allée à Lyon où, même si je n’ai pas gagné, j’ai encore engrangé deux points pour la finale du circuit. J’irai également à Londres, puis à Bâle. C’est clairement grâce à Oslo que j’ai accès à tout cela aujourd’hui ! 

Après Oslo, Sanne Thijssen et Cupcake ont poursuivi leur route à Lyon, où elles ont accroché la quinzième place. © Mélina Massias

À quoi ont ressemblé vos débuts à cheval ? 

Mes parents ont toujours eu une écurie et travaillé dans le milieu des chevaux de sport. J’ai grandi entourée de poneys. Quand j’ai commencé à monter, c’était pour le plaisir. Puis plus je me suis mise à pratiquer et plus cette activité est devenue sérieuse. Quand je suis passée à cheval vers quinze ans, j’ai eu la chance d’avoir tout de suite de très bons chevaux, notamment Con Quidam RB (Quinar x Cardino). C’était un vrai coup de chance pour débuter à ce niveau. L’une de mes premières compétitions internationales a eu lieu en France, à l’occasion d’un CSIO Juniors organisé à Deauville. J’ai très vite obtenu de bons résultats, et le fait de beaucoup gagner dès le début m’a poussée à vouloir aller plus loin. Honnêtement, la compétition, chez nous, c’est familial ! Nous avons cela dans le sang. 

Quand avez-vous su que vous vouliez devenir cavalière professionnelle ? 

Je crois que je l’ai toujours su. J’ai commencé jeune à travailler avec mon père, mais j’ai eu rapidement envie de construire quelque chose par moi-même. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai créé ma propre entreprise. Aujourd’hui, j’ai ma propre écurie et je suis mon propre patron. En 2015, vous avez été sacrée championne des Pays-Bas en Juniors avec Ulena (Baloubet du Rouet x Indoctro) et en Jeunes Cavaliers aux rênes de Con Quidam RB. 

Qu’ont représenté ces titres pour vous ? 

À l’époque, je vivais beaucoup l’instant présent. J’essayais d’en tirer le meilleur parti sans vraiment me projeter sur ce qui m’attendait après. J’ai finalement peu couru en Juniors et Jeunes Cavaliers. J’ai fait quelques championnats européens, où nous avons terminé cinquièmes, puis sixièmes par équipe à deux reprises. Nous avons aussi remporté une médaille d’argent en équipe à Millstreet, où j’étais quatrième en individuel. Puis je suis assez vite passée au niveau 4 et 5*. 

Avec Con Quidam RB, la jeune femme a contribué à la médaille d'argent collective décrochée par son escouade lors des championnats du monde de Herning, en 2022. © Dirk Caremans / Hippo Foto

“Je ne suis certainement pas aussi forte que Ben Maher ou Daniel Deusser, mais j’essaie de progresser à chaque concours” 

Diriez-vous qu’il y eu une victoire qui vous a fait basculer vers le haut niveau ? 

Non, il n’y a pas une victoire en particulier. Je ne suis certainement pas aussi forte que Ben Maher ou Daniel Deusser, mais j’essaie de progresser à chaque concours. Et bien sûr, tout dépend des chevaux. Ma famille a toujours eu de très bons chevaux, ce qui m’a offert de grandes opportunités. Aujourd’hui, ils continuent d’être un soutien très important pour moi. C’est grâce à eux que j'ai pu gravir les échelons dans ma carrière. Vous vous retrouvez parfois en compétition face à des membres de votre famille. 

Y a-t-il une forme de rivalité entre vous ? 

Non, absolument pas. Nous nous entraidons toujours. Bien sûr, chacun a son propre système et ses propres stratégies et sur la piste nous essayons toujours de gagner ; même si l'un des membres de la famille est en tête, sans que nous cherchions à nous battre les uns contre les autres. Si l'un des membres de ma famille gagne et que je termine deuxième, je suis très heureuse ! 

En octobre dernier, à Rabat, l’équipe néerlandaise engagée dans la Coupe des nations de ce CSIO 4* était composée uniquement de membres de votre famille. Comment avez-vous vécu ce moment ? 

C’était vraiment un moment très spécial. Je crois que c’était la première fois qu’une équipe complète était composée de membres d’une même famille. Ma mère était cheffe d’équipe, donc elle tenait le drapeau, ce qui rendait tout cela encore plus fort. C’est quelque chose que nous avions toujours eu envie de faire une fois dans notre vie, mais ce n’est pas facile à réaliser. Il faut que tout le monde soit disponible et ait les bons chevaux au même moment, et qu’ils soient en forme. Cela n’a pas toujours été possible. Mais aujourd’hui, nous avons les chevaux qu’il faut pour évoluer à ce niveau. Alors quand nous avons vu l’opportunité nous présenter à Rabat, nous l’avons saisie. C’était un moment unique à partager en famille. 

Cupcake a particulièrement brillé en 2025. Comment expliquez-vous cette montée en puissance ? 

Cela vient vraiment de sa mentalité qui est exceptionnelle. Elle fait toujours de son mieux. Et depuis qu’elle évolue davantage en cinq étoiles, elle a acquis beaucoup d'expérience. Ce que l’on voit aujourd’hui est le résultat de cette expérience, combinée à son potentiel, sa qualité et sa mentalité. 

Comment décririez-vous sa personnalité ? 

Cupcake est une jument pleine de fougue. Elle veut toujours bien faire, parfois même un peu trop. Mais c’est ce qui fait sa force. En piste, elle se bat jusqu’au bout, ce qui rend parfois les choses intenses pour moi. À l’écurie, en revanche, elle est douce et calme. C'est une jument vraiment très gentille. Dès qu’on se met en piste, elle passe en mode “combat” et on ne peut plus l’arrêter. 

Dès qu'elle entre en piste, Cupcake devient inarrêtable selon sa cavalière. © Mélina Massias

“Cupcake est très spéciale, mais personne ne peut battre Con Quidam dans mon cœur” 

Il est impossible d’évoquer votre carrière sans parler de Con Quidam RB. Quel lien avez-vous construit avec lui ? 

Je le connais depuis douze ans déjà. À mes yeux, il est vraiment un cheval unique. Cupcake est très spéciale aussi, mais personne ne peut battre Con Quidam dans mon cœur. C’est le cheval qui a construit ma carrière. Il m'a menée jusqu’au niveau 5* et m’a offert toutes les opportunités que j’ai aujourd’hui, comme celle d’évoluer avec Cupcake au plus haut niveau. Sa personnalité est aussi incroyable. Pour moi, il est comme un être humain. Parfois, j’ai l’impression qu’il peut parler. 

"Parfois, j'ai l'impression que Con Quidam peut parler", sourit Sanne Thijssen au sujet du cheval de sa vie. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Une victoire avec lui vous a-t-elle marquée plus que les autres ? 

Toutes mes victoires avec ce cheval sont très particulières. Mais je pense que la plus spéciale a été le Grand Prix 5* de Rotterdam, en 2021. C’était ma première victoire à ce niveau, dans mon pays, devant mon public. Pour moi, c’est un moment inoubliable. 

Dans votre piquet actuel, y a-t-il un jeune cheval qui se distingue ? 

Oui. Avant, quand on me posait cette question, je répondais toujours Cupcake. Tout le monde connaît désormais son potentiel, donc je n’ai plus besoin de le dire ! (rires) J'ai plusieurs bons jeunes chevaux. Je pense notamment à une jument de sept ans, Confidance V (Conthargos x Armitage). Elle est très spéciale et encore tendre, elle a besoin de s’aguerrir, mais je pense qu’on entendra parler d’elle à l’avenir. 

Confidance V, une jeune fille de Conthargos, pourrait être la prochaine crack de Sanne Thijssen. © Sportfot



L’année 2025 a été riche pour vous. Quel bilan en tirez-vous ? 

Dans une carrière, il y a toujours des hauts et des bas, mais cette année a vraiment été positive. Con Quidam a obtenu de très bons résultats, comme sa deuxième place dans le Grand Prix de Falsterbo, mon premier podium Rolex. Pour son âge (dix-neuf ans en 2025, ndlr), il est toujours en très bonne forme. Et Cupcake continue de bien progresser et de se démarquer. C’est rassurant pour l’avenir de savoir que je peux compter sur elle, surtout avec Con Quidam qui vieillit et qui devra prendre sa retraite un jour ou l’autre. 

Comment expliquez-vous votre progression constante ces dernières années ? Qu’avez-vous le plus travaillé ? 

Je me concentre avant tout sur le bien-être des chevaux. Je pense qu’un cheval qui n’est pas heureux ne peut pas réussir en compétition. Pour performer, il est vraiment important de chercher ce dont chaque cheval a besoin. J'essaie donc de trouver ce qu'ils aiment et d’identifier quels sont leurs besoins. Certains doivent avoir plus d'entraînement physique, par exemple, aller en balade, dans une forêt et galoper beaucoup. Pour d’autres, il faudra sauter davantage. Il n’y a donc pas de programme général. Et bien sûr, la santé des chevaux est un point très important. Les garder en bonne forme est une priorité. Cela passe par trouver les bonnes personnes pour s’occuper d'eux : le maréchal-ferrant, les palefreniers… 

Si vous deviez choisir un moment fort de 2025, lequel serait-ce ? 

C’est une question très difficile, tant il y a eu de beaux moments cette année. Le premier qui me vient en tête est bien sûr Oslo. La deuxième place à Falsterbo en Grand Prix Rolex avec Con Quidam a aussi été très spéciale. Le fait qu’il réussisse de telles performances à son âge est quand même impressionnant. Cela montre à quel point il est toujours exceptionnel. Entre ces deux moments, j’aurais vraiment du mal à choisir. Ils ont chacun une signification particulière. 

À dix-neuf ans, le fringant Con Quidam RB se hissait encore au deuxième rang du Grand Prix du CSIO 5* de Falsterbo cet été. © Luis Ruas / Rolex Series

“J'espère obtenir quelques points supplémentaires pour la finale de la Coupe du monde au Texas” 

Concernant votre travail quotidien, vous avez à la fois votre propre structure et un lien quotidien avec l’écurie familiale. Comment vous organisez-vous ? 

Mes parents vivent près de Hilvarenbeek. J’ai ma propre écurie à environ une heure, que je loue grâce au soutien de mon sponsor. J'ai toujours des liens avec mes parents, et notamment mon père pour les affaires. D’une certaine manière, nous travaillons donc ensemble, échangeons beaucoup sur les chevaux, mais fonctionnons séparément au quotidien. 

Qu’attendez-vous de la saison indoor, notamment avec Cupcake ? 

Je n’aime pas trop avoir d’attentes, car cela peut toujours donner lieu à des déceptions. Mais au vu de la forme actuelle de Cupcake, j'espère obtenir quelques points supplémentaires pour la finale de la Coupe du monde au Texas. C’est l’objectif. À plus court terme, si je peux maintenir Cupcake dans cette forme, je prévois de participer à Londres. Nous avons aussi eu de bons résultats à Rouen, où nous avons terminé cinquième du Grand Prix 4*. C’était un bon échauffement !

La Néerlandaise tentera de décrocher son ticket pour la finale de la Coupe du monde de Fort Worth avec sa fille de Chacco-Blue. © Mélina Massias

Avez-vous déjà établi un plan pour la fin de l’année puis la saison 2026 ? 

Oui. Dans mon piquet de chevaux, certains sont meilleurs à l’extérieur et d’autres en indoor. Par exemple, Con Quidam est toujours excellent pendant la saison en extérieur. J'essaie donc d'élaborer un programme qui me permette de combiner un peu les deux. Surtout que la saison en extérieur commence toujours assez tôt pour moi. Je vais toujours au Sunshine Tour en Espagne. J’y pars avec Con Quidam, ainsi que d'autres chevaux qui sont également adaptés aux pistes outdoor. Puis, j’essaie de faire la saison indoor avec les autres chevaux. L’enjeu est de trouver le bon équilibre dans la planification. 

À long terme, vers quoi voulez-vous orienter votre carrière ? 

Comme tout cavalier, j’aimerais participer à nouveau aux championnats du monde et un jour aux Jeux olympiques, et viser aussi les finales de la Ligue des nations. Mais planifier autant à l’avance est difficile. Tout dépend des chevaux que l’on monte, de leur forme, de leur santé… voire du fait qu’ils restent ou non sous notre selle. Il est toujours possible qu’ils soient vendus. 

Sanne Thijssen entend bien porter haut les couleurs de sa nation. © Dirk Caremans / Hippo Foto

Photo à la Une : Avec Cupcake, Sanne Thijssen semble avoir trouvé la relève de son cher Con Quidam RB. © Mélina Massias